27 e JOURNÉES D'ÉTUDE DES MATÉRIAUX EN RAFFINERIE TEXTES. DUNKERQUE 27 et 28 juin 2012



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VINGT SEPTIÈME JOURNÉES D'ÉTUDE DES MATÉRIAUX EN RAFFINERIE - Textes 27 e JOURNÉES D'ÉTUDE DES MATÉRIAUX EN RAFFINERIE TEXTES DUNKERQUE 27 et 28 juin 2012

UNION FRANÇAISE DES INDUSTRIES PÉTROLIÈRES 27 e JOURNÉES D'ÉTUDE DES MATÉRIAUX EN RAFFINERIE TEXTES DUNKERQUE 27 et 28 juin 2012

27 es journées du Groupement Etude des Matériaux en Raffinerie 27 et 28 juin 2012 Dunkerque Compte rendu

Sommaire Ouverture...7 Bernard PETITPAIN... 7 Jean des DESERTS... 8 Corrosion par l hydrogène à haute température...9 Alerte API sur la courbe de Nelson acier carbone...9 Les attaques par l HTHA sur l acier carbone...9 Martin RICHEZ... 9 L alerte de l API...9 Courbes de résistance des matériaux à l attaque par l hydrogène à chaud...10 Les expériences d ExxonMobil... 10 Fissuration d acier carbone non traité thermiquement juste sous la courbe de Nelson...10 Sylvain AUTHIER... 10 Echanges avec la salle...11 Corrosion par HTHA d un échangeur en acier carbone... 13 Cas constatés par ConocoPhillips...14 Cas constaté par Valero...14 Les cas communiqués par Shell...14 Le cas de Tesoro Anacortes...14 Le cas rencontré chez Total...16 Conclusion... 17 Echanges avec la salle... 17 Exemples de fissuration par H 2 S humide rencontrés en raffinerie...20 Introduction... 20 Céline MAJOREL... 20 Deux exemples de dégradation par H 2 S humide... 20 Une dégradation due à un mécanisme de type SOHIC...20 La combinaison de mécanismes de type SSC et SOHIC...21 Echanges avec la salle... 22 Endommagement d un absorbeur de gas plant FCC par HIC/SOHIC...24 Caractéristiques de l unité endommagée... 24 Christophe BALATRE... 24 Description du mécanisme d endommagement... 25 Hypothèse de révélation du mécanisme... 25 Echanges avec la salle... 27 Corrosion d échangeurs en acier carbone sur un circuit d eau de refroidissement...29 Les circuits de refroidissement sur eaux de réfrigération... 29 François DUPOIRON... 29 Historique et évolutions des matériaux et traitements pour circuits d échangeurs semi ouverts... 29 Un exemple d avarie sur un faisceau en acier... 30 Caractéristiques des tubes endommagés...30 Les observations de l expertise...30 Conclusion de l expertise...31 Echanges avec la salle... 31 Méthodes d évaluation de vie résiduelle des ESP soumis à fluage...33 Charles Le NEVE... 33 Echanges avec la salle... 35 Causes profondes de l ouverture du 7 août 2009 de la canalisation SPSE...36 2

L éclatement du 7 août 2009 : une situation initiale complexe... 36 Patrick SUFFREN... 36 Les causes profondes de l éclatement... 36 Dommages constatés...36 Les conclusions des expertises...37 Echanges avec la salle... 38 Corrosion caverneuse par aération différentielle sur ligne multi produits...40 Présentation de Geosel... 40 Christian MAURIN... 40 L incident du 1 er mai 2010... 40 Mesures prises suite à l incident... 41 Echanges avec la salle... 41 Qualité de fabrication des joints d étanchéité...43 Anomalies constatées sur les joints d étanchéité... 43 Jérôme FALLON... 43 La rédaction d une spécification relative aux joints d équipement... 44 Echanges avec la salle... 45 Flashs corrosion...48 Corrosion d un toit de bac de bitumes en acier Corten... 48 Jean Philippe WAHL... 48 Corrosion du piquage de tête d un régénérateur FCC... 49 Alexandrine JAILLET... 49 Fissuration de la calandre d un rebouilleur d un splitter d essence... 50 Olivier NAVONE... 50 Percement du fond d une colonne de fractionnement primaire de FCC... 51 Serge DUCREUX... 51 Fissuration d un piquage sur une ligne de vapeur... 53 Blistering sur une tuyauterie d hydrogène usine (treat gas)... 55 Oxydation à chaud petits piquages sur circuit reforming catalytique en 1,25 % Cr... 56 François CADORET... 56 Rupture des pales d un ventilateur d aéroréfrigérant gaz... 56 Pierre AUSSIBAL... 56 Corrosions par sulfure d ammonium sur unités d hydrotraitement...59 Prévention du mécanisme de dégradation... 59 Jean Luc THEMIOT... 59 Cas 1 : Corrosion d une ligne en aval d aéroréfrigérants... 59 Cas 2 : Corrosion de coudes d aéroréfrigérants sur hydrodésulfuration... 60 Conclusion... 60 Echanges avec la salle... 60 Défaillance de surchauffeur de vapeur d un four de distillation atmosphérique...63 Introduction... 63 Observations métallurgiques... 63 Examen du procédé... 64 Origine de la dégradation... 64 Conclusions... 65 Echanges avec la salle... 65 Point d étape sur les programmes de recherche canalisations...66 Introduction... 66 Didier CARON... 66 Feuille de route... 66 3

