Bulletin infirmier du Cancer. Volume 11, Numéro 1, 13-20, Janvier - Février - Mars 2011, Dossier

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Le mélanome Bulletin infirmier du Cancer. Volume 11, Numéro 1, 13-20, Janvier - Février - Mars 2011, Dossier Auteur(s) : Christine Mateus, Institut Gustave Roussy, service de Dermatologie 114, rue Édouard Vaillant, 94805 Villejuif, France christine.mateus@igr.fr. Illustrations ARTICLE Introduction Le mélanome est une tumeur maligne développée à partir des mélanocytes responsables de notre pigmentation cutanée. Contrairement aux carcinomes que nous avons traités lors d un précédent numéro (BIC N 4-2010), le mélanome a un pouvoir métastatique important avec un pronostic très sombre en phase métastatique. Son incidence est en constante augmentation, notamment chez l adulte jeune. Tout ceci explique probablement l intérêt des chercheurs à l heure actuelle pour le mélanome. Cette recherche porte ses fruits avec l émergence de thérapeutiques enfin efficaces. Épidémiologie Le mélanome affecte autant les hommes que les femmes de tous les âges, avec un pic d incidence entre 40 et 50 ans. La localisation cutanée prédomine, mais des mélanomes oculaires sont possibles (choroïde ou conjonctive, avec trois cas par million d habitants par an) ainsi que des atteintes muqueuses. Depuis les années 1950, l incidence double tous les dix ans dans les pays à population blanche. L Australie détient le record, avec 40 à 50 nouveaux cas pour 100 000 habitants et par an. En France, on estime à 7 000 le nombre de nouveaux cas par an et à 1 500 le nombre de décès par mélanome par an. La mortalité augmente moins que l incidence, et la survie à cinq ans est passée de 50 % à 80 % entre 1950 et 2000, ce qui peut être attribué à un diagnostic plus précoce. Les actions de prévention semblent donc efficaces et doivent être poursuivies voire renforcées, car le nombre de mélanomes à haut risque évolutif, lui, reste constant. Facteurs de risque Exposition solaire et aux rayonnements ultraviolets De nombreuses études épidémiologiques attribuent un rôle majeur aux expositions intermittentes et intenses et aux brûlures solaires reçues dans l enfance. L augmentation récente de l incidence est probablement due aux modifications des comportements à partir des années 1950. Les UVB, mais aussi les UVA (cabine de bronzage ou thérapeutique dermatologique) sont incriminés. Les mélanomes de Dubreuilh, survenant sur les zones photoexposées des sujets âgés, sont plutôt liés aux expositions chroniques cumulatives. Certains mélanomes (paumes, plantes, muqueuses, oeil) ne sont pas directement liés aux UV. Prédisposition familiale Il existe une prédisposition familiale pour environ 10 % des mélanomes, définie par l atteinte d au moins deux personnes dans une même famille. Deux gènes (CDKN2A ou p16, et CDK4) ont été incriminés dans 10 à 20 % des cas familiaux. Il existe donc d autres gènes de prédisposition encore inconnus. Les patients développant un mélanome dans un contexte familial le font plus précocement que dans la population générale et ont un risque plus important de mélanomes multiples. En dehors de ces deux différences, les mélanomes familiaux ou sporadiques partagent les mêmes facteurs pronostiques, évolutifs ou histologiques. Pathologies génétiques D autres pathologies génétiques prédisposent au mélanome : le xeroderma pigmentosum, le Li-Fraumeni (syndrome prédisposant au cancer) et, à moindre degré, l albinisme. Phototype Les patients de phototype clair I et II ont un risque plus élevé. Néanmoins, les populations noires (phototypes VVI) peuvent aussi développer un mélanome, qui siégera principalement sur les muqueuses ou au niveau acral (paumes, plantes).

