A découvrir dans le futur MuséoSeine Quelques points de repères pour comprendre la Seine normande : UN FLEUVE MULTIPLE ET CHANGEANT Un jeune fleuve, une longue histoire: Si la Seine est née il y a trois millions d années, alors que l homme n existait pas encore, à l échelle de l histoire de la terre, elle n en demeure pas moins un fleuve récent qui a déjà beaucoup divagué au cours de son histoire, modifié et façonné le territoire laissant à notre regard, méandres, îles et falaises que nous pouvons encore contempler aujourd hui. Un fleuve maritime : Avec un estuaire allant du Havre jusqu à Poses, la Seine est un fleuve à marées où le courant s inverse deux fois par jour. Il subit à la fois l influence des eaux salées de la mer et celle des eaux douces du fleuve. Avant les travaux d endiguement, ce balancement journalier pouvait provoquer des effets complexes et parfois spectaculaires. 1
Un fleuve sans cesse remodelé : Le façonnement du paysage de la Seine normande allant d Honfleur à Poses est donc la résultante de cette interaction entre des bouleversements naturels et l intervention humaine. UN FLEUVE A LA CROISEE DES MONDES Malgré son caractère sauvage, la Seine, ouverte vers la mer, demeure un fleuve navigable et ce depuis l origine des hommes. Dès la préhistoire des échanges s effectuent de part et d autre de la Manche, et se pérennisent à l époque Gallo-romaine puis au Moyen-âge faisant de la Basse-Seine une véritable plaque tournante commerciale et un lieu de circulation, de diversité et d échanges. Cet axe majeur de la mer du Nord à la mer Méditerranée, voire jusqu au continent sud- américain, a vu passer nombre de navires : du bateau gallo-romain au drakkar viking, à la nef normande au bateau à vapeur jusqu au porte conteneur d aujourd hui. Sans oublier la Gribane, bateau fluvial plus adapté aux usages et nécessités du territoire de Basse-Seine. Du Moyen-âge au Siècle des lumières, sur la route du Havre à Rouen, se sont construits des petits ports d estuaire ou «avant-ports». A la fois viviers économiques accueillant les bateaux et leurs déchargements, ils servent aussi d escales et de mouillage lorsque la navigation s avère impossible. 2
Le saviez-vous? Des fouilles récentes, effectuées durant les 10 dernières années, ont permis de montrer l importance du port gallo-romain d Aizier : Il s agit du seul site portuaire gallo-romain attesté dans l estuaire de la Seine. Vraisemblablement sous l égide d une cité plus importante (Juliobona), il reliait le pays de Caux à la Seine UN FLEUVE UNIQUE ET COMPLEXE Figure 1 Ex-voto- Tableau de Jean Gallais, 1793- MuséoSeine. Car si la Seine est devenue une voie incontournable des échanges commerciaux avec un sens de circulation inverse aux autres fleuves allant de la mer vers Paris - jusqu à l ère industrielle, elle demeure un fleuve difficile à la navigation. Les hommes doivent s adapter au climat, aux brumes récurrentes pouvant perdre les marins, à l absence de vent obligeant les navires à rester à quai des jours entiers, aux crues. Ils composent avec les courants violents et les roches, les bancs de sables ou les fonds mobiles. Sans oublier le mascaret, vague rapide et violente remontant le fleuve qui peut faire chavirer les navires. Outre les ports, s instaurent des systèmes d aide à la navigation. En premier lieu le pilotage, où des marins natifs de la Basse-Seine, formés et connaisseurs du fleuve guident les navires au travers des méandres. S exerce aussi le halage pour tirer les bateaux dans les chenaux trop enlisés ou lorsque le vent est tombé. C est à partir de 1850, qu une une campagne d aménagement et d endiguement du fleuve se met en place pendant plus d un siècle, laissant aujourd hui un fleuve plus profond et plus facile à la navigation et totalement redessiné par la main de l homme. Le Mascaret : Durant des siècles, le mascaret, appelé aussi La Barre ou le galop de Neptune, a rythmé la vie de la Basse-Seine, imposant sa loi à la population riveraine et à la navigation. Son passage était toujours un évènement et attirait une foule de curieux, notamment à Caudebec-en- Caux. Il a quasiment disparu depuis 1963 à la suite des travaux d endiguement effectués dans l estuaire pour stabiliser le chenal. Aujourd hui, une petite vague d une de 20 cm est encore visible lors des grandes marées. Figure 2 Le Mascaret à Caudebec-en-Caux- Photo P Mase 1955. Source : Paris Normandie. MuséoSeine. 3