Les participants... 67 Avancement des travaux... 67 Evaluation des outils d inspection et de leurs performances annoncées...67 Méthodologie d analyse des performances des pistons instrumentés...67 Thématique «Inspection des canalisations non inspectables par voie interne et surveillance des fuites accidentelles»... 68 Méthodologie de gestion de l intégrité des canalisations inspectées par mesures électriques de surface...68 Evaluation des performances des techniques d inspection par ondes guidées...68 Performances des techniques de détection de fuite et applications en zones sensibles...71 Thématique «Aptitude au service des canalisations de transport d hydrocarbures liquides présentant un effet de toit»... 71 Echanges avec la salle... 72 Contrôle non destructif épaisseur fond réservoir époxy...76 Arnaud LEMAIRE... 76 Bacs semi enterrés réseau ODC... 76 Francis MORIAU... 76 Méthodes actuelles de contrôle des fonds... 77 Développement du robot UT avec Alstom Inspection robotics... 78 Guide DT 91 de spécification technique de robinetterie moulée...81 Jean Christophe CINERELLI... 81 Objet et domaine d application... 81 Documents de référence... 81 Terminologie... 82 Exigences générales... 82 Matériaux concernés... 82 Exigences spécifiques pour la composition chimique... 82 Traitement thermique... 83 Contrôles non destructifs (CND)... 83 Elimination des défauts réparations par soudage... 83 Résilience... 84 Contrôle de la microstructure des aciers inoxydables... 84 Résistance et allongement... 84 Marquage... 84 Documentation... 84 Utilisation du guide... 84 Suites de la rédaction guide... 85 Echanges avec la salle... 85 Présentations par les administrations...86 Thomas BLATON... 86 Canalisations de transport... 86 Poursuite de la réforme des textes sur les canalisations de transport...86 Retour d expérience des années 2007 2011...87 Point sur la réforme anti endommagement... 87 Le guichet unique...88 Calendrier...88 Equipements sous pression... 88 Pierre SAJOT... 88 Evolutions règlementaires aux niveaux européen et français...89 Le plan de modernisation...90 La révision de la circulaire n 32510...90 Utilisation technique phased array sur chaudière...92 Description et historique du site concerné... 92 4

Franck CLEMENT... 92 Apparition et explication du phénomène... 92 Intervention... 93 Retour d expérience...93 Echanges avec la salle... 94 Retours d expérience sur la maintenance de bacs d hydrocarbures...95 Jean des DESERTS... 95 Indice de criticité... 95 Retour d expérience d un producteur d électricité... 96 Nouveaux guides (DT 95 fragilisation de revenu ; DT xx ESP soumis à la flamme)...97 DT 95 fragilisation de revenu... 97 Objectifs du guide...97 Domaine d application...97 Fragilisation de revenu Généralités...97 Dispositions constructives...98 Modes de dégradation potentiels...98 Retour d expérience...98 La substitution à l épreuve de requalification périodique...98 DT xx ESP soumis à l action de la flamme... 100 Domaine d application...100 Historique...100 Contenu du guide...101 Les exigences...101 Premiers retours d expérience sur le plan de modernisation et flashs corrosion... 103 Premiers retours d expérience du plan de modernisation... 103 Flash corrosion Corrosion d un appareil au niveau de son support... 103 Flash corrosion Corrosion d une canne d injection d eau de lavage sur unité HDS... 104 Description de l incident...104 Explications du phénomène...104 Conclusion...104 Conclusion... 105 5

