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Transcription:

Bonjour, je suis le Professeur Jean-Michel Sautier de l université Paris Diderot - Paris 7. L objectif général de ce cours est la connaissance et la compréhension des mécanismes biologiques impliqués dans la mise en place du squelette craniofacial, de la migration des cellules souches embryonnaires jusqu à leur différenciation en cellules spécialisées. Nous étudierons plus particulièrement, les mécanismes d ostéogenèse et de croissance osseuse dans leurs aspects cellulaires et moléculaires. Egalement, les mécanismes de régulation par des facteurs de transcription et des facteurs de croissance spécifiques. Cet enseignement devrait permettre d appréhender des pathologies responsables de malformations cranio-faciales et d intégrer dans le futur ces notions dans des applications thérapeutiques. 1

Le chapitre 4 de l UE spécifique Odontologie porte sur la formation du squelette cranio-facial. Le développement des structures cranio-faciales met en jeu des mécanismes complexes que nous commençons à appréhender à la lumière des travaux récents sur l embryologie expérimentale, la biologie du développement et la génétique. Voici le plan du cours tel qu il vous sera développé 2

Mais avant de rentrer dans le vif du sujet, nous allons rappeler quelques événements de l embryologie précoce, développés dans les cours précédents, mais indispensables à la connaissance de l origine des cellules qui vont participer à la formation du squelette cranio-facial. Il s agit du stade de neurulation au cours duquel on assiste au développement du tube neural et à la formation des crêtes neurales. Entre temps, le mésoderme intra-embryonnaire va se différencier en plusieurs masses. Ces événements vont se dérouler entre le 18ème et le 21ème jour du développement embryonnaire. 3

. Vers le 21ème jour, la notochorde induit l ectoderme sus-jacent à devenir le neuroecterme qui sera à l origine du tube neural et de la plaque neurale. Macroscopiquement, le bourrelet neural délimite la plaque neurale en forme de raquette qui s allonge dans le sens antéro-postérieur et s invagine formant un sillon médian, la gouttière neurale. En vue transversale, on observe clairement l invagination de la gouttière neurale qui va se refermer pour former le tube neural. Des amas de cellules se détachent des lèvres latérales de la plaque neurale, constituant les crêtes neurales. En quittant le neuroectoderme, les cellules des crêtes neurales perdent leur caractère cohésif. 4

Les cellules des crêtes neurales présentent des capacités migratoires remarquables ainsi qu une diversité phénotypique, puisqu elles donnent naissance à de nombreux types cellulaires différenciés, incluant les cellules pigmentaires, les neurones et les cellules gliales, ainsi que des cellules sympatho-adrénergiques. Bien que les CCN soient pluripotentes des différences existent, et seules les cellules des crêtes neurales crâniales seront à l origine de certains éléments du squelette cranio-facial et donneront naissance à des chondroblastes, ostéoblastes et des cellules dentaires comme les cémentoblastes et les odontoblastes. 5

A cette même période, la lame mésodermique primitive qui sépare l ectoderme de l endoderme se divise en trois bandes longitudinales de part et d autre du mésoderme chordal : a) le mésoderme paraxial ou somitique. b) le mésoderme intermédiaire. c) le mésoderme latéral qui se dédouble en 2 feuillets. 6

Un peu avant le 25ème jour, le tube neural se renfle d avant en arrière en 3 vésicules : le proencéphale ou cerveau antérieur, avec le bourgeon naso-frontal, le mésencéphale ou cerveau moyen et le rhombencéphale ou cerveau postérieur. La partie rostrale, c est-à-dire antérieure du rhombencéphale, montre des signes de segmentation transitoire appelés rhombomères, au nombre de 8. A partir des rhombomères, les CCN vont migrer pour former des structures dupliquées qui se développent de chaque côté de la future face et du cou et fusionnent au niveau de la ligne médiane, les arcs pharyngés. 7

