PETITE HISTOIRE DE LA BD LES ORIGINES Japon : le Hokusai Manga 1814. Au Japon, le peintre Hokusai innove en présentant certaines pages de ses croquis, dont quelques caricatures, dans des cases accompagnées de texte. L'oeuvre prend le nom de Manga, qui en japonais veut dire «image maladroite», ou «caricature». Le terme désignera plus tard la bande dessinée japonaise. Hokusai, Lutteurs s'échauffant, publié dans Hokusai Manga, 1814 En Europe La Tapisserie de Bayeux, dont on dit parfois que c'est l'ancêtre de la bande dessinée, présente des scènes commentées. Tissée entre 1066 et 1082, constituée de neufs teintes naturelles de laine brodées sur du lin ( longueur de 68,30 mètres et une lèse d'environ 50 centimètres). Elle retrace la Conquête normande de l'angleterre par Guillaume le Conquérant. Différentes batailles majeures de cette conquête y sont décrites. Détail de la Tapisserie de Bayeux
L'ancêtre européen : les images d'epinal Dès la fin du XVIIIe siècle, l'imagerie d'epinal commence à diffuser de petites vignettes narrant des sujets populaires, non seulement des images pieuses, mais aussi des comptines, des devinettes, des épisodes de l'histoire de France, etc. De 1870 à 1914, ce sont plus de 500 millions de planches qui sont vendues! Planche Lucie ou la petite espiègle, Imagerie d'epinal n 940
Rodolphe Töpffer, premier auteur BD En 1831, le Suisse Rodolphe Töpffer réalise ce qui est considéré comme la première bande dessinée de l'histoire, L'Histoire de Monsieur Jabot. Les dessins sont disposés dans la page sur une bande, et le texte est situé dessous. Töpffer nomme cela de la «littérature en estampes». Planche extraite de L'Histoire de Monsieur Jabot, de Rodolphe Töpffer, 1831
LES PREMIÈRES BULLES En 1896, dans le New York Journal dirigé par le grand magnat de la presse William R. Hearst, Richard F. Outcault est le premier à faire parler son héros, The Yellow Kid, dans une bulle. Mais c'est dans le Little Nemo in Slumberland de Winsor McCay, publié en 1905 dans le New York Herald que l'usage des bulles est systématisé. C'est aussi l'un des premiers strips dans lequel l'auteur adapte la taille des cases aux nécessités du récit. Et c'est également d'une grande beauté. Winsor McCay, Little Nemo Slumberland (1905-1914) in Richard Outcault, apparition de la première bulle dans la page dominicale du Yellow Kid, publiée dans le New-York Journal.
Mutt and Jeff : le succès des comic strips La bande dessinée naît en Europe au début du XIXe siècle, mais c'est aux Etats-Unis que se popularisent ce que l'on nomme les comic strips, BD de quelques cases qui forment des gags. Le premier à rencontrer réellement du succès est Mutt and Jeff de Bud Fisher, publié à partir de 1907. Bud Fisher, Mutt and Jeff, 1913, Library of Congress Prints and Photographs Division. Caroline and Erwin Swann Collection of Caricature & Cartoon
Bécassine et les Pieds nickelés : popularité des illustrés En 1905, le périodique illustré La Semaine de Suzette publie le premier épisode des aventures de Bécassine, que les jeunes Français vont suivre pendant un demi-siècle. Si on a peu retenu les histoires de la gentille bonne bretonne, la modernité des dessins de Joseph Pinchon inspirera la fameuse «ligne claire» adoptée par Hergé pour Tintin. Dans une veine plus populaire, Les Pieds nickelés (aka Croquignol, Filochard et Ribouldingue) sont publiés à la même époque. Tous ces créateurs vont suivre la même mise en page héritée des images d Épinal. Par contre Christophe, Forton, Pinchon, Vallet et d autres savent lier les cases entre elles pour narrer leurs histoires, mais ils choisissent tous, et leurs successeurs pour quelques années encore, de disposer leurs textes, de moins en moins descriptifs, sous les images. C est un parti-pris clairement assumé car les «balloons» américains sont bien connus en France. la Semaine de Suzette, 1905
Le règne de Tintin En 1929, à l'âge de 24 ans, le Belge Georges Remi, alias Hergé, publie Tintin chez les Soviets, premier album des aventures de Tintin. Elles vont durer plus de cinquante ans, avec le succès qu'on connaît, jusqu'à la mort de leur créateur en 1983. L'éternelle jeunesse du héros intrépide donne à la série un caractère atemporel, tandis que le mot «tintinophile» est aujourd'hui entré dans le langage courant. Hergé, Tintin au Tibet, Casterman, 1960 Hergé, Les aventures de Tintin reporter du petit vingtième au pays des Soviets,1929
Superman : l'âge d'or des super héros 1938. Les premières aventures de Superman paraissent dans le magazine Action Comics. A la suite du krach de 1929, les Américains ont le moral en berne et rêvent de héros qui pourraient venir à leur secours. C'est l'âge d'or des «super héros» : Superman, Batman, Captain Marvel, Wonder Woman... D'autres héros plus «humains» envahissent les cases des comic strips américains, et bientôt européens : Mickey Mouse, Tarzan, Popeye, Mandrake, Flash Gordon...
