N 53 MAI 2015 CHAVOUOTH 5775



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NEUILLY PARIS OUEST SOMMAIRE MESSAGE DU PRÉSIDENT... 4 MOT DE LA RÉDACTION... 6 MESSAGE DU RABBIN... 8 PENSÉE JUIVE Chavouot, un apprentissage de la vie, par Gilles Bernheim, Grand Rabbin du Consistoire Central... 12 Les deux types de contenus de la révélation au Sinaï : loi écrite et loi orale, par le Grand Rabbin Alexis Blum... 14 DATES ET HORAIRES À RETENIR... 18 PRESCRIPTIONS DE CHAVOUOTH... 20 ACTUALITÉS Chabbat de Joël Mergui à Neuilly... 22 À la mémoire de Stéphane Atlani z"l... 22 Femmes de nos communautés, rejoignez la WIZO... 22 Opération des paniers de Pessa h réussie... 24 CENTRE COMMUNAUTAIRE Présentation et bulletin d adhésion... 26 Programme des ateliers et cours... 28 Le club de bridge part en Israël... 30 PARTENARIAT Voyage aux États-Unis... 32 TRIBUNE LIBRE Fier d appartenir à la nation française et au peuple juif, par Gil Taieb... 34 NUL N EST CENSÉ IGNORER LA LOI... JUIVE Les parachiot réunies («mé houtbarot») : Pourquoi?... 36 JEUNESSE Entrez dans la danse!... 38 Le collège Alliance ENIO... 40 Inscriptions au Talmud Torah de Neuilly sur Seine... 40 La vie du Talmud Torah... 41 HISTOIRE Shoah : la Maison Marguerite... 43 CARNET... 46 12 24 34 Gilles Bernheim, Grand Rabbin du Consistoire Central Paniers de Pessa h, opération réussie Gil Taieb, Vice-Président du CRIF et du FSJU Paris isouest Le magazine de la Communauté juive de Neuilly/Seine 12, rue Ancelle - 92200 Neuilly/Seine Tèl : 01 47 47 78 76 Directeur de la Publication : Philippe Besnainou Rédacteur en Chef : Philippe Meyer Secrétaire de rédaction : Emmanuelle Allouche Edition Régie publicitaire : SAB Print / Pascal Karsenti Tél. : 01.55.90.58.58 Conception Graphique / Impression : SAB Print N 53 Mai 2015 3

NEUILLY PARIS OUEST MESSAGE DU PRÉSIDENT Philippe Besnainou Président de la communauté ACIP Neuilly-Ancelle Notre communauté a connu de très belles fêtes de Pessa h. Les offices à la synagogue ainsi que les deux sédarim communautaires, animés par le rabbin Michaël Azoulay et par Moché Taïeb que je veux ici tous deux remercier, ont été célébrés avec chaleur et ferveur, en présence de très nombreux fidèles. Et à peine les fêtes de Pessa h achevées, nous nous dirigeons très vite vers Chavouot et la commémoration du don de la Torah. Notre communauté peut être fière de la richesse, du dynamisme et de l intensité de la vie juive qu elle abrite et qu elle fait sans cesse prospérer. Comme l a récemment souligné le Président du Consistoire Joël Mergui qui a passé un Chabbat avec nous, la communauté de Neuilly est à bien des égards une communauté pilote. CONTACTS Pour contacter la synagogue : 01 47 47 78 76 Secrétariat : poste 4 ouvert de 9h à 16h lundi, mardi, jeudi, de 9h à 12h le mercredi et de 9h à 12h30 le vendredi. Bureau du Rabbin : poste 5 Locations de salle et activités communautaires : poste 6 Talmud Torah et coordination générale : poste 7 Le Rabbin Michaël AZOULAY reçoit sur rendezvous. Par mail : synaneuilly@gmail.com Site de la synagogue : http://www.synaneuilly. com Adresse : 12, rue Ancelle - 92200 Neuilly sur Seine Pour contacter le Centre Communautaire : Adresse : 44 rue Jacques Dulud - 92200 Neuilly sur Seine Par tél. : 06 43 72 64 25/09 54 38 37 92 Par mail : ccjc.valerie@gmail.com http://www.ccjc-neuilly.com Si vous souhaitez recevoir notre newsletter, n hésitez pas à nous envoyer votre adresse mail. Pour contacter le Gan de Neuilly Adresse : 44 rue Jacques Dulud - 92200 Neuilly sur Seine Par tél. : 09 53 22 65 90 Myriam Pizzo, directrice Par mail : ganneuillyancelle@gmail.com Consistoire 17, rue Saint-Georges - 75009 PARIS - Tél. : 01 40 82 26 26 Site : http://www.consistoire.org Site des Éclaireurs Israélites de France : http://www.njcmania.com Mail groupe local : glneuillyvert@eeif.org glneuillyrose@eeif.org Il y a bien sûr les fêtes et les Chabbatot qui émaillent notre calendrier juif et qui sont toujours pour nous l occasion de nous réjouir et de nous réunir nombreux pour prier et étudier ensemble dans les différents offices que nous organisons au service de tous les fidèles. Mais il y a également l agenda des activités, des célébrations, et des cours dispensés tant à la synagogue qu au Centre communautaire qui ne désemplit pas semaine après semaine. C est l occasion pour moi de remercier à nouveau sincèrement et chaleureusement au nom de tous, le travail du rabbin, des permanents et des administrateurs de la communauté sans qui tout cela ne serait pas possible. Mais au-delà de ces efforts fournis jour après jour par nos responsables, cette vie juive exceptionnelle, qui alimente au quotidien notre identité juive, a besoin de chacune et de chacun d entre vous pour en garantir la pérennité. C est par la solidarité et l aide de chacun que l avenir juif de nos enfants continuera d être construit ici, avec nos familles et nos proches, et de continuer à leur transmettre ce que nous-mêmes avons reçu. Cette solidarité communautaire peut prendre différentes formes, en fonction de la sensibilité et de la volonté de chacun de participer à la vie et à l essor de notre communauté. Que ce soit en donnant de son temps à travers une aide bénévole, en proposant de nouvelles