mercredi 27 juin 2012 6

Ouverture Bernard PETITPAIN Total Flandres Bienvenue aux 27 es journées du Groupement d étude des matériaux en raffinerie (GEMER). Je suis honoré d accueillir les spécialistes de la métallurgie et de l inspection de la profession. Axées sur les matériaux utilisés en raffinerie, les journées GEMER s intéressent également à la pétrochimie, un secteur qui se rapproche du raffinage au sein de plusieurs groupes, et aujourd hui également chez Total. Dunkerque a accueilli les journées GEMER pour la première fois en 1958 à l invitation de la société BP, lors de la deuxième édition de l événement. Depuis l automne 2009, Total a cessé ses opérations de raffinage à Dunkerque. La raffinerie est en cours de transformation, pour devenir un lieu de stockage stratégique au nord de l Europe. Les transformations impliquent le déploiement d importants travaux de métallurgie, de soudures, de contrôles, etc. Nous aurons l occasion de vous présenter un retour d expérience en la matière au cours de ces journées. 350 personnes travaillent sur le site (250 personnels de Total et une centaine de personnels sous traitants). Le Groupe s est engagé auprès de la Communauté urbaine de Dunkerque, du Grand port maritime de Dunkerque et de l Etat à agir pour recréer sur le site un nombre d emploi équivalent à celui précédant l arrêt des opérations de raffinage (environ 600 emplois). Nous espérons annoncer prochainement l implantation d industries métallurgiques au sud de notre parc d activités. En outre, une centaine de personnes y travaillent pour un centre de compétences techniques et un centre de formation y emploie une vingtaine de spécialistes. Par exemple, M. Liebermann, spécialiste du génie chimique, y travaille en ce moment. Ce centre de formation est une référence pour la branche Raffinage Chimie (RC) et développe des contacts avec la branche de l exploration production. Enfin, le site accueille les spécialistes du centre d Assistance technique Côte d Opale (ATCO), qui vérifient l application des référentiels techniques et conseillent les mises en œuvre en matière de fiabilité et d efficacité process, de travaux et d inspection. Cette équipe d une douzaine de personnes dirigée par Franck Clément est appelée à grandir dans le futur. La transformation de l établissement des Flandres est une période douloureuse pour le territoire et le personnel, mais nous tentons d y développer de nouvelles activités. Aujourd hui les industries pétrolières sont confrontées à un double défi. Il faut satisfaire sans défaillance les attentes sociétales vis à vis de la sécurité industrielle et de la protection de l environnement, en prévenant les pertes de confinement. Il faut ensuite résister à la compétition intercontinentale. Pour cela, il faut améliorer la disponibilité des outils de production. La maîtrise des coûts nécessaires à cette fin est une clé fondamentale de la réussite de nos industries. Tel est l enjeu des journées GEMER. Les métiers de la métallurgie et de l inspection sont au cœur du sujet, comme le démontrent par exemple l explosion de la Mède dans les années 1990 dans laquelle les phénomènes de corrosion ont joué un rôle, ou encore la pollution de la Loire à Donges. La performance industrielle et la maîtrise des coûts impliquent le déploiement d innovations, de retours d expérience et d une veille technologique. C est pourquoi les industriels français du raffinage ne sont pas en concurrence en matière de sécurité et de technique, compte tenu de l importance des enjeux et des risques, et font primer la solidarité en la matière, pour la défense de nos industries. Je considère que les journées GEMER sont capitales pour leur devenir. Je suis convaincu que cette 27 e édition sera passionnante, et vous apportera beaucoup, tant par son contenu technique que par les échanges et les liens que les participants y tisseront. Le retour d expérience, le partage de bonnes pratiques et la possibilité d y développer des arguments en bonne intelligence avec 7

l Administration pour la compétitivité de nos industries en France permettront à chacun d en sortir enrichis. Je vous souhaite d excellentes journées GEMER et vous remercie pour votre implication pour la profession et l industrie pétrolière en France. Jean des DESERTS Coordonnateur sécurité risques industriels Union française des industries pétrolières (UFIP) Ces journées GEMER sont co organisées par une équipe constituée notamment de l IFP Energies nouvelles (IFPEN) et de l UFIP. Je remercie Bernard Petitpain de nous accueillir à Dunkerque. 8

Corrosion par l hydrogène à haute température Alerte API sur la courbe de Nelson acier carbone Les attaques par l HTHA sur l acier carbone Martin RICHEZ Total RC L American Petroleum Institute (API) a émis une alerte suite à des Attaques par l hydrogène à haute température (High Temperature Hydrogen Attack HTHA) d équipements en acier carbone. L HTHA est un sujet récurrent dans l industrie du raffinage. Ces dernières années, les principales discussions ont porté sur l acier à 0,5 % Mo et, récemment, des problèmes observés par ExxonMobil sont apparus sur de l acier carbone non traité thermiquement. L un des derniers incidents majeurs de l industrie du raffinage, celui de Tesoro, est lié au problème de corrosion par HTHA et a causé le décès de sept personnes. Il existe deux types d HTHA : la décarburation de surface la décarburation interne. La décarburation de surface est due à la migration du carbone vers la surface. Ce phénomène se rencontre à haute température et à une faible pression partielle d hydrogène. Il se traduit par une réduction de la résistance mécanique et par un accroissement de la ductilité du matériau. Ce phénomène se déroulant en surface, ses conséquences sur la résistance mécanique des équipements sont relativement secondaires. En revanche, la décarburation interne est due à la pénétration d hydrogène dans le métal. Par réaction avec le carbone, l hydrogène forme du méthane. Cette molécule, plus grosse, reste piégée dans le métal et s accumule aux joints de grains, plaçant ainsi le matériau sous contrainte. Ces contraintes se traduisent par la formation de micro vides et de microfissures et, en parallèle, par une baisse des caractéristiques mécaniques du matériau. Physiquement, ces attaques se traduisent par l apparition de dégradations sur les équipements en acier (aspect décarburé, microfissures). Total a rencontré plusieurs cas, par exemple en 2004 sur un réacteur d hydro finissage de paraffine (en acier à 0,5 % Mo) et en 2005 sur les échangeurs d une unité de reforming sur laquelle sont apparus des blisters et des fissures. L alerte de l API ExxonMobil a lancé des premières alarmes sur des cas d HTHA rencontrés sur l acier carbone vers 2004 2005. L API a rédigé un premier projet d alerte au printemps 2011, avant d en publier une version finale suite à l accident de Tesoro. L alerte rapporte des cas d HTHA d équipements en acier carbone soudé et non détensionné. Elle fait référence à la publication d ExxonMobil sur le sujet. L API souhaite rassembler toutes les informations disponibles sur ces cas d attaques pour pouvoir modifier les courbes de résistance de l acier carbone. Dans l immédiat, l API a décidé d informer les raffineurs et les industriels, afin qu ils tiennent compte de ce problème dans leurs plans d inspection et dans le management de leurs équipements. Cette alerte ne concerne que les équipements non traités thermiquement. Enfin, l API demande aux raffineurs de lui rapporter tout cas éventuel, afin 9

