Contribution à la spatialisation du modèle opérationnel de prévision des crues éclair ALHTAÏR

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Transcription:

UNIVERSITE DE PROVENCE AIX-MARSEILLE I THESE pour obtenir le grade de DOCTEUR DE L UNIVERSITE DE PROVENCE (AIX-MARSEILLE) DISCIPLINE : BIOSCIENCES de l ENVIRONNEMENT, CHIMIE et SANTE présentée par Pierre-Alain AYRAL Contribution à la spatialisation du modèle opérationnel de prévision des crues éclair ALHTAÏR Approches spatiale & expérimentale Application au bassin versant du Gardon d Anduze Soutenue publiquement le 4 mars 2005 devant le jury composé de : C. MASSIANI Professeur, Université de Provence Président J. CHARRE Professeur, Université d Avignon Rapporteur G. BRUGNOT Ingénieur Général du GREF Cemagref Rapporteur O. THOMAS Professeur, Université de Sherbrooke Directeur S. SAUVAGNARGUES-LESAGE Enseignant-chercheur, Ecole des Mines d Alès Encadrant C. BOUVIER Directeur de Recherche, IRD Examinateur J-P. VANDERVAERE Maître de Conférence, Université Joseph Fourier Invité F. BRESSAND Ingénieur, Directeur du SAC-30 Invité Travaux réalisés au Laboratoire Génie de l Environnement Industriel Ecole Nationale Supérieure des Techniques Industrielles et des Mines d Alès

Remerciements Je tiens tout d abord à remercier Gérard Brugnot et Jöel Charre d avoir accepté d être les rapporteurs de ces travaux. Leurs commentaires, remarques et critiques ont permis d apporter un éclairage tout à fait constructif à ce travail. Merci également à Catherine Massiani d avoir accepté de présider le jury, ses remarques furent tout aussi constructives. Ces trois années de recherche ont été l occasion de multiples rencontres et de collaborations fructueuses qui ont fortement enrichi les travaux menés. Suite aux inondations du 8 & 9 septembre 2002, le retour d expérience hydrologique initié par Eric Gaume et mené dans le cadre de l Observatoire Hydrométéorologique Méditerranéen Cévennes-Vivarais, dirigé par Guy Delrieu, a été l occasion de multiples journées de terrain. Même s il est impossible de citer tous les acteurs rencontrés, je tiens ici à tous les remercier. Merci tout particulièrement à Jean-Pierre Vandervaere d avoir participé au jury et d avoir apporté toutes ses compétences sur le volet expérimental de ces travaux. Merci à Christophe Bouvier, Jean-Louis Perrin, Pascal Brunet et Arthur Marchandise d HydroSciences Montpellier pour leur participation «tout terrain» à ces travaux. Merci encore à Christophe d avoir accepté d être membre du jury. Merci également à Jean-François Desprats, Nathalie Dorfliger, Christine King du BRGM, leurs participation et apports à ces travaux ayant largement dépassé le cadre de la cartographie de la perméabilité ayant permis de régionaliser ALHTAÏR. Toujours sur le terrain, sur le Mont-Lozère en DEA puis du coté de Peyrolles en thèse, merci à Claude Martin, Jean-François Didon-Lescot et Joël Jolivet de l UMR «ESPACE» pour tous leurs conseils, critiques et encouragements. Merci également à Norbert Gomez, «puits» de connaissances sur la vallée borgne et la vallée obscure. Merci à François Bressand pour sa confiance, ses conseils, ses encouragements et l orientation opérationnelle qu il a donnée à ces travaux. Merci également à son équipe et notamment à Rémi Gervais et Emile Pellecuer pour la conception du simulateur de pluie et leurs participations aux premiers essais. Des rendez-vous réguliers ont jalonné ces 3 années de thèse, que tous les membres qui ont participé aux 5 comités de pilotage soient remerciés, car l apport de ces réunions a été déterminant pour l aboutissement de ces travaux. En revenant au Laboratoire Merci à Olivier Thomas de m avoir accueilli au centre de recherche LGEI de l Ecole des Mines d Alès, en DEA puis en thèse, et d avoir assuré la direction de ces derniers travaux aussi bien à Alès qu à Sherbrooke. Je tiens ici à remercier l ensemble du personnel du LGEI qui a largement contribué à rendre ces années très agréables. Un grand merci aux doctorants présents et passés. Merci encore à tous les doctorants (et encadrants) du GEM-Risques pour tous ces séminaires plus que stimulants.

Merci à Gilles Dusserre, responsable de l Equipe Risques Industriels et Naturels, pour son soutien, ses encouragements et ses conseils. Merci également à toute l Equipe pour sa bonne humeur, sa motivation et bien entendu sa participation aux longues journées de terrain, merci donc Aurélia, Carole, Chloé, Daas, Emma, Florian, Jean-Philippe, Jérôme, Karine, Laure, Sébastien et Yann. Je tiens à remercier tout particulièrement Sophie Sauvagnargues-Lesage pour l encadrement qu elle a réalisé sur ces travaux. Merci Sophie d avoir été toujours disponible, toujours à l écoute, merci de ta confiance, ce fût un véritable plaisir de travailler ensemble. Merci à tous les étudiants avec qui j ai pu travailler pour leur motivation, ils ont tous contribué, directement ou indirectement, à ce travail. Merci Benjamin, Cédric, Laurent, Marie- Blandine, Jason et Stephan. Difficile de remercier un bassin versant, celui d Anduze en l occurrence, mais une fois dépassé la cluse, et ce en toutes saisons, ce fût un réel plaisir de le découvrir et de le parcourir Plaisir qui m a souvent motivé et qui continue à le faire Alors mille mercis à ces paysages, à ces villages Tourgueille, Peyrolles, à ces Serres, Vals, Valats, Combes, Drailles, Faïsses, et Tancats Mercis aux cévenols qui ont fait ces paysages et qui continuent Merci également aux quelques Farios qui ont croisé ma route Merci au «cercle familial» et à mes parents, pour leur soutien, leurs encouragements durant ces «longues années d études», merci encore de votre infaillible soutien à tous. C était bien avant la soutenance, ce le sera encore bien après Merci Emmanuelle pour ton soutien obstiné et tendre, dans les pires moments de la thèse, dans les autres Merci surtout pour tout le reste Finalement bien plus important...

