THE WORLD BANK. Modèle bottom-up de détermination des tarifs d interconnexion pour les régulateurs africains. Version 3

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Transcription:

THE WORLD BANK Modèle bottom-up de détermination des tarifs d interconnexion pour les régulateurs africains Version 3 Guide de présentation et d'utilisation Décembre 2004 Auteurs Laurent Gille ENST Paris Christophe Rudelle Consul TIC

VERSION 3 SOMMAIRE Avertissement Ce manuel d'utilisation est la troisième édition du manuel d'utilisation du modèle de détermination des coûts d'interconnexion initialement développé par la Banque Mondiale et le PPIAF pour les pays africains. Ce manuel a d'abord été publié par le Public-Private Infrastructure Advisory Facility (PPIAF). PPIAF est un organisme de don d'assistance technique formé pour aider les pays en développement à améliorer leurs infrastructures à travers l'implication du secteur privé. Pour plus d'informations sur PPIAF? Consulter leur site web: www.ppiaf.org. Ce modèle et manuel ont été préparés en 2000 par une équipe placé sous la coordination de Paul Noumba Um, de la Policy Division of the Global Information and Communications Technology Department de la Banque Mondiale. La première version a été construite par une équipe du BIPE (cf. www.bipe.fr). Une deuxième version du modèle a vue le jour en 2003 sur un financement complémentaire de la Banque Mondiale accordé au Bipe. Cette troisième version a été mise au point à Télécom Paris en 2004 (www.enst.fr ). Malgré toutes les précautions apportées à la réalisation du modèle et du manuel, les auteurs ne portent aucune responsabilité quant aux calculs qui pourront en être issus et de toute conséquence qui peut résulter de leur utilisation. Les résultats doivent être considérés comme une aide à la décision et certainement pas comme des calculs exacts des coûts d'interconnexion compte tenu de l'incertitude qui affecte les hypothèses. Décembre 2004 2

VERSION 3 SOMMAIRE Présentation Ce manuel accompagne la version 3 du modèle bottom-up de détermination des tarifs d'interconnexion pour les pays d'afrique sub-saharienne, développé initialement par le BIPE pour PPIAF et la Banque Mondiale, et enrichi de nouvelles fonctionnalités par Laurent Gille, de Telecom Paris et Christophe Rudelle, de la société Consul TIC. IMPORTANT : Afin de faciliter la lecture de cette nouvelle version du manuel du modèle, les ajouts par rapport à la version précédente sont identifiés en début de paragraphe par le symbole suivant :i. Ce manuel présente successivement: En partie 1, les principes des modèles bottom-up de détermination de tarifs En partie 2, un guide d'utilisation du modèle En partie 3, une description plus approfondie de la modélisation retenue Quelques annexes viennent compléter cette présentation. Le modèle construit par le BIPE a été dérivé du modèle construit par Europe Economics 1 (EE) à la demande de la Commission Européenne. Ce modèle et ses manuels sont disponibles à l'adresse URL suivante 2 : http://europa.eu.int/ispo/infosoc/telecompolicy/en/study-en.htm Pour faciliter l'appropriation du modèle par les régulateurs ayant déjà utilisé le modèle EE, la présentation et la structure du modèle Afrique s'inspirent très largement du modèle EE. Néanmoins, pour tenir compte des spécificités africaines, le modèle proposé a été entièrement reconstruit; il contient également une estimation des tarifs de collecte et de terminaison d'appels sur les réseaux mobiles, une réconciliation top-down, une estimation du coût des liaisons louées qui n'existent pas dans le modèle EE. Nous tenons ici à remercier les opérateurs, régulateurs, consultants et constructeurs du Burkina Faso, de Côte d'ivoire, du Sénégal et de France qui ont concouru à la bonne réalisation de ce travail. 1 Europe Economics peut être contacté à l'adresse suivante: Chancery House, 53-64 Chancery Lane, London WC2A 1QU, Telephone: (+44) (0) 20 7831 4717, Fax: (+44) (0) 20 7831 4515. 2 Voir April 2000 - Final Report on the Study of an adaptable "bottom-up" model capable of calculating the forwardlooking, long-run incremental costs of interconnection services for EU Member States, prepared for the European Commission by European Economic Research Ltd (Europe Economics). This Study has resulted in the production of a model spreadsheet in MS-Excel format [EN, 4 Mb] (with a voluminous User Guide) which is described in the Main Report [EN, 440 kb] and an Executive Summary [EN, 65kb] (both available here as Adobe Acrobat *.pdf files). Décembre 2004 3

