Rôle de la faune sauvage dans le système multi-hôtes de Mycobacterium bovis et risque de transmission entre faune sauvage et bovins. Etude expérimentale en Côte d Or La conservation du statut indemne de tuberculose bovine, obtenu en 2001, représente un enjeu économique majeur dans la filière bovine française. Or, depuis 2004, on assiste à une recrudescence de la maladie chez les bovins dans certaines zones et des espèces sauvages infectées ont été détectées. La tuberculose dans la faune sauvage Premiers cas détectés en France en 2001 sur des cerfs puis des sangliers en forêt de Brotonne (Normandie) Partout dans le monde, la faune sauvage s est contaminée initialement auprès des bovins Une fois infectées, certaines populations sauvages - sont capables de devenir des réservoirs de tuberculose, c est-à-dire d entretenir toutes seules l infection; - dans d autres cas, elles sont des «hôtes de liaison», incapables d entretenir la tuberculose toutes seules mais tout de même aptes à la transmettre à d autres populations dont les bovins; - dans d autres cas encore, elles sont des «culs de sac» car incapables de retransmettre l infection; elles ne sont alors pas dangereuses pour les autres populations. Qu en est-il en Côte d Or? Des cerfs, des sangliers, des blaireaux et des renards ont été trouvés infectés depuis plusieurs années. Sont-ils des réservoirs de tuberculose et peuvent-ils retransmettre la maladie aux bovins? Après trois années de travaux dont la moitié passée à récolter des données expérimentales dans la zone infectée de tuberculose de la Côte d Or, les premières conclusions et recommandations sont disponibles. Ce programme de recherche a été initié et mis en œuvre par l unité sanitaire de la faune, appartenant à la Direction des Etudes et de la Recherche de l Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage, dans le cadre d une thèse universitaire de 3ème cycle, conduite par Ariane Payne accueillie par l ONCFS. La thèse a été encadrée scientifiquement par des professeurs d université et d écoles vétérinaires de Lyon et Maisons-Alfort, spécialistes en épidémiologie de la tuberculose et des maladies de la faune sauvage. Elle a été financée par différents bailleurs, concernés par cette problématique : le Ministère de l agriculture, de l agroalimentaire et de la pêche, le Conseil régional de Bourgogne, le Conseil général de la Côte-d Or, la Fédération départementale des chasseurs de la Côte-d Or, le groupement de défense sanitaire de la Côte-d Or, la Fédération nationale des chasseurs et l ONCFS.
Comment déterminer le rôle épidémiologique de la faune sauvage vis-à-vis de la tuberculose? Différents paramètres ont été estimés pour les cerfs, sangliers et blaireaux de la zone infectée de Côte d Or favorise les contacts entre animaux d une même espèce ou d espèces différentes et donc la Densité transmission Indicateur de la présence et de l importance de la tuberculose au sein d une population Niveau d infection Enquêtes dans la faune sauvage mises en œuvre par la DDPP21 Tableaux de chasse sangliers et Capacité d excrétion Contacts cerfs; comptage des cerfs (Source: FDC 21) Recensement et vidéosurveillance des terriers de blaireaux (cf. détails) C est la capacité d un organisme infecté à diffuser la bactérie à l extérieur par différentes voies (aérosols, salive, urine, crottes ). C est donc un déterminant majeur de la capacité à transmettre l infection. Bilan de données publiées par des chercheurs Analyses de laboratoire La transmission peut se faire lors de contacts directs (les animaux se touchent ou se sentent) ou indirects (l animal infecté contamine un objet ou un environnement -le sol de la pâture par exemple- et un autre animal sain s infecte en respirant ou en ingérant ce qui a été contaminé). M. bovis peut persister jusqu à plusieurs mois dans le milieu extérieur selon les conditions climatiques. Plus les contacts sont intenses (c est-à-dire fréquents et/ou longs/ et/ou impliquant de nombreux individus), plus le risque de transmettre la tuberculose est élevé. Suivi GPS de 11 sangliers et de 10 blaireaux (cf. détails) Suivi de points attractifs dans les pâtures et les bâtiments Les caractéristiques étant différentes entre la partie nord et la partie sud de la zone infectée, la détermination du rôle épidémiologique de la faune sauvage a été étudiée de façon distincte entre ces deux secteurs Nombre de foyers bovins cumulés entre 2002 et 2013 Spoligotypes GB35 BCG GB35+BCG Autre spoligotype ou non déterminé d élevage par vidéosurveillance (cf. détails)
