IV. Discours de Henri IV à «Messieurs du Parlement», le 16 février 1599



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client. ECOUTE, SIMPLICITE, SERVICE... Pour ELCIA, l'accompagnement est la clé de la satisfaction ELCIA, le savoir-faire et l'écoute

Transcription:

Musée virtuel du Protestantisme français http://www.museeprotestant.org 1 IV. Discours de Henri IV à «Messieurs du Parlement», le 16 février 1599 «Messieurs, j'ai reçu les supplications et remontrances de ma Cour de Parlement, tant de bouche que par écrit, qui m'ont été apportées par M. le Président Séguier. Je recevrai toujours toutes celles que me ferez de bonne part, comme de gens affectionnés à mon service et qui le doivent être. J'ai fait voir vos dernières à mon Conseil. J'ai fait refaire mon édit, ou plutôt l'édit du feu roi, en plusieurs articles, tant sur ce que m'avez remontré comme sur l'avis de mon conseil. Je veux croire qu'aucuns de vous ont eu des considérations de la religion, mais la religion catholique ne peut être maintenue que par la paix, et la paix de l'état est la paix de l'église. Si donc vous aimez la paix, vous m'aimerez aussi, ce que vous n'avez pas fait en doutant de moi, car vous faites ce que les étrangers et mes ennemis mêmes n'ont voulu faire, et n'est-ce pas un grand cas, car tous les Princes de la chrétienté me tiennent pour le fils aîné de l'église. Pour le roi très chrétien, le pape me tient pour catholique, et vous, qui êtes mon parlement me voulez faire entrer en défiance envers mes sujets, et voulez qu'ils doutent de ma créance. Je suis catholique, roi catholique, catholique romain, non catholique jésuite. Je connais les catholiques jésuites ;je ne suis pas de l'humeur de ces gens-là, ni de leurs semblables qui sont des tueurs de rois. Je ressemble le berger qui veut ramener les brebis en la bergerie avec douceur, et non avec cruauté. Ne vous fiez-vous pas aux paroles qu'avez eu de moi? Le pape et le roi d'espagne s'y sont bien fixés, et vous en voulez encore douter. Je sais bien que mon royaume ne se peut sauver que par la conservation de la religion, mais la religion et l'état ne se peuvent sauver que par ma personne. Vos difficultés sur mon édit apportent de grands troubles en mes affaires, car il y a des esprits faibles, induits par superstition sur infinies choses que l'on leur dit qui ne sont point, jusque là qu'il est venu un homme me demander si on ferait deux Églises dans Paris, l'une catholique, l'autre des huguenots, et qu'il serait bien étrange de voir que les huguenots eussent des églises dans Paris pour prêcher. Je prends bien les avis de tous mes serviteurs, et si on m'en donne qui soient bons, je les embrasse, et si je trouve leur opinion meilleure que la mienne, je la change fort volontiers. Il n'y a pas un de vous qui quand il me voudra venir voir et me dire : «Sire, vous faites telle chose et telle qui est injuste contre la raison», que je ne l'écoute fort volontiers, et après que j'aurai entendu vos raisons, si elles sont plus fortes que les considérations pour lesquelles j'aurai fait ce dont me ferez remontrances, je changerai librement ma première résolution. Il s'agit maintenant de faire cesser tous faux bruits II ne faut plus faire de distinction de catholique et de huguenot. Il faut que tous soient bons Français, et que les catholiques convertissent les huguenots par l'exemple de leur bonne vie, mais il ne faut pas donner occasion aux méchants bruits qui courent par tout le royaume. Vous en êtes la cause, car pour n'avoir promptement vérifié l'édit, on dit en divers lieux que c'est redit de janvier. Je ne