Il est possible de suivre le développement d une seule cellule de la crête neurale en lui administrant un marqueur fluorescent, permanent et non toxique. Ces différentes expérimentations ont fourni de précieuses informations sur le devenir des CCN et en particulier celles à l origine du squelette cranio-facial. C est ainsi que les CCN qui colonisent le 1er arc pharyngé dérivent de la partie postérieure du mésencéphale et des rhombomères 1, 2 du rhombencéphale. Les CCN issues du proencéphale et de la partie antérieure du mésencéphale vont coloniser le bourgeon fronto-nasal (BNF). Cette partie des crêtes neurales donnant des dérivés mésenchymateux tels que les ostéoblastes, chondroblastes, ou encore odontoblastes, est appelée ectomésenchyme. 8

A partir de ces données expérimentales, nous pouvons formuler des hypothèses sur l origine des cellules du squelette cranio-facial. La totalité du squelette facial, l os frontal et le temporal squamosal ont pour origine les cellules des crêtes neurales, alors que l os pariétal, l occipital et la partie pétreuse du temporal ou rocher sont d origine mésodermique. Le sphénoïde quant à lui à une origine mixte, mésodermique et CCN. 9

Les différentes études expérimentales permettent de préciser les origines embryologiques de l ensemble du squelette. Nous avons vu que le squelette facial, les os frontaux proviennent des CCN. Les os pariétaux, occipitaux ainsi que le squelette axial (colonne vertébrale et côtes) proviennent du mésoderme paraxial. Le squelette appendiculaire, c est-à-dire le squelette des membres, provient quant à lui du mésoderme latéral. Nous voyons donc que les différents os du squelette ont des origines différentes. 10

Une deuxième différence dans la formation du squelette concerne son contrôle génétique. Il existe des marqueurs moléculaires contemporains des processus de morphogenèse, exprimés de façon segmentaire et qui respectent les limites morphologiques des rhombomères et des arcs pharyngés. Parmi ces gènes, les gènes hox sont les mieux connus et sont groupés en complexe selon l axe rostro-caudal de l embryon. Cependant, les CCN issues des rhombomères 1 et 2 n expriment pas de gène Hox, alors que les CCN du deuxième arc l exprime fortement. Les cellules issues du rhombomère 3 meurent quant à elles par apoptose. Ainsi, les CCN participant à la formation des structures cranio-faciales correspondent à un domaine qui s étend du proencéphale moyen jusqu au 2ème rhombomère inclus où les CCN n expriment pas de gènes hox (CCN hox négatives) et qui fournissent l ectomésenchyme du bourgeon naso-frontal et le 1er arc pharyngé pour former le squelette de la face. 11

Cette diapositive montre plus en détails la limite entre l expression des gènes hox + et hox - qui se situent entre le premier et le deuxième arc pharyngé. Le premier arc sera à l origine des os membraneux de la face, du cartilage de Meckel qui donnera par ossification endochondrale le malleus (marteau) et incus (enclume). Le deuxième arc pharyngé exprime le gène hox le plus rostral qui est le gène Hoxa2. Ce deuxième arc sera à l origine du cartilage de Reichter qui donnera par ossification endochondrale le troisième osselet de l oreille moyenne, le stapes (étrier) et l apophyse styloïde 12

En résumé de cette partie introductive, nous avons vu que les cellules des crêtes neurales qui colonisent le bourgeon naso-frontal (FNP) proviennent de la partie postérieure du proencéphale et la partie antérieure du mésencéphale. Les cellules des crêtes neurales qui colonisent le premier arc pharyngé dérivent de la partie postérieure du mésencéphale et des rhombomères du rhombencéphale. Les cellules issues du 3ème arc meurent par apoptose. Enfin, les gènes divergents ou Hox- sont impliqués dans la spécification du BNF et du 1er arc pharyngé. 13

Le crâne embryonnaire est formé de deux grandes parties : le neurocrâne qui protège le cerveau et le viscérocrâne qui formera le squelette facial, avec les mâchoires, les fosses nasales et l oreille moyenne. Le viscérocrâne a pour origine les cellules des crêtes neurales céphaliques. Le neurocrâne peut être divisé en deux élément : le neurocrâne cartilagineux ou chondrocrâne qui formera la base du crâne, d origine mésodermique et le neurocrâne membraneux ou desmocrâne qui formera la voûte crânienne ou calvarium, d origine mixte, c est-à-dire à la fois mésodermique et des CCN. 14