Sommaire Sommaire Introduction générale... p.3 Partie 1. Les crues éclairs : genèse, connaissance du phénomène et modélisation... p.9 Chapitre 1. Crues et crues éclair... p.11 1.1. Sur les crues et les crues éclair... p.12 1.2. Genèse et caractéristiques des crues éclair... p.22 1.3. Hétérogénéité et variabilité spatiale... p.30 Chapitre 2. Eléments sur la prévision des crues éclair... p.39 2.1. Sur la modélisation pluie-débit... p.40 2.2. Apports des SIG de l information géographique... p.47 2.3. Vers des outils opérationnels de prévision des crues éclair... p.57 Partie 2. Problématique et méthodologies... p.65 Chapitre 3. Le projet de prévision des crues éclair ALHTAÏR... p.67 3.1. Le système de prévision des crues ALHTAÏR... p.68 3.2. ALHTAÏR en mode «spatialisé», un projet en développement... p.74 3.3. Méthodologies pour la spatialisation d ALHTAÏR... p.78 Chapitre 4. Une démarche expérimentale pour comprendre... p.83 4.1. Les méthodes expérimentales de mesure de l infiltrabilité... p.84 4.2. Mesure des paramètres influençant l infiltrabilité... p.101 4.3. Démarches expérimentales choisies... p.109 Chapitre 5. Démarche de spatialisation d ALHTAÏR... p.113 5.1. Cartographies et régionalisation des paramètres du module de production d ALHTAÏR... p.114 5.2. Un panel d événements et un indice de fiabilité associé... p.123 5.3. Critères d évaluation des performances du modèle... p.128-1 -

Sommaire Partie 3. Validations expérimentales... p.131 Chapitre 6. Le bassin versant du Gardon d Anduze... p.133 6.1. Présentation et description de la zone d étude... p.134 6.2. Un panel d événement pluvieux... p.140 6.3. Fiabilité de la base de données... p.147 Chapitre 7. Les essais expérimentaux «in-situ»... p.155 7.1. Localisation, présentation et protocoles... p.156 7.2. Résultats des essais... p.163 7.3. Discussions autour de résultats... p.176 Chapitre 8. «Cartographies», intégration au modèle et premiers résultats.. p.189 8.1. Les démarches de cartographie entreprises... p.190 8.2. Calage des paramètres du module de production d ALHTAÏR... p.195 8.3. Tests sur la base de données «pluie-débit»... p.202 Partie 4. Du bassin versant du Gardon d Anduze aux bassins versant gardois... p.219 Chapitre 9. Analyse des limites d ALHTAÏR en mode «spatialisé»... p.221 9.1. Influence de l imagerie radar... p.222 9.2. Influence de la cartographie... p.228 9.3. Limites de la démarche de spatialisation... p.234 Chapitre 10. Vers une approche des bassins versants non jaugés au travers de l événement du 8 et 9 septembre 2002 dans le Gard... p.237 10.1. L événement de septembre 2002 Retour d expérience... p.238 10.2. Approche avec ALHTAÏR en mode «bassin versant»... p.248 10.3. Une première approche avec ALHTAÏR en mode «spatialisé»... p.256 Conclusion générale... p.263 Bibliographie... p.271 Liste des sigles... p.295 Table des matières... p.301 Résumé / Abstract... p.311 Annexes... Vol. 2-2 -

INTRODUCTION GENERALE «La pluie continuait. C'était une pluie dure, perpétuelle, sueur et vapeur ; à verse, une cataracte, des cordes, un fouet pour les yeux, des lacets pour les chevilles; une pluie à noyer toutes les pluies et leur souvenir. Elle tombait par nappes, à la tonne, elle hachait la jungle, sectionnait les arbres, tondait l'herbe, burinait le sol et fondait les broussailles. Elle rétrécissait les mains des hommes à la dimension d'une patte ridée de singe. Elle était solide et vitreuse et ne cessait jamais.» Ray Bradbury, la pluie L Homme illustré, 1954

Introduction Introduction générale Les crues rapides ou «éclair» ont provoqué des catastrophes récurrentes durant la dernière décennie, sur l arc méditerranéen français. Les inondations catastrophiques de Nîmes (octobre 1988), de Vaison-La-Romaine (septembre 1992), de l Aude (novembre 1999) et du Gard (septembre 2002) viennent en témoigner. Elles sont provoquées par des précipitations intenses qui induisent, sur des bassins versants compris entre quelques km² et 500 km², des débits considérables (jusqu à 30 m 3 /s/km² estimé 1 sur des bassins versants d une dizaine de km²) et des temps de concentration très rapides (de 3 à 8 heures pour le bassin versant du Gardon d Anduze, Moussa, 1991). C est pour répondre à cette problématique, que le Service d Annonce des Crues du Gard a initié, depuis 1999, le développement du système de prévision des crues ALHTAÏR (Alarme Hydrologique Territoriale Automatisée par Indicateur de Risque). Ce système de prévision des crues, repose actuellement sur trois outils : (1) CALAMAR qui permet d avoir une mesure, grâce à l imagerie radar, de la pluie qui tombe sur chaque km 2 de la zone sous surveillance ; (2) HYDROKIT qui est un logiciel destiné à caractériser les bassins versants, et qui génère automatiquement les temps de transfert de l'eau ruisselant sur tous les bassins versants du département ; (3) un modèle de prévision pluie-débit distribué, qui intègre un module de production hortonien permettant, en tout point de la zone d'étude, de déterminer la pluie efficace, c'est-à-dire celle qui participe directement à la crue, et un module de propagation qui transfère le ruissellement à l exutoire selon les conditions déterminées par HYDROKIT. Ce système fonctionne actuellement dans des conditions opérationnelles au SAC-30. Le retour d expérience sur ce système, mené jusqu à présent par ce service, montre qu avec un même calage de la fonction de production, il n est pas possible de produire un hydrogramme simulé acceptable pour l ensemble des bassins versants sous surveillance (Bressand, 2002). Deux possibilités s offraient alors au SAC-30 en terme de développement : o Réaliser un calage spécifique de la fonction de production par bassin versant o Entreprendre la régionalisation des paramètres du module de production en fonction de la capacité d infiltration. Le choix s est porté sur la démarche de régionalisation (Bressand, 2002), dans la mesure où l objectif, à terme, d ALHTAÏR est de pouvoir rendre compte de l évolution du débit de crue à l exutoire de bassins versants non jaugés. Cette phase de régionalisation nécessite la cartographie de la variabilité spatiale de la capacité d infiltration des sols. Pour ce faire, une double approche, spatiale et expérimentale, a été mise en place. Avant d entrer avec plus de détails sur le plan de ce travail de recherche, il paraissait intéressant de proposer 3 axes de réflexions qui ont marqué et influencé la réalisation de cette étude : 1 Estimation suite aux inondations des 8 et 9 septembre 2002 dans le Gard (Gaume et al., 2003b) - 5 -

