UNIVERSITE DE NICE SOPHIA-ANTIPOLIS. Ebauche et débauche de la pensée économique moderne du sport



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Transcription:

UNIVERSITE DE NICE SOPHIA-ANTIPOLIS Ebauche et débauche de la pensée économique moderne du sport BAUDIFIER Kevin & GARCIN Romain 23/08/2013

Sommaire Introduction... 4 Avant-propos... 6 1) La nouvelle économie du sport... 7 1.1) Nouvelle vision économique... 7 1.2) Diffusion télévisuelle... 8 1.3 Les sponsors... 9 1.4 Des clubs cotés en bourse... 9 1.5 Paris sportifs... 10 2) Les principaux changements... 12 2.1) Economie et audience... 12 Les valeurs du sport à l épreuve de l audience... 13 Des chiffres qui légitiment le changement du sport pour l audience?... 19 Le business des droits de retransmission... 21 Impact de la redistribution... 22 2.2) Evolution ou révolution économique et juridique... 24 Révolution économique... 24 Evolution juridique... 25 Les investissements comme aboutissement... 27 2.3) Un mythe qui s écroule? Dérives des sportifs... 29 Le dopage... 31 2.4) Pertes des valeurs sportives... 34 Les sportifs... 34 Le sport et la politique... 38 Les institutions... 42 2.5) Les différents modèles mis en place... 45 Le modèle américain... 45 Le modèle européen... 47 Le modèle d ex-urss... 50 2

2.6) Economie criminelle sportive organisée... 53 Paris sportifs et corruption... 54 Les acteurs du sport au cœur du système... 56 Les fraudes organisées à plus grande échelle... 58 3) Les externalités du sport... 61 3.1) Création d emplois et Travaux publics... 61 3.2) Consommation liée au sport... 64 Le marché du sport... 64 Qui pratique les prix?... 65 3.3) Education par le sport... 66 Conclusion... 70 Bibliographie... 73 3

Introduction Plus de trois quarts des français prétendent faire du sport, parmi eux 15 millions sont licenciés. Le sport occupe donc une place des plus importantes dans la vie quotidienne de nos concitoyens. Le sport s est effectivement imposé comme une pratique de masse. Implanté dans tous les pays et dépassant allègrement le milliard de pratiquants, structuré par de puissantes organisations nationales et internationales. Certains sociologues, comme Norbert Elias dans «Sport et civilisation, la violence maîtrisée», affirment que la connaissance du sport est la clef de la connaissance de la société. La simple confrontation au sport, à sa pratique, à son règlement permettrait, prétend-on, de changer l homme, et, par conséquent, la société. Le sport étant le miroir de notre société, il semble intéressant, voire pertinent, de l analyser d un point de vue économique, pour d une part voir s il est réellement possible d établir un lien sport-société au moins au niveau économique, d autre part pouvoir alors apporter des réponses à une société qui ne peut plus ou ne veut plus se poser de questions. Aujourd hui, le sport professionnel est un élément central, le cœur symbolique de la société de consommation et de la société de divertissement, ce que l on nomme la société de spectacle. En effet, même si la médiasphère nous renvoie, volontairement ou non, une image idéalisée, mythifiée du sport, ce dernier est avant tout devenu une énorme industrie qu il convient d analyser. La formation de l espace sportif international provient de la propension à l échange, c'est-àdire à la confrontation entre athlètes, qui constitue une donnée spécifique. Cet invariant universel explique l internationalisation comme étant la poursuite d un processus organique des institutions sportives amorcé en 1894 par la création du Comité international olympique (CIO), et en 1896 par celle des Jeux olympiques. Tel était l objet du projet du baron de Coubertin, promoteur des JO, qui déclarait après leur première édition : «Il faut internationaliser le sport». Puisqu il s inscrit naturellement dans la continuité politique et économique des sociétés industrialisées et capitalistes, comprendre l évolution du sport passera par une perpétuelle liaison avec l évolution de notre société, en somme il faut une vision globale pour comprendre chacun des mécanismes. Un sport fondé sur la reconnaissance des mérites de chacun pour expliquer les différences entre les individus, pourtant celui-ci va connaître des dérives qu il convient également d analyser. L évolution du sport implique un possible changement des valeurs qui lui étaient symboliquement associées. Il est en effet entendu que le sport génère des valeurs positives pour celles et ceux qui s y adonnent tout autant que pour la collectivité dans laquelle il 4