Quels sont les mécanismes qui vont permettre l ossification cranio-faciale? De façon générale, l ossification craniofaciale se déroule, au plan histogénétique, en plusieurs étapes : (1) une ossification primaire, directement à partir d un tissu mésenchymateux (ossification membraneuse) ou à partir d une ébauche cartilagineuse (ossification endochondrale). (2) une ossification secondaire par extension à partir d un os déjà constitué (os primaire) et (3) une ossification tertiaire correspondant chez l adulte au remodelage osseux. L ensemble de ces mécanismes est sous la dépendance de nombreux facteurs de régulation systémiques et locaux. 15

Ce schéma nous montre les régions du neurocrâne et du vicérocrâne ainsi que les modes d ossification. C est ainsi que la voûte du crâne s ossifiera par un processus membraneux, la base du crâne par un processus endochondral et la face par un processus mixte. 16

L'ossification primaire débute durant la vie embryonnaire ou fœtale, à des moments variables suivant les pièces osseuses. Elle se déroule en présence de contraintes mécaniques faibles. Elle est due à l'activité des ostéoblastes et produit du tissu osseux primaire, plus ou moins fibreux et peu orienté, dont l'existence est temporaire. Le tissu osseux primaire peut se former de 2 façons différentes. L'ossification membraneuse et l'ossification endochondrale. 17

La biologie du développement a montré que la mise en place du squelette craniofacial se fait en deux phases distinctes : une première phase de morphogenèse où les cellules mésenchymateuses vont migrer, puis se condenser et proliférer au sein de condensations cellulaires. 18

La deuxième phase d histodifférenciation au cours de laquelle on assiste à la différenciation de cellules spécialisées à l origine du squelette. A partir du stade de condensation cellulaire, les cellules mésenchymateuses vont s engager vers deux lignées cellulaires distinctes, la voie chondrocytaire ou la voie ostéoblastique. Cette engagement cellulaire est sous le contrôle transcriptionnel de gènes de différenciation : Sox9, Sox5 et Sox6 pour la voie chondrocytaire, Runx2 et Osterix pour la voie ostéoblastique 19

Voyons tout d abord le développement du squelette de la voûte crânienne qui va se former par ossification membraneuse. 20

Au sein du mésenchyme embryonnaire, se forme un modèle conjonctif, riche en fibres collagènes irrégulières. C'est la voûte membraneuse du crâne. Des centres d'ossification correspondants aux futurs os de la voûte crânienne apparaissent : (1) avec pénétration de vaisseaux dans le modèle conjonctif. Les centres d ossification vont croître (2) dans le mésenchyme et à la périphérie, le tissu conjonctif fibreux se transforme en périoste (3). 21

L ossification membraneuse est une ossification directe où les cellules mésenchymateuses se différencient en ostéoblastes. Les ostéoblastes synthétisent dans un premier temps une matrice extracellulaire non minéralisée, appelée la matrice ostéoïde. Après maturation et enrichissement en ions calcium et phosphates, la matrice ostéoïde devient de la matrice osseuse minéralisée ou calcifiée. 22

Les ostéoblastes alignés en palissade vont ensuite reculer et déposer une deuxième couche de matrice ostéoïde qui secondairement minéralisera. Ainsi, progressivement, le mésenchyme est remplacé par de la matrice osseuse minéralisée et apparaissent des centres d ossification qui préfigurent des différents os du squelette crânien. Cette ossification primaire est rapide et de nombreux ostéoblastes sont emmurés dans la matrice et deviennent des ostéocytes. 23

Cette coupe histologique colorée à l hématoxiline-éosine observée en microscopie optique, montre l alignement des ostéoblastes séparés da la matrice osseuse minéralisée par la matrice ostéoïde. A l extérieur, le mésenchyme lâche où l on peut observer quelques cellules et un vaisseau sanguin. En microscopie électronique à transmission, les ostéoblastes apparaissent comme des cellules cuboïdes, jointives et présentant un noyau volumineux. La matrice ostéoïde est composée de nombreuses fibres de collagène. En profondeur, des foyers de minéralisation, signalés par les flèches rouges, confluent pour former la matrice osseuse minéralisée. On peut noter un ostéoblaste en voie d inclusion ostéocytaire. 24