Introduction o Une approche transdisciplinaire o Un contexte opérationnel marqué o Les inondations des 8 & 9 septembre 2002 dans le département du Gard Une approche transdisciplinaire Entreprendre la spatialisation d un modèle de prévision de crues amène à mettre en œuvre différentes approches relevant de disciplines scientifiques à part entière (Géographie, Hydrologie, ). Si une telle approche se révèle particulièrement intéressante en terme d acquisition de connaissances, elle reste limitante dans la profondeur de l analyse qu il est possible de tirer de chacune des disciplines abordées. Un contexte opérationnel marqué Ce travail s inscrit dans un contexte opérationnel important. En effet, le système ALHTAÏR initié par des opérationnels pour des opérationnels, occupe une place centrale dans ce projet de recherche. A ce titre, et pour tenir compte de ce volet opérationnel, 2 postulats attenants à ces travaux ont été retenus : o Travailler au maximum avec des données opérationnelles, dont la qualité doit être appréhendée mais qui ne doivent pas subir de traitement en temps différé o Dégager des éléments qui seront mis en évidence tout au long des travaux menés, l intérêt et les limites de ces derniers pour l opérationnel Ce volet opérationnel ne doit pas contrarier la démarche de recherche dans lequel ce travail tente de s inscrire, mais au contraire enrichir les rapports «chercheurs opérationnels» qui, bien souvent, dans les faits, sont en décalages voire antagonistes. L enjeu est donc de répondre aux attentes du SAC-30, tout en s inscrivant dans un démarche de recherche et développement. Les inondations des 8 & 9 septembre 2002 dans le Gard Quelques mois après le début des travaux de recherche, des inondations catastrophiques, d une ampleur rarement observée, touchaient le département du Gard et dans une moindre mesure, les départements limitrophes de l Hérault, du Vaucluse, des Bouches-du-Rhône, de l Ardèche et de la Drôme, les 8 et 9 septembre 2002. Les «apports» de cet événement pour ces travaux de recherche sont considérables. S ils s expriment concrètement dans ce manuscrit au travers de l approche réalisée avec ALHTAÏR sur des bassins versants non jaugés, grâce au retour d expérience hydrologique mené suite à ces inondations (Gaume et al. 2003b), ils ont eu des implications, moins directes, très importantes. - 6 -

Introduction C est tout d abord grâce à des rencontres que ces implications se sont manifestées. Que ce soit des chercheurs, dans le cadre du retour d expérience hydrologique coordonnée par l OHM- CV 2, mais également, des élus, citoyens et sinistrés, tous ont contribué à la connaissance et à la prise de conscience des attentes en matière de gestion globale (dont la prévision) de ces phénomènes. Suite à ces événements, mais du fait également des retours d expérience menés sur les inondations de l Aude (1999), le contexte opérationnel, déjà évoqué, a évolué durant ces travaux de recherche. La prévision des crues, d axe d amélioration nécessaire pour les SAC est devenue une de leurs missions officielles depuis le début de leur mutation en Service de Prévision des Crues (Chatard, 2004). Cet état de fait a contribué à renforcer le caractère opérationnel de ce travail de recherche. Le plan de la thèse Ce manuscrit s organise autour de quatre parties. Dans un premier volet, un état de l art dresse un inventaire des connaissances liées au phénomène de crues éclair. Cet inventaire développe les aspects liés à la genèse du phénomène (chapitre 1) ainsi qu aux divers outils de modélisation existant pour en rendre compte (chapitre 2). Une part importante sera donnée aux outils opérationnels orientés vers l objectif de ce travail de recherche. Les limites attenantes à ces différents outils seront également détaillées. L analyse détaillée du projet de prévision temps réel des crues du SAC-30 (chapitre 3) permet dans un second temps de poser les bases méthodologiques de ce travail de recherche. Deux démarches sont développées pour entreprendre la spatialisation de ce système : o Une démarche expérimentale «in-situ» visant à comprendre les processus de genèse des écoulements à l échelle de la parcelle o Une démarche de spatialisation proprement dite, qui vise à cartographier un territoire sous l angle de la capacité d infiltration des sols et à attribuer la valeur des paramètres du module de production du modèle en fonction des zones précédemment identifiées. Les méthodologies permettant la réalisation de ces deux démarches sont présentées respectivement dans les chapitres 4 et 5. C est le bassin versant du Gardon d Anduze qui a été identifié pour être la zone d application de la méthodologie de spatialisation d ALHTAÏR. Ce bassin versant est présenté en détail, ainsi que deux de ses sous-bassins versants sur lesquels sera également testée la version spatialisée du modèle (chapitre 6). Dans ce même chapitre, la base de données, composée d images radar et de données limnimétriques enregistrées en temps réel par le SAC-30, et destinée à tester le modèle, sera présentée en attachant une importance particulière à l incertitude qui pèse sur ces données opérationnelles. Les chapitres 7 et 8 font respectivement état de la mise en place des démarches expérimentales et de spatialisation sur ce bassin versant pilote. 2 Observatoire Hydro-météorologique Méditerranéen Cévennes-Vivarais (Delrieu et al., 2004) - 7 -

Introduction Dans un souci d opérationnalité, la dernière partie de ce travail de recherche, étudie la possibilité de sortir du bassin versant pilote pour rendre ALHTAÏR en mode «spatialisé» applicable aux bassins versants gardois sensibles aux crues éclair. Pour envisager cette extension méthodologique, deux étapes sont apparues nécessaires : o Une analyse des limites d ALHTAÏR «spatialisé», en l état actuel des recherches o Une approche des bassins versants non jaugés. Cette dernière est menée au travers du retour d expérience suite aux inondations des 8 et 9 septembre 2002 dans le Gard. - 8 -

PREMIÈRE PARTIE Les crues éclair : genèse, connaissance du phénomène et modélisation

Chapitre 1. Crues et Crues éclair «Je me rappelle encore la terreur d une nuit passée sur la Chirua petit torrent de la Sierra Nevada dans les Etats-Unis de Colombie. La journée avait été fort belle ; seulement un orage avait éclaté à quelques lieues de là dans les gorges supérieures de la montagne, et cet orage avait même contribué à la beauté de la soirée. ( ) Plein de confiance, et fatigué par une longue course, je ne perdis point mon temps à chercher un gîte.» Elisée Reclus Histoire d un ruisseau, 1869 Ce chapitre pose la base des connaissances mobilisées pour répondre à la problématique de ce travail de recherche : la spatialisation du système opérationnel de prévision des crues ALHTAÏR. Après avoir énoncé des éléments présentant le phénomène considéré (les crues éclair) et le service opérationnel concerné (le Service d Annonce des Crues SAC-30), ce sont les flux hydriques mis en jeu lors de la genèse de ces crues qui sont explicités. Enfin, une revue des facteurs entrevus pour expliquer l hétérogénéité spatiale du phénomène est présentée en fin de chapitre. 1.1. Sur les crues et les crues éclair 1.2. Genèse et caractéristiques des crues éclair 1.3. Hétérogénéité et variabilité spatiale - 11 -