VERSION 3 SOMMAIRE Sommaire Synthèse 4 1 Les principes de la modélisation 15 1.1 La régulation de l'interconnexion 15 1.1.1 Les ressources essentielles 15 1.1.2 La tarification des ressources essentielles 16 1.1.3 L'orientation vers les coûts 17 1.2 Les méthodes de détermination des coûts 18 1.2.1 Les coûts génériques d une firme multiproduits 18 1.2.2 Critères économiques d'appréciation des coûts 20 1.2.3 Les notions de coût économique 21 1.2.4 Les spécificités temporelles des coûts 21 1.3 La méthode CMILT appliquée aux pays africains 24 1.3.1 Le principe des CMILT 24 1.3.2 La définition de l'incrément 29 1.3.3 Définition de l'incrément 30 1.3.4 Les spécificités des réseaux africains 33 1.4 Principes et logique de la modélisation 37 1.4.1 Les principes de la modélisation 37 1.4.2 La logique de la modélisation 40 1.4.3 La pratique de la modélisation 43 2 Guide d'utilisation 45 2.1 Entrée des hypothèses 46 2.1.1 Hypothèses de demande 47 2.1.2 Hypothèses techniques sur le réseau 49 2.1.3 Hypothèses sur les facteurs de routage 56 2.1.4 Hypothèses sur les coûts 58 2.1.5 Hypothèses sur le réseau mobile 64 2.2 Les feuilles résultat 67 2.2.1 Les résultats 67 2.3 La gestion du modèle 70 2.4 Modules optionnels 70 2.4.1 Optimisation du réseau fixe 70 2.4.2 Description du réseau de BTS 71 2.4.3 Approche top-down et réconciliation avec l approche bottom-up 72 2.4.4 Coût du réseau local 77 3 Le fonctionnement du modèle bottom-up 81 3.1 Rappel des principes de base 81 3.2 Logique des feuilles de calculs intermédiaires 82 3.2.1 Les capacités ("Capa") 82 3.2.2 Les capacités de transmission ("Capa ElTr") 82 3.2.3 Les capacités en infrastructures ("Capa Infra") 85 3.2.4 Les coûts 86 3.2.5 Les coûts totaux ("Tot") 89 3.2.6 Les calculs des réseaux mobiles 90 3.3 Conclusion 92 Décembre 2004 5

VERSION 3 SOMMAIRE 4 Annexes 94 4.1 Annexe 1: Approche économique des coûts 95 4.1.1 Calcul sans prise en compte du progrès technique 95 4.1.2 Calcul avec prise en compte du progrès technique 96 4.1.3 Partie récurrente et non récurrente du recouvrement des coûts 98 4.2 Annexe 2 : Approche du coût du capital 99 4.2.1 Valeurs comptables et valeurs de marché 100 4.2.2 Effet de l'impôt sur les bénéfices 100 4.2.3 Appréciation de re et de rd* 100 4.3 Annexe 3 : Les solutions en concentrateurs radio 103 4.4 Annexe 4 : Bibliographie 105 Décembre 2004 6