idées d activité et d organisation, ou en soutenant financièrement les actions et les projets mis en œuvre, chaque fidèle peut et doit apporter sa propre pierre à l édifice communautaire. Dans le contexte difficile qui est celui des juifs de France actuellement, et auquel n échappe bien sûr pas notre communauté de Neuilly, cette solidarité nous est plus que jamais nécessaire. Le climat de doutes et de questionnements que nous connaissons influence en effet à la fois les ressources de notre communauté, à travers notamment le départ de certains fidèles et la prudence accrue de certains autres, ainsi que les dépenses nécessaires que nous devons assurer, à travers notamment les besoins vitaux en matière de sécurité. Ce double effet auquel notre communauté, comme bien d autres, doit aujourd hui faire face, nous pose un défi majeur que nous ne pourrons relever qu avec votre aide et votre soutien. Je sais pouvoir compter sur votre solidarité et votre générosité qui n a jamais fait défaut et qui a permis depuis toujours de porter la communauté de Neuilly à la place qui est la sienne aujourd hui. Faisons tout, ensemble, pour qu il en soit de même demain. Plus que jamais, nous sommes responsables et redevables les uns des autres. Je vous souhaite à toutes et à tous de très bonnes fêtes de Chavouot, Hag Saméa h 4 N 53 Mai 2015

FONDATION DU PATRIMOINE JUIF DE FRANCE בס"ד ISF 2015 CONSTRUISONS ENSEMBLE LA VIE JUIVE DE DEMAIN en déduisant 75% du montant de votre don* et choisissez le programme ou la communauté que vous désirez soutenir Conception graphique - Cédric Benslous - 01 77 47 64 85 *dans la limite de 50 000 CONSISTOIRE CENTRAL UNION DES COMMUNAUTÉS JUIVES DE FRANCE Renseignements : 01 49 70 88 07 Chèques à libeller à l ordre de «FJF - Fondation du Patrimoine Juif de France» à adresser au Consistoire Central - 19, rue St-Georges, 75009 Paris Dons en ligne : patrimoine.fondationjudaisme.org La Fondation du Patrimoine Juif de France est placée sous l égide de la Fondation du Judaïsme Français

NEUILLY PARIS OUEST MOT DE LA RÉDACTION Philippe Meyer La fête de Pessa h, qui s est achevée il y a peu de temps, rappelait la naissance de la nation juive, libérée par Moïse de l esclavage et guidée vers la Terre promise. Dans son prolongement, et par la célébration du don de la Torah, la fête de Chavouot marque le passage de la nation au Peuple juif et l aboutissement de notre identité juive. Une identité basée depuis lors sur le triptyque «Un Peuple, un Livre, une Terre». C est cette identité forte, et dont nous sommes si fiers, que nos ennemis ont toujours cherché à effacer toutes ses formes, jusqu à aujourd hui. On peut d ailleurs se poser la question de savoir pourquoi une telle identité, fondée sur les valeurs de liberté, de transmission, de solidarité et de foi dans l avenir, pose tant de problèmes à certains au point de l attaquer sans relâche. Il faut croire que la lumière et l espérance qu elle porte en elle n est pas compatible avec l obscurantisme et la peur que nos ennemis veulent imposer - hier comme aujourd hui - à tous ceux qui ne leur ressemblent pas. Dans le contexte difficile de doutes et de questionnements que nous connaissons actuellement, la fête de Chavouot peut ainsi être appelée cette année - plus que jamais - la fête de l identité juive. Plus encore que d habitude, nous célèbrerons dans la joie et dans l espoir ce don de la Torah, et plus largement cette vie juive que nous menons jour après jour dans nos communautés avec ferveur, enthousiasme et détermination. Cette belle fête de Chavouot, symbole de notre identité juive, est au centre de ce numéro. Outre la contribution traditionnelle, toujours très attendue et appréciée, de notre Rabbin Michaël Azoulay, nous avons l honneur et le privilège de vous proposer les enseignements de deux illustres Grands Rabbins sur les significations de Chavouot, à savoir le Grand Rabbin Gilles Bernheim, Grand Rabbin du Consistoire Central, et le Grand Rabbin Alexis Blum que nous connaissons tous si bien. Qu ils en soient ici vivement remerciés. Au-delà du don de la Torah et de ses conséquences infinies pour le Peuple juif, notre identité réside aussi dans la vie juive qui, dans notre communauté de Neuilly, est toujours aussi riche et intense. C est aussi cela que nous célébrons avec Chavouot, et c est pourquoi nous revenons comme toujours sur les évènements récents qui ont marqué notre communauté et sur les annonces des rendez-vous à venir et à retenir. Enfin, Gil Taieb, vice-président du CRIF et du FSJU, nous exprime sa fierté, dans le climat actuel, d appartenir à la nation française et au Peuple juif, défendant lui aussi avec la passion qu on lui connait cette identité juive qui nous tient tous tant à cœur. Loin de tout repli, de toute crainte et de tout renoncement, la communauté juive doit continuer de porter haut l étendard de cette identité qui nous a façonnés depuis le don de la Torah et qui a fait l histoire et la grandeur du Peuple juif. C est la meilleure des réponses à apporter à ceux qui tiennent tant à la détruire. Et c est la meilleure des énergies pour continuer à faire vivre la flamme du Peuple juif, la lumière de son Livre et la chaleur de sa Terre. Hag Samea h à tous. La rédaction remercie tous les annonceurs qui permettent à notre bulletin de s autofinancer. Nous demandons à nos lecteurs de les privilégier dans leurs achats. Pour figurer comme annonceur, il suffit de prendre contact avec notre régie publicitaire : S.A.B Print Régie Publicitaire : 23, rue d Anjou 75008 Paris Pascal KARSENTI : 06 07 52 93 55 Tél. : 01 55 90 58 58 direction@sab-print.com Fax : 01 55 90 58 59 6 N 53 Mai 2015