Chap.1. Crues et crues éclair 1.1. Sur les crues et les crues éclair De manière succincte, ce développement fait état d éléments permettant de situer la problématique de ce travail de recherche. Dans un premier temps sur le phénomène étudié, les crues et plus spécifiquement les crues éclair, puis sur le contexte opérationnel dans lequel ce travail s inscrit, à savoir celui d un Service d Annonce des Crues. 1.1.1. Eléments sur les crues 1.1.1.1. Considérations générales sur les crues La notion de crue fait référence à une des phases du régime hydrologique d un cours d eau, les hautes eaux. Cette notion retranscrit également la réponse d un bassin versant à une averse ou à un épisode pluvieux (Roche, 1986). De manière classique, un cours d eau est considéré en crue si son débit est de 3 à 5 fois supérieur à son débit moyen (Salomon, 1997). De même, une crue est dite «exceptionnelle» si le débit de la rivière concerné est de beaucoup supérieur à son module 3 (de 5 à 10 fois pour les fleuves jusqu à 1 000 fois pour les rivières). A titre d exemple, le débit de la Loire en 1910 a atteint un maximum de 2 400 m 3 /s, soit plus de 9 fois son module qui est de 260 m 3 /s. Plusieurs causes à l augmentation du débit d un cours d eau sont possibles : o Les crues d embâcles o Les crues de fonte des neiges o Les crues d averses Les crues provoquées par la rupture d embâcles sont celles qui entraînent les catastrophes les plus importantes, dans la mesure où la rupture d un barrage naturel, notamment d origine glaciaire, met en jeu brutalement des milliers de m 3 d eau (débâcle). A titre d exemple, la catastrophe de Saint-Gervais le 12 juillet 1892 (Haute-Savoie), provoquée par la rupture d une poche d eau contenue dans une masse glaciaire, a vu la libération quasi-instantanée de 200 000 m 3 d eau (Salomon, 1997). Cette catastrophe fit 175 victimes. Les crues de fonte des neiges sont induites par l augmentation de la température qui fait fondre, de manière plus ou moins brutale, la neige. Ce phénomène peut être, en sus, accompagné de précipitations (Musy et Higy, 2004). Les averses à l origine des crues peuvent être de 3 types : orographique et/ou cyclonique, durable et enfin brutale (Salomon, 1997). o Les averses générées par les précipitations de type orographique ou cyclonique sont celles qui provoquent les cumuls de pluie les plus importants. A la Réunion, il est ainsi tombé jusqu à 1 140 mm en 24 heures et 5 000 mm en 5 jours durant le mois de janvier 1980. Ce phénomène est caractéristique des zones de mousson en piedmont des massifs montagneux, ainsi, c est l Inde qui détient tous les records (Salomon, 1997) : à Tcherapoundji 4 par exemple, il est tombé 23 000 mm en une année. 3 Débit annuel moyen calculé sur la plus longue série de mesures possible 4 Nord-est de l Inde sur les contreforts de l Himalaya - 12 -

Chap.1. Crues et crues éclair o Les averses durables se caractérisent par des précipitations moins intenses mais qui affectent des zones plus importantes sur un temps plus long. Les crues ainsi engendrées sont caractéristiques des grands bassins versants. A titre d exemple, la crue de la Seine de 1910 a été engendrée après un cumul de pluie de 100 mm en 48 heures tombé sur l ensemble de son bassin versant. De même, ce sont 160 mm de pluie en 48 heures qui ont provoqué la crue de la Garonne en 1875. o Enfin, les averses brutales sont liées au déplacement d un front orageux qui produit des lames d eau très importantes dans des délais très brefs. La façade méditerranéenne est particulièrement soumise à ce type d averse. A titre d exemple, il est possible de citer les précipitations record enregistrées à Valleraugue 5 en 1890 et 1900, qui sont respectivement de 828 mm et 900 mm en 24 heures 6. Ces averses sont à l origine des crues qui seront ici qualifiées de crues éclair et qui constituent l objet d étude de ce travail de recherche. 1.1.1.2. De la crue à l inondation Lorsque la crue de la rivière atteint un débit important, la rivière sort de son lit mineur pour prendre place dans son lit majeur et provoquer une inondation. Il existe différent types d inondations qui se caractérisent par la cinétique de la crue qui les génère : inondations lentes et inondations rapides mais aussi par le type de débordements qui les provoquent : o Inondation par débordement direct o Inondation liée à la destruction d ouvrages ou d embâcles o Inondation des zones littorales ou lacustres concomitance entre fortes marées et crues des fleuves côtiers o Inondation en milieu urbain (par défaut d infiltration) o Inondation par débordement indirect (remontée de nappes ou saturation des réseaux d assainissement) Il faut préciser que pour une même inondation, plusieurs des phénomènes présentés ci-dessus peuvent se dérouler de manière concomitante. Le risque «inondation», confrontation du phénomène naturel (la crue) avec des enjeux est responsable de plus de 50 % des catastrophes naturelles dans le Monde et affecte chaque année environ 250 000 personnes en faisant en moyenne 20 000 morts par an. Ce risque, lorsqu il se manifeste, n engendre généralement pas les catastrophes les plus meurtrières comme en témoigne la figure suivante. Les éruptions volcaniques, les ouragans pour la France, ou bien encore les séismes engendrent généralement des catastrophes bien plus meurtrières. 5 Village au pied du Mont Aigoual, Département du Gard 6 Il convient de noter que ces valeurs restent contestés (Neppel, 1998). - 13 -