VERSION 3 PRESENTATION DE LA METHODE Synthèse Objectifs généraux Les négociations entre opérateurs relatives aux coûts d'interconnexion dans les pays africains deviennent un enjeu majeur au fur et à mesure que les marchés s'ouvrent. Si la plupart des législations contiennent des obligations d'orientation vers les coûts des tarifs d'interconnexion, rares sont les régulateurs à pouvoir les mettre concrètement en œuvre. Disposant rarement de la référence que peuvent constituer les meilleures pratiques en la matière, les régulateurs ne disposent pas de l'information et des outils qui leur permettraient d'arbitrer les négociations sur les tarifs d'interconnexion et de juger de l'orientation vers les coûts des propositions qui sont faites par les opérateurs historiques. Les modèles construits pour les pays développés s'appliquent difficilement aux pays africains. En effet, les réseaux africains sont de petite taille quoique très étendus. Ils font appel à des architectures et des technologies spécifiques pour concilier un marché de faible importance et une desserte la plus large possible. C'est dans ce contexte qu'à la demande de la Banque Mondiale, le BIPE a développé en 2000 un modèle spécifique de détermination des coûts d'interconnexion pour les pays africains. Ce modèle appartient à la famille des modèles CMILT 3 de type bottom-up, c'est à dire qu'il vise la détermination des tarifs d'interconnexion en reconstruisant les coûts d'un réseau africain efficient avec les meilleures technologies et aux coûts actuels de ces technologies. De plus, ce modèle estime également les coûts d'interconnexion d'un réseau mobile. Ce modèle a été amélioré substantiellement à deux reprises: en 2003 par le Bipe pour la Banque Mondiale et en 2004 par Télécom Paris pour un certain nombre de régulateurs l'utilisant, notamment l'artel du Burkina Faso. Le modèle actuel, s'il reste bâti sur les mêmes principes que le modèle de 2000, offre des fonctionnalités supérieures. Les coûts de cinq catégories de services d'interconnexion sont estimés par le modèle pour le réseau fixe, ainsi que désormais une estimation du coût des liaisons louées. Si le modèle nécessite l'entrée des informations permettant de caractériser le réseau, il tente d'endogéneiser au maximum un certain nombre de paramètres cruciaux, tels les facteurs de routage, et propose de nombreuses valeurs par défaut, pour pallier de fréquentes lacunes des systèmes d'information de ces réseaux. Il est destiné à offrir aux régulateurs et aux opérateurs non seulement un outil d'aide à la décision, mais également un stimulant pour mieux appréhender les logiques de la régulation d'un secteur ouvert à la concurrence où subsistent de fortes positions dominantes. Les principes de la modélisation L'obligation d'interconnexion de réseaux en concurrence s'impose: il ne saurait être question de dupliquer une infrastructure dispendieuse et de contraindre les abonnés à souscrire autant de raccordements qu'il y aurait de réseau. Par ailleurs, dans une économie de marché, la liberté de négociation et de contractualisation doit s'exercer dans le cadre de cette obligation. Mais, une fois ces principes posés, il est nécessaire de tenir compte d'éventuelles disparités qui pourraient rendre ces négociations inéquitables: ce peut être le cas dès lors qu'une des parties est en situation dominante sur le marché considéré. 3 Coûts moyens incrémentaux de long terme Décembre 2004 7

