Panorama de l astronomie 7. Les étoiles : évolution et constitution des éléments chimiques Karl-Ludwig Klein, Observatoire de Paris Gaël Cessateur & Gilles Theureau, Lab Phys. & Chimie de l Environnement et de l Espace, Orléans Ludwig.klein@obspm.fr, Tél. 01 45 07 77 61 http://lpce.cnrs-orleans.fr/~theureau/panorama/panorama.html
Plan du cours Rappel étoile : sphère de gaz, source d énergie=fusion nucléaire Evolution : étapes de fusion nucléaire, modérées par la gravitation Etapes finales : naine blanche, supernova, étoile à neutrons (pulsar), trou noir Fabrication des éléments chimiques
La structure interne du Soleil Noyau : génération d énergie par fusion nucléaire; libération de photons gamma (+ neutrinos) Noyau : fusion 4p 4 He+γ Zone de transport radiatif Zone de transport convectif Transport d énergie (initialement gamma) vers la surface : Rayonnement (absorption-émission ) : zone radiative, r<0,7 R S Convection (montée bulles de gaz chaud, expansion et refroi-dissement, redescente gaz froid) : zone convective,
Pourquoi cette étoile est-elle stable? Equilibre entre la gravitation (concentration de la matière au centre) et la pression (dispersion de la matière) Noyau : fusion 4p 4 He+γ Zone de transport radiatif Zone de transport convectif La pression à l intérieur de l étoile: haute température / forte pression. Température initialement engendrée par la gravitation, puis maintenue par la fusion nucléaire.
Energie nucléaire et stabilité des étoiles Energie de liaison / nucléon [MeV] L énergie de liaison d un nucléon (neutron, proton) augmente avec le nombre de nucléons (jusqu à N=56, fer): gain d énergie par la fusion d éléments légers en plus lourds (jusqu au fer) Pour rendre la fusion possible, il faut Nombre de nucléons rapprocher les protons ou noyaux à haute vitesse (franchir barrière coulombienne) La fusion ne peut avoir lieu que dans un milieu chaud - d autant plus chaud que les noyaux sont lourds (donc plus chargés) La libération d énergie par fusion est possible tant que le coeur de l étoile est constitué d éléments plus légers que le fer.
Fusion nucléaire et évolution des étoiles L équilibre gravitation - pression est maintenu grâce à la fusion nucléaire au cœur de l étoile. Une période d existence (plus ou moins) stable de l étoile correspond à une étape précise de fusion. Par exemple: séquence principale = fusion de H en He. A l épuisement de l élément en fusion la fusion s arrête et le cœur de l étoile se refroidit. La pression diminue, est dominée par la gravitation: contraction ou effondrement du cœur de l étoile. Echauffement pouvant éventuellement aboutir à une nouvelle étape de fusion. Effet collatéral: constitution d éléments chimiques de plus en plus lourds.
L évolution des étoiles
Etoiles sur la séquence principale Etoiles sur la séquence principale Phase la plus longue de la vie d une étoile Fusion 4H He (cœur nucléaire; T > 10 7 K) Paramètres clef : masse & composition chimique Température, rayon Luminosité L M α (observation : α=3 4) Durée de vie : τ = W/L M/L M 1-α (Soleil : env 10 milliards d années) Luminosité Température
Etoiles sur la séquence principale Modèle de l intérieur solaire actuel (Bahcall et al., d après P. Lantos, Le Soleil en Face, Masson)
Départ de la séquence principale Fin de l étape de fusion H He : cœur nucléaire composée de He, T<< 10 8 K; entouré d un gaz n ayant pas participé à la fusion Pas de possibilité de fusion (T< 10 8 K) : refroidissement cœur, contraction (gravitation) Échauffement cœur & environs, démarrage fusion 4H He dans coquille autour du cœur inerte démarrage fusion He (en C, O) au cœur si T 10 8 K Luminosité Température
Départ de la séquence principale Après épuisement de l H : géante rouge Contraction du noyau inerte de 4 He. Démarrage 4H 4 He dans coquille entourant le noyau. Augmentation T dans les couches extérieures de l étoile expansion : l étoile devient «géante». 4 He 4H 4 He Augmentation de la surface et des pertes radiatives; T diminue à la surface, couleur rouge («géante rouge»).