NEUILLY PARIS OUEST MESSAGE DU RABBIN Rabbin Michaël Azoulay Chavou ot («semaines»), ainsi que son nom l indique, étant reliée à la fête de Pessa h par la supputation du Omer (sept semaines de compte), il m a semblé utile d évoquer la figure d un grand sage du judaïsme, dont 24 000 disciples périrent durant les 33 premiers jours de la dite supputation, selon le Talmud. Le même Talmud relie par ailleurs Chavou ot au don de la Torah. Or, ce maître en est l un des plus éminents représentants. Rabbi Akiba et les dix martyrs de la foi. Contexte historique : Les dix martyrs de la foi correspondent, dans la tradition juive, perpétuant leur souvenir dans la liturgie synagogale, à dix sages juifs éminents du deuxième siècle, dont Rabbi Akiba (env. 45-135), qui furent suppliciés par Rome, sous le règne de l empereur Hadrien (117-136). Ce récit provient de la littérature midrachique 1, et en particulier du midrach médiéval Elleh Ezkerah. Selon celui-ci, l empereur romain demanda à ces sages la peine prescrite par la législation juive, pour l auteur du rapt et de la vente d un autre juif. Les rabbins lui répondirent que la Bible le sanctionnait par la peine capitale 2. L empereur évoqua alors le cas de Joseph qui fut enlevé et vendu comme esclave par ses frères, sans que ces derniers ne fussent exécutés. Les dix sages d Israël furent condamnés à mourir à leur place. La kabbale va jusqu à affirmer que les âmes des dix frères de Joseph qui prirent part à cette vente, se réincarnèrent dans les corps des dix rabbins au moment de leur torture, afin de réparer leur faute par la souffrance subie. La liturgie a repris ce récit de l argutie de l empereur et du martyr subi par dix rabbins cités nommément, à travers une des élégies les plus poignantes de Tich ah beav 3 sur les assarah harougé mal hout (dix martyrs de la foi, en hébreu). Sont cités, notamment, les rabbins Akiba, Hanania ben Teradyon 4, le grand prêtre Ichmaël et le président de l Assemblée, rabbi Chim on ben Gamliel. Un certain nombre d inexactitudes dans le récit que fait le midrach des dix martyrs a conduit les spécialistes à ne pas y voir un récit fondé historiquement, mais plutôt le reflet de la situation tragique des juifs de Palestine sous l oppression romaine, radicalisée après la révolte avortée de Bar Kokhba (132-135 après J.C). Ainsi, les dix sages énumérés ne vivaient pas tous à la même époque, et des midrachim se contredisent quant à l identité des martyrs 5. Toutefois, la vérité historique ne saurait entraver la réflexion. Dans Difficile liberté, Emmanuel Levinas écrit : «Ce n est pas le passé d Israël qui forme l enseignement de la Bible, mais le jugement porté sur cette histoire. Faux ou vrai? Cela ne dépend pas des documents profanes qui confirment ou infirment la matérialité des faits relatés, mais de la vérité humaine de cet enseignement.» Quelle «vérité humaine» émerge du thème des dix martyrs de la foi, à partir du supplice du plus charismatique de ces sages, à savoir, Akiba ben Yossef? Nous tenterons de répondre à cette question, après avoir présenté le texte talmudique qui évoque les derniers moments de rabbi Akiba. Précisons que ce texte commence par l interprétation donnée par rabbi Akiba à l injonction biblique «tu aimeras l Eternel ton D.ieu de toute ton âme» (Deutéronome 6, 5) : «Rabbi Akiba dit : «de toute ton âme» (signifie que tu aimeras ton D.ieu) même s Il te prend ton âme (c est-à-dire, ta vie). Le judaïsme ne jugeant crédibles que les discours qui passent l épreuve des actes, le martyr de rabbi Akiba va témoigner de la sincérité de ce dernier. Talmud de Babylonie, Traité Bérakhot, page 62b : «Une baraïta 6 enseigne : il arriva que le royaume (il s agit de Rome qui régnait sur la Palestine) promulgua un décret interdisant aux Judéens (Israël, dans le texte) d étudier la Torah 7. Que fit rabbi Akiba? Il alla réunir des assemblées de manière publique, s installa et prêcha (enseigna la Torah). Papus fils de Yehuda le trouva. Il lui dit : «Akiba! Ne crains-tu pas cette nation (Rome)?»Il ( Akiba) lui répondit : «Laisse moi te donner une parabole. A quoi la chose ressemble? (C est-à-dire, voila à quoi l on peut comparer ce que tu me demandes de faire, à savoir, de cesser d enseigner la Torah) A un renard qui marchait sur le bord d une rivière et qui vit des poissons fuyant dans toutes les directions. Il s adressa à eux : «pourquoi vous enfuyez-vous?» Ils lui répondirent : «à cause des filets et de leurs rets qui s abattent sur nous.» Il leur dit alors : «voudriez-vous me rejoindre sur la terre ferme, afin que nous vivions ensemble comme l ont fait mes ancêtres et les vôtres». Ils lui dirent : «C est de toi que l on dit que tu es le plus intelligent des animaux? Tu n es pas intelligent mais stupide. Si nous avons peur là où nous vivons (dans le fleuve), à fortiori craindrons-nous pour nos vies au lieu de notre mort (la terre ferme)!» Il en est de même pour nous (le peuple juif). Si déjà, alors que nous étudions la Torah, dans laquelle il est écrit «car elle est ta vie et ta longévité» (Deutéronome 30, 20) nous avons peur (des persécutions romaines), à fortiori si nous nous coupons des paroles de Torah.» u u u 8 N 53 Mai 2015