Syndrome du nævus atypique Le syndrome du nævus atypique est défini par la présence de plus de 50 nævus, souvent de grande taille (> 6 mm de diamètre), avec des caractères atypiques (asymétrie, bords irréguliers, polychromie). On retrouve souvent un terrain familial. Ces patients nécessitent une surveillance régulière (figures 1a et 1b). Nævus congénitaux Les nævus congénitaux, de grande taille (par définition > 20 cm de diamètre), ont un risque plus élevé et leur exérèse préventive serait souhaitable. En revanche, l attitude par rapport aux nævus congénitaux de taille inférieure reste discutée. Immunodépression L incidence du mélanome est plus élevée chez les greffés d organe (risque multiplié par 1,6 à 3,5 en Europe). Diagnostic Le diagnostic de mélanome suspecté cliniquement doit être affirmé par l examen anatomopathologique, qui conditionne la décision thérapeutique et l évaluation du pronostic. Clinique La majorité des mélanomes apparaissent de novo, mais ils peuvent aussi se développer sur un nævus préexistant. L abécédaire (ABCDE) est une aide précieuse au diagnostic clinique : les mélanomes se présentent sous forme de lésions Asymétriques (A), à Bords irréguliers (B), encochés ou polycycliques. La Couleur (C) est inhomogène, avec des nuances du brun au noir. On retrouve parfois des zones dépigmentées, blanches, correspondant à des zones de régression. Parfois la tumeur est entourée d un halo inflammatoire. Le Diamètre (D) est souvent supérieur à 6 mm (critère non spécifique). Le principal critère est la notion d évolutivité ou d Extension (E), caractérisée par tout changement en taille, forme, relief et couleur noté par le patient ou observé par l examen comparatif de photographies dans le suivi d un patient. Chez des patients ayant un grand nombre de nævus, la lésion suspecte est différente des autres, qui, en général, se ressemblent entre eux (notion du «vilain petit canard»). Ainsi, toute lésion suspecte apparue récemment ou un nævus se modifiant, doivent être soumis à analyse anatomopathologique. La biopsie exérèse doit être complète. Une simple biopsie n est réalisée que dans des circonstances exceptionnelles (lésions de grande taille avec exérèse délabrante ou très affichante). Histologie L histologie affirme le diagnostic de malignité et renseigne sur les principaux facteurs pronostiques : l épaisseur de la tumeur, l existence d une ulcération et le type de mélanome. L histoire naturelle du mélanome se déroule sur un mode biphasique. Dans un premier temps, l extension est «horizontale» ou radiale, et dans un second temps elle est «verticale» avec invasion du derme superficiel, puis profond, puis de l hypoderme. Le degré d invasion est mesuré par la classification de Clark (cinq niveaux d invasion en profondeur, de l épiderme à l hypoderme) et par l indice de Breslow (mesurant l épaisseur comprise entre les cellules superficielles de la couche granuleuse épidermique et la cellule maligne la plus profonde). Cet indice est directement corrélé au pronostic. Classification anatomoclinique On distingue des mélanomes avec phase d extension horizontale : le mélanome superficiel extensif (SSM ou superficial spreading melanoma) est le plus fréquent (60 à 70 %). Son évolution est initialement intraépidermique horizontale avant une phase d invasion dermique verticale (figure 2) ; le mélanome de Dubreuilh (5 à 10 %) siège sur les zones photo exposées (surtout le visage) et touche particulièrement les sujets de plus de 60 ans. L évolution horizontale peut être très prolongée (figures 3a- 3b-3c) ; le mélanome acral lentigineux (2 à 10 %) siège sur les extrémités et les ongles (figure 4) ; les mélanomes des muqueuses buccales (figures 5a- 5b) ou anogénitales. D autres mélanomes se développent sans phase d extension horizontale : les mélanomes nodulaires (10 à 20 %). L évolution est rapidement verticale et donc invasive. Ils sont de moins bon pronostic (figure 6a-6b) ; le mélanome achromique, dont le diagnostic clinique est beaucoup plus difficile car il n est pas pigmenté et se présente comme une tumeur bourgeonnante achromique (figure 6b). Le pronostic, quel que soit le type anatomoclinique, reste toujours lié à l épaisseur tumorale.