de documenter le dossier et d instruire ultérieurement la modification des courbes de Nelson. Courbes de résistance des matériaux à l attaque par l hydrogène à chaud L API Recommended Practice 941 (API RP 941) rassemble les courbes de résistance des matériaux à l HTHA. Ce document en est aujourd hui à sa 7e édition. La première d entre elle date de 1970 et se base sur les travaux de G. Nelson qui a établi des premières courbes de résistance dès 1949. En 1977, la courbe relative à l acier à 0,5 % Mo a été fortement abaissée, puis retirée en 1990, compte tenu d incertitudes relatives à la tenue du matériau. Pour les raffineurs, cette décision a eu des répercussions importantes sur la gestion des équipements, car beaucoup de ceux conçus avant 1990 ont employé de l acier à 0,5 % Mo, du fait de son apparente résistance à l HTHA, de sa facilité de mise en œuvre et de son coût. A présent, la courbe de l acier carbone commence à être remise en cause. Cependant, dès 1965, des courbes de résistance de l acier carbone présentaient deux valeurs, l une pour l acier carbone soudé et l autre pour l acier carbone non soudé. Ces valeurs ont ensuite été reprises dans la première édition des courbes de l API. Puis, seule la courbe de l acier carbone d équipements non détensionnés, plus conservatrice, a été conservée. L on pouvait donc penser que les courbes actuelles intégraient les phénomènes d HTHA constatés sur l acier carbone non détensionné. En effet, les courbes, construites par représentation en abscisse de la pression partielle d hydrogène et en ordonnée de la température, permettent de déterminer un seuil sous lequel la combinaison des deux conditions présente un risque nul d HTHA (plus la pression partielle d hydrogène et la température sont élevées, plus il existe un risque d HTHA). Ainsi, lors de la conception d un équipement, l on veille à ce que ses données de fonctionnement soient bien situées en dessous de ce seuil. Les expériences d ExxonMobil Fissuration d acier carbone non traité thermiquement juste sous la courbe de Nelson Sylvain AUTHIER ExxonMobil En 2010, ExxonMobil a présenté à l American Society of Mechanical Engineers (ASME) ses expériences en matière d HTHA sur de l acier carbone non traité thermiquement. Le document a été repris en référence dans l alerte API. ExxonMobil a enregistré des défaillances entre le point d injection de l hydrogène et le premier effluent réacteur réfrigérant, sur une unité de désulfuration des essences en acier carbone non traité thermiquement. Sur les tuyauteries, les fissures sont visibles dans des zones de fortes contraintes résiduelles de soudage. Sur les appareils à pression, elles apparaissent en pied de cordon, où la structure est la plus grossière. Des examens micrographiques montrent que les fissures sont remplies de produits de corrosion (des sulfures de fer) et sont intergranulaires. A proximité de la surface, sur des fissures secondaires, l on observe que des fissures démarrent au sein de colonie de perlite et que la cémentite est attaquée : du carbure de fer a été consommé pour créer du méthane. Le processus de fissuration se déroule en deux étapes. La première, l étape d initiation, est liée à l effet combiné des contraintes résiduelles de soudage et des contraintes de pression interne, générées par la production de méthane. Ces dernières sont extrêmement élevées sur un appareil non détentionné. Les fortes pressions théoriques calculées ne sont d ailleurs probablement jamais atteintes car les ruptures surviennent à une pression inférieure. En revanche, lorsque l on s éloigne de la surface, le produit de corrosion est moins présent, voire disparaît. 10