VERSION 3 PRESENTATION DE LA METHODE Dans ce cas, les réglementations des télécommunications prévoient un certain nombre de gardefous: d'une part, une intervention du régulateur pour avaliser des conditions équitables d'interconnexion, et d'autre part, un principe supplémentaire d'orientation vers les coûts des tarifs d'interconnexion. Il est donc nécessaire pour les régulateurs de pouvoir apprécier l'orientation vers les coûts des tarifs d'interconnexion qui sont proposés par l'opérateur historique, en situation de dominance incontestable quand s'ouvrent les marchés. Apprécier cette orientation vers les coûts nécessite de pouvoir maîtriser la formation des coûts des services d'interconnexion. Mais, un opérateur de télécommunication exerce une activité complexe. Il met en œuvre des réseaux formés d'investissements lourds et étalés dans le temps. Il offre un portefeuille de services qui sont plus ou moins interdépendants, c'est à dire font souvent appel aux mêmes ressources productives. De plus, certains services sont vendus au détail (sur le marché final) tandis que d'autres, tels les services d'interconnexion, sont vendus à d'autres opérateurs et forment ce que l'on pourrait appeler une offre de gros. Apprécier les coûts d'une gamme de services nécessite donc dans un tel contexte de pouvoir allouer les coûts encourus aux différentes activités de l'opérateur. Différentes méthodes d'allocation des coûts ont été proposés par les économistes. Certaines sont basées sur la comptabilité de l'opérateur et consistent à allouer les coûts historiques aux différents services selon des principes édictés par les régulateurs. D'autres, au contraire, estiment les coûts en reconstituant les réseaux à partir des technologies actuelles disponibles. Il est généralement considéré que ces dernières, dénommées méthodes des coûts moyens incrémentaux de long terme (CMILT) sont les plus indiquées pour estimer les coûts des services d'interconnexion. Plus précisément, on retient un modèle CMILT de type bottom-up. Les méthodes CMILT estiment les coûts engendrés par l'offre d'un sous-ensemble de services faisant appel aux mêmes éléments de réseau. Les coûts considérés sont ceux qui seraient évités si ces services n'étaient pas offerts. Pour comprendre et appliquer ces méthodes, un certain nombre de considérations relatives à la nature des coûts sont nécessaires. Elles sont rappelées dans la partie 1 de ce rapport. Notamment, il faut délimiter le sous-ensemble de l'activité dont on cherche à apprécier les coûts, sous-ensemble nommé incrément. Pour l'estimation du coût des services d'interconnexion, l'incrément retenu est formé des éléments de réseau appartenant au réseau dit général, c'est à dire partagés entre les utilisateurs à l'exception des éléments de réseau dédiés aux usagers dont le dimensionnement ne varie pas du fait des services d'interconnexion. Le modèle proposé tient compte de la spécificité des réseaux africains. Celle-ci s'exprime sur plusieurs points: Un faible volume de lignes déployés sur des territoires importants Une concentration du trafic sur un petit nombre d'agglomérations Un réseau de transit quasi-inexistant et un réseau de transmission de faible capacité La présence fréquente de systèmes de concentration rurale recourant à des systèmes radio de type AMRT La présence possible de réseaux domestiques par satellite Ces spécificités sont prises en compte dans le modèle. Notamment, les concentrateurs radio ruraux sont intégrés dans l'incrément. Décembre 2004 8

VERSION 3 PRESENTATION DE LA METHODE Le modèle tient compte de 6 types de nœuds et 5 types d'artères entre ces nœuds que résume le tableau suivant: Nœuds CTI CT CAA URAD SC ST CTI CT CAA URAD SC ST Vers CTI CT-CT CT-CAA CAA-CAA URAD-CAA (Lien local) SC-ST Le modèle tient compte de deux niveaux de transit, le transit international (CTI) et le transit domestique, souvent absent. Les fonctions de transit sont en effet fréquemment assurées par les Commutateurs locaux (Commutateurs à Autonomie d'acheminement CAA) sur lesquels sont raccordés des abonnés. Sur les CAA, viennent se greffer des URAD (Unités de raccordement d'abonnés distantes). Enfin, les concentrateurs radio de technologie AMRT sont caractérisés par des stations centrales (SC) et des stations terminales (ST). La modélisation des coûts retient une approche: 1. de long terme, c'est à dire que tous les coûts sont rendus variables, y compris les investissements dimensionnés pour le trafic écoulé 2. prospective, c'est à dire que le modèle considère les coûts actuels et non les coûts historiques 3. efficiente, le modèle prenant en compte les meilleures techniques dans le cadre néanmoins d'une approche dite "scorched node" retenant la topologie existante des nœuds. 4. économique, et non comptable, consistant notamment à transformer en annuités constantes équivalentes les coûts d'investissements 5. bottom-up, consistant à reconstruire le réseau selon les principes précédents 6. basée sur une seule unité d'œuvre, la minute de communication. Le modèle se présente sous la forme d'un classeur Excel doté de 31 feuilles, dont 14 sont accessibles par une feuille Menu d'interface. Il donne les coûts d'interconnexion de cinq services d'interconnexion sur les réseaux fixes (interconnexion locale, interconnexion simple transit, interconnexion double transit, interconnexion transit, interconnexion transit international) et de deux services d'interconnexion sur réseaux mobiles (terminaison et collecte). Il a été construit en partant de la modélisation proposée par Europe Economics dans son étude pour la Commission Européenne. Toutefois, hormis une présentation voisine et la reprise de certains algorithmes, le modèle proposé est largement reconstruit pour tenir compte des spécificités africaines. Son élaboration doit beaucoup aux concours apportés par des opérateurs et régulateurs africains ainsi que par des constructeurs de matériels. Il a largement bénéficié de son utilisation concrète dans différents contextes africains qui ont permis d'améliorer ses fonctionnalités et sa robustesse. Décembre 2004 9

