TOMIC Marina Année 2004-2005 VERITE Morgane TS1 Le Tr optimal : Facteur d une bonne acoustique. Etude de cas : la grande salle de l opéra Bastille.
Introduction Chaque oeuvre musicale requiert une acoustique particulière, afin de retranscrire le plus fidèlement possible l atmosphère que le compositeur a voulu créer. De nombreuses études en acoustique ont donc été menées pour atteindre cet objectif. Une bonne acoustique dépend de la façon dont se propagent les ondes sonores. Certains éléments jouent alors un rôle prépondérant, tels que l architecture de la salle et des matériaux plus ou moins absorbants. Ce sont ces différents critères qui définissent le temps de réverbération de la salle. Pour obtenir une bonne acoustique, il faut que ce temps de réverbération soit optimal. Comment l obtenir? Dans un premier temps, nous étudierons les caractéristiques des ondes sonores ainsi que les phénomènes d absorption et de réverbération dans le but de définir le Tr optimal. Puis nous considérons plus particulièrement cette recherche d un équilibre entre absorption et réflexion dans l étude d un cas particulier, la grande salle de l Opéra Bastille. I. Le Tr : équilibre entre absorption et réflexion 1) généralités sur les ondes sonores Une onde sonore est caractérisée par un mouvement d ensemble des particules constituant le milieu de propagation. Ces particules vibrent et entrent en collision les unes avec les autres tout en gardant leur position moyenne constante. Cette perturbation se transmet aux particules voisines et se propage ainsi de proche en proche. Dans le domaine musical, le son peut être produit par différents instruments (voix, violon, contrebasse, cymbale ) qui émettent des ondes sonores de différentes fréquences. La fréquence est le nombre de vibrations sonores par unité de temps. Plus ce nombre est élevé, c est-à-dire plus la fréquence est grande, plus le son est aigu. Le domaine audible pour l oreille humaine est compris entre 20 et 20 000 Hz, mais dans les études d acoustique des salles, le domaine est limité aux fréquences comprises entre 63 et 8 000 Hz. Une onde sonore se propage dans toutes les directions. Il apparaît dès lors que la propagation de l onde va fortement déprendre des propriétés mécaniques des matériaux rencontrés. 2) absorption d un matériau et réflexion Lorsqu une onde sonore rencontre un obstacle, une partie est réfléchie, une autre absorbée et une autre transmise.
Lorsqu une onde sonore est réfléchie, elle est renvoyée avec un angle de réflexion égal à celui d incidence. La quantité d énergie réfléchie dépend de la quantité qui a été absorbée par le matériau rencontré. Le coefficient d absorption α, défini comme le rapport de l énergie absorbée sur l énergie incidente, dépend de la composition du matériau et de la fréquence de l onde. En effet les matériaux n absorbent pas de la même façon des fréquences graves (63 / 250 Hz) les fréquences moyennes (500 / 1000 Hz) et les fréquences aiguës (2000 / 8000 Hz). Pour les fréquences graves et moyennes, on utilise des matériaux dits «résonnants» comme les membranes (panneaux minces : plaques de plâtre, contre-plaqué, ), ou les résonateurs d Helmholtz (cavité ouverte par un col comme une bouteille de verre). Pour les fréquences moyennes et aiguës, on utilise des matériaux dits «poreux», comme les mousse ou les laines de verre recouvert de tissus ou de plaques perforées (plâtres, bois). Dans tous les cas, l absorption acoustique se fait principalement par transformation de l énergie acoustique en chaleur. 3) Le Tr : temps de réverbération La réverbération d une salle est caractérisée par la durée de réverbération (Tr : temps nécessaire pour que le son décroisse de 60dB après extinction). Cette durée dépend de la quantité des matériaux absorbants présents dans la salle. La formule de Wallace Sabine relie la durée de réverbération à l absorption des matériaux : Tr = (0,16 *volume de la salle) / (surface du matériau*coefficient d absorption) On définira la durée de réverbération d une salle en fonction de son utilisation. Lorsqu on recherche la précision du son, il faut peu de réverbération, et donc un Tr faible, qui s obtient grâce à des matériaux absorbants. Alors que pour une bonne homogénéité de la salle, il faut plus de résonance, et donc un Tr fort, qui s obtient grâce à des matériaux réfléchissants. Le Tr optimal est un compromis entre les deux, il est spécifique à chaque salle.
