Ressources énergétiques : l heure des choix

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Transcription:

Le Cercle du développement durable Synthèse de la Conférence du 15 juin 2011 Ressources énergétiques : l heure des choix E D I T O Fidèle à sa vocation de débat et de réflexion, le Cercle du développement durable, créé par BNP Paribas Investment Partners en collaboration avec Erik Orsenna, poursuit sa revue des enjeux majeurs du monde de demain. Après trois premiers rendez-vous consacrés aux thèmes de l eau (juillet 2010), du risque souverain (novembre 2010) et des matières premières minières (mars 2011), le cycle 2010-11 de rencontres et d échanges s est clos le 15 juin dernier par une plongée dans le maelström de l énergie. Intitulé «ressources énergétiques : l heure des choix», ce débat, animé par Erik Orsenna, traduit bien l ampleur des choix qui s annoncent. Selon l Agence internationale de l énergie (AIE), l année 2010 a été marquée par un pic historique des émissions de CO2, premier gaz à effet de serre, niveau record atteint avec dix ans d avance sur les prévisions les plus alarmistes des climatologues. Dès lors, comment faire face à la trajectoire implacable qui menace aujourd hui l humanité? La consommation mondiale de ressources naturelles - matières premières énergétiques et fossiles, soit environ 60 milliards de tonnes par an, semble encore appelée à doubler d ici à 2050 selon l agence des Nations Unies pour l environnement. Intenable, à moins d infléchir la tendance. Tiraillés entre la nécessité d une croissance indispensable à l équilibre du monde et l impératif de mieux maîtriser les ressources naturelles, décideurs et investisseurs doivent apporter des réponses équilibrées face à des populations indécises. Trois étapes rythmeront nos réflexions sur la complexité énergétique : l état des lieux des énergies nucléaire et fossiles- pétrole, charbon et gaz -, la place des énergies renouvelables dans un ensemble énergétique plus responsable et, enfin, les possibilités offertes par l efficacité énergétique.