Chap.1. Crues et crues éclair Eruption volcanique Ouragan Eruption volcanique Inondation Cyclone Cyclone Tempête Feux de forêts Inondation Inondation 28 000 1 200 1 000 200 165 100 95 82 50 47 (1) Montagne pelée, Martinique, mai 1902 (2) Guadeloupe, sept. 1928 (3) Montagne pelée, Martinique, août 1902 (4) Montauban, mars 1930 (5) La Réunion, janv. 1948 (6) La Réunion, fev. 1932 ( 7) France, dec. 1999 ( 8) Landes, août 1949 (9) Pyrénées-Orientales, oct. 1940 (10) Vaison La Romaine, sept. 1992 1 10 100 1000 10000 100000 Nombre de victimes Figure I.1 : Les 10 catastrophes les plus meurtrières du XX ème siècle en France (D après MEDD, 2003) Par contre, et les deux figures suivantes le montrent, les inondations sont des phénomènes très récurrents. Le recensement, effectué par la Cellule Retour d Expérience du MEDD, des 86 catastrophes les plus importantes survenues depuis 1900 en France (MEDD, 2003), montre que les inondations en ont engendrées plus de 40 %. Pourcentage de catastrophes par type de risques naturels Nombre de victimes par type de risques naturels Inondation Cyclone Séisme Mouvement de terrain 10 10 14 42 Eruption volcanique Ouragan Inondation Cyclone 29 000 1 264 518 390 Ouragan 8 Mouvement de terrain 214 Tempête 7 Tempête 121 Avalanche 2 Feux de forêts 82 Feux de forêts 2 Avalanche 51 Eruption volcanique 2 Séisme 47 Raz-de-Marée 1 Raz-de-Marée 10 0 10 20 30 40 50 Nombre de catastrophe en % 1 10 100 1000 10000 100000 Nombre de victimes Figure I.2 : «Eléments» sur les 86 catastrophes majeures du XX ème siècle à nos jours en France (D après MEDD, 2003) De ce fait, les inondations deviennent un des trois risques naturels les plus dommageables en terme de vies humaines. Les inondations sont également responsables de la plupart des dégâts causés par des catastrophes naturelles, le chiffre de 80 % de la totalité des dommages dus à l ensemble des calamités naturelles pour la France est même avancé (Gout, 1993). Se surajoutent à ces éléments, les enjeux importants présents dans les zones menacées par cet aléa. En France, et même si les zones inondables ne recouvrent que 5 % du territoire, ces zones concentrent 10 % de la population (Gout, 1993). De plus, il a été estimé que 9 400 communes sont soumises à l aléa inondation (Bourrelier, 1998), soit 26 % des communes françaises. Comme pour l ensemble des risques naturels, la «lutte» contre les inondations s organise autour de trois actions : la prévention, la protection et la prévision. - 14 -

Chap.1. Crues et crues éclair 1.1.1.3. Prévention, protection et prévision La confrontation d un phénomène naturel, dont on peut évaluer l aléa (intensité et probabilité d occurrence), avec des enjeux fait naître le risque (Ayral et Griot, 2001). La représentation du risque proposée ci-dessous permet de présenter les trois modes d action destinés à réduire le risque : la protection (active et passive), la prévention et la prévision. TERRITOIRE Zone d aléa (A) Zone à risque (R) Zone vulnérable (V) Mesures de protection actives Prévision REDUCTION DU RISQUE Mesure s de protection pa ssives Mesures de prévention A R V Figure I.3 : Représentation du risque (D après Griot, 2003) Pour le risque «inondation», il est ainsi possible d agir sur la zone d aléa à l aide de mesures de protection active, mais aussi sur la zone des enjeux (ou zone vulnérable) par des mesures de protection passive et des mesures de prévention. Enfin, situé à l interface entre le risque (continu) et la catastrophe (brutale), la prévision, et l alerte qu elle doit permettre, est un élément vital pour la réduction du risque. Concernant les moyens de protection, ils se répartissent en mesures actives et passives selon que ces moyens agissent sur l aléa (barrages écrêteurs de crues, ) ou bien protègent les enjeux (digues, ). Les mesures de prévention, bien souvent les plus efficaces (Salomon, 1997), permettent notamment de limiter les installations en zone inondable ce qui réduit considérablement le risque. En France, le moyen réglementaire visant à prendre en compte le risque inondation est le Plan de Prévention du Risque Inondation (PPRI). L information des populations vis-à-vis du risque inondation constitue, de même, un moyen de prévention efficace pour réduire la vulnérabilité de ces populations. Enf in, la prévision a pour objectif de produire une alerte à destination des services de secours, des collectivités locales et de la population. La prévision des inondations peut se décomposer en trois axes : o La prévision du phénomène météorologique o La prévision de la crue o La prévision de l inondation D un point de vue général, les compétences météorologiques, en France, reposent sur les prévisionnistes de Météo-France, la prévision de la crue reposant sur les Services d Annonce des Crues, alors que la prévision des inondations, notamment celles engendrées par des crues éclair, reste un objectif à atteindre. - 15 -

Chap.1. Crues et crues éclair Ces différents types de prévision ne connaissent pas le même degré d aboutissement et d efficacité suivant le type d événement à appréhender. Si la prévision des averses durables, combinée à l annonce des crues, permet une alerte efficace pour les crues lentes, il n en va pas de même pour les crues rapides. En effet, le temps de propagation très rapide de la crue (3 à 8 heures) ne permet pas une anticipation efficace, ce qui rend l annonce des crues moins efficace. De même, l événement météorologique qui génère ces phénomènes est difficilement prévisible aussi bien dans le temps que dans l espace. 1.1.2. Les crues éclair Du mois de juillet 1997 au mois de juin 2001, des chercheurs de l université du Colorado ont recensé 31 catastrophes provoquées par des crues éclair dans le monde. Ces événements ont généré un très grand nombre de victimes, plus de 41 000 et des dommages associés extrêmement importants (Montz et Gruntfest, 2002). Le détail de ces événements est présenté en annexe I.1. Plusieurs zones géographiques sont soumises à ce type de phénomène, l analyse de l annexe I.1 permet de dissocier : o Le domaine méditerranéen (Italie en septembre 2000, France en novembre 1999 et en septembre 2002) o Les domaines tropicaux et subtropicaux (Thaïlande en juillet 1999, Timor en mai 2000) o Les zones montagneuses (Suisse en juillet et août 1999) o Les zones désertiques et subdésertiques (Soudan en octobre 1999, Fort Collins aux Etats-Unis en juillet 1997) En France, les zones concernées se répartissent principalement autour de l arc méditerranéen, de ses départements limitrophes et en zones montagneuses (Gaume, 2002). Les exemples de tels phénomènes ne manquent pas, ainsi, de 1316 à 1999, ce sont 66 crues meurtrières qui ont été référencées en Languedoc-Roussillon (à l exclusion de la Lozère) faisant environ 1 millier de victimes (Antoine et al., 2001). Il est enfin possible de citer les dernières crues éclair qui ont fortement marqué les esprits. Trois catastrophes ont touché des périmètres réduits : o La catastrophe du Grand Bornand (Massif des Aravis Haute-Savoie), le 14 juillet 1987 qui fit 23 victimes. Avec des précipitations de 93 mm en 3 heures le Borne atteindra un débit de pointe supérieur à 200 m 3 /s, avec une vitesse de courant dépassant les 3 m/s et un volume de matériaux transporté par ce torrent qui sera estimé à environ 50 000 m 3 (Comby, 1991 ; Gout, 1993). o Depuis le XIV ème siècle, pas moins de 12 événements diluviens ayant provoqué d importants dommages ont été répertoriés à Nîmes jusqu en 1988. Depuis 1988, la ville de Nîmes a été déclarée 5 fois en état de catastrophe naturelle (jusqu en septembre 2002). L événement pluvio-orageux qui s est abattu sur Nîmes le 3 octobre 1988 est encore bien présent dans les esprits nîmois, tellement les dommages furent, à cette occasion, particulièrement importants. Cette catastrophe fit ainsi 9 victimes et au moins 610 millions d euros de dommages. - 16 -