Les grandes étapes de l ostéogenèse sont caractérisées par l engagement, la prolifération et la différenciation des cellules mésenchymateuses, en cellule ostéoprogénitrice, en pré-ostéoblaste, puis en ostéoblastes fonctionnels chargé de la synthèse, la sécrétion et de la minéralisation de la matrice osseuse. La différenciation des ostéoblastes nécessite l expression coordonnée d un certain nombre de facteurs de transcription. Certains comme Dlx2 et 5 ainsi que le co-activateur transcriptionnel de la voie Wnt, ß-caténine, ont une action stimulatrice sur la différenciation ostéoblastique, alors que d autres comme Msx2 ou Stat-1 ont une action inhibitrice. Ils contrôlent en amont l activité du gène maître de la différenciation ostéoblastique, Runx2. Osterix est un autre gène indispensable au passage du pré-ostéoblaste en ostéoblaste fonctionnel. Cette différenciation est aussi sous le contrôle de facteurs systémiques et locaux. Parmi les facteurs de croissance impliqués, ceux de la famille des Bone Morphogenetic Proteins (BMP) et Fibroblast Growth Factors (FGF) jouent un rôle majeur. 25

Le rôle essentiel de Runx2 dans la différenciation ostéoblastique et la formation osseuse a été démontré par l invalidation homozygote de ce gène chez la souris. La différenciation osseuse n a pas lieu et le squelette reste entièrement cartilagineux, comme le montrent ces squelettes de souris colorés au rouge alizarine (os) et bleu alcian (cartilage). Alors que les souris sauvages, c est-à-dire normales, présentent un squelette à la fois osseux et cartilagineux, on remarque l absence d ossification endochondrale et membraneuse pour les souris runx2-/-. 26

Runx2, le gène maître de la différenciation ostéoblastique, se fixe sur l ADN des gènes cibles via une séquence consensus située sur les promoteurs de ces gènes. Runx2 régule les gènes impliqués dans l engagement cellulaire vers la voie ostéoblastique comme le récepteur1 au TGF-beta, le collagène de type I ou la phosphatase alcaline. Runx2 régule aussi des gènes impliqués plus tardivement lors de la minéralisation osseuse comme l ostéopontine, la BSP ou sialoprotéine osseuse et l ostéocalcine. Runx2 est faiblement exprimé par les ostéoblastes matures. 27

La différenciation progressive ostéoblastique du précurseur au préostéoblaste et à l ostéoblaste différencié, est caractérisée par l expression de gènes précoces (récepteur de l hormone parathyroïdienne, phosphatase alcaline, collagène de type I, ostéopontine) ou tardifs (sialoprotéine osseuse et ostéocalcine). L activation de ces gènes de structure va permettre la synthèse et la sécrétion des protéines de la matrice osseuse et sa minéralisation. Sur le schéma, les traits pointillés traduisent une expression modérée, les traits pleins, une expression importante. 28

A côté des facteurs locaux, il existe aussi des facteurs systémiques qui vont réguler la formation osseuse. Les hormones les plus importantes qui contrôlent l ostéoformation sont l hormone parathyroïdienne (PTH), les hormones sexuelles, en particulier les œstrogènes, les glucocorticoïdes, l hormone de croissance et la vitamine D. 29

Les centres d ossification correspondant aux futurs os du crâne vont croître, se rapprocher, mais ne vont pas fusionner. Apparaissent alors les sutures crâniennes. 30

A la naissance il persiste un tissu conjonctif entre les différentes plaques osseuses qui constituent les sutures, qui convergent pour former des espaces triangulaires, les fontanelles. La fontanelle postérieure ou lambda, la fontanelle antérieure ou bregma. La suture métopique sépare antérieurement les os frontaux qui sont séparés des os pariétaux par la suture coronale. La suture sagittale détermine l axe antéro-postérieur de la voûte crânienne, alors que la suture lamdboïde sépare postérieurement les os pariétaux et occipitaux. 31