Ressources énergétiques : l heure des choix I Août 2011 I 2 I - Nucléaire et énergies fossiles : état des lieux, état des doutes s y n t h è s e Catastrophe de Fukushima au Japon et revirement brutal de l Allemagne sur le nucléaire : ces deux épisodes, dramatique pour le premier, empreint de politique pour le second, témoignent bien du désarroi des filières énergie en ce début de décennie. Ils illustrent la complexité du débat : comment envisager l exploitation et le renouvellement de l ensemble des sources d énergie dans le respect des contraintes environnementales et de sécurité? Déjà complexe, l équation énergétique se trouve confrontée à la nouvelle donne post-fukushima. Or, «ce drame ne doit pas faire oublier la contrainte climatique», plaide Erik Orsenna, favorable à une prise en compte objective de l ensemble des risques de toutes les sources d énergie. «Raisonner sur une seule source d énergie n a pas de sens», poursuit-il, «Ce sont les combinaisons des différentes énergies «l energy mix» - qui doivent fonder la réflexion. Il faut se poser les questions le plus rationnellement possible et tenter de sortir de la pensée magique, qu elle soit positive ou négative». Réfléchir en grand plutôt qu à l étroit impose de revenir sur la situation nucléaire issue de Fukushima. «Malgré son ampleur, le seul tremblement de terre du 11 mars n aurait pas dû entraîner les conséquences que l on connaît», rappelle Edouard Brézin (Académie des sciences) qui pointe un enchaînement tragique de circonstances. Arrivée 55 minutes après les secousses, la vague géante a dépassé 14 mètres, franchissant les digues de 5,60 mètres pour noyer quatre des six réacteurs nippons. Les générateurs de secours diesel ont été noyés. Un épisode aux conséquences fatales car, dès lors, il n était plus possible de refroidir la chaleur résiduelle des produits de fission. «Cette chaleur représente encore 6 % de la puissance du réacteur, soit pas moins de 60 MW», calcule le scientifique. «De quoi, en l espace d une demi-heure, faire bouillir l eau et atteindre 1200 C. La vapeur d eau générée a attaqué les gaines de zirconium dans lesquelles se trouvait le combustible, avec au final l explosion de l hydrogène dégagé». La France est-elle préservée d un tel épisode? «Notre situation, du point de vue industriel comme celui de la sécurité, me paraît bien supérieure à celle du Japon», estime Edouard Brézin qui s est penché, ces derniers mois, sur l état de l art en matière de sécurité nucléaire, notamment sur les 58 réacteurs du parc français. L autorité de sûreté a su prouver son indépendance et l Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), créé en 2002, constitue une force de frappe sans égale. Enfin, EDF a tiré les leçons de tous les accidents antérieurs (cf. Three Miles Island, Tchernobyl) : depuis 2007, tous les réacteurs français sont ainsi équipés de recombineurs passifs d hydrogène, c està-dire qu ils ne dépendent pas de l alimentation électrique pour fonctionner. Pour ce qui est de l avenir, le débat restera animé. «En démocratie, le pouvoir n est pas celui des experts», convient-il. Au-delà des questions cruciales de sécurité, le nucléaire est critiqué pour la rareté du combustible disponible. Existerat-il un réacteur du futur, capable de répondre aux objections des partisans du développement durable? «Nous travaillons actuellement avec des réacteurs qui utilisent le seul élément fissile présent dans la nature, l uranium 235, lequel ne représente que 0,7 % de l uranium naturel extrait. Tous les autres matériels fissiles, comme le plutonium 239, résultent de nos activités humaines». Assistera-t-on au retour des réacteurs à neutron rapide, de type Superphénix, fonctionnant avec du plutonium extrait du retraitement et de l uranium appauvri? «Avec les quantités disponibles à la Hague, nous aurions une ressource énergétique disponible sur notre sol équivalente au pétrole de l Arabie Saoudite. De quoi assurer l indépendance énergétique de la France pour des centaines d années». Les énergies fossiles représentent 80 % de l énergie consommée dans le monde et font face, elles aussi, à une série de bouleversements : hausse de la demande, flambée des prix, désastre écologique (à l image de la plateforme Deepwater Horizon dans le golfe du Mexique, la plus grosse catastrophe pétrolière de l histoire), rupture technologique avec la révolution des gaz de schistes aux Etats- Unis. De plus, il est difficile aujourd hui de mesurer toutes les conséquences post-fukushima. «L une de mes craintes est qu en cas d un hiver 2011-12 glacial, on n arrive pas à passer la pointe car on ne trouvera pas assez d électricité à acheter», anticipe Jean-Marie Chevalier (Paris-Dauphine). Selon lui, «Fukushima est une nouvelle désastreuse pour

Ressources énergétiques : l heure des choix I Août 2011 I 3 l environnement, car elle relance l appétit pour les énergies fossiles. Nous faisons face à un moment critique dans l histoire de l énergie», avertit-il, à l unisson de l AIE, tout en écartant les discours alarmistes en matière de rareté. Ainsi les réserves de pétrole prouvées récupérables représentaient 32 ans de consommation annuelle en 1973. Elles atteignent 46 ans en 2011, grâce aux nouvelles découvertes et à de meilleures techniques d exploitation. «Le pic pétrolier sera lié au rythme de la demande et de l offre, pas à la rareté des réserves dont la découverte et l exploitation dépendent des investissements. Je n ai aucune inquiétude sur les réserves sous condition d investissement», confie Jean-Marie Chevalier. Sous réserve d investissements, chiffrés il est vrai à plusieurs dizaines de milliards d USD, l Irak pourrait ainsi porter sa production quotidienne de 2,5 à entre sept et huit millions de barils. Si les gaz de schistes bouleversent la donne énergétique aux Etats-Unis, au point de remettre en cause la compétitivité économique du charbon, l Europe avance en ordre dispersé. Alors que la France fait preuve de réticence, la Pologne et l Allemagne autorisent les travaux d exploration. Une étape indispensable avant l exploitation. L e c h a r b o n d o i t s o r t i r d e l a q u a d r a t u r e d u cercle : une énergie bon marché, mais «deux fois et demie plus polluante que le gaz naturel, le pétrole constituant un entre-deux», souligne Jean-Marie Chevalier. Ses partisans placent beaucoup d espoir dans la capture et le stockage du CO2 dans des gisements de pétrole et de gaz épuisés, le «Carbon capture & storage» (CCS). Techniquement maîtrisée, cette approche reste coûteuse. «Cela renchérit 2,5 à 3 fois le prix du kwh produit. Quel opérateur le fera sans y être forcé par la réglementation?», s interroge Jean-Marie Chevalier. «De six à huit centimes le kwh, ce surcoût n est que de 50 à 100 % par rapport au coût le plus bas du nucléaire. Ce n est plus un obstacle», plaide Ghislain Lescuyer (Alstom) pour lequel les énergies fossiles resteront une réalité. «Notre rôle d industriel n est pas de changer le mix énergétique, mais de nous adapter aux besoins de nos clients, de rendre l énergie produite plus propre et d améliorer l efficacité de l ensemble des produits de notre gamme. De fait, pour la prochaine décennie, la moitié des nouvelles installations seront encore thermiques (deux tiers en charbon, principalement en Chine et en Inde, et un tiers en gaz). «La base installée en génération d électricité en 2020 sera encore largement thermique», confirme Ghislain Lescuyer.