Classification Deux classifications internationales sont actuellement utilisées, la 5e et la 6e édition de la classification AJCC/UICC (American Joint Committee on Cancer/ Union internationale contre le cancer). Ces deux classifications regroupent schématiquement quatre stades : stade I : tumeur initiale de bon pronostic (faible épaisseur ou non ulcérée) ; stade II : tumeur initiale de moins bon pronostic (épaisseur > 1 mm avec ulcération) ; stade III : envahissement locorégional (métastases en transit ou atteinte du premier relais ganglionnaire) ; stade IV : apparition de localisations viscérales et/ou cutanées à distance du premier relais ganglionnaire. Facteurs pronostiques Le pronostic et les facteurs de mauvais pronostic du mélanome sont fonction du stade. Au stade initial, les facteurs pronostiques sont histologiques : épaisseur de la tumeur (indice de Breslow), présence d une ulcération, type histologique. Le nombre de ganglions atteints et la présence d une rupture capsulaire sont les facteurs pronostiques au stade III. Au stade métastatique, les localisations cutanées, ganglionnaires ou pulmonaires, avec des LDH normales, sont de meilleur pronostic. Traitement du mélanome Le mélanome est un des cancers pour lequel la survie à cinq ans est la plus élevée, avec plus de 80 % de survie à cinq ans, mais cela est essentiellement lié aux mélanomes diagnostiqués à des stades précoces de la maladie. En revanche, au stade métastatique, le pronostic reste beaucoup plus sombre. Aucun traitement adjuvant n a encore fait la preuve de son efficacité sur la survie globale. La prise en charge du mélanome doit donc être optimale au stade de la lésion initiale. Celle-ci a fait l objet d une conférence de consensus, précisant les modalités d exérèse et de surveillance des mélanomes primitifs. Stades I et II Après confirmation histologique du diagnostic de mélanome sur la pièce d exérèse de la lésion suspecte, la prise en charge est stéréotypée avec : bilan d extension initial clinique (examen minutieux de l ensemble du tégument) et des aires ganglionnaires. Les examens radiologiques restent des options. La plupart des équipes s accordent à réaliser un bilan initial avec radiographie thoracique et échographie abdominale. Un bilan par scanner cérébral, thoraco-abdominopelvien et échographie des aires ganglionnaires peut être proposé pour les mélanomes de mauvais pronostic (indice de Breslow > 1 mm) ; traitement chirurgical : exérèse large dont les marges sont fonction de l indice de Breslow ; analyse du ganglion sentinelle, non recommandée de façon systématique. Elle peut être réalisée par des équipes entraînées et dans le cadre d essais thérapeutiques ou de protocoles d évaluation pour les mélanomes d épaisseur supérieurs à 1 mm (le pourcentage de ganglions envahis est en effet corrélé à l indice de Breslow). Le statut du ganglion sentinelle a une valeur pronostique puissante mais l évidement ganglionnaire, qui est classiquement effectué à la suite d un ganglion sentinelle positif, n est pas aujourd hui considéré comme un standard thérapeutique et est en cours d évaluation ; surveillance clinique, avec examen complet et éducation du patient à l auto dépistage d un nouveau mélanome ou d une récidive. Les examens radiologiques, notamment l échographie des aires ganglionnaires de drainage, sont proposés en cas de doute ou d appel clinique ; la prévention s appuie sur la photoprotection (Annexe). L exérèse préventive des nævus n a pas d utilité en dehors des nævus atypiques, pour lesquels il existe un doute diagnostique ; traitement adjuvant : l interféron est le seul traitement à avoir l AMM, Interféron µ-2a (Roféron ) pour les mélanomes dont l indice de Breslow > 3/semaine en sous-cutané pendant 18 1,5 mm : 3 millions d unités mois. Le bénéfice de l interféron reste très controversé car la plupart des essais n objectivent pas de gain en survie globale (objectif principal d un traitement adjuvant) mais un gain en survie sans récidive : l interféron n empêche pas la récidive mais la recule. Par ailleurs, ce traitement est assorti d une morbidité non négligeable. Stade III Défini par une atteinte locorégionale, soit par des métastases en transit et/ou une atteinte du premier relais ganglionnaire. La prise en charge de ce stade comporte : un bilan d extension clinique et radiologique. Il faut éliminer une extension métastatique viscérale par un scanner cérébral, thoracique et abdominopelvien avant toute décision thérapeutique. Ce bilan peut être