Musée virtuel du Protestantisme français http://www.museeprotestant.org 2 craindrai point de vous dire que je désire vous faire savoir car je suis sans peur, Dieu merci. Le malheureux qui est prisonnier qui a voulu attenter à ma vie [François Langlet], s il m'eût blessé ou tué, ne vous pouvait-on pas aucunement accuser et dire coupables de ma mort ou de ma blessure? Vos longueurs en eussent été cause, qui apportent des scrupules dans les consciences et des scrupules dans les âmes. Et c'est la couleur de piété des jésuites qui a corrompu cet assassin qui par le conseil des jésuites de Lorraine est venu naguère pour me tuer. Vous serez la cause de ma mort, si vous n'obéissez car les catholiques jésuites feront croire que mon édit contient ce qui n'y est pas. Je n'ai point de peur. Dieu merci, et l'occasion pourquoi je n'ai point de peur est mon innocence. Dieu m'a toujours préservé ; je me suis fié en lui ; il m'a garanti de tous ceux qui ont entrepris sur ma vie combien que je n'aie fait tort à personne. Je sais que les catholiques font le plus grand nombre de cet Etat, mais ils ne seront rien, et ne le peuvent être sans mon assistance. J'ai un dessein dès longtemps, et désire de l'exécuter : c'est de réformer l'eglise. Je ne le puis faire sans la paix : il n'est pas possible de convertir les huguenots par violence. Je le vous dirai encore une fois : je suis roi et berger qui ne veux répandre le sang de mes brebis, mais les veux rassembler avec douceur et non par force. Je vous dis encore : je suis roi catholique, et non catholique jésuite. Je ne veux donner ordre que les catholiques soient de bonne vie j'ai donné à cette fin des bénéfices à quelques uns de mes serviteurs, à ce qu'ils nourrissent leurs enfants pour être capables un jour des charges de l'église Vous empêchez mes desseins par les troubles qu'entretenez en l'etat de vos longueurs J avais seul porté le secret de remuer parmi ceux de la religion lorsque je m'en revins à Tours avec le feu roi. Nul ne savait plus le chemin qu'il fallait tenir pour revenir. Vous avez par votre refus donné occasion aux huguenots de me demander permission de s'assembler. Cela leur a fait reconnaître ce qu'ils pouvaient Si vous donniez de l'argent aux huguenots, vous ne feriez pas tant pour eux que vous n avez fait. Je crois qu'ils ont gagné ceux d'entre vous qui résistent à ma volonté. Quand on faisait des édits contre ceux de la religion (lorsque j'étais avec eux), je faisais des cabrioles, je disais : «Loué soit Dieu, car tantôt nous aurons quatre mille hommes, tantôt six mille». Et nous les trouvions enfin, car ceux qui étaient dépêchés auparavant étaient contraints de se réunir. Il y a vingt-cinq ans que je commande au parti de ceux de la religion : cela me fait connaître tout le monde. Je sais qui veulent la guerre, et qui la paix. Je connais ceux qui faisaient la guerre pour la religion catholique, ceux qui pour l'ambition, ceux qui pour la faction d'espagne, et ceux qui n'avaient envie que de voler. Parmi ceux de la religion, il y en a eu de toutes sortes, aussi bien que parmi les catholiques. J'ai bien de la peine à faire obéir les huguenot. Le feu roi ayant beaucoup à souffrir en son Etat, j'ai toujours aimé la paix, j'ai toujours été bon patriote. Mr de Bellièvre est bon témoin, ayant traité avec moi par plusieurs fois. Cela était cause qu on parlait mal de moi, et de moi et de Messieurs de Bouillon, de La Noue de Guitry et autres, qui aimaient l'ordre et la paix, et nous appelait des