Les fissures de la première étape se rapprochent du micro fluage d une HTHA conventionnelle, qui permet de calculer une durée de vie résiduelle de l équipement. Or, les fissures observées à l étape 1 ne présentent pas de bulles de méthane : il n y a donc pas, dans ce cas, de fluage dépendant du temps. Par ailleurs, l historique du fonctionnement de l appareil sur lequel les fissures ont été constatées a été étudié. Il s est rapproché de la courbe de Nelson, voire l a parfois légèrement dépassé. Cependant, la durée de vie consommée en micro fluage n est pas suffisante pour atteindre une probabilité de défaillance élevée. Dans son alerte, suivant les recommandations d ExxonMobil, l API préconise donc d inspecter les équipements dont les conditions de fonctionnement se situent à 3 bars et 28 C sous la courbe de Nelson. D autres niveaux d inspection ont été définis en fonction du risque lié à la position occupée par l équipement sur la courbe de Nelson : le niveau haut d inspection correspond à un contrôle Ultrasons (US) des défauts automatisés avec un contrôle par Time Of Flight Diffraction (TOFD) de toutes les soudures (c est à dire un contrôle par ultrason, avec encodage et automatisé) le niveau moyen d inspection correspond à un contrôle US automatisé par TOFD d une partie significative des soudures le niveau standard d inspection correspond à un contrôle US manuel ou par radiographie des équipements. En conclusion, des fissurations ont été observées sur des tuyauteries et des appareils en acier carbone non traités thermiquement et opérant juste en dessous de la courbe de Nelson. Les expertises menées en laboratoire montrent que la fissuration s opère en deux étapes, la première étant liée à l effet combiné des contraintes résiduelles de soudage et de la pression de méthane, et la deuxième correspondant à un effet de fendage. Les fissures se remplissent de sulfure de fer puis, lors du refroidissement du matériau, l acier se rétreint davantage que le sulfure de fer. Les fissures progressent alors rapidement. Les conclusions d ExxonMobil, reprise par l alerte API, recommande également d effectuer des inspections des équipements à 3 bars et 28 C sous la courbe de Nelson, selon des méthodes et sur une étendue précises. Echanges avec la salle Martin RICHEZ Selon les explications d ExxonMobil, la fissuration a lieu en deux étapes? Sylvain AUTHIER En effet, les fissures présentent des caractéristiques différentes à proximité de la surface interne et en fond de fissure, près de la surface externe. Martin RICHEZ Le phénomène se produit également pour les process ne faisant pas intervenir le soufre. Dans ce cas, il se propagera simplement moins rapidement? Sylvain AUTHIER Deux facteurs favorisent la fissuration : plus la limite élastique de l acier est élevée, plus la contrainte résiduelle de soudage le sera également plus l équipement présentera de gros grains, plus la fissuration sera rapide. Pour le moment, le phénomène n est constaté que sur les opérations soufrées. Les opérations non soufrées sont actuellement à l étude. 11

Martin RICHEZ La présence de soufre est avérée dans tous les cas dont j ai eu connaissance. Le phénomène démarre dans l environnement des soudures. Concerne t il uniquement les soudures longitudinales de l appareil ou les soudures circulaires peuvent elles aussi être touchées? Sylvain AUTHIER Le phénomène a deux moteurs : la contrainte résiduelle de soudage et la pression liée à la formation de méthane. Autrefois, les courbes de Nelson tenaient compte de la présence de soudures longitudinales, mais cette distinction n est plus justifiée. Sylvain AUTHIER En effet, le deuxième moteur est suffisant pour déclencher un phénomène. La formation de méthane est indépendante de la condition de soudage. N est elle pas suffisante pour générer la fissuration? En outre, l on ignore laquelle de la première ou de la deuxième fissuration survient avant l autre. Sylvain AUTHIER Non, la première fissuration est bien la première étape. Martin RICHEZ Deux effets interviennent : les contraintes mentionnées par Sylvain Authier, et la stabilité des carbures. Cette dernière est favorisée par le traitement thermique. Dans les cas connus, la soudure joue un rôle. En règle générale, les soudures sont analysées les premières. Martin RICHEZ Les soudures sont plus sensibles au phénomène. Pour le moment, il ne s est pas manifesté en dehors des soudures. Les recherches d HTHA sur le matériau de base n ont pour l instant pas été concluantes. Quels critères permettent de déterminer la possibilité de maintenir en service un équipement présentant des fissures? Sylvain AUTHIER De tels équipements ne sont pas maintenus en service. Martin RICHEZ Il a été généralement constaté que ces équipements ne pouvaient pas être réparés. Dans un seul cas, un réacteur d Hydrodésulfuration (HDS), l appareil a été maintenu en service en attendant la livraison d un matériel de remplacement. Pour cela, ses conditions de fonctionnement ont été modifiées par la pose d un réfractaire interne dans la partie basse du réacteur, le transformant ainsi en équipement à parois froides. 12