Ce schéma nous montre les différentes étapes de la morphogenèse suturale avec en premier, la croissance et le rapprochement des pièces osseuses. Puis, l établissement de la suture et la croissance centrifuge des os par rapport à la suture. Une fois la croissance achevée, les deux os entrent en contact et la suture s ossifie. 32

Les sutures de la voûte crânienne sont des sutures membraneuses ou synfibroses. Elles jouent un rôle physiologique important dans la croissance harmonieuse du crâne et du cerveau. Elles sont formées d un mésenchyme sutural qui empêche la fusion des os du crâne pendant la croissance. Les limites osseuses des sutures comportent un front d ossification qui assure la croissance des os plats de la voûte crânienne par déposition de matrice ostéoïde aux bords de la suture. 33

Les voies de signalisation qui contrôlent la croissance de la voûte crânienne et la morphogenèse des sutures commencent à être élucidées. Des signaux émis par la dure mère, membrane fibreuse qui protège le cerveau et adhère à l os, vont réguler la croissance des os et assurer le maintien des sutures. Il s agit de signaux ostéogéniques tels que TGFß, BMP, FGF, FGFR qui vont contribuer à la croissance osseuse. (1) Des signaux inhibiteurs de la formation osseuse tels que Msx-2 ou Twist vont maintenir le mésenchyme sutural et empêcher sa minéralisation. (2) Des forces biomécaniques due à la croissance du cerveau pourraient aussi contribuer à la croissance des os de la voûte crânienne. En effet, il a été montré que l'application de forces mécanique extensibles à des sutures crâniennes de lapins nouveau-nés entraîne une augmentation de l activité ostéogénique au niveau des fronts d ossification. 34

Le facteur de transcription Twist et les récepteurs aux FGF sont deux acteurs clés de la croissance suturale. Dans les conditions physiologiques, un équilibre entre Twist (inhibiteur de la formation osseuse) et FGFR (activateur de la formation osseuse) régule la morphogenèse suturale. Cette croissance harmonieuse du crâne peut être perturbée par différents facteurs et entraîner un délai de fermeture des sutures ou une fermeture prématurée responsable de craniosténoses. Un certain nombre de syndromes s accompagnent de craniosténoses et les progrès de la génétique ont permis d identifier des gènes mis en cause. Le syndrome de Saethre-Chotzen est dû à une perte de fonction (haploinsufisance) de Twist et s accompagne de craniosténoses. Le syndrome d Apert est dû à un gain de fonction FGFR et s accompagne également de craniosténoses. 35

Cette diapositive montre des crânes humains vus de dessus avec en A un crâne normal de nouveau-né et les différentes sutures et fontanelles, telles que nous les avons décrites précédemment. B représente une scaphocéphalie due à une fusion prématurée de la suture sagittale ; C : trigonocéphalie due à une fusion de la suture métopique et D : plagiocéphalie due à une fusion unilatérale de la suture coronale. On voit bien que les craniosténoses ont pour conséquences la malformation du crâne et peuvent être responsables d un conflit de croissance entre le crâne et le cerveau ce qui peut entraîner des séquelles visuelles et mentales. La fréquence des craniosténoses est estimée à environ 1 pour 2000 naissances. 36

Parallèlement à la croissance crânienne suturale, on observe également une croissance appositionnelle où les ostéoblastes situés sous le périoste sécrètent une matrice osseuse sur la surface externe de l os tandis que les ostéoclastes situés dans la partie endocrânienne résorbent l os. Ceci explique la décourbure progressive des pièces osseuses indispensables au changement du périmètre crânien. 37

De façon concomitante au développement de la voûte crânienne, la base du crâne et les os de la face vont se développer. Au cours de la 4ème semaine, le mésenchyme issu du mésoderme paraxial se condense entre le cerveau en développement et l ectoderme. Le neurocrâne cartilagineux ou chondrocrâne consiste initialement en une série de points de cartilage qui vont fusionner puis par ossification endochondrale, former la base du crâne. Le schéma montre une vue du chondrocrâne par sa face supérieure avant le 2ème mois. On distingue le chondrocrâne postérieur et le chondrochrâne antérieur. 38