Ressources énergétiques : l heure des choix I Août 2011 I 4 II - L Arlésienne des énergies renouvelables a fini par arriver s y n t h è s e «Les renouvelables, ce n est plus l Arlésienne, c est un train en marche», sourit Jean-Louis Bal, (Syndicat des énergies renouvelables 1 ), pointant l envolée des investissements mondiaux de 104 milliards d USD en 2007 à 200 milliards en 2010. La France, qui vise 23 % de renouvelables dans son mix énergétique en 2020, voit l éolien terrestre et la biomasse capter une majorité des investissements. Une domination logique en raison de la maturité technologique de ces deux filières, désormais soutenues en France par une bonne dose de volontarisme politique. «Deux milliards d EUR sont consacrés en France à ces technologies en développement, dans le cadre des investissements d avenir, dont une partie à l Agence nationale de la recherche (ANR) et une autre à l Agence de l environnement et de la maîtrise de l énergie (Ademe)», explique Jean-Louis Bal. S il approche de la maturité technologique, le modèle économique du solaire photovoltaïque reste en revanche à parfaire. La baisse des prix y contribue : «Ils se réduisent constamment, jusqu à -30 % en 2009 et -10 % en 2010. Ce qui va permettre d arriver bientôt à la «parité» avec l électricité venant du réseau : le producteur décentralisé proposera une électricité à un coût équivalent ou inférieur à la partie énergie de la facture EDF. Le potentiel du marché deviendra alors exponentiel», s enthousiasme-t-il, très confiant dans les promesses du solaire. «Toutes les 40 minutes, le soleil envoie l énergie nécessaire à l Humanité pour une année. A condition de savoir l utiliser». Les renouvelables, vecteur de croissance économique et d emplois? Selon Jean-Louis Bal, le cas de l Allemagne le démontre. «Les renouvelables y représentent 11 % de la consommation d énergie et 18 % de la consommation d électricité, en étant parti de quasiment zéro en 1990. Avec, à la clé, la création de 370 000 emplois et une balance commerciale positive de 12 milliards d EUR en 2010». 1 Le Syndicat des énergies renouvelables (SER) est un organisme français créé en 1993 pour promouvoir les intérêts des industriels et des professionnels français des énergies renouvelable et pour défendre les intérêts français au niveau des principaux programmes européens de soutien au secteur.