NEUILLY PARIS OUEST MESSAGE DU RABBIN (suite de la page 8) Rabbin Michaël Azoulay u u u Peu de temps passa (après cet épisode) avant qu ils (les Romains) n arrêtent rabbi Akiba et l emprisonnent, ainsi que Papus fils de Yehuda, qu ils enfermèrent dans la même cellule. Papus lui dit : «Qu est ce qui t a amené ici? Tu peux être heureux rabbi Akiba, d avoir été appréhendé pour l enseignement de la Torah! Malheur à moi qui me suis fait arrêter pour des choses futiles! Lorsqu ils firent sortir rabbi Akiba pour l exécution, c était le moment de réciter le Chema 8. Tandis qu on lacérait sa chair avec des peignes en fer, il s appliquait à accepter le joug du royaume céleste avec amour. Ses disciples l interpellèrent : «jusque là?» (Tu parviens encore à te concentrer malgré les souffrances endurées ou il faut accepter la sentence divine avec amour, malgré sa dureté). Il leur répondit : «toute ma vie je souffrais à cause de ce verset : «(tu aimeras l Eternel ton D.ieu ) de toute ton âme» - même s Il te prend ton âme. Je disais : «quand cette possibilité se présentera-t-elle à moi afin que je l accomplisse? A présent qu elle est à ma portée, ne vais-je pas l accomplir?» Il prolongeait (le mot) e had (Un) lorsque son âme le quitta. Une voix divine se fit entendre, disant : «heureux sois-tu rabbi Akiba, car ton âme est sortie au moment où tu proclamais l Unité divine». Les anges s écrièrent devant le Saint Béni Soit-Il : «voici la Torah et voilà sa récompense?». Ils dirent : «Des hommes (sauve-moi) par Ta main Eternel, des hommes de la terre» (Psaume 17 du Livre des psaumes). Il leur répondit (avec la suite du verset des psaumes invoqué) : «qui jouissent de leur part dans cette vie». Une voix divine dit alors : «heureux sois-tu rabbi Akiba, car tu es destiné à la vie du monde à venir». Dans une autre Aggadah talmudique 9 (Traité Ménah ot, page 29b), où Dieu, dans une vision prophétique, montre à Moïse, l enseignement de rabbi Akiba, la fin tragique de ce dernier 10 lui est également montrée, mais la réponse de D.ieu à interpellation de Moïse est bien plus violente, Dieu lui intimant le silence, sans lui donner aucune explication. Enfin, dans l horreur qui va croissante, le point paroxystique est atteint par l élégie déjà citée, qui décrit la sauvagerie avec laquelle les dix rabbins sont mis à mort, et la révolte des anges qui gronde, au point que D.ieu menace de ramener le monde au chaos originel s ils ne font pas silence. Et à chaque fois, sur un ton péremptoire, Dieu dit : «ceci est un décret qui ne souffre aucune contestation!». Nous pourrions nous contenter de voir dans ce martyrologe une certaine conception de la vie, valeur suprême mais pas absolue. Le renoncement à certains idéaux ôterait tout sens à l existence. Le Talmud enseigne ainsi qu il faut choisir la mort si l on veut nous contraindre à commettre l une des trois fautes gravissimes que sont : l idolâtrie, le meurtre ou un rapport sexuel prohibé par la Bible. Rabbi Akiba et les neuf autres sages auraient donc estimé que ne plus étudier et enseigner la Torah revient à abandonner le Dieu unique. Il serait également tentant de voir dans ce récit, l illustration tragique de ce que le Talmud appelle les «épreuves d amour» (yissouré ahava) que Dieu fait subir aux justes 11, au sens de l amour de l homme qui se révèle à l occasion de ses souffrances. Il s agirait ici du degré ultime de l amour de Dieu, atteint dans le martyre assumé par celui qui le subit. Mais les réactions indignées des anges et de Moïse, renvoient à nos propres attitudes devant le spectacle de la souffrance des innocents. A cette question redoutable, à laquelle nous sommes tous confrontés, le récit des dix martyrs de la foi, qu il soit authentique ou légendaire, répond par ce sentiment confus d amour et de révolte qui anime celui qui ne veut pas rompre le dialogue avec la transcendance. Celui, aussi, qui accepte le constat des limites de son entendement humain. Limites signifiées dans ces textes par le refus de D.ieu de poursuivre le dialogue avec ses créatures. L on relèvera, toutefois, que dans le dialogue qui s instaure entre les anges et D.ieu, devant le sort de rabbi Akiba, D.ieu leur apporte une réponse. Plus largement, la tradition juive, comme d autres traditions religieuses, s est largement intéressée au problème du mal dans le monde, et tente d y apporter des réponses. C est là le paradoxe créatif d une pensée qui juge, d une part, légitime de s interroger sur un phénomène aucun nul n échappe et, d autre part, met en garde contre la prétention de saisir les intentions divines, ou, pour le dire autrement, de «se prendre pour D.ieu» 12. Au silence de D.ieu, dans la tourmente, il vaut parfois mieux que succède le silence des hommes, plutôt que de dérisoires prétentions à comprendre le mystère du mal. Michaël Azoulay 1 De manière succincte, l on peut dire que le midrach est un corpus foisonnant d exégèses rabbiniques de la Bible, rédigées à différentes époques. 