VERSION 3 PRESENTATION DE LA METHODE Guide d'utilisation Le Guide d'utilisation qui est proposé en deuxième partie accompagne l'utilisateur, à partir du menu, dans l'alimentation du modèle et l'obtention des résultats. Ayant choisi une langue de travail (anglais ou français), l'utilisateur est d'abord invité à alimenter le modèle en inputs requis. Trois types d'hypothèses sont nécessaires: des hypothèses qui dépendent spécifiquement du réseau analysé et qui le caractérisent en terme de dimensionnement et de structure. Les valeurs correspondantes doivent être impérativement renseignées dans les cases bleues prévues à cet effet; des hypothèses pouvant être communes à plusieurs réseaux et qui sont renseignées par défaut; ces hypothèses peuvent être modifiées par l'utilisateur si il juge les valeurs par défaut non pertinentes; deux cas se présentent: o les valeurs par défaut sont des valeurs non calculées: elles sont présentes dans o des cases vert clair et peuvent être modifiées dans ces cases les valeurs par défaut sont des valeurs calculées à partir des inputs de l'utilisateur: elles sont alors présentées sous forme de tableau à droite de cellules bleu clair vierges qui sont prévues pour entrer des valeurs alternatives qui sont alors prises en compte. des données sur les coûts comptables (exploitation et immobilisations brutes) qui vont permettre d'une part d'encadrer la détermination des coûts communs, d'autre part de jauger les résultats des calculs bottom-up et enfin d'offrir quelques estimations des coûts de détail. Une fois l'ensemble des hypothèses renseignées ou validées, l'utilisateur peut prendre connaissance des résultats. Ceux-ci contiennent un certain nombre de tableaux: le premier tableau donne les coûts à la minute des différents éléments de réseau (nœuds et artères) le deuxième donne les résultats attendus, à savoir les coûts des services d'interconnexion, mais sous trois formes: o une première ligne fournit les coûts d'interconnexion moyens tels qu'ils résultent des facteurs de routage retenus en comprenant les coûts des concentrateurs radio o une deuxième ligne fournit les coûts d'interconnexion en éliminant les coûts des concentrateurs radio AMRT (ces coûts sont comparés aux meilleures pratiques africaines et européennes connues en monnaie locale et en euros) o Enfin, un tableau traduit ces coûts moyens en tarifs selon les niveaux tarifaires en vigueur (selon l'heure ou le jour) Puis, viennent des tableaux similaires simplifiés pour les réseaux mobiles. Sur les feuilles de réconciliation top-down et bottom-up, un certain nombre d'estimations des coûts de détail sont par ailleurs proposées. Ayant entré un ensemble de données, l'utilisateur peut tester leur sensibilité en sauvegardant différentes versions du modèle dotées d'hypothèses différentes. Décembre 2004 10