Achille Talon, Boule et Bill, etc : l'hégémonie belge A partir de 1946, le Journal de Tintin, notamment, promeut des auteurs belges et français comme Edgar P. Jacobs (Blake et Mortimer), Jacques Martin (Alix), Greg (Achille Talon), Jean Graton (Michel Vaillant), Tibet (Ric Hochet), Dupa (Boule et Bill)... Portée par le succès de Tintin, la bande dessinée belge connaît un succès international. Boulle et Bill Les icônes de Spirou et Pilote Comme le Journal de Tintin, la revue belge Spirou, créée en 1938 par Dupuis, va porter de nombreux héros et anti-héros dont le succès ne se dément toujours pas. André Franquin y raconte les aventures de véritables icônes : Spirou et Fantasio, Gaston Lagaffe, le Marsupilami... En 1959, Uderzo, Goscinny et Jean-Michel Charlier font sécession et créent la revue Pilote : là naissent Blueberry, Achille Talon, la Rubrique-àbrac de Gotlib, Lucky Luke, Iznogoud, et, les plus connus d'entre tous, Astérix et Obélix. Gaston Lagaffe
Le Graphic Novel : Corto Maltese et Will Eisner, la maturité de la BD En 1967 paraît l'album Ballade de la mer salée, qui raconte les expéditions mélancoliques d'un marin maltais, Corto Maltese. Son auteur, Hugo Pratt, est considéré comme un précurseur de ce que l'on nommera le graphic novel (roman graphique), où la bande dessinée prend une dimension littéraire. Petit à petit, une partie des auteurs de bande dessinée (Enki Bilal, Moebius, Tardi, Van Hamme, Shuiten...) se démarque de l'univers de l'enfance, pour affirmer la maturité de leurs héros. 1976 : le terme «graphic novel» apparaît simultanément pour désigner trois albums parus aux Etats-Unis cette année-là, notamment A Contract With God And Other Tenement Stories de Will Eisner. Entre roman et BD, le graphic novel (ou roman graphique) marque l'orientation d'une part de la bande dessinée vers le champ littéraire.
La BD autobiographique et historique : Crumb, Spiegelman Sous-genre du graphic novel, la BD autobiographique joue la carte de l'introspection, avec le décalage que permet le recours au dessin. Robert Crumb commence dans les années 1970 à évoquer sa vie personnelle, dans un registre sombre. Quelques autobiographes de la BD : Joe Matt, Chester Brown, ou en France Manu Larcenet. Le premier volume d'art Spiegelman, Maus, paru en 1986, use de la métaphore pour évoquer la survie de sa famille pendant l'holocauste. Il ose employer un médium habituellement réservé au divertissement pour raconter un sujet aussi dramatique. C'est la première fois qu'une bande dessinée attire autant sur elle l'attention des critiques. A titre d'exemple : un journaliste interroge l'auteur : «Vous ne trouvez pas qu'une BD sur Auschwitz, c'est de mauvais goût? Réponse de Spiegelman : «Non en revanche, j'ai trouvé Auschwitz de mauvais goût.». Mauss sera l'objet d'une exposition au musée d'art moderne de New york, et obtiendra en 1992 un Prix Pulitzer spécial. Spiegelman, Maus. Un survivant raconte, 1986
Sources : http://www.pedagogie.ac-nantes.fr : Maus, Art Spiegelman, témoin de l'histoire du monde contemporain. Http://www.labd.cndp.fr Scott Mc Cloud, l'art invisible, Vertige graphique, Delcourt, 1999 http://www.l'express.fr/culture/livre/bd http://fluctuat.premiere.fr/diaporamas/une-histoire-de-la-bd-en-images