II. Etude d un cas particulier : la grande salle de l Opéra Bastille Afin d appuyer notre raisonnement théorique, nous avons décidé de prendre un exemple concret, la grande salle de l Opéra Bastille, œuvre de l architecte Carl Ott. Nous avons retenu cette salle car étant moderne, elle a bénéficié d études approfondies dans le but d obtenir une acoustique la meilleure possible. Elle se caractérise par une architecture particulière, aucune surface parallèle, et l utilisation de matériaux spécifiques, alternance de matériaux absorbants et réfléchissants. La difficulté majeure de cette salle est son volume (plus de 20 000 m 3 ). En effet, plus la salle est grande plus les ondes sonores se réfléchissent, et donc se rapprocher du Tr optimal devient encore plus complexe. 1) Des surfaces réfléchissantes Pour une bonne homogénéité du son, il faut éviter les ondes stationnaires. Sinon, le milieu est saturé par une série de réflexion d ondes sonores entre deux points de deux surfaces parallèles. L architecte n a donc pas utilisé de surfaces rectilignes réfléchissantes. a. Des surfaces réfléchissantes de forme concave - Les murs latéraux côté spectateurs (cf. chiffre 1 sur la maquette) Ces surfaces en aluminium sont alternées avec les surfaces rectilignes absorbantes de bois. Elles sont dirigées vers les spectateurs pour que les ondes sonores provenant de la scène soient directement renvoyées vers le public.
- Le fond de la salle Il est de forme arrondie afin d éviter les ondes stationnaires qui pourraient se produire entre cette surface et les rideaux de fer situés derrière la scène. On peut également remarquer que les balcons sont chacun formés de cinq parties, assemblées en décalé, en accord avec la forme du fond de la salle. - Le dessous des balcons Le dessous des balcons est de forme concave pour permettre le renvoi des ondes sonores incidentes dans le plus de directions possibles. Ainsi les ondes ne se perdent pas pour le spectateur. - Le plafond de verre Si le plafond est peu ou pas réfléchissant, les ondes sonores émises dans cette direction ne sont pas renvoyées de manière assez importante (puisqu une partie est absorbée), ce qui constitue une perte pour le spectateur, comme on peut le voir avec le schéma suivant :
Le plafond, composé de panneaux concaves en verre, matériau très réfléchissant, joue alors un rôle important dans la réverbération d une si grande salle. Au-dessus de la scène, il est plus arrondi et permet le renvoi direct des ondes venant de la scène et de la fosse vers la salle. En effet, comme le montre notre expérience (cf. annexes), le niveau sonore des places situées dans les derniers rangs du second balcon, c est à dire près du plafond et loin de la scène (environ à 60 mètres), est plus élevé que dans les premiers rangs de la corbeille. S il n y avait pas ce plafond, les spectateurs des derniers rangs ne bénéficieraient donc pas d une bonne acoustique. (cf. chiffre 2 sur la maquette) vue du plafond b. Des surfaces réfléchissantes en escaliers - le proscenium (cf. chiffre 3 sur la maquette) Structure en aluminium, matériau réfléchissant, encadrant la scène, il permet le renvoi immédiat des ondes sonores provenant de la scène et de la fosse vers la salle.