Ressources énergétiques : l heure des choix I Août 2011 I 5 III - L autre frontière : l efficacité énergétique «Efficacité et diversité énergétique sont les maîtres mots pour investir aujourd hui», estime Jean-Marie Chevalier. Face à une donne complexe, l équation ne peut plus se réduire à un simple «produire plus», probablement intenable, face à un «produire mieux», encore en devenir. Le «consommer mieux et moins», formule plus triviale de l efficacité énergétique, devient une voie prometteuse. Elle prend tout son sens avec les «smart grids» ou réseaux de distribution d électricité intelligents, ces modes d organisation et de gestion électrique décentralisés, capables de gérer des énergies multiples, non commandables à volonté : le vent ne souffle pas avec constance. Un sentiment partagé par Jean-Pierre Auriault (BNP Paribas Real Estate). «Mieux produire de l énergie est important, mais mieux la consommer est encore plus efficace», plaide-t-il, soulignant le rôle déterminant que peut jouer le secteur immobilier tertiaire. En France, ce dernier consomme 70 millions de tonnes équivalent pétrole (Tep), soit deux fois plus que la consommation d énergie de l industrie, et 40 % de plus que la consommation des transports! En 40 ans, la part de l électricité dans l immobilier est passée de 5 à 40 %, quand, dans le même temps, celle du pétrole reculait de 50 à 20 %. Un transfert conséquent lié à un prix de l énergie et notamment de l électricité faible au nom de la protection du consommateur. «Le prix du kwh électrique à usage domestique a baissé depuis 20 ans de 17 à 12 centimes, compliquant les politiques d économie d énergie». Depuis cinq ans, l approche change, avec un véritable nouveau paradigme : «On ne raisonne plus en termes de coût global et de protection du consommateur, mais avec l idée de protéger la planète», poursuit Jean-Pierre Auriault. L AIE évalue ainsi à 100 milliards d USD le coût du «non-copenhague», c est-à-dire l absence de décision de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour l économie mondiale. Cependant, le chemin s annonce long et difficile, à l image du casse-tête de l efficacité énergétique dans le secteur résidentiel. Ainsi, «pour respecter la nouvelle réglementation issue des Grenelle I et II (à compter de 2012), le surcoût dans l immobilier tertiaire neuf atteint 120 à 150 EUR par m² pour une économie de charges annuelle de l ordre de 4 EUR par m²... Un taux de retour qui n est pas très incitatif», calcule Jean-Pierre Auriault. Pour l heure, il n existe pas encore de réelle surcote de valeur des bâtiments neufs verts, à moins d anticiper de nouveaux durcissements réglementaires. Aux Etats-Unis, «le taux de capitalisation d un immeuble vert serait de 0,5 % supérieur à celui d un immeuble non vert, soit plus de 10 % de la valeur, alors que le différentiel de loyer n est que de 1 à 2 %». Agir sur le seul flux des constructions ne sera pas suffisant si rien n est entrepris sur le stock de l ancien. La France vise une réduction de 38 % de sa consommation d énergie dans le bâtiment existant d ici 2020. «À mix constant des sources d énergie, si un tel objectif était tenu, cela reviendrait à supprimer 15 des 59 tranches nucléaires françaises!», poursuit Jean-Pierre Auriault. En fait, le plus spectaculaire - comme les bâtiments à énergie positive ou les fermes éoliennes géantes - n est ni le plus efficace, ni le plus rentable. «Le vrai enjeu sur l énergie n est pas de faire des économies d énergie à n importe quel prix, mais à moindre coût, avec des temps de retour sur investissement les plus brefs», confie Jean-Pierre Auriault. Un constat partagé par Erik Orsenna : «Il n existe pas une seule source d économie, pas une seule réponse adaptée. Toutefois, l analyse la plus rigoureuse est probablement celle qui s avère la moins sensible aux effets d annonce. L un des enjeux du développement durable est bien de trouver le moyen de privilégier l invisible à long terme par rapport au visible à court terme». Savoir donner un prix au temps. A méditer avant 2012.

Ressources énergétiques : l heure des choix I Août 2011 I 6 B I O G R A P H I E S Erik Orsenna Après des études de philosophie, de sciences politiques et d économie (Paris & London School of Economics), il devient chercheur et enseignant en finance internationale et en économie du développement. Il rejoint le cabinet du ministre de la coopération (1981) avant de devenir le conseiller culturel du Président François Mitterrand en 1986. Il est nommé au Conseil d Etat parallèlement à cette carrière administrative. Erik Orsenna a écrit de nombreux romans dont «L exposition coloniale» (Prix Goncourt 1988) et des essais sur la mondialisation, dont «L avenir de l eau» (2009). Elu à l académie française en 1998, au fauteuil de Jacques-Yves Cousteau. Jean-Marie Chevalier est Professeur de Sciences Economiques à l Université Paris-Dauphine au Centre de Géopolitique de l Energie et des Matières Premières (CGEMP). Il est aussi Senior Associé au Cambridge Energy Research Associates (IHS-CERA), membre du Cercle des Economistes. Il est l auteur de nombreux ouvrages et articles sur l industrie et l énergie, dont «Les grandes batailles de l énergie» (2004), «Les marchés du gaz et de l électricité : un défi pour l Europe et pour la France» (2008), «Les nouveaux défis de l énergie : Climat, Economie et Géopolitique» (collectif 2009) dont la version anglaise est «The New Energy Crisis: Climate, Economics and Geopolitics, Rapport sur la volatilité du prix du pétrole» (Rapport pour Madame Christine Lagarde 2010), «Les 100 mots de l énergie» (2010). Jean-Marie Chevalier est diplômé de l Institut d Etudes Politiques de Paris, Docteur en Sciences Economiques (Université Panthéon-Sorbonne) et Agrégé des Facultés de Sciences Economiques.