s insère. Le sport serait porteur de valeurs humanistes, de principes éthiques et de vertus morales, de qualités socialisantes et émancipatrices. Entreprendre l observation des valeurs du sport passera par la confrontation de ces dernières aux multiples enjeux économiques qui sont la nouvelle réalité du sport. 5

Avant-propos Le sport s est «constitué» au milieu du 19 ième siècle à partir d un socle législatif stable et institutionnalisé, garantissant la validité des résultats dans le cadre de compétitions. Voilà la distinction première entre le jeu et le sport. En effet, l élaboration de règles communes a pour vocation de permettre la comparaison des performances dans le temps et de rendre la pratique imperméable aux interprétations. Dès la seconde moitié du 19 ième siècle et à la suite de la révolution industrielle en Angleterre, les sports collectifs et individuels vont progressivement se substituer aux jeux traditionnels et s étendre à tout le pays puis à toute l Europe, puis à tout un monde. C est le début de la structuration du sport en clubs, en fédérations, en ligues et en championnats et de l unification des règles sportives, ainsi que de nouvelles formes d activités multipliant les interactions entre sport et économie. La fin du 19 ième et le début du 20 ième siècle voient la naissance de la plupart des fédérations internationales (gymnastique en 1881 et football en 1904 par exemple) et des grandes compétitions mondiales (Jeux Olympiques, Coupe Davis, Tour de France, championnats du monde et d Europe des disciplines majeures ), et par la suite en fin du 20 ième siècle, du sport de compétition mis en spectacle et qui rentre véritablement dans l ère du marché. L histoire de l institution sportive est aussi celle de l affinement progressif du classement et de la neutralisation des différences anatomiques (égalité des chances), à partir de laquelle l affirmation de la valeur sportive des corps prendra son sens. Au nom du principe affirmé de l égalité des chances : des catégories d âge, de sexe, de poids, de niveau se combinèrent pour ordonner les corpulences et étalonner les compétences, entrainant ainsi une hiérarchisation des mérites respectifs des athlètes en fonction de leur catégorie. Le sport se régénère continuellement, en entretenant chez le vaincu d aujourd hui l espoir de devenir le vainqueur de demain. Cela grâce à la hiérarchie sportive incontestable mais modifiable par l effort et le mérite individuel ou collectif : la méritocratie. Le monde sportif se présente alors comme un modèle social-libéral et démocratique dans lequel l individu se fait lui-même, où il est question de sens commun de l égalité, légitimant des résultats comme produits des mérites individuels. La compétition sportive et sa finalité (la production d une hiérarchie) ne peuvent exister que dans la réunion de la justice et de l égalité des chances. D où la présence de juges ou d arbitres pour appliquer des lois. Ces gages de justice constituent le socle de la république sportive. 6