En vue latérale, le chondrocrâne est formé de pièces cartilagineuses correspondants aux futurs os de la base du crâne et certains os de la face qui sont respectivement de l arrière vers l avant ; le basioccipital, le post et pré-sphénoïde, le mésethmoïde et le septum nasal. 39

Schématiquement, une ébauche cartilagineuse est constituée d un cartilage hyalin entouré d une membrane, le périchondre. Il s agit d un tissu mésenchymateux, richement vascularisé, constitué de fibres de collagène de type I et de cellules chondroprogénitrices, les chondroblastes. La croissance des pièces cartilagineuses va se faire selon deux mécanismes : une croissance appositionnelle par division des chondroblastes du périchondre et différenciation en chondrocytes ; une croissance interstitielle par division des chondrocytes à l intérieur du cartilage, suivie de la sécrétion de la matrice cartilagineuse. Cette dernière est essentiellement constituée d eau, de collagène de type II et du protéoglycanne spécifique du cartilages, l agrécane. Elle s organise en matrice territoriale autour des chondrocytes et matrice inter-territoriale beaucoup moins riche en protéoglycanes. 40

Le différenciation des chondrocytes à l origine des ébauches cartilagineuse est un processus complexe orchestré par de nombreux facteurs biologiques. 41

La chondrogenèse est l ensemble des processus qui aboutissent à la formation du tissu cartilagineux. La première étape est l engagement des cellules mésenchymateuses vers la lignée chondrocytaire. Les cellules chondroprogénitrices expriment le collagène de type I, mais aussi le collagène de type IIA qui est codé par le gène 1(II), mais qui n est pas spécifique des chondrocytes. Ensuite, les cellules se regroupent formant des condensations cellulaires qui préfigurent les futurs éléments osseux. A ce stade, les cellules sont extrêmement jointives par l intermédiaire de jonctions intercellulaires de type jonctions communicantes, N-CAM et N-cadhérines. La différenciation chondrocytaire se caractérise par l expression d un certain nombre de protéines matricielles spécifiques du cartilage, telles que le collagène de type IIB, IX et XI et l agrécane, protéoglycane de haut poids moléculaire. Cette différenciation est sous le contrôle du gène maître sox9, mais aussi, Sox5 et 6 lors de la phase proliférative, ainsi que les facteurs de croissance de la famille des BMPs, FGFs et IGF- 1-2. Après une phase proliférative, les chondrocytes vont augmenter de volume et devenir hypertrophique. On assiste alors à la calcification de la matrice cartilagineuse. Cette phase est caractérisée par l expression du collagène de type X, du morphogène Indian Hedgehog, de la Protéase matricielle, MMP-13 et du facteur de croissance angiogénique, VEGF pour Vascular Endothelial Growth Factor. A ce stade, Sox9, n est plus exprimé, mais c est Runx2, le gène maître osseux qui régule la différenciation terminale des chondrocytes hypertrophiques. 42

Sox9, le gène maître de la différenciation chondrocytaire appartient à la famille des facteurs de transcription caractérisé par la présence d une Boîte HMG (High-Mobility- Group) qui est un site de liaison à l ADN. Sox9 est exprimé dans les condensations préchondrogéniques et les chondrocytes prolifératifs. Il n est pas exprimé par les chondrocytes hypertrophiques. La dysplasie campomélique est une maladie génétique humaine caractérisée par une mutation hétérozygote de Sox9. Elle est caractérisée par un nanisme, et s accompagne de diverses malformations osseuses et cartilagineuses. Les souris mutantes hétérozygotes possèdent des anomalies squelettiques identiques à celles observées chez les patients atteints de dysplasie campomélique. 43