complété si besoin par une échographie locorégionale de la zone de drainage et un examen par TEP-FDG (PET scan) ; un traitement chirurgical : pour les récidives en transit, une exérèse large emporte si possible la région allant du mélanome initial à la récidive en transit. Pour les récidives ganglionnaires, un curage carcinologique le plus large possible est préconisé ; un traitement adjuvant par chimiothérapie ou radiothérapie n a pas montré d intérêt en termes de survie globale ou de survie sans récidive. L interféron µ-2b (Introna ) à haute dose a une AMM pour les mélanomes avec envahissement ganglionnaire microscopique ou macroscopique : 20 millions d unités/m2/jour en intraveineux, 5 3/semaine jours/7 pendant 1 mois, puis 10 millions d unités/m2 en souscutané pendant 11 mois (schéma dit de Kirkwood). Le bénéfice de l interféron semble porter sur les patients ayant une faible masse tumorale, stade II ou III microscopique (c est-à-dire ganglion sentinelle positif, mais pas de ganglion palpable). Ses modalités d administration contraignantes, ses effets secondaires invalidants et son bénéfice incertain sur la survie globale expliquent que ce traitement ne soit pas largement prescrit ; chimiothérapie sur membre isolé : pour les mélanomes des membres avec localisations multiples, elle permet des réductions tumorales objectives dans 45 à 80 % des cas. Un évidement ganglionnaire peut être réalisé dans le même temps opératoire. Les complications sont surtout locales, de type oedème inflammatoire, douleurs, sclérose parfois invalidante pour la mobilité du membre. L amélioration de la survie globale n a pas été démontrée. Stade IV Le mélanome a un potentiel métastatique élevé et ubiquitaire. La survie moyenne en phase métastatique est de 6 % à 5 ans, avec une médiane de 7,5 mois. Il n y a pas de consensus sur le traitement de ce cancer peu sensible aux chimiothérapies et à la radiothérapie. On propose donc aux patients, en première intention, l inclusion dans des essais thérapeutiques testant de nouvelles molécules ou de nouvelles associations thérapeutiques. La chirurgie est, même à cette phase métastatique, à proposer quand les lésions tumorales sont accessibles à une exérèse complète. La radiothérapie est proposée, essentiellement dans les localisations cérébrales et osseuses à visée palliative et antalgique. La radiothérapie stéréotaxique donne de bons résultats dans certaines localisations cérébrales. De nombreuses molécules de chimiothérapie en monothérapie ou en association ont été testées, avec des résultats équivalents et médiocres de l ordre de 10 à 25 % de réponse, sans gain sur la survie globale. Les polychimiothérapies ont des taux de réponse parfois plus élevés, au prix d effets secondaires plus élevés et sans bénéfices en terme de survie. En pratique, les principales drogues utilisées en monothérapie sont : la dacarbazine, considérée comme le traitement de première intention ; la fotémustine plutôt proposée en cas de localisations cérébrales car elle passe efficacement la barrière hématoméningée (comparée à la dacarbazine, les taux de réponse et la survie globale sont néanmoins identiques) ; le témozolomide, analogue de la dacarbazine, mais d administration orale, a été comparé à la dacarbazine, montrant un taux de réponse, de survie globale et des effets secondaires équivalents. Le témozolomide n a pas encore d AMM dans le mélanome mais il est déjà couramment utilisé. L interféron n a pas d AMM à ce stade de la maladie. L interleukine 2 à forte dose avec une toxicité importante a montré des taux de réponses de 10 à 20 %, avec parfois de longues survies chez les patients répondeurs. L association cytokines et chimiothérapies augmente les taux de réponse au prix d une toxicité importante et sans bénéfice sur la survie globale. Les nouvelles approches Nous assistons depuis quelques années à des avancées importantes et réelles dans la thérapeutique. Deux familles de molécules ont montré des résultats préliminaires intéressants et sont actuellement dans la dernière phase de développement : Les inhibiteurs de BRAF L oncogène BRAF est muté et activé dans 40 à 60 % des mélanomes. Plusieurs inhibiteurs de cet oncogène ou de cette voie d activation sont en cours de développement avec des résultats prometteurs. Les anticorps anti-ctla-4 Cette classe thérapeutique suscite beaucoup d espoir. Le CTLA4 (Cytotoxic T lymphocyte-associated antigen 4) est un élément clé de la tolérance immunitaire et le principal contrôle négatif de la réponse immunitaire médiée par les lymphocytes T. En bloquant ce récepteur, la réponse immunitaire est stimulée de manière non spécifique. Les résultats récemment publiés avec l ipilimumab ne montrent pas une supériorité de cette classe thérapeutique en termes de pourcentage de patients répondeurs. En revanche, les réponses tumorales obtenues sont prolongées, contrairement à celles sous chimiothérapies. L ipilimumab n est pas encore commercialisé mais accessible en ATU (Autorisation temporaire d utilisation). D autres voies thérapeutiques sont en cours de développement : plusieurs essais de vaccination testant différentes approches d administration des antigènes de mélanome avec des adjuvants immunologiques variés sont en cours ; les anti-angiogéniques : l inhibition de la néoangiogénèse tumorale est largement étudiée et a déjà trouvé sa place dans l arsenal thérapeutique contre plusieurs cancers. Plusieurs études sont en cours avec le sorafenib et le bevacizumab ;