Départ de la séquence principale: le Soleil devenant géante rouge Séquence principale Géantes rouges Migration vers le haut (augmentation de la luminosité) et la droite (diminution de la température) dans le diagramme Hertzsprung- Russell.
Ejection des couches externes: la «nébuleuse planétaire» Cliché télescope spatial Hubble Géante rouge : dilatation de l étoile sous l effet de la coquille de fusion d H Ejection partie extérieure de l enveloppe (faiblement maintenue, car F M/r2) : «nébuleuse planétaire» Nébuleuse (plus ou moins) sphérique, env. 10% de la masse de l étoile Expansion, quelques dizaines de km/s Résidu : noyau de l étoile, composé d éléments lourds (He, C, O, )
Ejection des couches externes: la «nébuleuse planétaire» Cliché télescope spatial Hubble: http://hubblesite.org/gallery/album/nebula/pr1997038b/ Expulsion de l enveloppe de l étoile Des couches internes chaudes deviennent visibles: Déplacement du spectre vers le bleu Forte émission UV, ionisation du gaz expulsé recombinaison et fluorescence: aspect multi-colore des nébuleuses planétaires
Après l étape de la géante rouge Séquence principale? Géantes rouges Migration vers la gauche (spectre devient de plus en plus bleu), contraction de l étoile résiduelle (donc finalement migration vers les faibles luminosités (vers le bas) du diagramme Hertzsprung-Russell.
Cycles d évolution stellaire Peut-on toujours aboutir à une nouvelle étape de fusion par la compression du cœur de l étoile? On pourrait penser que oui, si toute compression et augmentation de pression était associée à l augmentation de la température (loi de gaz parfait). Mais la physique atomique nous montre que ce n est pas le cas: on ne peut pas rapprocher sans limite les particules (atomes, noyaux). Exemple: occupation des couches électroniques d un atome. Lorsque la distance entre atomes devient trop petite, la pression augmente SANS augmentation de température: dégénérescence du gaz (similaire à l état du solide).
Les naines blanches Equilibre gravitation - pression de dégénérescence des électrons: compact <10 4 km, forte masse volumique chaud (couches externes éjectées) faible luminosité (petite surface) Noyau dégénéré (à peu près isotherme, T 10 7 K acquise avant dégénérescence) + mince couche extérieure où T décroit à qq 10 4 K Réservoir d énergie : énergie thermique du noyau Durée de vie ~ milliards d années Vitesses des électrons dégénérés < c: M<1,44 M S (masse limite de Chandrasekhar). Pas d équilibre pour les astres dépassant cette limite. Luminosité Naines blanches Température
Cycles d évolution stellaire Principe : l étoile peut libérer de l énergie nucléaire jusqu à ce que son noyau soit constitué de 56 Fe. Problème : pour fusionner des noyaux de plus en plus lourds, il faut des T de plus en plus élevées (seuil fusion / barrière Coulomb). Schématiquement : stabilité pendant phase de fusion, production de nouveaux éléments chimiques Refroidissement (-> baisse pression) et contraction (domination de la gravitation) après épuisement du «combustible», chauffage et nouveau cycle de fusion (éléments chimiques plus lourds) ou dégénérescence des électrons (facteur déterminant : M) Limites à la séquence compression/chauffage/fusion : (a) dégénérescence du gaz (d abord électrons) - la pression croît (donc la résistance à la gravitation) sans augmentation de la température (b) cœur stellaire constitué de fer.