UN FLEUVE DYNAMIQUE ET GENEREUX Figure 3 Pêcheur en Seine- Lancer de l'épervier par M Hoydrie. PHO NB (initialement couleur) de C. Marquet. Collection du musée Depuis longtemps le fleuve est une manne de ressources naturelles avec des matières premières comme le sel, le bois ou la pierre. La pêche en Basse-Seine permet de faire vivre les familles avec différentes pratiques comme la pêche à l épervier ou au tramail Les marais et coteaux sont propices à l élevage de bovins et ovins. A la fin du XIXème siècle, des industries commencent à s implanter bénéficiant de la proximité du fleuve tel le Chantier Naval du trait, la standard Oil de la Mailleraye ou Centrale électrique de Yainville Figure 5 Sortie des ouvriers des chantiers navals- Vers 1930 - PHO NB F Kollar. Ministère de la Culture- Collection du Musée- Figure 4 Gribane chargée à quai.. Vers 1900- PHO - Collection du musée Malgré la largeur du fleuve et ses méandres qui ont créées naturellement des communautés d appartenance et culturelles différentes, la Seine demeure un trait d union naturel favorisant des échanges entre les deux-rives se sont s instaurent. Figure 6 Vieux-Port - Embarquement d'un troupeau de moutons sur un bachot à un tablier-vers 1900- Collection PNRBNS Dès le Moyen-âge, les traversées du fleuve se multiplient et constituent des sources de revenus pour les seigneurs locaux et les abbayes. Des passages d eau jalonnent le rivage environ tous les 4 kms. Les embarcations adaptées au contexte fluvio-maritime évoluent rapidement au XXème siècle : Après les barques plates ou à quilles propulsées à la perche, à la rame, ou même à la voile dans l estuaire apparaissent les bacs à vapeur puis à moteur. 4
Si quelques ponts existent surtout à Rouen et en amont, c est à partir de 1950 que trois ponts vont voir le jour en Basse-Seine encourageant une circulation plus dense entre les deux rives 4 UN FLEUVE ATTIRANT Figure 7 Carte de l'itinéraire des bateaux à vapeur de Rouen au Havre par la Compagnie Rouennaise de Navigation- 1925 Figure 8 La Bouille- Embarcadère sur la Trajet Rouen-La Bouille Coll. MuseoSeine Figure 9 piscine en Seine- Vers 1920 Coll. MuséoSeine Avec l évolution des mœurs et les travaux effectués, la Seine perd peu à peu son aspect inquiétant et devient un lieu de plaisir et de tourisme. Lieu de villégiature et invitation au voyage, des bateaux vapeurs et omnibus sillonnant les méandres jusqu à l estuaire afin de laisser voir à ces premiers touristes la beauté du fleuve et de ses rivages. C est le début d une nouvelle littérature avec les guides touristiques et d un nouveau mode de communication avec l essor des cartes postales. Ces pratiques de transport perdurent jusqu à ce que le chemin de fer détrône la voie fluviale Source de jeu nautique, on a oublié aujourd hui ses plans d eau, ses berges et ses plages où les riverains d alors se baignent volontiers et pratiquent les activités nautiques tels les régates et les courses et autres tournois aquatiques (qui étaient, au départ, l occasion d utiliser les bateaux de travail à des fins de loisirs et de compétition.)où apparaissent canoës, avirons canots automobiles. Source d inspiration elle suscite aussi nombre d élans artistiques et culturels, du mouvement pictural de plein air à l Impressionnisme avec les paysagistes comme Turner, Courbet ou encore Corot et Boudin, jusqu à Pissaro, Manet et Caillebotte et plus proche encore de nous Dufy, Braque ou Dubuffet. Dans un élan conjoint, la plume et les regards acérés des Flaubert, Maupassant et Hugo en matière littéraire touchent un large public. Le 20 e siècle verra le prolongement et le dépassement de ces mouvements. Figure 10 La Mailleraye-sur-Seine Régates Coll. MuséoSeine Figure 11 Le Havre- Vers 1900 Collection du musée 5
Un acteur particulier et privilégié : Le Félix-Faure : Construit en 1898, il est affrété par la Compagnie Rouennaise de Navigation. Bateau vapeur il met 6 heures pour descendre le fleuve et 5 h pour le remonter en desservant 19 sites. Promoteur d un tourisme populaire, «Deux à trois fois par an, des excursions ( ) de quatre à cinq cent personnes étaient organisées par la SNCF au départ de Saint-Lazare 1». Il connut malheureusement des infortunes considérables et son utilisation pris fin en 1938. Vendu à la société anonyme des «Vapeurs Brestois» et prenant le nom de Morgat, il fut sabordé en 1944 par l armée allemande dans le Finistère Figure 12 Rouen - le Félix Faure. Vers 1900 Coll. Muséoseine Figure 13 Affiche couleur promotionnelle pour le voyage de Rouen au Havre par la Seine en train et bateau- dessin du Felix Faure Coll. muséoseine ET DEMAIN? Bien vivante, complexe et multiple, la Seine continue de fluctuer au rythme de ses courants, Avec ses parures et ses cicatrices, elle s inscrit dans notre paysage tant physique que mental ou imaginaire. Présence forte admirée ou aussi banalisée et maltraitée, il s agit de continuer à préserver ses richesses industrielles, agricoles ou touristiques et d inventer avec elle son devenir et ses usages. Car n oublions pas que si elle appartient à tous elle nous perdurera et qu il lui reste des monceaux d années à traverser. 1 Michel Gueret, intendant à bord du Félix Faure dans les années 1930 6