2 Conformément à Exode 20, 13 (huitième commandement du Décalogue) et 21, 16 ; Deutéronome 24, 7. 3 Jour de jeûne, dans le calendrier hébraïque, qui commémore la destruction du Premier Temple par les Babyloniens en 586 av J.C, et la destruction du Second Temple par les légions romaines en 70 après J.C. 4 Le martyr subi par ces deux rabbins est également narré par le Talmud de Babylonie, dans les traités Bérakhot (page 62b, pour rabbi Akiba) et Avoda zara (page 18a, pour rabbi Hanania ben Teradyon). 5 Notre professeur d histoire juive au Séminaire Israélite de France, Monsieur André Nahon, élève de Georges Vajda, nous avait indiqué que l on ignorait l identité exacte des dix sages. 6 Terme araméen, qui désigne tout «enseignement extérieur», c est-à-dire, texte tannaïtique non compilé dans la Mishna (loi orale). 7 La révolte de Bar Kokhba entraîna des persécutions très dures de la part des Romains, et, notamment, la prohibition de l étude de la Torah et de la pratique du judaïsme. 8 Texte biblique qui exprime la foi et l obéissance du juif à l égard de Dieu, et qui est lu tous les jours, matin et soir. La première phrase est : «Ecoute Israël, l Eternel est notre Dieu, l Eternel est Un» (Deutéronome 6, 4). 9 Aggadah signifie «récit». Elle constitue la partie non juridique du Talmud. 10 Moïse voit les Romains vendre la chair de rabbi Akiba au marché. 11 La souffrance des justes échappe en effet au schéma classique de la souffrance-punition. 12 Pour reprendre une formule du grand rabbin Gilles Bernheim. 10 N 53 Mai 2015

NEUILLY PARIS OUEST PENSÉE JUIVE CHAVOUOT, un apprentissage de la vie Par Gilles Bernheim, Grand Rabbin du Consistoire Central La Tora désigne Chavouot comme la «fête de la moisson, fête des prémices de tes biens, que tu auras semés dans la terre» (Ex. 23, 16). Tout homme en Israël est tenu d apporter au Temple les premiers fruits ou grains de sa récolte arrivés à maturation sur sa terre. Cette prescription puise ses racines dans la conception selon laquelle l ensemble de la terre provient de D-ieu. Dès lors aucun être ne peut en jouir sans que le Créateur ne lui en ait accordé le droit. Le rav Shimon Shkop (1860-1939) enseigne à cet égard que le propre de l enfance est de vouloir tout, tout de suite. Et qu un peuple encore «enfant», celui qui vient de sortir d Egypte, est tenté de s approprier la terre qui lui est promise, et ce dans une perpétuelle précipitation. Mais qui n est pas «enfant» à une époque notre époque où les moyens de maîtrise immédiate des choses de la nature réductibles à des objets, et des personnes réductibles à des moyens, abondent, tandis que les modèles «adultes» manquent? Ces moyens nous donnent du moins le croyons-nous la possibilité de réaliser dans un laps de temps toujours court ce que nous voulons, et ils peuvent du moins le croyons-nous encore se substituer à nos insuffisances. En même temps que nous avons bien conscience que toute une vie n est pas assez longue pour se connaître et s accomplir, pour apprendre la patience, et avec elle la confiance, nous savons aussi, à l inverse, que l impatience qui nous caractérise tous, plus ou moins, est le produit de la peur de la mort et d une volonté de maîtrise. Prélever pour donner et non pas s approprier pour dominer, tel est bien le geste qui donne à la fête de Chavouot toute sa plénitude. Car on sait que seul l instant où l on ne saurait pas donner mais où l on voudrait accaparer la nature et autrui totalement, s approprier le bonheur à jamais et tout posséder, laisse en fin de compte un sentiment de manque destructeur. La vie est une succession de renoncements, de séparations et de pertes qui nous amputent et nous font souffrir, mais qui, en même temps, nous permettent de mûrir. Apprendre à affronter ces pertes, à les accepter peu à peu, non pour se réfugier dans la résignation, mais pour découvrir aussi bien la consolation de la durée que la réalité de se découvrir plus fort d avoir pu traverser l épreuve. Celui qui n apprend pas à perdre ne pourra jamais vivre vraiment, ni apprivoiser un tout petit peu la mort. Il apparaît ainsi que les rites qui nous obligeraient à nous dessaisir d une part de nos biens avant de nous instaurer comme maître de la nature sont une modalité de l apprentissage de la vie, et que donner est une valeur universelle sans laquelle nulle vie ne serait longtemps possible. Avant d achever notre réflexion, embrassons du regard le chemin qui conduit de Pessa h à Chavouot. A Pessa h, plongés dans la douleur de l esclavage, les Hébreux en étaient réduits à prendre bien plus qu à donner. La sortie d Egypte marque la fin de cette fermeture. Puis les quarante-neuf jours qui séparent Pessa h de Chavouot symbolisent un temps d apprentissage. L acte de donner, loin d être évident dans nos vies, suppose un murissement intérieur. A Chavouot, les Hébreux savent pleinement donner. C est pourquoi, Chavouot est aussi la fête du don. 12 N 53 Mai 2015