Musée virtuel du Protestantisme français http://www.museeprotestant.org 3 chiens muets. Ridicauwe était de ceux-là. M. le Connétable, qui est ici présent le sait bien. Il faut que je vous fasse un conte de ceux de la religion qui me vinrent trouver à Rouen. Je ne les nommerai point en cette compagnie. L'un des deux me fit un grand discours sur le fait de la religion, et sur ce qu'il me disait avoir tout abandonné pour la liberté de sa conscience, et qu'il valait mieux quitter le monde, que blesser son âme, après qu'il eût tout dit, je recommençai à dire à ceux qui étaient auprès de moi et qui écoutaient ce discours : «Messieurs n'en croyez rien». Il se retourna vers moi, et dit : «Sire, pourquoi?» Je lui fis réponse que c'était de lui de qui je parlais, et qu'il ne fallait pas croire ce qu il disait, parce que toutes les fois qu'il y avait eu des édits contre ceux de la religion, il était allé à la messe, et, s'il n'y en avait assez d'une, il en oyait deux, voire trois. Quant à l'autre, qui me vient parler à la même façon de la religion, je lui dis : «Vous savez bien qu'étiez un voleur, un larron, un traître bien que fussiez de mon conseil, et ce fut l'occasion pour laquelle je vous en chassai. Vous ne connaissez pas les maux de mon État, non plus que les biens si bien que moi je connais toutes les maladies qui y sont, et puis dire sans yantene que je les connais mieux que toutes les choses qui ont été devant moi J en connais aussi les remèdes ; les maux où j'ai été me les ont appris ce que je n eusse pu si bien savoir sans l'expérience que j'en ai eue. J'ai reçu plus de bien et plus de grâces de Dieu que pas un de vous. Je ne désire en demeurer ingrat; mon naturel n'est point disposé à l'ingratitude, combien qu'envers Dieu je ne puisse être autre ; mais pour le moins j'espère qu'il me fera la grâce d avoir toujours de bons desseins. Je suis catholique, et ne veux que personne en mon royaume affecte de paraître plus catholique que moi. Etre catholique à dessem, c est ne vouloir rien. Je tiens une maxime qu'il ne faut pas diviser l'etat davec la religion. Les refus que mes autres parlements ont fait de vérifier la déclaration de 1594, comme vous l'avez fait, a été cause que les huguenots ont demandé à Châtellerault plus qu'ils n'avaient fait auparavant Les principaux qui s'y sont trouvé et qui voulaient le bien de cet État, ne demandaient quil y eût des conseillers en parlement, mais la pluralité des voix les emporte. Des mutins, des brouillons, comme est une compagnie quand le plus de voix 1'emporte sur la meilleure opinion. Je sais que c'est de telles assemblées : ce sont autant de rois que de consultants. Je m'y suis trouvé sous le règne du feu roi. J'avais bien de la peine à les faire obéir ; enfin, j'en vins à bout. Pourtant, je veux dire qu'il y a bien eu ci-devant des rois dans mon royaume, mais je les ai chassés, et leur ai fait connaître qu'ils n'étaient rois qu en papier et en peinture. On dit que je veux favoriser ceux de la religion et veulent entrer en quelque méfiance de moi. Si j'avais envie de ruiner la religion catholique, je m'y conduirais de la façon, et si le désirais, vous ne m'en sauriez empêcher. J'enverrais quérir vingt mille hommes, je chasserais d'ici ceux qu il me plairait, et quand j'aurais commandé que quequ'un sortît il faudrait obéir. Je dirais à Messieurs les juges : «II faut vérifier l'édit ou je vous ferai mourir». Mais alors, je ferais le tyran ; ce serait vraiment faire le tyran. Je n ai point conquis ce royaume par tyrannie ; je l'ai par