VERSION 3 PRESENTATION DE LA METHODE Le modèle Le modèle est plus particulièrement décrit dans la troisième partie de ce rapport. La logique globale du modèle est assez simple: 1. le modèle part d'une nomenclature d'éléments de réseau (nœuds et artères) 2. chaque service utilise dans des proportions différentes ces éléments. Les facteurs de routage représentent le nombre moyen d'utilisation d'un élément donné par le service considéré. Grâce à ces facteurs de routage, le modèle calcule la charge totale supportée en minutes de trafic par chaque élément de réseau. 3. le modèle dimensionne certains éléments de réseaux (notamment de transmission) dans le cadre de la topologie saisie 4. le modèle agrége l'ensemble des coûts pour chaque élément de réseau et en déduit un coût à la minute. 5. le modèle calcule les coûts d'interconnexion en fonction de l'usage par les services d'interconnexion des différents éléments de réseau 6. le modèle utilise les données comptables pour estimer les ratios de coûts communs à appliquer Reprenons ces étapes. Le réseau est donc considéré comme constitué d'éléments de réseau: ceux-ci sont de deux types (des nœuds et des artères): toute communication ou tout service d'interconnexion (qui est une forme particulière de communication) emprunte en moyenne x fois chacun de ces éléments (x pouvant varier de 0 à quelques unités au maximum): ces facteurs x sont appelés les facteurs de routage. On peut ainsi déterminer combien de minutes de trafic (tous trafics confondus) ces éléments de réseau supportent. Par ailleurs, le modèle calcule le coût de l'investissement et de l'exploitation de ces élément de réseau. Ces coûts sont formés de quatre composantes: Coûts attribuables Coûts communs Coûts d'investissement Coûts d'exploitation Les coûts communs sont issus d'hypothèses exprimées en % des coûts attribuables, tant pour l'investissement que pour l'exploitation. Il s'agit là soit d'hypothèses posées par le régulateur, si aucune source ne permettant d'apprécier de façon fiable la proportion de coûts communs intervenant en mark-up, soit de ratios provenant de l'analyse des coûts comptables menée de façon top-down dans les feuilles prévues à cet effet. Les coûts attribuables sont calculés. Les coûts d'exploitation sont formés de deux termes: un coût proportionnel aux investissements qui est un coût de maintenance et d'exploitation directe en quelque sorte de l'élément de réseau (pièces détachées, part matérielle de la maintenance préventive et corrective, énergie consommée etc.) et un coût du personnel affecté à l'exploitation Sur de petits réseaux très étendus, le coût en personnel ne peut guère être évalué en % des coûts d'investissement. De plus, ceux-ci sont grevés de facteurs spécifiques très variables qui rendent difficiles cet assujettissement aux coûts d'exploitation. Il est donc demandé au titre des hypothèses le volume de personnel requis par un opérateur efficient pour exploiter le réseau et Décembre 2004 11

VERSION 3 PRESENTATION DE LA METHODE le calcul des coûts salariaux de ce personnel est réparti sur les éléments de réseau en fonction des hypothèses fournies. Ce sont évidemment les coûts d'investissements qui font l'objet du maximum de calculs à partir de l'estimation du volume requis de chaque élément de réseau et du coût unitaire de chaque élément. Pour ce faire, le montant du trafic affecté à chaque élément de réseau à l'heure chargée sert de base à son dimensionnement, puis au décompte des volumes unitaires de chaque élément. Grâce aux données de prix unitaire de ces éléments, le coût total de l'investissement de chaque élément est calculé: les coûts d'exploitation, puis les coûts non attribuables lui sont alors affectés et un coût global à la minute écoulé par chaque élément est alors produit. Affectés au trafic d'interconnexion, ces coûts à la minute permettent de calculer le coût des services d'interconnexion. Ceux-ci sont alors modulés par le gradient horaire appliqué aux services de détail. Pour plus de lisibilité, le modèle construit les coûts sur trois étapes: les nœuds sont considérés comme des éléments de commutation et leurs coûts d'investissement sont régis avec des parts fixes et des parts variables au BHE (Business Hour Erlangs transformés en 2 Mbps) et à l'abonné. Les artères ou liaisons relient les nœuds. Elles sont donc d'abord caractérisées par la nature des nœuds qu'elles relient. Les artères font l'objet de calculs se situant à deux niveaux: un niveau dit transmission, qui permet notamment de déterminer les équipements électroniques de transmission, principalement sur les anneaux SDH un niveau dit infrastructure qui permet de déterminer le substrat des artères; les infrastructures comprennent trois types de technologies: des tranchées, des faisceaux hertziens (FH) et des liaisons par satellite. Les tranchées sont ventilées par géo-types (urbain, périurbain, rural) correspondant à différentes technologies d'enfouissement (enrobé, allégé, pleine terre). Les faisceaux sont caractérisées par la nature de leurs pylônes (légers, moyens ou lourds). Les artères sont dimensionnées par le trafic à l'heure chargée exprimée en capacité (Mbps). Elles sont dimensionnées pour le réseau téléphonique commuté et les liaisons louées que le réseau général supporte. Des hypothèses sur le partage de certains éléments infrastructurels avec d'autres réseaux (par exemple réseaux d'accès) permettent de partager des coûts qui ne sont pas entièrement supportés par le réseau général. Les feuilles de calcul du modèle sont ordonnées pour prendre en charge ces différentes étapes. Le modèle comprend 31 feuilles structurées ainsi: une feuille Menu pour la navigation de l'utilisateur 18 feuilles formant le cœur du modèle pour le réseau fixe explicitées ci-après (dont 5 pour le réseau d accès, module optionnel, et 2 feuilles pour l approche top-down, elle aussi optionnelle) 10 feuilles spécifiques aux réseaux mobiles 2 feuilles communes aux réseaux fixe et mobile, les facteurs de routage et les coûts Les 13 feuilles du cœur du modèle se répartissent ainsi: 4 feuilles recueillant les hypothèses 1 feuille permettant l optimisation des nœuds du réseau Décembre 2004 12