Chap.1. Crues et crues éclair Les précipitations diluviennes ont provoqués des cumuls, en un peu moins de 8 heures, variant de 180 à 420 mm sur la ville, entraînant une réaction très forte des Cadereaux qui atteignirent des débits de l ordre de 400 à 500 m 3 /s sur leur cours aval (Bonneaud, 2002). o Le 22 septembre 1992, de fortes précipitations se sont abattues sur le sud-est de la France provoquant de graves inondations dans plusieurs villes dont Vaison-laainsi un débit de pointe, à Vaison-la-Romaine, estimé entre 600 et 1 200 m /s en Romaine qui connut les plus gros dégâts (Léonard et Gache, 2002). L Ouvèze atteint 3 quelques heures, soit près de 100 fois plus que son débit «normal» qui est de 12 m 3 /s (Léonard et Gache, 2002). 32 personnes furent victimes de cette crue, cette dernière provoquant plus de 300 millions d euros de dommages. Et les deux événements les plus récents, qui se caractérisent par l ampleur des zones touchées sont : o Les crues torrentielles, qui se sont abattues les 12 et 13 novembre 1999, firent 35 victimes dans les départements de l Aude, du Tarn, de l Hérault et des Pyrénées- Orientales. Les zones concernées par des précipitations dont les cumuls sont au moins égaux à 300 mm en 48 heures couvrent une zone de 2 300 km², l isohyète de 400 mm représentant 13 % du département de l Aude (Vinet, 2003). o Le département du Gard, et dans une moindre mesure, celui de l Hérault, du Vaucluse des Bouches-du-Rhône, de l Ardèche et de la Drôme, fut touché par un événement pluvio-orageux intense entraînant des cumuls excédant les 400 mm en 24 heures (Huet et al., 2003). Cet événement de grande ampleur, où 1 800 km² de la superficie du département du Gard furent touchés par des cumuls de 400 mm (Neppel, 2003), fit 23 victimes dont 22 dans le seul département du Gard. La terminologie qui vise à caractériser ces crues à cinétique rapide est très variée dans la littérature. Ces dernières sont ainsi qualifiées de torrentielles (Gout, 1993 ; Vinet, 2003), de subites (Dauge, 1999), d instantanées (Dauge, 1999), de rapides (Dauge, 1999) ou encore de brutales (Roche, 1986) et enfin d éclair (Gaume, 2002). Derrière ces qualificatifs des points communs mais aussi des distinctions apparaissent. Les points communs se répartissent ainsi : o Episodes pluvieux intenses et localisés o Réponse très rapide du bassin versant o Débit spécifique pouvant être très important o Taille du bassin versant modérée Au niveau des distinctions, le rapport Dauge (Dauge, 1999) apporte quelques éléments permettant d établir une typologie des crues à cinétique rapide. Ces éléments sont reportés dans le tableau I.1. - 17 -

Chap.1. Crues et crues éclair Typologie Crues instantanées Crues subites (éclair) Crues rapides Surface du bassin versant Quelques km² Jusqu à 500 km² De 500 à 5000 km² Tableau I.1 : Typologie des crues à cinétique rapide (D après Dauge, 1999) Autres caractéristiques Durée de l événement très bref, de 1 à 2 heures Pluies orageuses intenses, cumul de 100 à 300 mm Evènement de 6 h à 36 h, temps de concentration de moins de 12h Il faut également noter que le qualificatif de torrentiel fait souvent référence à des bassins versants ayant une forte pente et associant à la crue un transport de matière solide conséquent. S il dépasse plus de 50 % du volume total transporté, il donne lieu au phénomène de lave torrentielle (Besson, 1996 ; Gout, 1993). Ce dernier cas est caractéristique des torrents de montagne. Dan s le cadre de ces travaux, c est le terme de crues éclair (traduction de flash flood) qui a été choisi en rapport à la définition proposée par l Association internationale des sciences hydrologiques (IAHS-UNESCO-WMO, 1974 in Gaume, 2002) : «Crues dont l apparition est soudaine, souvent difficilement prévisible, de temps de montée rapide et de débit spécifique relativement important. Ces crues sont donc généralement liées à des épisodes pluvieux intenses et se manifestent sur des bassins de taille modérée» La connaissance en matière de crues éclair est encore loin d être suffisante, surtout si on la rapporte à la fréquence et aux dommages entraînés par ce type de phénomène en France (Gaume, 2002). Outre la connaissance de ce phénomène, les enjeux de la recherche sur ce thème se concentrent sur la prévision de l occurrence et de l intensité du phénomène (Doswell et al., 1996) et sur la mise en place d une alerte efficace (Montz et Gruntfest, 2002). C est dans ce dernier cadre que s inscrivent les travaux de recherche ici présentés, qui ont pour objectif l amélioration d un outil de prévision des crues éclair. 1.1.3. De l annonce à la prévision des crues éclair 1.1.3.1. Les Services d Annonce des Crues L alerte vis à vis des crues repose en France sur 56 Services d Annonce des Crues. Le premier de ces services, celui de la Seine, date de 1856. Ce sont généralement les DDE ou bien les DIREN qui accueillent ces services, dont le rôle est la surveillance des cours d eau et la mise en alerte des services de la Préfecture. Généralement, ces Services ont également pour mission la surveillance des barrages à vocation autre que la production d électricité (barrage écrêteur de crue). - 18 -

