Stratégie de prise en charge en matière de dénutrition protéino énergétique chez le sujet âgé Juin 2007
Prévalence de la dénutrition chez les personnes âgées A domicile : 4-10 % En institution : 15-38 % A l hôpital : 30-70 % HAS 2007
Prévalence de la dénutrition Stratton RJ, Clin Nutr 2007
Infections Fractures Perte d autonomie Déshydratation Mortalité Dénutrition Escarres Hospitalisation Durée de séjour à l hôpital Institutionnalisation
Objectif du travail Elaborer des recommandations, à la demande de la Direction Générale de la Santé, dans le cadre du PNNS Dépistage et prise en charge de la dénutrition chez les personnes 70 ans Professionnels concernés : tous ceux amenés à prendre en charge une personne âgée dénutrie ou à risque de dénutrition Médecins généralistes, gériatres, médecins coordonnateurs d EHPAD, autres médecins spécialistes, infirmiers, diététiciens
Plan Quelles sont les personnes âgées et/ou les situations à risque de dénutrition? Quels sont les outils de dépistage et de diagnostic de la dénutrition chez la personne âgée? Comment faire le diagnostic de dénutrition sévère? Stratégie de prise en charge nutritionnelle Modalités pratiques de la prise en charge nutritionnelle Situations particulières Alzheimer, escarres, troubles de la déglutition, convalescence, dépression Quels sont les éléments de coordination entre les différents intervenants et les différents lieux d intervention?
Facteurs de risque de dénutrition Pathologies chroniques Cancer Insuffisance d organe sévère cardiaque, respiratoire, hépatique, rénale Maldigestion ou malbsorption Pathologie inflammatoire ou infectieuse chronique...
Facteurs de risque de dénutrition Psycho-socio -environnementales Isolement social Deuil Difficultés financières Maltraitance Hospitalisation Changement des habitudes de vie : entrée en institution Troubles bucco-dentaires Trouble de la mastication Mauvais état dentaire Appareillage mal adapté Sécheresse de la bouche Candidose oro-pharyngée Dysgueusie Troubles de la déglutition Pathologie ORL Pathologie neurologique dégénérative ou vasculaire Toute affection aiguë ou décompensation d une pathologie chronique Douleur Pathologie infectieuse Fracture entraînant une impotence fonctionnelle Intervention chirurgicale Constipation sévère Escarres Régimes restrictifs sans sel amaigrissant diabétique hypocholestérolémiant sans résidu au long cours Dépendance pour les actes de la vie quotidienne Dépendance pour l alimentation Dépendance pour la mobilité Traitements Médicamenteux au long cours Polymédication Médicaments entraînant une sécheresse de la bouche, une dysgueusie, des troubles digestifs, une anorexie, une somnolence, etc. Corticoïdes au long cours Syndromes démentiels et autres troubles neurologiques Maladie Alzheimer Autres démences Syndrome confusionnel Troubles de la vigilance Syndrome Parkinsonien Troubles psychiatriques Syndromes dépressifs Troubles du comportement
Dépistage de la dénutrition Il repose sur : la recherche de situations à risque de dénutrition l estimation de l appétit et/ou des apports alimentaires la mesure du poids l évaluation de la perte de poids par rapport au poids antérieur et le calcul de l indice de masse corporelle Ce dépistage peut être formalisé par Mini Nutritional Assessment (MNA)
NEW! MNA nouvelle forme Kaiser, JNHA 2009