Le mécanisme d ossification endochondrale va débuter par l invasion vasculaire du cartilage calcifié, alors que les chondrocytes hypertrophiques vont mourir par apoptose. La vascularisation apporte des chondroclastes, cellules géantes multinucléées, proches des ostéoclastes, qui vont résorber le cartilage calcifié et des cellules mésenchymateuses qui vont se différencier en ostéoblastes. Le périchondre est remplacé progressivement par le périoste contenant des ostéoblastes différenciés et des cellules ostéoprogénitrices. Le résultat final est le remplacement du cartilage par de l os, d abord au centre de l ébauche cartilagineuse (en gris sur le schéma). Le processus va ensuite se poursuivre, et progressivement, c est l ensemble du cartilage qui sera remplacé par de l os endochondral. 44

Ce schéma nous montre la transition cartilage/os, telle que l on peut l observer lors de l ossification endochondrale. Dans les zones hypertrophiques basses, les chondrocytes présentent des signes d apoptose. La vascularisation a apporté les chondroclastes qui commencent à résorber le cartilage calcifié. La vascularisation a également apporté des précurseurs ostéoblastiques qui se différencient et apposent de l os sur les travèes cartilagineuses. Progressivement et au cours du remodelage osseux, les travées cartilagineuses seront résorbées et remplacées par de l os endochondral. 45

En résumé, l ossification va se dérouler en plusieurs étapes : la chondrogenèse aboutissant à la formation d une ébauche cartilagineuse. La poursuite de la différenciation terminale des chondrocytes jusqu au stade hypertrophique. La calcification de la matrice cartilagineuse. L invasion vasculaire du cartilage calcifié. La résorption de la matrice cartilagineuse et son remplacement par de l os endochondral. 46

Les différents os de la base du crâne ne vont pas fusionner mais seront séparés pendant la croissance par des sutures. Contrairement à la voûte crânienne où les sutures sont des sutures fibreuses, les sutures de la base du crâne sont des sutures cartilagineuses ou synchondroses. Elles se présentent sous forme de deux plaques cartilagineuses de croissance en miroir. 47

D un point de vue histologique, la synchondrose est une zone de réserve qui va fournir de part et d autre des précurseurs chondrocytaires. De chaque côté de la suture, les chondrocytes vont proliférer, devenir hypertrophiques avec une calcification de la matrice cartilagineuse. Cette dernière est ensuite résorbée et remplacée par de l os endochondral. Le rôle des synchondroses est considérable pendant la croissance de la base du crâne et par voie de conséquence de la face. Elles disparaissent à différentes périodes de la vie, certaines avant la naissance, d autres gardent leur activité jusqu à l âge adulte. 48

Le chondrocrâne forme dans sa partie antérieure une image de loup de carnaval comme l a évoqué Mugnier. Il émet en bas et en avant : une lame cartilagineuse verticale qui arme le septum nasal médian ; deux auvents latéraux accolés par leurs bords internes qui constituent la capsule nasale ; des tiges de cartilages primaires, les cartilages de Meckel et les cartilages de Reichert. 49

En coupe coronale, le cartilage de la capsule nasale montre les deux ailes latérales de la capsule nasale et la partie centrale formant le septum nasal. Les cartilages voméronasaux (ou cartilage de Jacobson) sont deux bandes étroites de cartilage, situé dans la partie inférieure du septum nasal. On note qu à ce stade, il existe une communication entre la cavité nasale et la cavité orale. Plus tard, les processus palatins vont proliférer, puis fusionner pour former le palais qui va séparer la cavité nasale de la cavité orale. 50

En coupe sagittale, le septum nasal embryonnaire apparaît comme une lame cartilagineuse qui s étend dans le sens antéro-postérieur. Le septum nasal est considéré comme un véritable organisateur et inducteur de la croissance des maxillaires. La partie postérieure du septum nasal donnera par ossification endochondrale une partie du vomer ainsi que la lame perpendiculaire de l ethmoïde, os constituant le toit des fosses nasales. La partie antérieure du septum nasal ne s ossifiera pas et constituera le cartilage nasal quadrangulaire. 51

L ectomésenchyme peuplant le 1er arc pharyngé va donner naissance à deux cartilages primaires, les cartilages de Meckel. 52