DETAILS DE CERTAINES METHODES Estimation des densités de blaireaux 1) 3 zones de 100 km 2 2) Dans chaque zone: 50 parcours pédestres (800m x 100m) 3) Sur chaque parcours pédestre: recensement des terriers occupés 4) Sur chaque terrier occupé: vidéosurveillance pour déterminer la composition du groupe Suivi GPS de sangliers et de blaireaux 1) Capture des sangliers et des blaireaux dans des cages-pièges 2) Pose de colliers GPS sur 11 sangliers et 10 blaireaux adultes des 2 sexes 3) Estimation de l utilisation des pâtures par les animaux suivis en déterminant: Le nombre de La surface de pâture dans le terri- localisations par 24h sur les pâtures par animal (domaine vital) par toire occupé Le collier prend mois par animal un point GPS toutes les 20 ou 30 minutes pendant la nuit Suivi de points attractifs en élevage par vidéosurveillance pendant 1 an 25 élevages 101 installations PATURE Auge et nourrisseur Pierre à sel Abreuvoir Point d eau surveillées par des appareils se déclenchant au mouvement BATI- MENT Réserve d aliment Stabulation
RESULTATS OBTENUS Estimation des densités de blaireaux Résultats par zone en nombre d adultes par km 2 (fourchette basse-fourchette haute) Zone B : 3,6-5,3 Zone C: 3,7-4,6 Composition moyenne des groupes (toutes zones) Zone A : 3,2-9,1 2 adultes + 2 jeunes La densité a tendance à être plus élevée : en zone non piégée (zone A) par rapport à la zone piégée (zone B: 2 années de piégeage) au paysage similaire en paysage bocager (partie nord de la zone infectée, zone A) par rapport au paysage boisé (partie sud de la zone infectée, zone C) Contacts avec les bovins: résultats des suivis GPS et de la vidéosurveillance en élevage En pâture Abreuvoir Point d eau Nuits à lombrics++ Été ++ hiver Auge Printemps ++ hiver + été Automne ++ Printemps, été Pierre à sel 500m En bâtiment Intensité de l utilisation des pâtures mesurée par le suivi GPS Intensité de l utilisation des infrastructures d élevage mesurée par vidéosurveillance Les saisons ou les conditions météo les plus favorables à l utilisation sont indiquées Fréquentent d autant plus les pâtures que le paysage est bocager Viennent davantage sur les pâtures en été et lors de temps doux et humides, favorables à la remontée des lombrics à la surface du sol (nuits à lombrics) Visitent surtout en été, les points d eau et les abreuvoirs puis les pierres à sel et les auges Fréquentent d autant plus les pâtures que leur terrier en est proche Les blaireaux vivant en lisière viennent sur les pâture davantage au printemps alors que les blaireaux forestiers viennent davantage en automne Viennent surtout visiter les auges en hiver. Ils ont aussi été vus en bâtiment au niveau des réserves d aliments L utilisation des pâtures n a pas été étudiée chez cette espèce (pas de colliers GPS posés) Visitent surtout les pierres à sel au printemps et en été ainsi que les abreuvoirs
SYNTHESE DES RESULTATS N.B. Ces résultats et conclusions sont issus de données récoltées en zone infectée de Côte d Or, ils ne sont pas extrapolables, dans leur totalité, en dehors de cette zone Faible capacité à «capter» M. bovis mais forte capacité à l excréter. En zone nord: très faibles niveaux d infection et de densité => rôle probablement mineur. En zone sud: faible niveau d infection et densité beaucoup plus élevée associée à une forte capacité à excréter => rôle amplificateur de l infection pour les autres espèces réceptives, dont les bovins. Peut propager l infection sur plusieurs dizaines de km Les abreuvoirs et les pierres à sel constituent les infrastructures d