MNA-SF nouvelle forme Ce qui ne change pas des apports alimentaires? Poids? - Stress récent? Mobilité? - Démence ou dépression? Ce qui change Mesure Soit IMC (seuils 19, 21, 23) Soit circonférence du mollet (seuil 31 cm) Classification en 3 catégories 12-14 : normal 8-11 : à risque < 7 : dénutri
Dépistage de la dénutrition Particulièrement recommandé : peser les PA En ville À chaque consultation médicale En institution à l entrée puis au moins 1x/mois A l hôpital: à l entrée puis au moins 1x/semaine en court séjour tous les 15 jours en soins de suite et réadaptation 1x/mois en soins de longue durée Il est recommandé de noter le poids dans le dossier et d établir une courbe de poids
Estimation de la taille à partir de la hauteur talon-genou (60-90 ans) Chumlea JAGS 1985
Diagnostic de la dénutrition Un ou plusieurs des critères suivants : Perte de poids 5 % en 1 mois ou 10% en 6 mois IMC 21 Albuminémie < 35 g/l MNA-global < 17 Dénutrition sévère : un ou plusieurs des critères suivants : Perte de poids 10 % en 1 mois ou 15 % en 6 mois IMC < 18 Albuminémie < 30 g/l
Stratégie de prise en charge nutritionnelle Corriger les facteurs de risque identifiés Aide technique ou humaine pour l alimentation Soins bucco dentaires Réévaluation de la pertinence des médicaments ou régimes Prise en charge des pathologies sous-jacentes Définir un objectif nutritionnel 30 à 40 kcal/kg/jour 1,2 à 1,5 g de protéines/kg/jour
Stratégie de prise en charge nutritionnelle Choisir un mode de prise en charge nutritionnelle Orale Conseils nutritionnels Alimentation enrichie Compléments nutritionnels oraux Entérale Parentérale réservée aux 3 situations suivantes Malabsorptions sévères anatomiques ou fonctionnelles Occlusions intestinales aiguës ou chroniques Échec d une nutrition entérale bien conduite
Stratégie de prise en charge nutritionnelle Statut nutritionnel Apports alimentaires spontanés Normal Dénutrition Dénutrition sévère Normaux surveillance Conseils diététiques Alimentation enrichie Réévaluation à 1 mois > ½ apports habituels < ½ apports habituels Conseils diététiques Alimentation enrichie Réévaluation à 1 mois Conseils diététiques Alimentation enrichie + CNO Réévaluation à 1 sem Si échec CNO Conseils diététiques Alimentation enrichie Réévaluation à 15 j Si échec CNO Alimentation enrichie + CNO Réévaluation à 1 sem Si échec NE Conseils diététiques Alimentation enrichie + CNO Réévaluation à 15 j Conseils diététiques Alimentation enrichie + CNO Réévaluation à 1 sem Si échec NE Conseils diététiques Alimentation enrichie et NE d emblée Réévaluation à 1 sem
Modalités pratiques de la prise en charge nutritionnelle Orale Conseils nutritionnels Rappeler les repères du PNNS fréquence des repas Eviter jeûne > 12 heures Privilégier aliments riches en énergie et protéines Adapter alimentation aux goûts, adapter texture Aide technique et/ou humaine Proposer repas dans environnement agréable Enrichissement de l alimentation Poudre de lait, lait concentré sucré, fromage râpé, crème fraîche poudre de protéines industrielles
Effet des rehausseurs de goût Sujets institutionnalisés, âge 84 ± 6 ans Critères de non inclusion : démence, dépression, pathologie terminale... Etude sur groupes parallèles n = 31 et n = 36 pendant 16 sem Rehausseurs de goût : poudre glutamate goût poulet, bœuf, dinde, beurre /citron Mathey J Gerontol 2002
Enrichissement des plats 39 patients SLD, 82 ± 1 ans Etude : cross-over, 2 x 6 sem Intervention : enrichissement du repas standard de l hôpital avec huile, crème, beurre, lait, amidon + collations HE Résultats : Groupe régime standard 1347 ± 29 kcal/ j Groupe régime enrichi 1825 ± 46 kcal/ j (+35 %; p < 0,0001) Olin JPEN 1996