NEUILLY PARIS OUEST PENSÉE JUIVE Les deux types de contenus de la révélation au Sinaï : loi écrite et loi orale Par le Grand Rabbin Alexis Blum Chavouoth, fête des «Semaines», les sept semaines comptées chaque jour depuis Pessa h a perdu après la destruction du Temple son caractère de fête de pèlerinage et son aspect agricole de fête de la moisson et d offrande des prémices. Aujourd hui, chavouoth est réduit à l anniversaire du don de la Tora au Sinaï comme le soulignent les textes liturgiques : «zeman matan toraténou». L alliance conclue entre D.ieu et le peuple d Israël (Lév.26, 46) lui impose l observance des commandements révélés à Moïse et consignés dans le Pentateuque et désignés comme Tora écrite. Mais les rabbins affirment aussi l existence d une tradition orale transmise depuis la révélation du Sinaï, et lui confèrent une autorité équivalente à celle de la Loi écrite. Cette loi orale fournit la seule interprétation authentique de la loi écrite. Elle peut avoir été dévoilée par la mise en œuvre de règles herméneutiques précises, elles-mêmes révélées, ou par des dispositions connues par tradition sans bénéficier d un appui scripturaire (halakha le moche mi-sinaï). Cette loi orale s est enrichie à chaque époque de décisions d origine rabbinique, sous la forme d interdictions nouvelles (guezéroth) ou d obligations (takanoth) dessinées à répondre aux exigences du temps et adaptées aux progrès de la technologie. L absence de référence claire à la tradition orale dans le texte biblique a facilité son déni dès l Antiquité. Les Pharisiens à la fin de l existence du Temple de Jérusalem détruit en 70 de notre ère eurent à lutter contre la secte des Sadducéens pour défendre la réalité, l authenticité et la légitimité de cette transmission orale. Au Moyen-Age, le judaïsme rabbinique dut affronter le karaïsme, mouvement juif hérétique apparu en Babylonie au 8 e siècle et rejetant la tradition orale. Le karaïsme, perçu comme une grave menace suscita d impitoyables polémiques avec les plus éminents sages fidèles à la tradition rabbinique, tels Saadia Gaon (Egypte 882-Babylonie 942). Pour justifier l existence et la nécessité de la loi orale (Tora chébeal pé) s est développée toute une littérature dont voici quelques arguments : 1. Rabbi Joseph Albo (Espagne 15 e siècle) postule que par définition, un texte parfait ne peut comporter la moindre ambiguïté. Or, par exemple, le verset du «chema» (Deutéronome 6,4) : «Ecoute Israël, l Eternel est notre D.ieu, l Eternel est unique» les Juifs comprennent comme l énoncé du monothéisme absolu est interprété par les chrétiens comme une preuve de la trinité divine. Sans la tradition orale, le texte biblique serait resté ambigu et par conséquent imparfait. 2. Pour Juda Hallévi (Tudèle 1085- Alexandrie 1141), dans son «Kouzari, Apologie de la religion méprisée», (livre 3 35), il est impossible de lire sans faute et de comprendre les mots de la Bible en l absence d une tradition relative à la vocalisation et à la ponctuation du texte. Si l on acceptait la tradition orale de manière partielle seulement - par exemple, pour les problèmes de lecture - et non pour les enseignements de la «halakha» c est-à-dire la norme d application des commandements, ce serait agir de manière incohérente. A ces arguments d ordre philosophique, J. Hallévi ajoute des preuves scripturaires. Quand Moïse dit aux enfants d Israël : Ce mois-ci est pour vous le premier des mois (Exode 12,2) parle-t-il des mois égyptiens ou chaldéens, des mois lunaires ou solaires? Sans tradition orale, la réponse n est pas certaine. Quand la Tora traite de «zevi ha», immolation des animaux, obligation préalable à leur consommation licite, le mode d abattage est impossible à découvrir sans l apport de la tradition. De même, la définition de certaines graisses animales citées en Lévitique 3, 17 suppose une tradition orale, ainsi que la distinction entre oiseaux purs et impurs (Lév. 11, 13-19). «Que l homme ne sorte pas de son endroit (le chabbat)» ordonne la Tora (Ex. 16, 29). S agit-il, demande Juda Hallévi, de sa maison, de sa cour, de sa rue, de son quartier, de sa ville, etc.? Le recours à une tradition s impose. Sans tradition, on ne saurait non plus la définition exacte des activités prohibées, le chabbat (Ex. 20, 10). u u u 14 N 53 Mai 2015

C était en 1945 J avais survécu à l enfer et j avais perdu toute ma famille. Jacqueline C était en 1987 mes parents avaient des difficultés. Michael C était en 1962... J avais quitté mon pays, j avais tout perdu. Robert L OSE était là hier, elle est toujours là pour tous aujourd hui. FAITES UN DON ISF À LA FONDATION OSE-MES : POUR PROTEGER NOS ENFANTS, NOS FAMILLES, NOS AÎNÉS, NOTRE MÉMOIRE. Depuis sa création en 1912 pour secourir les enfants juifs victimes des persécutions et de la pauvreté, l OSÉ n a cessé d innover pour venir en aide aux plus fragiles : enfants et familles malmenés par la vie, aînés délaissés, personnes malades ou handicapées, survivants de la Shoah En faisant un don à la Fondation OSÉ-MES, déductible à 75% de votre ISF, vous soutiendrez une œuvre unique par l étendue et la richesse de ses actions dans les domaines de la protection de l enfance, de la santé ou de la transmission de la mémoire. Pour tout savoir et faire votre don : www.ose-france.org >> don au titre de l ISF Sous égide de la Fondation du Judaïsme Français Gettyimages - Stephen Simpson - Huntstock - Rengim Mutevellioglu ISF1504NPO