Chap.1. Crues et crues éclair L organigramme suivant présente le fonctionnement de ces Services : Observateurs Réseau de télémesure (limnigraphes et pluviographes) Centre météorologique interrégional ou départemental Service d Annonce des Crues Autres Services d Annonce des Crues Autres Préfets Préfet du Département Services préfectoraux Fonctionnaire ou Service désigné par le Préfet Groupement de gendarmerie départemental Service départemental d incendie et de secours Direction des polices urbaines Diffuseur Maires des communes concernées Figure I.4 : Les intervenants dans la transmission des avis de crue Ces Services s organisent autour d un réseau permettant la connaissance de données pluviographiques et limnimétriques en temps réel sur les principaux cours d eau des zones sous surveillance. Ce réseau est en général complété par des observateurs qui, en période d alert e, viennent apporter des précisions sur l événement. Le Service d Annonce des Crues est, en sus, en relation avec les Services de Météo-France qui lui permettent de se mettre en alerte lorsqu un événement pluvio-orageux est susceptible de se produire. L annonce de crue est soumise à un règlement départemental. Toutefois, d une manière synthétique cette annonce s organise autour de 3 phases : la vigilance (sur un bulletin des services de Météo-France), la pré-alerte (dépassement d un seuil limnimétrique) et l alerte (dépassement d un seuil limnimétrique). La pré-alerte, puis l alerte sont transmises aux Préfets et à ses services qui transmettent à leur tour ces informations aux services de gestion de crise et aux maires des collectivités locales concernées. 1.1.3.2. Le Service d Annonce des Crues du Gard Le Service d Annonce des Crues du Gard (SAC-30) fait partie de la division urbanisme et environnement (SUE) de la Direction Départementale de l Equipement du Gard. Il a la charge de surveiller les bassins versants du Vidourle, du Gardon et de la Cèze ainsi que le Vistre. La surveillance des 5 barrages écrêteurs de crues lui incombe également. 7 7 Le Règlement Départemental d Annonce des Crues : RDAC - 19 -

Chap.1. Crues et crues éclair Pour réaliser cette annonce réglementaire le SAC-30 dispose de plusieurs types d outils : o Un réseau de télémesure o Des outils d information et de prévision météorologique o Des outils de modélisation Le SAC-30 dispose d un réseau de 38 stations de mesures automatiques et télétransmises recouvrant 26 limnigraphes et 38 pluviographes. Ce réseau est complété par 20 observateurs chargés d apporter régulièrement des informations sur ces stations. La figure suivante présente ce réseau de télémesure. Figure I.5 : Le réseau de télémesure du SAC-30 (Donnée du SAC-30 SIGSAC) Au niveau de l événement météorologique, le SAC-30 dispose d outils lui permettant une compréhension globale du phénomène et de son devenir grâce au service Météo + de Météorance, ainsi qu une vision temps réel de l événement grâce à l outil CALAMAR (Calcul de F LAMes d eau à l Aide du Radar). Ce dernier permet d advecter et de calibrer l image radar en fonction des pluviographes précédemment évoqués. Cette image géoréférencée est fournie toutes les 5 minutes. Enfin, des outils de modélisation ont également été développés par ce service. Il s agit de modèles hydrauliques permettant de propager les débits entre deux stations de mesure, ainsi qu un système de prévision des crues éclair ALHTAÏR qui est l un des objets de recherche de ce travail. Ces modèles viennent en appui aux prévisionnistes. - 20 -

Chap.1. Crues et crues éclair Enfin, une plateforme SIG 8 (Système d Information Géographique) permet une vision complète du territoire sous surveillance pour le prévisionniste. 1.1.3.3. Limites et devenir des SAC Les crues de l Aude de novembre 1999 ont mis en évidence la non efficacité et la non pertinence du dispositif d annonce des crues pour ce type de crues rapides (Lefrou et al., 2000 ; Vinet, 2003). Faisant suite à cette catastrophe, le rapport de l Inspection Générale de l Environnement fait état de recommandations à court et moyen terme (Lefrou et al., 2000) : o A court terme Améliorer le système réglementaire d annonce des crues o A moyen terme Intégration des médias dans la chaîne d alerte, meilleure intégration des collectivités locales dans cette même chaîne, mieux gérer les données hydrométéorologiques temps réel Les crues du 8 & 9 septembre 2002 dans le département du Gard, ont permis de compléter l analyse en terme de retour d expérience pour ce type d événement rapide. Outre les modifications, avec notamment une phase de simplification du règlement d annonce des crues, la nécessité de travailler, pour les Services d Annonce des Crues, en terme de prévision (déjà souligné après les crues de l Aude) est confortée (Lefrou et al., 2000 ; Huet et al., 2003) La circulaire du 1 er octobre 2002 vient concrétiser ces éléments de retour d expérience et marque la création des Services de Prévision des Crues. Dans le bassin Rhône Méditerranée, 5 SPC viennent en remplacement des 12 SAC (Chatard, 2004). Ces SPC sont localisés en annexe I.2. Pour accompagner et faciliter cette mutation des SAC en SPC, le Service Central Hydrométéorologique d Appui et de Prévision des Inondations (SCHAPI) a été créé par arrêtés interministériels le 2 juin 2003 (Tanguy et al. 2003). Entre autres missions, le SCHAPI est un service moteur pour l élaboration d outils de prévision des crues, notamment pour les crues rapides, à destination des SPC. Cette mutation des SAC en SPC accorde, en effet, à ces outils un rôle fondamental, ces derniers vont nécessiter un travail important en terme de modélisation pluie-débit. La mutation des SAC en SPC devrait prendre fin en 2006. Ces derniers pourront alors assurer leurs missions : de vigilance sur les cours d eau instrumentés, de diffusion de l information et de prévision des crues à l aide des outils disponibles (Chatard, 2004). Concernant le SAC-30, il devient SPC Grand Delta du Rhône 9 et voit sa zone de surveillance s étendre en regroupant l ensemble des affluents du Rhône aval, ce dernier compris. (Chatard, 2004). Après la description du cadre général de cette étude, le développement qui suit détaille la genèse et les principales caractéristiques du phénomène étudié : les crues éclair. 8 La plateforme SIG-SAC sera détaillée dans le chapitre 2. 9 Localisation précise du SPC Grand Delta du Rhône en annexe Annexe I.2-21 -