Modalités pratiques de la prise en charge nutritionnelle Orale Compléments nutritionnels oraux Favoriser les produits hyperénergétiques ( 1,5 kcal/ ml ou g) hyperprotidiques ( 7g/100 ml ou g ou 20 % des AET) Au moins 400 kcal et/ou 30 g protéines supplémentaires En plus et non à la place des repas +++ ou en collation Prescription initiale : 1 mois maximum Réévaluation +++
Milne AC, The Cochrane Library 2009 Revue de la littérature et méta-analyse 62 études d intervention randomisées, N = 10 187 sujets Résultats Poids Global +2,15 % [1,80 2,49] Pathologies gériatriques diverses +2,65 % [2,19 3,10] Pathologies cardio-respiratoires +1,58 % [0,99 2,17] + 1,2 kg chez une personne de 55 kg
Milne AC, The Cochrane Library 2009 Résultats mortalité chez les sujets Dénutris n = 2461 RR = 0,79 [0,64 0,97] Souffrant de pathologies gériatriques diverses n = 2701 RR = 0,78 [0,62 0,98] complications Analyse globale n = 3122 RR = 0,86 [0,75 0,99] Fracture de la hanche n = 298 RR = 0,60 [0,40 0,91]
Modalités pratiques de la prise en charge nutritionnelle Entérale En cas d échec de la PEC orale En première intention Troubles sévères de la déglutition Dénutrition sévère avec apports alimentaires Débutée au cours d une hospitalisation Éventuellement poursuivie à domicile Prescription initiale 14 jours par service hospitalier Première prescription de suivi pour 3 mois par service hospitalier Prescriptions de suivi ultérieures par Médecin Traitant Réévaluation annuelle par service hospitalier
Médicaments adjuvants Alpha-cetoglutarate d ornithine Doit être accompagnée d un apport protéino -énergétique suffisant Utilisation isolée n est pas recommandée Si cette molécule est prescrite, il n est pas utile de la prescrire au-delà de 6 semaines Acetate de megestrol Non recommandé Hormone de croissance Non recommandée
Micronutriments Calcium et vitamine D Autres Non recommandé : supplémenter systématiquement les personnes âgées en micronutriments au-delà des apports nutritionnels conseillés, en dehors de la correction de carences
Carences en micronutriments Indicator Nursing Home Independently living p Vit B12 (pmol/l) 552 ± 1009 294 ± 153 NS Folate (nmol/l) 7.1 ± 3.5 9.5 ± 3.5 < 0.001 Vit B6 (nmol/l) 31 ± 39 54 ± 32 < 0.01 Vit D (nmol/l) 28 ± 16 38 ± 15 < 0.01 Vit E (µmol/l) 28.0 ± 9.5 32.6 ± 9.9 < 0.05 Vit C (µmol/l) 35.0 ± 20.1 67.3 ± 16.6 < 0.001 Selenium (ng/g) 69 ± 14 90 ± 13 < 0.001 Lowik 1992
Micronutriments 725 sujets institutionnalisés âgés de 83,9 ans en moyenne [65-103] dans 25 MdR Pendant 2 ans zinc (20 mg) + sélénium 100 µg Vit C (120 mg) + ß carotène (6 mg=1000 ER) + α-tocophérol (15 mg) Éléments trace + vitamines placebo Girodon Arch Intern Med 1999
Micronutriments 725 sujets institutionnalisés âgés de 83,9 ans en moyenne [65-103] dans 25 MdR Pendant 2 ans zinc (20 mg) + sélénium (100 µg) Vit C (120 mg) + ß carotène (6 mg=1000 ER) + α -tocophérol (15 mg) Éléments trace + vitamines Placebo Mortalité Girodon Arch Intern Med 1999
Prévention de la fracture de hanche chez les personnes âgées Vit D : dose reçue [vit D] atteinte Bischoff-Ferrari, H. A. et al. Arch Intern Med 2009;169:551-561. Copyright restrictions may apply.
Prévention des chutes chez les personnes âgées Bischoff-Ferrari, H A et al. BMJ 2009;339:b3692 Copyright 2009 BMJ Publishing Group Ltd.