VERSION 3 PRESENTATION DE LA METHODE 1 feuille calculant le trafic pour dimensionner les éléments de réseaux 2 autres feuilles dimensionnant la transmission et les infrastructures 3 feuilles de calcul des coûts (commutation, transmission et infrastructures) 1 feuille de récapitulation des coûts totaux (y compris les coûts communs) et de calcul des coûts unitaires par minute et par élément 1 feuille de présentation des résultats Le cœur du modèle est synthétisé sur le schéma suivant: Hypothèses Demande "Demand" Réseau "Tech" Facteurs Routage "FactRout" Coûts unitaires "UCosts" Trafic Trafic "Capa" Dimensionnement Transmission "Capa Eltr" Infrastructures "Capa Infra" Coûts Commutation "Costs Sw" Transmission "Costs Tr" Infrastructures "Costs Infra" Résultats Totaux "tot" Résultats "results" Conclusion L'analyse et l'utilisation de ce modèle apporte aux régulateurs et opérateurs africains: une meilleure compréhension des logiques économiques de l'interconnexion une appréciation des coûts d'interconnexion d'un réseau donné une possibilité d'estimer la sensibilité des coûts à un certain nombre de facteurs. une confrontation aux données comptables une estimation grossière des coûts de détail Un modèle n'est jamais parfait. Il simplifie et réduit de ce fait inévitablement une réalité toujours plus complexe qui résulte d'une suite de décisions et de contingences qu'un modèle, aussi complet soit-il, n'arrivera jamais à saisir en totalité. Mais, la réalité comptable n'est souvent pas plus satisfaisante. Aussi, ce modèle bottom-up de type CMILT doit-il constituer un outil d'aide à la décision. En l'absence fréquente de systèmes d'information technique et comptable appropriés, les régulateurs et les opérateurs africains ne disposent d'aucun outil leur permettant de valider l'orientation vers les coûts des tarifs d'interconnexion qui sont actuellement négociés. Ce modèle doit permettre de progresser dans cette voie en mettant à leur disposition un outil aisément appropriable et qui tient compte des spécificités des réseaux africains. Décembre 2004 13

VERSION 3 PRESENTATION DE LA METHODE Par ailleurs, cette démarche peut avoir deux incidences fortes en matière de systèmes d'information réglementaires: aider à définir les informations que le régulateur doit absolument suivre, de façon à pouvoir renseigner ce type de modèle; cette exigence d'informations devrait aller jusqu'à la collecte d'informations comptables analytiques permettant d'apprécier un certain nombre de ratios clés (par exemple, la part des coûts communs affectables aux différents produits) reporter la charge du benchmarking sur un faisceau d'informations entrées en inputs de ce modèle. Si l'intérêt d'un benchmarking des tarifs d'interconnexion pratiqués en Afrique reste important, il est clair que celui-ci ne peut fournir que des fourchettes relativement larges compte tenu de la diversité des contextes socio-économiques et géographiques des Etats africains. Un modèle bottom-up reporte de facto la charge du benchmarking sur des hypothèses du modèle dont la variabilité doit être beaucoup moins forte (prix unitaire des équipements par exemple, ou proportion de coûts communs etc.). Un débat a récemment été ouvert sur la pertinence d'approches bottom-up en termes de coûts incrémentaux pour supporter la tarification de l'interconnexion. Ce débat illustre le fait qu'aucune solution miracle n'existe en la matière et que toutes révèlent à l'usage des imperfections. Néanmoins, ce type de méthode présente l'avantage d'aider opérateurs et régulateurs à mieux connaître la structure, le niveau et la dynamique des coûts des réseaux de façon à apprécier le "bon" niveau des tarifs d'interconnexion. Cette connaissance approfondie des coûts doit également permettre d'appréhender plus facilement d'autres questions importantes de la réglementation telles que le coût de l'accès universel, le coût des liaisons louées ou le niveau du facteur X représentant les gains en productivité à prendre en compte dans une régulation des prix de type price cap etc. Elle peut aussi grandement faciliter la résolution des conflits par les régulateurs. S'engager dans cette démarche, c'est au fond s'engager dans une démarche analytique des coûts qui ne peut qu'être profitable à tous ceux que préoccupe la dynamique des marchés et de l'industrie des télécommunications. Décembre 2004 14