NEUILLY PARIS OUEST PENSÉE JUIVE (suite de la page 14) u u u «Les textes les plus clairs de la Tora sont ardus, à plus forte raison les plus difficiles ; pour interpréter la Tora, on ne peut que s appuyer sur la loi orale», dit le Kouzari, donnant encore l exemple de la législation des délits monétaires et du droit successoral (Nombres 27,8-11). La méthode précise de la circoncision (Genèse 17, 10-14), la confection des franges rituelles (Tsitsith, Nombres 15, 38-39) ne sont suffisamment explicitées que par la loi orale. Le fameux rabbin d Alger, Rabbi Chim on ben Tséma h Duran, dit le RaCHBaTS (1361-1444) remarque que Yitro enjoint son gendre Moïse d appointer des juges en précisant (Ex. 18, 20) : «Notifie-leur également les lois et les doctrines, instruis-les de la voie qu ils ont à suivre et de la conduite qu ils doivent tenir». Cela n implique-t-il pas que Moïse doive enseigner des éléments connus uniquement par la tradition orale? La Tora recommande de porter les affaires complexes à l autorité judiciaire supérieure (Deutéronome 17, 8-11). Celleci conclut le RaCHBats, possède donc de plus larges connaissances de la tradition orale. Daniel a risqué sa vie en Babylonie pour prier le seul D.ieu (Daniel, 6, 11). Or, observe avec finesse Juda Hallévi, la Tora écrite ne formule pas clairement un devoir de prier quotidiennement. Sans un tel impératif, le choix du martyre éventuel n aurait pas été légitime. Ceci vient prouver que Daniel avait connaissance par la loi orale de la mitsva le commandement de prier. D autres maîtres de toutes les époques et continents ont donné encore maints exemples de préceptes énoncés de manière elliptique dans le Pentateuque. Le Grand Rabbin Ernest Weill dans l Introduction à son Choul hâne Aroukh Abrégé (rééd. 1992 Paris page XV), rappelle que le Pentateuque lui- même par les mots «ainsi que je te l ai ordonné» (Deutéronome 12,21) se réfère à la loi orale qu il présuppose. A propos de l Etrog, rappelons l expression hermétique de l ordre biblique (Lévitique 23, 40) «Vous prendrez le premier jour (de la fête des cabanes) le fruit d un bel arbre». La tradition orale seule précise qu il s agit du cédrat. Enfin toute la pratique des tefiline du bras et de la tête aux si nombreuses règles d application ne peut se déduire du texte écrit de la Tora : «tu les attacheras (les paroles divines) comme signe sur ton bras» (Deutéronome 6,8). A vrai dire aucune loi de la Tora ne peut se pratiquer sans le recours à la tradition orale du judaïsme. Certains auteurs se sont demandé pourquoi l existence et la nécessité de la loi orale ayant été démontrées, il n y a pas eu de mise par écrit de tout ce corpus juridique. Nos Sages ont tenu à maintenir l étude des sources de la tradition, des principes et l histoire des débats et discussions entre les écoles de Hillel et de Chammaï, de Rabbi Ismaël et Rabbi Akiva, de Rachi et des Tossafistes et entre les maîtres de toutes les époques pour maintenir vivante la tradition juridique juive et pour lui permettre de s adapter et de répondre aux défis de contextes historiques en permanente évolution. Le Rabbin Loew, dit le Maharal de Prague (1512?-1609) considère comme pratiquement impossible la rédaction d un ouvrage exhaustif renfermant la totalité des détails de la loi et de leur explication. Le Talmud qui n est qu un aide-mémoire de la tradition orale comporte déjà des milliers de pages de grand format. Mettre toute la Tora orale par écrit serait donc une tâche irréalisable, contre laquelle Kohéleth a déjà mis en garde : on fait des livres en quantité, à ne pas finir. (Ecclésiaste 12,12) Notes : Albo, Sefer Ha-ikarim 3, 23 ; Juda Hallévi le Kusari, traduit du texte original arabe par le Grand rabbin Charles Touati éd. Verdier Lagrasse 1994 ; Maharal, Gour Aryeh sur Exode 34, 27. 16 N 53 Mai 2015

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NEUILLY PARIS OUEST DATES ET HORAIRES À RETENIR : (SAUF JOURS DE FÊTE) Horaires des offices de la semaine (sauf jours de fête) Dimanche et jours fériés שחרית Cha harit 8h00 מנהח מעריב Min ha et Maariv 19h30 Du Lundi au Jeudi שחרית Cha harit 7h00 מנהח מעריב Min ha et Maariv 19h30 Vendredi soir שחרית Cha harit 7h00 מנהח Min ha 19h Chir hachirim-arvit 19h15 Chabbat Samedi Matin Synagogue à 9h00 2 e office au CCJC à 9h00 Cours de Rav Azimov à 12h30 à la synagogue (1 er étage) Samedi après-midi 1h30 avant la fin de chabbat Maariv à la fin de Chabbat Dates à retenir Fêtes de TICHRI 5776 Début des sélih ot séfarades : lundi 17 août 2015 Début des sélih ot achkénazes (et grandes sélih ot pour tous) : dimanche 6 septembre 2015 Roch Hachana 5776 : lundi 14 et mardi 15 septembre 2015 Jeûne de Guédaliah : mercredi 16 septembre 2015 Chabbat Chouva : samedi 19 septembre 2015 Yom Kippour : mercredi 23 septembre 2015 Soukot : du lundi 28 septembre au dimanche 4 octobre 2015 Chémini Atséret et Simh at Torah : lundi 5 et mardi 6 octobre 2015 La vente des places pour les fêtes de Tichri débutera à partir du lundi 1 er juin, aux horaires du secrétariat au 01 47 47 78 76 poste 4. Programme des cours du rabbin M. Azoulay, samedis d avril à juin 2015 : Le choix des thèmes et la matière à réflexion proviennent, à quelques exceptions