élevage les plus à risque pour la transmission de M. bovis entre cerfs et bovins. Bonne capacité à capter M. bovis et à l excréter Niveaux d infection et de densité moyens plus élevés en zone nord qu en zone sud (mais inférieurs à ceux d Angleterre). Les blaireaux vivant dans les bois à plus de 500m des pâtures présentent un risque faible de contaminer les bovins car ils vont peu sur les pâtures. En revanche, les blaireaux vivant en lisière de pâture sont à risque de transmission pour les bovins. Le blaireau vivent en groupes sociaux dont les membres ont des contacts étroits (partage d un même terrier, toilette mutuelle, jeux), ils pourraient donc jouer localement un rôle de réservoir dans les secteurs où les niveaux de densité et de prévalence sont les plus élevés (en zone nord, mais à confirmer par d autres études!). Les auges, les points d eau et les réserves d aliments en bâtiment sont les infrastructures d élevage les plus à risque pour la transmission de M. bovis entre blaireaux et bovins. Forte capacité à «capter» M. bovis mais capacité d excrétion modérée. En zone nord: densité moyenne et niveau d infection faible mais interface avec les bovins potentiellement élevée => rôle d hôte de liaison de faible importance. En zone sud: densité élevée et niveau d infection moyen, l interface avec les bovins peut être élevée dans les zones plus bocagères =>rôle réel d hôte de liaison. Peut propager l infection sur plusieurs dizaines de km Abreuvoirs et points d eau sont les installations d élevage qui sont les plus propices au risque de transmission avec les bovins Les 3 espèces semblent donc aptes à transmettre M. bovis aux bovins localement. Mais elles sont également en interaction les unes avec les autres et sont certainement capables de se transmettre la tuberculose entre elles. La maladie circule donc à l intérieur de cette «communauté d hôtes», ce qui pourrait, favoriser son entretien et sa propagation. De nouvelles investigations sont cependant nécessaires pour mieux évaluer ce point. Et le renard? Considéré comme un cul-de-sac d après de précédentes études. Niveau d infection de 5% dans la zone infectée. Espèce la plus fréquente sur les infrastructures d élevage, y compris dans les bâtiments d après le suivi par vidéosurveillance. Des études, évaluant la capacité d excrétion du renard, sont en cours pour vérifier qu il s agit bien d un cul-de-sac. Pour aller plus loin et connaître les détails de l étude, la thèse d Ariane Payne est disponible sous format électronique auprès du GDS.
RECOMMANDATIONS EN ZONE INFECTEE Gestion des parcelles : privilégier la fauche ou les cultures sur les parcelles les plus à risque (adjacentes aux lisières forestières, montrant des indices de fréquentation par la faune, avec des points d eau naturels) 80 cm Points d alimentation et d abreuvement: Éloignés des lisières En parc délimité par des barrières ou des clôtures électriques ou dans un abri en tôle Points d abreuvement En abreuvoir (min 80cm de haut ou système de pompe) Clôturer les points d eau naturels (mares, sources) Pierre à sel A l intérieur d un récipient, en hauteur Auge Pas d aliment au sol Rebords suffisamment hauts pour limiter les rebus tombant au sol Distribution des aliments le matin Limiter l accès des bovins aux lisières Clôtures à distance de la lisière (> 2m) Clôtures renforcées (double clôture ou clôture électrique) Gestion des bâtiments : protection des stocks d aliments, céréales, paille et fumier. Exemples de dispositifs Portes ou panneaux amovibles allant jusqu au sol Clôtures électriques Caisson métallique pour stocker l aliment Action sur la faune sauvage autour des élevages foyers Dans un rayon de 500m autour des parcelles Recensement des terriers Piégeage Analyse d au moins 2 blaireaux/terriers Sur l ensemble de l exploitation Indices de présence de sangliers et de grands cervidés (observations, dégâts aux prairies et aux cultures) Maintien du tableau de chasse Analyse d un échantillon d animaux tués à la chasse Collaboration GDS DDPP CIREV Louvetiers Sociétés de chasse