les molécules pro-apoptotiques ont pour but de rediriger les cellules tumorales vers la mort cellulaire ou apoptose. Trois molécules sont étudiées : l oblimersen, l elescomol et le tasisulam. Conclusion L incidence du mélanome ne cesse d augmenter. L exposition solaire en est le principal facteur de risque. Le dépistage précoce est un élément clé pour une baisse de la morbidité. Ce dépistage doit être réalisé par tous les professionnels de santé, y compris les infirmier(e)s Le pronostic très sombre de la phase métastatique va dans les mois à venir être amélioré avec l émergence de nouvelles thérapeutiques. Les efforts actuels en recherche thérapeutique et physiopathologique doivent être poursuivis. Mais les efforts de prévention par l éducation à une photoprotection efficace est également indispensable. Dans cette prévention, l ensemble des professionnels de santé, y compris les infirmier(e)s, ont un rôle important. Références - Institut National du Cancer, www.e-cancer.fr Prise en charge diagnostique et thérapeutique du carcinome basocellulaire de l adulte. Recommandations. ANAES Mars 2004. www.anaes.fr Conférence de consensus sur la prise en charge du mélanome 2005. Ann Dermatol Venereol 2005 ; 132 : 10S3-85. http://www.igr.fr/fr/page/cancers-de-la-peau_1084 Annexe Mesures de photoprotection ou comment préserver son capital soleil Avant de décrire les mesures de photoprotection, il est important de définir ce qu est l exposition solaire. Beaucoup de patients disent ne pas s exposer au soleil car ils n ont pas l habitude de rester allongés au soleil. Marcher, jouer au tennis ou au golf, faire du vélo, jardiner et a fortiori avoir une profession en plein air sont des situations d exposition solaire. Nous ne devons pas attendre d être sur la plage pour nous protéger, mais penser à nous protéger et protéger les enfants pendant les loisirs et dans la vie quotidienne. Les armes pour se protéger des UV Éviter de s exposer entre 11 heures et 16 heures, quand les rayonnements UV sont les plus néfastes. Les vêtements sont et doivent toujours être la première arme à utiliser. Ils sont efficaces contre les trois types de rayons UV : les UVA, les UVB et les rayons visibles. Les vêtements à tissage serré, de couleur foncée et secs protègent mieux que les vêtements clairs (qui ne protègent que des infrarouges et de la chaleur) et mouillés. Ne pas oublier chapeaux, casquettes et lunettes de soleil. La crème solaire : bien la choisir est primordial. Une bonne crème solaire doit avoir les caractéristiques suivantes : protéger contre les UVA et UVB ; couvrir la peau de manière uniforme ; avoir une texture facile à appliquer ; en effet, il faut, afin d assurer une bonne protection, renouveler les applications toutes les deux heures. Ne pas oublier les oreilles, le dos des pieds, la nuque, le crâne (en cas de calvitie) l indice de protection (IP) doit être adapté au phototype et au lieu d exposition, en tenant compte de l index UV ; le type de filtre, minéral ou chimique, est souvent un choix personnel car les deux protègent efficacement. Les filtres minéraux sont plus difficiles à appliquer car plus gras et plus collants. Leur avantage est qu ils forment une couche étanche qui pénètre peu dans la peau et ainsi provoque rarement des réactions allergiques, mais surtout qui est visible et facilite ainsi le renouvellement. Les filtres chimiques sont plus faciles à appliquer, plus fluides. Ils pénètrent dans l épiderme où ils neutralisent les UV. Ces filtres sont rendus de plus en plus hypoallergéniques. Ils sont invisibles ; il faut donc être extrêmement vigilant à bien les étaler et ne pas oublier de renouveler les applications. Quel indice de protection choisir? Pour les phototypes I et II : il faut choisir un indice de protection maximal à 50. Pour les phototypes III et IV : un indice de protection intermédiaire entre 20 et 50 suffit. Pour les phototypes V : malgré une protection naturelle, ces patients peuvent néanmoins prendre des coups de soleils et nécessite une protection avec un indice de protection < 20. Pour les bébés et les enfants l indice de protection doit être toujours maximal quelles que soient les conditions (IP à 50).

L application de crème solaire et les mesures de photoprotection doivent être poursuivies pendant toute la durée de l exposition, même si apparaît progressivement un bronzage, afin de protéger des dommages cellulaires. ATTENTION : les autobronzants peuvent être utilisés, bien sûr! Ils permettent d avoir un teint hâlé qui est toujours agréable d arborer, mais ils ne protègent pas des UV, et surtout ne dispensent pas des mesures de photoprotection. Ne pas faire des séances d UV en cabine de bronzage. La réalisation de séances d UV doit se faire sous surveillance médicale et notamment dermatologique par un dermatologue équipé de cabine de photothérapie. Copyright 2007 John Libbey Eurotext - Tous droits réservés