Etapes finales d une étoile de forte masse Energie de liaison / nucléon [MeV] Si le cœur de l étoile est constitué de fer: fin du cycle de stabilisation par la fusion nucléaire (pas de libération d énergie par l assemblage de noyaux atomiques plus lourds) Domination de la gravitation: effondrement du noyau sans chauffage (sans augmentation de la pression du gaz parfait): chute libre. Les couches externes suivent; rebondissement sur cœur condensé; éjection + onde de choc supernova Nombre de nucléons
Le devenir des couches externes: supernovae Les couches externes chutent & s échauffent De la matière composée de noyaux atomiques légers fusionne de façon explosive. Génération d une onde de choc qui pousse la matière dans l espace interstellaire Augmentation soudaine surface de l astre, matière très chaude / brillante - l astre peut devenir visible pour la première fois : phénomène appelé «supernova»
Le devenir des couches externes: supernovae Télescope spatial Hubble, http://hubblesite.org/gallery/album/galaxy_collection/pr1999019a/
Le devenir des couches externes: supernovae 1984 Un exemple: SN 1987a 1987 http://www.aao.gov.au/images. html/general/aat.html 1984 : étoile avant l implosion 1987 : quelques jours après 1993 : anneau de matière éjectée 1993 http://hubblesite.org/gallery/album/ entire_collection/pr2004009d/
Le devenir des couches externes: supernovae La supernova 1987a en ondes radioélectriques : expansion de la coquille de matière. http://www.atnf.csiro.au/news/newsletter/feb07/page1.html
Le devenir des couches externes: supernovae La nébuleuse du Crabe (constellation Taureau) Enveloppe stellaire éjectée lors d une explosion de supernova en 1054 (récits chinois) Éjection dans l espace des éléments lourds, produits par la fusion au cours de l existence de l étoile
Le devenir du noyau d une étoile de forte masse Toujours : établissement d équilibre si pression arrête contraction gravitationnelle. Quelle pression? Etoiles de très forte masse : pression de dégénérescence des électrons ne suffit pas pour équilibrer la gravitation. Implosion du cœur stellaire. Création d un cœur très compact. Etoile à neutrons: les protons et électrons se transforment en neutrons (processus qui n a lieu que sous très forte pression). Stabilité gravitation - pression de dégénéresence des neutrons. Réactions nucléaires: Désintégration beta (laboratoire terrestre) Désintégration beta inverse (gaz très dense): Transformation de p en n Objet compact, rotation rapide!! n " p + e # + $ e n + e " # p + $ e
20 km La nébuleuse et le pulsar du Crabe (cliché Kitt Peak, NOAO) À droite: clichés du pulsar (étoile à neutrons), pose env. 1 ms (on voit l apparition et la disparition du pulsar, période env. 33 ms)
Le devenir du noyau d une étoile de forte masse Toujours : établissement d équilibre si pression arrête contraction gravitationnelle. Quelle pression? Etoiles de très forte masse : pression de dégénérescence des électrons ne suffit pas pour équilibrer la gravitation. Implosion du cœur stellaire. Création d un cœur très compact. Si pression de dégénéresence des neutrons ne suffit pas pour équilibrer la gravitation: trou noir - objet si compact que même la lumière ne s en échappe pas. Analogie: énergie mécanique d une masse m lancée contre la gravitation du corps de masse M W = m 2 " 2 # GmM = cte. r Si W<0: objet n atteint pas l infini (ne s échappe pas du corps M) Vitesse de libération: W au moins = 0! Si M/r grand: υ L =c (même la lumière ne s échappe plus) - trou noir! " L 2 = 2GM r
Résumé: évolution des étoiles Etoile à neutrons trou noir Nuage de gaz froid Supernova Etoile (fusion... -> Fe) Contraction (gravitation) Naine blanche Contraction Etoile (fusion H -> He) Naine brune
La constitution de la matière au cours de l évolution des étoiles
Energie nucléaire et fabrication des noyaux Energie de liaison / Nucléon [MeV] 56 Fe = noyau le plus stable; fin de libération d énergie par fusion nucléaire Nombre de nucléons H, He dans l Univers proviennent des premiers instants (univers chaud/ dense, «big bang»). Les étoiles construisent, par fusion nucléaire, les noyaux jusqu au fer (56 nucléons). Départ : hydrogène. Noyaux lourds = «cendres» de la fusion nucléaire.