Ressources énergétiques : l heure des choix I Août 2011 I 7 Edouard Brézin est membre de l Académie des Sciences, dont il a été président en 2005 et 2006. Il est également membre étranger de l Académie des Sciences des Etats-Unis et de la Royal Society. Diplômé de Polytechnique (1958-1960), Ingénieur des Ponts et Chaussées (1963), et Docteur en Sciences à l Université de Paris (1969), il a travaillé pendant plus de 20 ans au Commissariat à l énergie atomique. Professeur à l Université Paris VI et à Polytechnique, il fut Directeur du département de physique de l ENS de 1986 à 1991 et Président du CNRS de 1992 à 2000. En 2004, il a été rapporteur à l occasion des Etats généraux de la recherche et de l enseignement supérieur. Jean-Pierre Auriault est ingénieur et architecte de formation. Il a débuté sa carrière au ministère en charge de la construction (Plan et Direction de la Construction) en tant que responsable des actions sur les économies d énergie et les énergies nouvelles. Après une expérience au sein de la Compagnie Générale des Eaux, il est Directeur de programmes chez COGEDIM Paris, puis conseil technique au sein de la direction immobilière de la Banque Paribas. Directeur au sein de BNP Paribas Immobilier depuis 1998, il a réalisé de nombreux projets d envergure dont «Le Triangle de l Arche» à La Défense et «Les Grands Moulins de Pantin» (50000m 2 de bureaux certifiés HQE). Cette dernière opération a reçu en 2008 la Pyramide de Vermeil de la Fédération Nationale des Promoteurs, et le Grand Prix 2010 de la rénovation par le SIMI. Il est en charge depuis 2010 de la coordination des actions sur le Développement Durable entre les différents métiers au sein de BNP Paribas Real Estate. Ghislain Lescuyer est Directeur de la Stratégie et du Développement du groupe Alstom depuis le 08 juin 2010. Ghislain Lescuyer est diplômé de l Ecole Nationale Supérieure des Télécommunications de Paris (1977) et titulaire d un MBA de l INSEAD (1988). De 1982 à 1993, il occupe des responsabilités commerciales à la Société Anonyme des Télécommunications et chez Hewlett- Packard. Il devient ensuite consultant chez McKinsey & Company (1989-1993). Il rejoint Bull en 1994 en tant que Directeur des Achats et de la Logistique, puis est successivement Président de la Division Manufacturing, de la Division «Smart cards & Terminals» et enfin Président de Bull Services. De 2000 à 2003, il dirige le fond d investissement Internet du Groupe Arnault (Europatweb). Il rejoint ensuite Thomson, où il devient Directeur Général Adjoint du Groupe et Président de la division Systèmes et Equipement, puis Vice-Président Stratégie et Marketing du Groupe. Il était depuis 2007 Directeur (Executive VP) de la division Produits de Areva T&D. Jean-Louis Bal est Ingénieur Civil Electricien de formation (Université Catholique de Louvain). Après avoir enseigné puis voyagé à travers le continent Africain, il rejoint le secteur privé. C est alors qu il s engage dans l industrie solaire, officiant pendant près de 17 ans en qualité de Directeur Commercial. En 1992, il rejoint l Agence de l Environnement et de la Maîtrise de l Energie (ADEME), où il passera l essentiel de sa carrière. Il y occupera notamment les fonctions de Directeur des Energies Renouvelables, des Réseaux et des Marchés Energétiques puis de Directeur des Productions et Energies Durables. Jean-Louis Bal figure parmi les principaux rapporteurs du Grenelle de l environnement. Il est aujourd hui Président du Syndicat des Energies Renouvelables.

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