près, d un ouvrage publié l année dernière par Haïm Navon, rabbin de Modi in, enseignant en Torah dans des Yéchivot, centres d étude et Mikhlalot. Auteur de neuf livres (publiés en hébreu), dont un best-seller, «Eve n a pas mangé une pomme-101 erreurs répandues au sujet du judaïsme». Sa dernière œuvre est Teqou-101 grandes controverses du judaïsme. Les sujets sont généralement en rapport avec la Paracha de la semaine. CHABBAT 18 AVRIL, 19H : Le non respect des lois de la Cacherout («lois alimentaires») : conséquences concrètes ou abstraites? CHABBAT 25 AVRIL, 19H15 : Pourquoi l élection du pays d Israël? CHABBAT 2 MAI, 19H15 : Les démons existent-ils? CHABBAT 9 MAI, 19H30 : Les Cohanim, une bonne ou une mauvaise chose? CHABBAT 16 MAI, de 18H à 20H45 : CHABBAT LIMOUD SUR CHAVOUOT. CHABBAT 23 MAI, veille de Chavouot, 18H30 : Qui de l étude ou de l action prime, en matière de religion? LUNDI 24 MAI, 2 e JOUR DE CHAVOUOT, (entre Min ha et Ma ariv) : Réflexions sur la conversion au judaïsme (inspirées par André Aaron Fraenckel zal) SAMEDI 30 MAI, 21H : Faire vœu de nazirat est-il méritoire ou fautif? 18 N 53 Mai 2015

Dates et horaires à retenir 17 Tamouz : Dimanche 5 juillet 2015. Début du jeûne : 3h15 Fin du jeûne : 22h48. Le jeûne du 17 Tamouz est l un des 5 jeûnes publics institués par les prophètes et les rabbins. Il correspond au jeûne du 4 e mois évoqué dans le livre de Zacharie et commémore une série de calamités ayant frappé le peuple juif durant son histoire (Michna Taanit 4,6 et Talmud Taanit 28b). 1 - La faute du veau d or et le bris des premières tables de la Loi 2 - L introduction d une idole dans le Temple de Salomon 3 - L interruption de l offrande perpétuelle (le korban Tamid) lors du siège de Jérusalem par les babyloniens, pour la première fois dans l histoire 4 - Un rouleau de la Torah fut brulé par le chef militaire romain Apostomos 5 - Une première brèche est apparue dans la muraille d enceinte de Jérusalem au cours des sièges babyloniens et romains de Jérusalem. Le jeûne du 17 Tamouz inaugure la période de deuil des Trois semaines «Ben Hamétsarim». Les trois semaines ou Ben Hamétsarim, littéralement «entre les détroits» sont une période de deuil public d institution rabbinique s étendant entre les jeûnes du 17 Tamouz (début des affres de la destruction du Temple) et du 9 Av (jour de la destruction du Temple), c est-à-dire du dimanche 5 juillet au dimanche 26 juillet 2015 inclus. (Semaine maigre du vendredi 17 au dimanche 26 juillet 2015 inclus, sauf le Chabbat). Elles sont marquées par des manifestations croissantes d affliction et l abstention d activités joyeuses comme la célébration de mariages ou de fêtes accompagnées de musique. Selon les traditions, les manifestations de deuil se renforcent à partir du 1 er Av, par l interdiction de la consommation de vin ou de viande (sauf le chabbat), ainsi que la lessive ou le port d habits neufs ou se couper les cheveux ou se raser. 9 Av : Dimanche 26 juillet 2015. Début du jeûne : samedi 25 juillet à 21h39 Fin du jeûne : dimanche 26 juillet à 22h25. Institué également par les prophètes et les rabbins, le jeûne du 9 Av correspond au jeûne du 5ème mois, lui aussi évoqué par le prophète Zacharie. C est le jour le plus triste du calendrier hébraïque et commémore toute une série de malheurs pour le peuple juif. - l interdiction pour la génération sortie d Egypte d entrer en Israël suite à la faute des explorateurs. - En -586, la destruction du premier Temple de Jérusalem, par Nabuchodonosor et les babyloniens. - En 70, la destruction du second Temple de Jérusalem, par Titus et les romains. - Jérusalem fut détruite et labourée par Turnu Rufus et devint une ville romaine Aelia Capitolina. - En 135, la destruction de la forteresse de Bétar. - les persécutions des juifs lors des croisades. - l expulsion des juifs d Angleterre, d Espagne et de France au Moyen- Âge. - la mise en place de la solution finale lors de la seconde guerre mondiale par les nazis (déportation du ghetto de Varsovie, rafle du Vel d hiv.). N 53 Mai 2015 19

NEUILLY PARIS OUEST PRESCRIPTIONS DE CHAVOUOTH HORAIRES DE CHAVOUOTH 5775/2015 à la synagogue de Neuilly Samedi 23 mai (veille de fête) matin 9h00 soir minh a 19h30 arvit 20h15 (pas de séouda Chélichite à la synagogue) Fin de chabbat à 22h37 Veillée d étude au Centre Communautaire à partir de minuit La veillée sera suivie d un premier office de chah arit à l aube Dimanche 24 mai (1 er jour de fête) matin 9h00 soir 20h00 lecture des 10 commandements 19h15 : Lecture du Rouleau de Ruth (1 ère partie) Chavouoth pour les enfants Lecture des 10 commandements au Centre Communautaire - 1 er étage pour les enfants de 3 à 10 ans à 11h00 Distribution de glaces Pour tous à partir de 13h00 : Grand repas «halavi» au Centre Communautaire-rdc P.a.f : 25 euros inscriptions et règlements au 01 47 47 78 76 - poste 4 Lundi 25 mai (2 e jour de fête) matin soir 9h00 minh a 21h00 yizkor maariv 22h40 20h15 : Lecture du Rouleau de Ruth : (2 e partie) Cours du Rabbin M. Azoulay Samedi 23 mai à 18h30 : Qui de l étude ou de l action prime, en matière de religion? Lundi 25 Mai de 21h30 à 22h40 : Réflexions sur la conversion au judaïsme. (ז ל (inspirées par André Aaron Fraenckel 20 N 53 Mai 2015