Energie nucléaire et fabrication des noyaux Fusion de 4 He T>10 8 K : 3( 4 He) 12 C + γ («triple alpha») : 4 He + 4 He + 95 kev 8 Be 8 Be + 4 He 12 C + γ (7,27 MeV) (Be instable, donc rare dans les étoiles). T > 2 10 8 K : 12 C + 4 He 16 O + γ Etoile se compose de zones différents : - C, O (fusion au centre), - He (fusion coquille), - H (fusion coquille), - H (enveloppe inerte) C, O 4H 4 He 4 He C,O
Energie nucléaire et fabrication des noyaux De l hélium au fer Etoiles de forte masse (>(4-6) M S ): brèves périodes de fusion d éléments lourds, forte production de neutrinos 2 ( 12 C) 4 He, 20 Ne, 24 Mg (durée ~300 ans) 2 ( 16 O) 4 He, 28 Si, 32 S 2 ( 28 Si) 56 Ni 56 Fe (durée ~2 jours) Etoile constituée de différentes couches avec différentes compositions chimiques (voir exemple diapo précédente). Fin de la chaîne de libération d énergie par fusion lorsque noyau en 56 Fe Haute T (pour fusionner noyaux à forte charge) production de photons de très haute énergie Photo-désintégration des noyaux. Libération de neutrons. Collapse du cœur de l étoile, fusion explosive des noyaux légers restants, éjection des couches externes : supernova.
Les éléments chimiques: tableau de Mendeleïev
L origine des éléments plus lourds que le fer Big bang (A) + fusion stellaire (C) +??? (D) : d où viennent les éléments plus lourds que le Fe? http://www.cea.fr/jeunes/themes/ la_physique/l_astrophysique_nucleaire/
L origine des éléments plus lourds que le fer Noyaux lourds : jusqu à Z=92, A=238 Fusion : exo-énergétique jusqu à A=56 (Fe, Ni) Peut produire A>56, mais faible probabilité de réaction (faible «section efficace»), répulsion coulombienne, photo-dissociation Constat : noyaux lourds contiennent de plus en plus de n. Libérées dans les phases explosives finales de l évolution stellaire. Capture des neutrons par les noyaux de Fe; fabrication de noyaux lourds sans barrière coulombienne. Les noyaux atomiques naturels Alonso & Finn, Fundamental University Physics
L origine des éléments plus lourds que le fer Capture d un neutron par un noyau : (Z,A)+n (Z,A+1)+γ Rappel: n libre instable; mais de plus en plus de n libérés lors des étapes de fusion de noyaux lourds. Deux classes de processus de capture: s («slow») : (Z,A)+n (Z,A+1) (Z+1, A+1) +n flux modéré de n, processus peut opérer dans géantes rouges dès que des réactions nucléaires dégagent des n. Produit noyaux avec nombres comparables de p et n. r («rapid») : (Z,A)+n (Z,A+1) +n (Z, A+2) requiert flux intense de n; processus explosif (qq secondes) lors des SN? Produit isotopes riches en n.
L origine des éléments plus lourds que le fer http://en.wikipedia.org/wiki/ S-process Capture d un neutron lors d une faible irradiation neutronique, puis Série de captures de n (N N+1, Z=cte.) tant que l isotope formé est stable Désintégration β (N N-1, Z Z+1, A=cte.) quand isotope instable
Résumé: évolution des étoiles et formation des éléments chimiques Formation des étoiles : - contraction d un nuage froid, pourvu qu il soit suffisamment grand - chauffage, fragmentation, contraction des fragments - étoile (fusion H He) si T > 10 7 K - sinon : naine brune (fusion H 2 H), «planète» (dégénérescence) Evolution des étoiles : - séquence principale (fusion H, gros de la durée de vie), - fusions d éléments plus lourds ou naine blanche, - éjection des parties externes («enveloppe») - pour les étoiles de forte masse : supernova, étoile à neutrons, trou noir Formation des éléments chimiques : - à partir du H au noyau des étoiles - fusion jusqu à A=56 (Fe), réactions exoénergétiques - capture de neutrons pour A>56