Le cartilage de Meckel est considéré comme le tuteur de la croissance de la mandibule. Il est formé de deux languettes cartilagineuses qui se rejoignent au niveau de la future symphyse mentonnière. Il est visible avant tout point d ossification qui apparaîtra en dehors du cartilage de Meckel, en même temps que se développera l innervation mandibulaire, avec l apparition des nerfs mandibulaires et de ses différentes branches, linguale, alvéolaire, mentonnière et incisive. 53

Le corpus de la mandibule va se former en dehors du cartilage de Meckel par ossification membraneuse. Il va former une gouttière osseuse comportant une lame externe et interne, les flèches montrant la direction de la croissance osseuse. 54

la gouttière osseuse, va se développer en même temps que le nerf mandibulaire et les germes dentaires. L os va former la crypte osseuse qui entourera le germe dentaire pendant son développement. La couronne dentaire, puis la racine vont se développer dans la crypte osseuse, jusqu à l éruption de la dent et sa mise en fonction. De façon concomitante, se formera l os alvéolaire qui servira d ancrage à l organe dentaire. 55

Le cartilage de Meckel, originaire du premier arc pharyngé, va se résorber et seule la partie postérieure donnera par ossification endochondrale deux osselets de l oreille moyenne : le malleus et l incus. La troisième osselet, le stapes provient du 2ème arc pharyngé ainsi que le cartilage de Reichert. L os hyoïde provient quant à lui du 3ème arc pharyngé. 56

Le ramus et le corpus de la mandibule se développent par ossification membraneuse. Cependant, la croissance est réalisée par des cartilages secondaires. Il s agit des cartilages angulaires, coronoïdiens et condyliens. Leur existence est de courte durée, 6 à 8 mois pour le cartilage angulaire, à la naissance pour le cartilage coronoïdien mais jusqu à 21 ans pour le cartilage condylien. Le cartilage de la symphyse mentonnière forme une synchondrose qui contribue à la croissance en largeur de la mandibule pendant les premiers mois de la vie. 57

Le cartilage condylien est le centre le plus important de la croissance mandibulaire. Il contribue à l accroissement en hauteur et en largeur de la mandibule. On distingue histologiquement 5 zones : 1 ) une zone superficielle de fibrocartilage qui forme la zone articulaire du condyle. 2 ) un périchondre, comportant des précurseurs de cellules cartilagineuses ou chondroblastes. 3 ) une zone intermédiaire de cartilage hyalin où les chondrocytes se différencient et prolifèrent. Dans la zone profonde, les chondrocytes deviennent hypertrophiques. 4 ) une zone de cartilage calcifié où les chondrocytes hypertrophiques meurent par apoptose et enfin 5 ) une zone d ossification endochondrale au sein de laquelle le cartilage est résorbé et remplacé par de l os spongieux. 58

En fin de croissance, seule la couche de fibrocartilage demeure et assure l articulation avec l os temporal. Sous le cartilage, l os sous-chondral apparaît sous forme d un os compact haversien. 59

En conclusion, nous avons vu dans ce cours que les squelettes n ont pas les mêmes origines, ni les mêmes fonctions. Le squelette de la base du crâne, d origine mésodermique, a un rôle de support, alors que le squelette superficiel membraneux, originel des cellules des crêtes neurales a pour fonction la protection du cerveau. De plus, la squelettogenèse cranio-faciale met en jeu deux mécanismes selon le mode d ossification impliqué : membraneuse ou endochondrale. O n d i s t i n g u e l e c h o n d r o c r â n e d o n t l o s s i f i c a t i o n s e d é v e l o p p e à p a r t i r d é b a u c h e s c a r t i l a g i n e u s s e, d u d e s m o c r â n e d i r e c t e m e n t f o r m é p a r l a d i f f é r e n c i a t i o n d e c e l l u l e s m é s e n c h y m a t e u s e s e n o s t é o b l a s t e s 60

La mandibule et les maxillaires, en coordination avec différents organes, vont participer à la manducation, c est-à-dire l action de manger. L acquisition de l appareil manducateur au cours de l évolution des vertébrés, s est accompagnée de modifications morphologiques des os impliqués dans l articulation des maxillaires. Il est évident que la compréhension du développement normal des structures craniofaciales facilite l approche clinique et thérapeutique des pathologies malformatives. 61