VERSION 3 PRESENTATION DE LA METHODE 1 Les principes de la modélisation 1.1 La régulation de l'interconnexion La plupart des pays africains ont adopté dans les 10 dernières années des législations ouvrant leur marché des télécommunications, ou en tout cas, certains segments de ces marchés, à la concurrence. Notamment, deux à cinq opérateurs mobiles ont été généralement autorisés à offrir leurs services. En ce qui concerne les réseaux fixes, la situation est plus variée et des licences exclusives temporaires ont été fréquemment accordées aux opérateurs historiques. Dans la plupart des pays africains, un régulateur indépendant a été mis en place. Parmi ses fonctions, la régulation de l'interconnexion apparaît à l'expérience comme une des principales, en tout cas, en phase d'ouverture des marchés. En effet, une fois autorisés, les nouveaux opérateurs doivent interconnecter leurs réseaux au moins avec l'opérateur historique: cette obligation est présente dans toutes les législations de façon à ce que deux abonnés téléphoniques puissent se joindre en toute circonstance. Cette obligation d'interconnexion soulève des questions de nature technique (comment réaliser concrètement l'interconnexion), juridique (quels types d'accord doivent être conclu) et économiques (à quel tarif le service d'interconnexion doit-il être rendu). Nous nous intéressons ici essentiellement au problème des tarifs d'interconnexion. La majeure partie des réglementations en vigueur prévoit que les accords d'interconnexion sont librement conclus entre les parties, sous réserve de la prise en compte d'exigences de droit public prévues dans la réglementation. Néanmoins, la régulation tient compte du fait qu'il existe fréquemment une très grande asymétrie entre les opérateurs, puisqu'on trouve d'un coté un opérateur historique, exploitant le réseau national fixe et souvent un réseau cellulaire, et qui sort progressivement d'une situation de monopole, et d'autre part, un nouvel entrant démarrant de zéro son activité. 1.1.1 Les ressources essentielles Quant existe un acteur dominant sur le marché (et il faut définir ce qu'est un acteur dominant), on considère que certaines ressources qu'il exploite sont des ressources essentielles. On entend par ressources essentielles des ressources qu'il serait inéconomique de dupliquer et qui doivent de ce fait être ouvertes à tout utilisateur qui en ferait la demande. Ce sont en quelque sorte des ressources qui doivent être mises en commun entre les acteurs économiques qui ont besoin d'y recourir. Dans certains secteurs infrastructurels, cette ouverture apparaît évidente. Ainsi, on ne saurait admettre qu'une compagnie aérienne exploite pour son seul compte un aéroport qu'elle détiendrait situé à proximité d'une ville: toute compagnie qui souhaite ouvrir une ligne sur cette ville, dès lors qu'elle a été autorisé par l'etat, doit pouvoir le faire sans construire un deuxième aéroport: d'une part pour des raisons publiques (il ne serait pas raisonnable d'ouvrir un second aéroport), d'autre part, parce que la concurrence serait extrêmement biaisée si la première compagnie peut exploiter son aéroport sur mettons 50 lignes et que la seconde doive amortir un aéroport dont la construction comprend beaucoup de coûts fixes indépendants du nombre de lignes à desservir disons sur 2 lignes aériennes. D'où en général l'existence d'un exploitant indépendant des compagnies qui gère les infrastructures aéroportuaires et les met à disposition de quiconque a le droit d'ouvrir des lignes aériennes. Décembre 2004 15