Sylvain AUTHIER Il faut arrêter les équipements dès l apparition de fissures. Martin RICHEZ Généralement, les équipements sont trop attaqués pour être maintenus en service. Sylvain AUTHIER Ces phénomènes touchent l acier carbone non traité thermiquement, ainsi que l acier à 0,5 % Mo non traité thermiquement. Un HTHA classique est gérable car l on peut calculer la durée de vie résiduelle de l équipement, mais le cas présent est plus complexe. Martin RICHEZ Dans les cas connus, une fois les macrofissures éliminées, les équipements révèlent encore des microfissures. Il n est pas raisonnable de les maintenir en service. A ce jour, l on a préféré le remplacement préventif d équipement en acier à 0,5 %Mo au maintien en service des équipements fissurés. Martin RICHEZ Certains équipements en acier à 0,5 % Mo sont plus résistants. Lorsqu il s agit de gros équipements, généralement, les raffineurs réfléchissent avant de procéder à leur remplacement. Sous réserve que les appareils puissent être contrôlés (je pense notamment au piping pour lequel le contrôle est très difficile), la question du non remplacement peut être posée. Les appareils de taille modeste, quant à eux, sont plus facilement changés. A Fos, certains réacteurs auront bientôt 40 ans. Martin RICHEZ S il s agit d appareils à parois froides, les risques sont moindres, voire nuls. Des fissures ont elles été observées dans des pièces formées et non dans des soudures? Sylvain AUTHIER Des fissures sont constatées dans les Zones affectées thermiquement (ZAT) d équipement en acier carbone non traité thermiquement. Martin RICHEZ Ma présentation vous apportera une réponse car j y recense tous les cas que j ai pu rencontrer. Il s avère que ces cas portent tous sur des soudures. Corrosion par HTHA d un échangeur en acier carbone Martin RICHEZ J ai rassemblé l ensemble des cas recensés de corrosion par HTHA d équipement en acier carbone. Voici, ci après, la présentation de quatre d entre eux. 13

Cas constatés par ConocoPhillips ConocoPhillips a rapporté deux cas d HTHA sur des équipements d Hydrotraitement (HDT) en acier carbone non traité thermiquement. Le premier cas se situe en amont du reforming et en aval de l injection d hydrogène. La défaillance est survenue au niveau d une bride, sur la soudure, et les fissures se sont développées à partir de la paroi interne. On a constaté des fissures intergranulaires sur la zone traitée thermiquement. Les conditions de fonctionnement de l équipement sont proches de la courbe de Nelson de l acier carbone. L unité avait 14 ans, et ConocoPhillips n a réalisé que les défaillances étaient dues à de l HTHA et non à de la fatigue qu après les publications d ExxonMobil. Le second cas concerne le fond d une colonne d HDT. Dans ce procédé, la colonne est à la fois réacteur et stripper. Les conditions de service sont de 343 C et 17,3 bars de pression partielle d hydrogène. Les défaillances ont été constatées après deux ans de fonctionnement : des fissures ont été retrouvées sur le piping, dont certaines allaient jusqu à 60 % de l épaisseur. Ce type d unité semble assez sensible au phénomène, probablement du fait des caractéristiques des matériaux. Cas constaté par Valero Valero a constaté quatre défaillances sur des HDT, en sortie du circuit de rebouillage de la colonne du stripping. La conception de celle ci est sans doute similaire à celle des unités de ConocoPhillips, sans doute conçues avec des marges faibles ou mal évaluées par rapport aux courbes de l API 941. L unité de Valero fonctionne à une température de 327 C pour une pression partielle de 4,8 à 5,5 bars. Toutes les défaillances ont été observées sur des jonctions bride/tube, toujours du côté des brides dans la structure à gros grains. Il ne faut cependant pas en déduire une généralité. Chaque point de défaillance était associé à des zones de turbulence, en amont ou en aval d un contrôleur de débit. Elles sont apparues après cinq ou six ans de service. On constate donc que les défaillances apparaissent sur des unités relativement récentes. Par ailleurs, la teneur en carbone de l acier était relativement faible ; celle ci n est donc pas nécessairement déterminante. Valero n a pas pu déterminer avec une absolue certitude que la dégradation résulte d une dégradation HTHA, mais cette explication reste la plus probable. Aucune décarburation n a pu être mise en évidence, mais les autres signes tendent à désigner l HTHA comme responsable. Les cas communiqués par Shell Shell a communiqué plusieurs cas d HTHA sur de l acier carbone, sur des unités d isomérisation. Il semble que l isomérisation ne fait normalement pas intervenir de sulfure, mais ce point doit être vérifié. L unité se situe en sortie du four d hydrogène de recycle et en sortie des ballons de garde contenant de l oxyde de zinc. Les conditions opératoires de l unité sont de 273 C et de 18,6 bars. Dans un second cas observé par Shell, elles sont de 282 C et de 15,7 bars. Les défaillances ont été observées après 13 années de services. Des fissures supplémentaires ont été découvertes par US. Dans ces cas précis, la décarburation a bien été observée et les fissures sont présentes dans la ZAT et dans la soudure. Une fissure a ainsi démarré en pied de cordon pour se propager dans la ZAT ; une autre est située dans la zone de liaison. Les fissures sont également intergranulaires. Le cas de Tesoro Anacortes Le cas de Tesoro Anacortes concerne une unité d HDT de naphta mise en service en 1972. Elle a la particularité de contenir deux trains d échanges parallèles, comportant chacun trois 14