Musée virtuel du Protestantisme français http://www.museeprotestant.org 4 nature et par mon travail. Je désire faire deux mariages : l'un de ma sœur (je l'ai fait), 1'autre, la France avec la paix. Ce dernier ne peut être que par la paix et la paix ne peut être que mon édit ne soit vérifié. Vérifiez-le donc, je vous prie. Ma justice est mon bras droit, mais quand je serais sans bras droit, je sauverais toujours bien l'état, étant gaucher. Il est vrai que j'aurais plus de peine, mais je le sauverais pourtant, et mieux que vous. Il importe plus que vous ne pensez de n'entrer point en défiance de moi. Vous êtes ici ou Présidents ou Conseillers. Je suis bien certain pour moi que si j'ai des enfants, qu'ils seront rois. Je sais que la plus grande difficulté que m'avez faite en mon édit est sur les officiers. La nécessité m'y contraint. Quand je vous fis la déclaration pour le regard des ditsofficiers, en l'année 94, je vous promis à la vérité que je n'y mettrais point de conseillers ni autres officiers en ma cour de parlement que des catholiques. Le refus de vérifier cette déclaration à Bordeaux et ailleurs a fait demander aux huguenots qu'ils aient des conseillers de leur religionen mes parlements. J'ai été contraint pour la nécessité des mes affaires de l'accorder. Je pensais bien que par le moyen des suppressions, je remédierais au mal qui est en mon royaume, au nombre effréné des officiers. La nécessité, qui est la loi du temps, a fait dire ores une chose, ores une autre. Je ne veux mettre des conseillers en mon parlement que jusqu'au nombre porté par mon édit, et encore n'y en aura-t-il que quatre, car les deux autres, je les ai promis, vacation advenant par mort, et vous savez qu'il y a suppression des officiers de mon parlement, mort advenant. Mes affaires ne me portent pas là à pourvoir d'autres aux offices que des catholiques, parce que je sais que c'est le bien de l'état, et tandis qu'ai été parmi ceux de la religion, je n'ai pourvu aux offices autres que catholiques, reconnaissant qu'il était nécessaire d'en user ainsi pour le bien du royaume. Je ne veux aussi aux villes où il y a plus de catholiques mettre de mes lieutenants généraux ou procureurs autres que catholiques. Je sais bien ce qu'importent telles charges, et 'à quoi elles s'étendent. J'ai été à La Rochelle où j'ai vu la puissance des lieutenants généraux, combien que ceux de la ville fassent tout ce qu'ils peuvent pour contrepoiser leur autorité, et aux autres lieux que M. le Lieutenant et M. le Gouverneur s'entendent, tout est fait, et en matière de justice et de finance, il n'en faut faire aucun état. Vous m'empêchez de faire un bien par mon édit vérifié. J'ai envie lorsque l'occasion se présentera de mettre des officiers catholiques aux villes que tiennent ceux de la religion, et par exemple, j'ai commencé à Nîmes où j'ai mis un viguier catholique, nonobstant que ceux de la religion en eussent offert mille cinq cents écus plus que les catholiques. M. le Connétable en est témoin, et M. le Chancelier qui en a expédié les lettres, dites donc à ceux de mon parlement, et non à mon parlement, mais à chacun particulièrement ce que je vous dix de mon intention touchant le nombre des conseillers, et ma résolution de mes lieutenants généraux ou particuliers. Je ne veux pas que personne se dise plus catholique que moi, car ceux qui veulent se faire paraître tels le font à dessein. J'aime mon parlement de Paris par dessus tout autre, et faut que je reconnaisse la vérité que c'est le seul lieu où la justice

Musée virtuel du Protestantisme français http://www.museeprotestant.org 5 se rende aujourd'hui dans mon royaume. Il n'est corrompu par argent, et en la plupart des autres, la justice se vend, et qui donne deux cents écus l'emporte sur celui qui donne moins. Je le sais parce que j'ai autrefois aidé à boursiller, et cela me servait à desseins particuliers dont il faut que je vous touche un mot. Vos longueurs et vos difficultés donnent sujet de remuements étrangers par les villes. L'on a fait des processions contre l'édit, même à Tours où elles se devaient moins faire qu'en tout autre lieu, d'autant que j'ai fait celui qui en est l'archevêque. On en fait aussi pour inspirer les juges à rejeter l'édit. Cela ne s'est fait que par mauvaise inspiration. Empêchez que telle chose n'arrive plus, je vous prie, que je n'oye plus parler de cette affaire, et que ce soit pour la dernière fois. Faites-le, je vous le commande et vous en prie. Source : Bernard Cottret, L'Edit de Nantes, Paris, Perrin, 1997.