Chap.1. Crues et crues éclair 1.2. Genèse et caractéristiques des crues éclair L objectif est ici de présenter successivement le phénomène météorologique à l origine des crues éclair, les flux hydriques qui se forment suite aux précipitations «diluviennes» et qui participent aux écoulements rapides de crue. 1.2.1. L événement météorologique De 1958 à 1993 au moins 191 événements dépassant localement 190 mm en 24 heures maximum ont été enregistrés sur l arc méditerranéen (Jacq, 1994). En Languedoc-Roussillon, des événements supérieurs à 400 mm en 24 heures sont observés en moyenne tous les 6 ans (Neppel, 2003). Il faut noter une variabilité saisonnière bien marquée, avec 66 % des événements 10 identifiés qui se produisent du mois de septembre au mois de novembre (Neppel, 1998). De tels événements, sur la période étudiée, se sont au moins produits deux fois pour chaque mois de l année (Jacq, 1994). Le tableau suivant fait état de quelques épisodes qui présentent des cumuls de pluie remarquables en Languedoc-Roussillon : Date Lieu Durée Cumul (mm) 1890 Valleraugue (Gard) 24 heures 828 1900 Valleraugue (Gard) 24 heures 950 1940 Llau (Pyrénées-Orientales) 23 heures 840 1940 Saint-Laurent de Cerdan (Pyrénées-Orientales) 5 jours 1 770 1958 Alès (Gard) 48 heures 500 1999 Lézignan-Les-Corbières (Aude) 48h / 24h 650 / 511 2002 Anduze (Gard) 24 heures 687 Tableau I.2 : Cumuls remarquables en Languedoc-Roussillon Les précipitations dans le domaine méditerranéen peuvent avoir 3 origines possibles : o Précipitations de type cyclonique ou frontal Contact entre deux masses d air de températures différentes. o Précipitations orographiques Ascendance des masses d air humides sous l effet conjoint de la présence d un relief et du vent. o Précipitations convectives À l origine des orages, ce type de précipitation prend naissance lorsque le réchauffement du sol provoque l ascendance de masses d air qui deviennent instables du fait de leur environnement plus froid. Les événements extrêmes qui se produisent sur l arc méditerranéen ont des origines bien connues. 10 Evènement supérieur à 190 mm/jour en Languedoc-Roussillon entre 1958 et 1993 (Neppel, 1998). - 22 -

Chap.1. Crues et crues éclair A petite échelle, trois situations peuvent en expliquer l origine (Caroff, 1965 in Neppel, 1998) : L épisode Cévenol, les retours d air marin et les convergences de masses d air. L épisode Cévenol (figure I.6) représente 65 % des cas (Neppel, 1998). Episode Cévenol Fort gradient entre température de l air et de la mer Zone dépressionnaire Flux de Sud Effet orographique Figure I.6 : L épisode Cévenol A plus grande échelle, il est possible d observer les systèmes convectifs de méso-échelle en V. La figure suivante présente l allure générale que prennent les cellules orageuses ainsi qu un exemple visible sur l image radar de l événement pluvio-orageux du 3 au 5 octobre 1995. Figure I.7 : Système convectif de méso-échelle en V (Schéma tiré de Rivrain, 1997 Image radar Météo-France / RHEA) - 23 -

Chap.1. Crues et crues éclair Ces systèmes, qui voient s organiser les cellules orageuses sous la forme d un V dont la pointe est dirigée vers le secteur sud (vend dominant lors de la formation de ce type de système), ont deux particularités qui expliquent les fortes précipitations qui sont produites : o Ces systèmes peuvent être stationnaires o Les cellules orageuses se forment en permanence au niveau de la pointe du V Les dernières crues éclair ayant entraînés des dommages ont été provoquées par des pluies diluviennes engendrées par ce type d'organisation des cellules orageuses (Rivrain, 1997). 1.2.2. Les flux hydriques mis en jeu De la pluie à la pluie efficace, qui participe à l'écoulement de la crue, des flux hydriques sont mis en jeu. Trois de ces flux hydriques sont ici détaillés : o L'infiltration o La détention superficielle o Le ruissellement Le ruissellement est lié aux conditions d'infiltrabilité du sol (Garcia-Sanchez, 1997). En effet, sous une pluie d'intensité constante, l' eau va tout d'abord commencer par s'infiltrer. Dans un second temps, les chutes du gradient hydraulique et l augmentation la conductivité 11 hydraulique vont diminuer le régime d'infiltration et provoquer la formation locale d'excès d'eau (détention superficielle). Lorsque ces excès d'eau dépasseront la capacité de stockage, le ruissellement de surface débutera. La figure I.8 donne une représentation graphique de ces trois flux hydriques. Figure I.8 : Fonctionnement hydrique de la surface du sol en fonction du temps (Tiré de Garcia-Sanchez, 1997) Ces trois flux sont interdépendants entre eux et résultent de la partition de l'eau de pluie à la surface du sol (Desbordes, 1984 in Garcia-Sanchez, 1997). Les décrire et les caractériser est un travail essentiel pour cette étude. 11 La conductivité hydraulique est définie comme la capacité des sols à laisser circuler un liquide (Cosandey et Robinson, 2000). - 24 -

Chap.1. Crues et crues éclair 1.2.2.1. L infiltration L'infiltration peut se définir simplement, comme l'entrée de l'eau à partir de la surface du sol, qui pénètre tout le long de son profil (Haan et al., 1982). D'un point de vue quantitatif, c'est un flux d'eau qui traverse une section donnée par unité de temps. La distribution de l'eau dans le profil du sol suit un même processus. L examen d un profil homogène durant une infiltration par submersion, montre que la surface du sol est saturée jusqu'à une profondeur de plusieurs millimètres ou centimètres, c'est la «zone de saturation» (Hillel, 1974). Sous cette zone de saturation complète, il existe une «zone de transmission» qui est proche de la saturation, puis une «zone d'humidification», dans laquelle l'humidité du sol diminue avec la profondeur suivant un gradient prononcé jusqu'au front d'humectation où le gradient d'humidité est si brusque qu'il apparaît comme une limite nette entre le sol humidifié et le sol sec sous jacent. L examen d un profil d'humidité (cf. figure I.9) au cours de l infiltration, montre que la zone de transmission presque saturée s'allonge continuellement et que la zone d'humidification et le front d'humectation se déplacent vers le bas, ce dernier devenant moins abrupt au fur et à mesure qu'il pénètre en profondeur. Figure I.9 : Profil d'humidité au cours de l'infiltration (Tiré de Hillel, 1974) Le processus d'infiltration fait inte rvenir, en hydrologie une notion fondamentale qui est «l'infiltrabilité» ou capacité d'infiltration. L'infiltrabilité est le flux maximal que le profil du sol peut absorber à travers sa surface maintenue avec de l'eau à la pression atmosphérique (Hillel, 1974). C'est une notion très importante car elle permet de déterminer pour un événement pluvieux connu, la quantité et la distribution dans le temps des précipitations qui vont provoquer la formation du ruissellement selon un schéma Hortonien (Haan et al., 1982 ; Horton, 1933). Il est généralement observé que la capacité d'infiltration ou "infiltrabilité" d'un sol diminue avec le temps, lors d'un épisode pluvieux, alors que la conductivité hydraulique (ou perméabilité : capacité d'un sol à laisser circuler un liquide) augmente. La capacité d'infiltration (cf. figure I.10) a ainsi une valeur décroissante et tend vers une valeur limite définie par la conductivité hydraulique à saturation (Cosandey et Robinson, 2000). - 25 -