échangeurs. Ces échangeurs s encrassaient rapidement et l un des trains était arrêté tous les six à 12 mois pour être nettoyé, l unité continuant de fonctionner sur le second train. Cette particularité explique l ampleur des conséquences de l accident survenu à Tesoro. Le 2 avril 2010, lors de la remise en service d un train, la calandre de l échangeur charge/effluent s ouvre et relâche de l hydrogène et du naphta, provoquant une explosion et un incendie qui ont entraîné le décès de sept employés présents sur les lieux. Suite à l accident, la raffinerie a été arrêtée pendant six mois. L échangeur fonctionnait à une température de calcul de 262 C et à une pression de calcul de 41,4 bars. La pression partielle d hydrogène était de 20 bars et la virole était en acier A 515 grade 70, pour 22 mm d épaisseur. La calandre de l échangeur était partiellement claddée en acier inoxydable 316. Comme dans tous les cas précédents, la virole n était pas traitée thermiquement. Lors de l accident, la tête de la calandre a été expulsée mais est restée en bon état, contrairement à l échangeur. En effet, le clad en 316 a fait barrage à l hydrogène. Les premiers examens de l échangeur ont révélé la présence de fissures dans la ZAT, se développant à partir de la paroi interne. L expertise a conclu à des dégradations avancées dues à l attaque par l hydrogène à chaud. En revanche, le métal de base et le métal déposé ne présentaient pas de dégradations, pas plus que la partie claddée en acier 316. Des dégradations similaires ont été observées sur le second train d échanges. Si le rapport officiel de l accident fournit peu d informations sur les conditions exactes de fonctionnement de l unité, le rapporteur a néanmoins expliqué oralement que l équipement opérait bien sous les courbes de l API 941. Les calculs des pressions partielles d hydrogène de cet équipement étaient, semble t il, imprécis. Martin RICHEZ Ces difficultés de calculs demeurent en effet l un des problèmes pour déterminer le point réel de fonctionnement des équipements. Sur ces unités anciennes, l instrumentation est limitée. Il existe un thermocouple en amont et en aval du train d échange mais pas de relevé intermédiaire. Les calculs se font généralement sur une moyenne d une journée, mais ne sont pas exempts d incertitudes. Dans le cas de Tesoro, les calculs sont en fait issus d une simulation process et aucune mesure n a été prise. Martin RICHEZ En effet. Plusieurs pétroliers installent aujourd hui des capteurs sur des équipements intermédiaires afin de mieux connaître la température exacte des équipements. En outre, l échangeur s encrassait rapidement. La pression partielle d hydrogène n était pas maîtrisée. Martin RICHEZ Il y a effectivement des incertitudes sur les conditions de fonctionnement de l échangeur de Tesoro. Cependant, il semble qu elles étaient bien en dessous de la courbe de Nelson. Lors de la conception de l unité, ses conditions de fonctionnement étaient sans doute sous la courbe, mais à force d encrassement, il est possible qu elles ne l étaient plus. 15