Ainsi l emploi de l ensemble de ces matériaux réfléchissants permet d obtenir un Tr fort, facteur d une bonne homogénéité du son. Comme nous avons pu le voir grâce à l expérience (cf. annexes), cet objectif a relativement été atteint. Cependant l homogénéité ne constitue pas le seul facteur d une bonne acoustique, il faut également une grande précision du son, obtenue à l aide de surfaces absorbantes. 2) Des surfaces absorbantes La grande salle de l Opéra Bastille ayant un volume très important, des matériaux absorbants sont alors indispensables pour que la durée de réverbération ne soit pas trop élevée. On distingue différents types de surfaces absorbantes, spécifiques à chaque fréquence. - les murs latéraux en bois de chaque côté de la scène (cf. chiffre 1 sur la maquette) Munies de perforations carrées, ces surfaces absorbent surtout les fréquences basses, comme le montre le graphique : fréquence (Hz) 100 0,2 200 0,95 300 1,08 400 1,02 500 0,85 600 0,8 800 0,75 1000 0,7 2000 0,5 3000 0,35 4000 0,27 5000 0,25 coefficient d'absorption α Coefficient d'absorption alpha alpha = f (fréquence) 1,2 1 0,8 0,6 0,4 0,2 0 0 1000 2000 3000 4000 5000 6000 fréquence (Hz)
Le coefficient d absorption est maximum (α = 1.08) pour les fréquences entre 300 et 400 Herz. - les fauteuils Les fauteuils sont constitués principalement de tissu (velours) et de rembourrages, mais également, d un panneau de bois avec des perforations carrées, sous la partie amovible. Ces matériaux constituent un ensemble très absorbant, l objectif étant de reconstituer la capacité d absorption d une personne, afin d avoir la même acoustique la salle vide ou pleine. En effet, les spectateurs ont une capacité d absorption des fréquences aigues très influente sur l acoustique de la salle. Capacité d absorption moyenne d une personne : coefficient fréquence (Hz) d'absorption α 100 0,2 1000 0,55 5000 0,8 alpha = f(fréquence) coefficient d'absorption 0,9 alpha 0,8 0,7 0,6 0,5 0,4 0,3 0,2 0,1 0 0 1000 2000 3000 4000 5000 6000 f réquence ( Hz) Le compromis entre ces différents matériaux permet l absorption d une gamme de fréquence assez large. Certaines ondes sonores sont absorbées, et un équilibre est créé entre absorption et réflexion des ondes. On approche ainsi le Tr optimal.
Conclusion Le temps de réverbération d une salle dépend donc des capacités d absorption et de réflexion des matériaux qui la composent, ainsi que de son architecture. Dans le but d obtenir une acoustique la meilleure possible, il faut un compromis entre une bonne homogénéité dans la salle et une grande précision du son. Pour ce faire, il faut une alternance de surfaces absorbantes et de surfaces réfléchissantes, et éviter les surfaces parallèles. Cependant, on ne peut jamais atteindre précisément ce Tr optimal, seulement s en approcher. En effet on peut remarquer qu à travers les siècles de nombreuses techniques différentes ont été exploitées dans le but d obtenir cette perfection de l acoustique, mais jamais l objectif n a été réellement atteint, des failles ont toujours subsisté en raison de la spécificité de chaque œuvre musicale qui requiert une acoustique qui lui est propre.
ANNEXES
EXPERIENCE SUR L HOMOGENEITE DE LA GRANDE SALLE DE L OPERA BASTILLE Nous souhaiterions effectuer des mesures lors d une répétition dans la grande salle de l Opéra Bastille, afin d appuyer notre projet par une expérience concrète. But de l expérience : À l aide de sonomètres, nous aimerions donc évaluer l homogénéité de la propagation du son dans la salle. Protocole expérimental : Lors d une répétition, nous nous plaçons à deux points différents de la salle et mesurons l intensité du son avec chacune un sonomètre, à un même instant t défini (nous aurons préalablement enclenchés nos chronomètres au même moment). Nous répétons l expérience plusieurs fois. Matériel : Ainsi, nous souhaiterions, si cela est possible, que vous nous prêtiez deux sonomètres le temps de l expérience. Nous estimons le temps de cette expérience à environ 1h30. POSITIONNEMENT EXPERIENCE
COMPTE RENDU DE L EXPERIENCE MENEE A L OPERA BASTILLE t (min) 1 3 5 7 9 11 Niveau 58.9 69.3 62.3 64.0 65.0 63.3 sonore (db) au point de référence Niveau 63.4 78.8 65.8 63.5 68.5 67.6 sonore (db) à la position 1 Nuance p mf pp pp pp pp Instrument qui joue (tutti/solo) Tutti cordes Violoncelles, contrebasses, cuivres Flûte solo 1 er et 2 nd violons, flûtes Hautbois solo, flûte solo Tutti cordes A la position 1, le niveau sonore est plus élevé qu à la positon de référence. En effet, cette position est plus proche de l orchestre. t (min) 1 (15) 3 (17) 5 (19) 7 (21) 9 (23) 11 (25) Niveau sonore 60.8 64.7 67.0 78.2 65.6 silence (db) au point de référence Niveau sonore 63.0 63.1 64.0 70.9 71.6 silence (db) à la position 2 Nuance pp p p mf mf Instrument qui joue (tutti/solo) Violon solo Cordes + petite harmonie Trompette solo + harpe + cordes (pp) Harmonie (+ forte) Nous ne pouvons pas tirer de conclusion sur ces résultats car ils sont incohérents : par moment le niveau sonore est plus élevé à la position 2, et par moment à la position de référence. Hypothèse : Cela peut être du à l architecture du milieu : sous les premiers balcons avec un mur en granit sur la gauche, ce qui crée une sorte de caisson de résonance où les ondes sonores se réfléchissent de manière aléatoire, ce qui fait varier le niveau sonore.