Vitamine D et fonction musculaire Sujets âgés institutionnalisés Vitamine D : 150 000 IU une fois/mois pendant 2 mois puis 90 000 IU une fois/mois pendant 4 mois Moreira-Pfrimer, Ann Nutr Metab 2009
Vitamine D et prévention de chutes et des fractures 800 UI/j = 100 000 UI x 3 /an ou [25 OH vit D] plasm > 75 nmol/l ou > 30 ng/l
Limites de la prise en charge nutritionnelle en fin de vie Objectif nutritionnel : plaisir et confort Recommandé : soins de bouche, soulagement des symptômes qui altèrent le plaisir de manger Non recommandé : renutrition par voie entérale et parentérale Expliquer la décision à l entourage et à l équipe soignante
Maladie d Alzheimer Recommandé proposer une PEC nutritionnelle orale à toutes les personnes âgées atteintes de la maladie d Alzheimer qui présentent une perte de poids adapter cette prise en charge nutritionnelle aux éventuels troubles du comportement alimentaire, troubles praxiques, ou troubles de la déglutition En cas de maladie d Alzheimer légère ou modérée, en cas de perte de poids brutale, il est recommandé de proposer une PEC nutritionnelle orale. Si échec, la nutrition entérale peut être proposée Non recommandé : proposer une nutrition entérale en cas de maladie d Alzheimer sévère
Escarres Recommandé : proposer une prise en charge nutritionnelle aux personnes âgées à risque d escarre (grade B) Si risque d escarre ou escarre constituées, envisager Alimentation orale Conseils nutritionnels Enrichissement de l alimentation CNO Si insuffisant : nutrition entérale Non recommandé : supplémenter en micronutriments au-delà des ANC en dehors de la correction de carences établies
Compléments nutritionnels spécifiques 16 malades hospitalisés (37 à 92 ans) escarres stade II, III ou IV Critère d évaluation des escarres : PUSH score surface et profondeur de la plaie quantité d exsudat type de tissu Diet A : régime standard Diet B : + CNO Diet C : + CNO enrichi en arginine (9 g), vitamin C (500 mg) et zinc (30 mg) Desneves 2005
Compléments nutritionnels spécifiques 28 malades âgés hospitalisés en SLD 82 ± 9 ans escarres stade II, III ou IV depuis < 1 mois Régime standard (n = 15) Ou Régime standard + 2 CNO enrichis/j 500 kcal 34 g protéines 6 g arginine 500 mg vitamin C 18 mg zinc Critère d évaluation des escarres : PUSH score surface et profondeur de la plaie quantité d exsudat type de tissu Apports énergétiques 30 kcal/kg/jour Non différents dans les deux groupes Apports protéiques (g/kg/j) Groupe CNO (1,5 ) > régime standard (1,2) dans le groupe CNO : PUSH score à 12 semaines Réduction de la surface de la plaie Significativement à 8 et 12 semaines Cereda JAGS 2009
Troubles de la déglutition Recommandé : prise en charge multidisciplinaire avec PEC de la pathologie causale, conseils diététiques et rééducation maintenir une alimentation orale, même minime, si risque d inhalation faible ne pas proposer systématiquement une alimentation mixée (pas de régime type) nutrition entérale si modifications de texture insuffisantes pour éviter les complications respiratoires ou couvrir les besoins nutritionnels Par gastrostome si les troubles de la déglutition persistent au-delà de 2 semaines
Convalescence Recommandé : évaluer la perte pondérale après un épisode médical ou chirurgical aigu débuter une PEC nutritionnelle en cas de perte de poids en cas de fracture du col du fémur, prescrire de façon transitoire, des compléments nutritionnels oraux (grade B)
Dépression Recommandé Mesurer régulièrement le poids lors des consultations chez les malades atteints de dépression Mener un interrogatoire simple pour rechercher une ingesta En cas de dénutrition ou de ingesta, débuter la prise en charge nutritionnelle
Eléments de coordination Les médecins sont responsables du dépistage et de la prise en charge de la dénutrition. Ceci doit être fait en collaboration avec les soignants et l entourage A domicile Aides Aides-ménagères, auxilliaires de vie, portage des repas Structures Réseaux de soin, réseaux gérontologiques Centres communaux d action sociale Centres locaux d information et de liaison Service sociaux Aides financières : APA, aide sociale, caisses de retraites Il est recommandé que les soignants bénéficient d une formation simple sur la dénutrition En cas de NEAD, les prestataires ont une mission de formation et de surveillance
Eléments de coordination En institution Recommandé : la direction de l établissement et les soignants, encadrés par le médecin coordinateur, portent une attention toute particulière au dépistage de la dénutrition Evaluation gérontologique à l entrée Mesure mensuelle du poids La PEC nutritionnelle est multidisciplinaire, supervisée par le médecin coordonateur A l hôpital Les CLAN Recommandée : création d UTN
Conclusions Ces recommandations représentent une aide au dépistage et à la prise en charge de la dénutrition chez les personnes âgées Elles sont basées majoritairement sur un consensus d experts Elaboration de critère qualité pour l évaluation des pratiques professionnelles En ligne depuis janvier 2008