Martin RICHEZ Il est difficile de répondre à cette remarque. Quoi qu il en soit, Les trains d échanges ont aujourd hui été changés. Dans le cas de Tesoro, peut on soupçonner une défaillance du plan d inspection? Martin RICHEZ C est possible, mais lors de l établissement du plan d inspection, le risque HTHA n avait pas été identifié. Dès lors, aucune inspection ne cherchait ce type de dégradation. Les équipements étaient situés sous les courbes de Nelson et les retours d expérience n étaient pas encore ce qu ils sont aujourd hui. Il me semble que la raffinerie avait changé de propriétaires plusieurs fois et qu aucun n avait retenu l HTHA dans le plan d inspection. Martin RICHEZ C est exact. Avec toutes les informations dont nous disposons aujourd hui, il est difficile de dire qu une faute a été commise lors de l établissement du plan d inspection. Il est normal de se demander ce qui n a pas fonctionné. Martin RICHEZ Au moment de l accident, l on commençait seulement à parler du problème d HTHA sur de l acier carbone non traité thermiquement. Aucune alerte n avait été émise. Le cas rencontré chez Total Le cas rencontré à la raffinerie de Normandie de Total concerne une unité de désulfuration de gazole mise en service en 1979. L échangeur concerné, l E 451 C, appartient au train d échange charge/effluent, composé de six échangeurs. La charge passe du côté de la calandre et l effluent du côté des tubes. La température de calcul de l échangeur est de 260 C et sa température maximum de service est de 253 C. La pression de calcul est de 54,8 bars et la pression maximum de service est de 46,5 bars. La virole est en A 48 C1, le coefficient de soudure est de 0,8 et l équipement n a pas subi de traitement thermique. Le diamètre de la calandre est de 1216 mm et la virole a une épaisseur de 36 mm. Les matériaux utilisés en amont de l échangeur sont de l inox, pour la tuyauterie, et de l acier carbone pour la calandre de l échangeur précédent ; en aval, la tuyauterie est en acier inoxydable et l échangeur est en acier à 0.5 %Mo, claddé en acier inoxydable. L échangeur a été identifié comme étant un équipement à risque car opérant près de la courbe de l acier carbone. Le plan d inspection prévoyait d ailleurs des contrôles par magnétoscopie. Lors de l arrêt de 2008, des fissures ont été identifiées sur l équipement dans la zone de liaison de la soudure longitudinale, sur plus d un mètre de longueur et jusqu à 7 mm de profondeur. Des contrôles du métal de base menés par AUBT ne révèlent cependant pas d HTHA. L équipement a été réparé puis remis en service, un contrôle ultérieur étant prévu trois années plus tard. Ce dernier a révélé une nouvelle fissure de 700 mm de long, dont la profondeur atteignait par endroits 10 mm. L examen révèle que la fissure principale est fortement oxydée et chemine de façon intergranulaire. On observe de multiples ramifications autour de cette fissure, sans orientation préférentielle. L expertise a conclu à une dégradation liée à l HTHA. 16

L examen de l évolution des conditions opératoires dans le temps montre que la température de l équipement s est accrue de façon marginale, mais des incertitudes demeurent. La pression partielle d hydrogène a également augmenté, du fait de l installation de membranes de purification d hydrogène. Par conséquent, les conditions de service de l équipement se rapprochaient fortement de la courbe de Nelson. Suite au cas de la raffinerie de Normandie et aux autres cas recensés par ailleurs, Total a effectué les recommandations suivantes auprès de ses services d inspection : recenser tous les équipements en acier carbone non traité thermiquement se trouvant dans la zone à risque (entre la courbe de Nelson et une seconde courbe située 3 bars et 30 C sous la première) contrôler les soudures dès que possible par une magnétoscopie interne, sur 100 % des équipements, complétée par des contrôles US ; contrôler également les tuyauteries par US ou par radiographie, selon les possibilités d intervention pour les raffineries, élaborer un plan de remplacement des équipements, en donnant la priorité au piping. Conclusion Le phénomène d HTHA sur des équipements en acier carbone soudé et non détensionné n est pas devenu commun, mais ce n est pas un événement rare. De nombreuses sociétés ont rapporté des cas précis. Total en a connu un dans sa raffinerie de Normandie. Ces défaillances peuvent avoir des conséquences dramatiques, comme à Tesoro, car elles se produisent sur des circuits chauds et concernent des fluides hautement inflammables. Sans une inspection en temps utile, la raffinerie de Normandie aurait pu connaître un accident similaire à celui de Tesoro. Pour le moment, les explications du phénomène ne sont pas satisfaisantes. Ainsi, les unités concernées ne sont pas toutes anciennes. L une des explications possibles est que de plus en plus d unités fonctionnent selon des conditions de plus en plus proches de zones à risque. En effet, les designs étant aujourd hui plus précis, il est possible que les marges de conception soient réduites. Une autre explication peut être celle d un passage progressif vers des conditions de procédé plus sévères. Enfin, certaines défaillances peuvent aussi être dues à l absence de l identification du mode de dégradation, pour les cas les plus anciens. Il convient de prendre en compte ces retours d expérience dans l établissement des plans d inspection des installations. L API révisera probablement ses courbes, mais il lui faudra auparavant suffisamment de temps pour rassembler des cas documentés du phénomène. Elle a choisi d émettre une alerte car la révision des courbes devrait prendre plusieurs mois. La profession est invitée à transmettre à l API les cas qu elle pourrait éventuellement recenser. Echanges avec la salle L année dernière, nous avons été confrontés à ce problème sur une unité de fabrication d hydrogène datant de 1972. L unité répondait aux normes des courbes de l époque, mais non à celles des courbes actuelles. Plus précisément, la conception de l époque tenait compte de l existence d une courbe correspondant aux équipements ou tuyauteries comprenant des soudures longitudinales. Il faut surveiller les unités en acier carbone construites dans les années 1970. Si tous les raffineurs contrôlent l acier à 0,5 % Mo, peu songent à la double courbe de l acier carbone. La première révision de la courbe de Nelson ne donne d ailleurs pas d explications sur la disparition de la seconde courbe. 17