t (min) 1 (29) 3 (31) 5 (33) 7 (35) 9 (37) 11 (39) Niveau sonore 65.2 65.0 67.7 60.9 (db) au point de référence Niveau sonore 64.6 63.4 61.9 65.2 (db) à la position 3 Nuance pp pp pp pp Instrument qui joue (tutti/solo) Violon solo solo Clarinette solo + harpe Harpe solo Mis à part pour la mesure faite à 35 min, le niveau sonore est globalement plus élevé au point de référence. En effet, la position 2 est plus en recul par rapport à la position de référence, et se situe dans un espace entouré de mur avec un plafond bas (sous les premiers balcons). t (min) 1 3 5 7 9 11 Niveau 77.3 75.6 76.6 86.5 69.0 69.7 sonore (db) au point de référence Niveau 69.7 75.0 73.8 85.0 73.0 73.3 sonore (db) à la position 4 Nuance f mf-f mf-f ff mf mf Instrument qui joue (tutti/solo) Tutti flûte 2 xylophones Petite harmonie tutti Violons et violoncelles Violons et violoncelles Nous ne pouvons pas tirer de conclusion sur ces résultats car ils sont incohérents : par moment le niveau sonore est plus élevé à la position 4, et par moment à la position de référence. Hypothèse : Cela peut être du à l architecture du milieu : sous les deuxièmes balcons avec un mur en granit sur la gauche, ce qui crée une sorte de caisson de résonance où les ondes sonores se réfléchissent de manière aléatoire, ce qui fait varier le niveau sonore.
t (min) 1 3 5 7 9 11 Niveau 83.2 71.4 83.5 71.0 80.1 sonore (db) au point de référence Niveau 76.1 66.9 81.0 67.4 76.0 sonore (db) à la position 5 Nuance f mp f mf mf Instrument qui joue (tutti/solo) cuivres Violoncelles et contrebasses tutti gong tutti Les mesures prises à la positon 5 correspondent à des valeurs du niveau sonore moins élevées qu à la positon de référence. En effet, la position 5 se situe sous les 2emes balcons, cela est plus loin de la scène que la position de référence et les ondes sonores n arrivent pas aussi directement («plafond» = 2emes balcons beaucoup plus bas, mur sur la gauche) t (min) 1 3 5 7 9 11 Niveau 74.2 63.5 80.8 67.6 69.4 82.7 sonore (db) au point de référence Niveau 76.7 70.2 82.8 72 73.5 82.6 sonore (db) à la position 6 Nuance mf p f mp mp f Instrument qui joue (tutti/solo) cuivres Violoncelles et contrebasses tutti Petite harmonie Tutti (+ cordes) tutti Les mesures prises à la position 6 correspondent à des valeurs du niveau sonore plus importantes qu à la position de référence. En effet, la position 6 correspond aux places les plus hautes de la salle, juste sous le plafond de verre. On peu donc supposer que la réverbération importante de ce matériau en est la cause.
t (min) 1 3 5 7 9 11 Niveau 62 72 69.6 83 94.1 65.6 sonore (db) au point de référence Niveau 67.8 72.1 69 80 88 69.6 sonore (db) à la position 7 Nuance p mf mp f ff pp Instrument qui joue (tutti/solo) tutti tutti Petite harmonie tutti tutti Violoncelles +contrebasses +fûtes Nous ne pouvons pas tirer de conclusion sur ces résultats car ils sont incohérents : par moment le niveau sonore est plus élevé à la position 4, et par moment à la position de référence. Hypothèse : Cela peut être du à l architecture du milieu : sous les deuxièmes balcons avec un mur en granit sur la droite, ce qui crée une sorte de caisson de résonance où les ondes sonores se réfléchissent de manière aléatoire, ce qui fait varier le niveau sonore.
REALISATION D UNE MAQUETTE DE LA SALLE DE L OPERA BASTILLE