1) La nouvelle économie du sport Nous allons nous attacher dans ce chapitre à expliquer de manière clinique les principales modifications qui entourent le sport et son économie, sans rentrer dans des détails sur lesquels nous reviendrons dans un second temps. 1.1) Nouvelle vision économique Le mot «performance» est rentré dans les mœurs, le capitalisme ayant fait de ce mot le centre névralgique de notre société. Le sport n y échappe pas. Dans un souci de performance sportive, les différentes entités sportives ont dû revoir leur vision des choses. N ayant plus d autres choix que de faire primer les résultats avant tout, les associations sportives ont dû trouver les moyens financiers afin de permettre la performance. La performance sportive engendre également un phénomène de choix du sport pratiqué en fonction de l anatomie de chacun, incitant à pratiquer le sport pour lequel on semble être fait. Une fois que chacun est dans la bonne case, il est nécessaire d accompagner la performance du sportif par des aménagements coûteux, obligeant ainsi les entités sportives à investir dans des machines spécialisées, des bâtiments neufs, ou encore du matériel propre au sport et de la meilleure qualité qui puisse être. Tout comme une entreprise cherchant à se spécialiser et dont le but est d être la plus performante sur son propre marché, une structure sportive se doit aujourd hui, pour être sur le devant de la scène, d avoir une nouvelle vision de sa propre économie. Sur le devant de la scène? En effet c est devenu le nerf de la guerre, être le plus visible, le meilleur des moyens étant alors la télévision. 7

1.2) Diffusion télévisuelle La diffusion des sports les plus populaires est une des évolutions de ces dernières décennies. En effet autrefois, seules les compétitions les plus importantes (Jeux olympiques, coupe du monde de football, etc. ) étaient retransmises sur les chaînes principales. Aujourd hui, la multiplication des chaînes, l attrait du «consommateur» (le téléspectateur) et le profit du «producteur» (le diffuseur), entrainent une augmentation incroyable du nombre de chaînes diffusant des compétitions de plus ou moins grande importance. Effectivement, la diffusion télévisuelle est devenue l occasion, dans une même logique capitaliste, par les retransmissions, de rapporter de l argent à l organisation sportive et à la discipline retransmise : les droits de retransmission. Tout cela dans le but de trouver une nouvelle manne financière afin de financer la performance. Le sport n est pas le seul à tirer profit de cette nouvelle situation, puisque la chaîne qui verse les droits pour la diffusion du sport possède elle aussi une logique économique. Cette logique n entend pas faire plaisir au téléspectateur (seules les compétitions les plus regardées seront diffusées) ou promouvoir le sport diffusé, mais avant tout tirer un profit de ce dernier. En effet, les publicités permettent aux chaînes d y trouver un intérêt financier et, par la même occasion, aux téléspectateurs la possibilité de regarder leur sport favori. Le plus bel exemple étant probablement la diffusion du superbowl (football américain) sur l une des 3 chaînes à tour de rôle (NBC, CBS et FOX) se partageant des droits de retransmission (environ 500 millions de dollars), tout en sachant que les créneaux publicitaires atteignent plusieurs millions de dollars (4 millions pour 30 secondes d antenne en 2012, et les prix ne cessent d augmenter). L évolution de l offre de sport télévisé par l accroissement du temps d antenne, la diversification des modes d accès (télévision, internet), s accompagnent également d une augmentation du prix des émissions sportives (redevance TV) ainsi qu une plus grande partie de chaînes payantes, tout cela au frais du téléspectateur. Malgré tout, le marché du sport à la télévision est considérable, pour exemple 3.2 milliards de téléspectateurs pour l ensemble des matches de la coupe du monde 2010. La publicité permet donc de contenter tout le monde, de fermer le circuit incluant les téléspectateurs, les diffuseurs, les institutions sportives et le milieu publicitaire tout en pénalisant financièrement le téléspectateur. 8

1.3 Les sponsors Pourtant, il est toujours possible d aller plus loin. Différentes enseignes sportives souhaitant apparaitre aux yeux de tous, et pas seulement pendant le temps d une publicité pour laquelle les études de marchés montrent une attention relativement limitée des téléspectateurs, peuvent pousser la logique libérale jusqu au bout. Ces sponsors utilisent deux supports bien distincts l un de l autre : ils peuvent apparaitre auprès des entités sportives, sur les maillots des joueurs. Les entités sportives peuvent choisir d accumuler les sponsors sur leurs maillots (généralement plus le sport est populaire, et plus le club est performant, plus il y a un «risque» de voir les sponsors s accumuler). Les enseignes sportives peuvent choisir de sponsoriser un sportif à titre personnel, ce dernier portera donc uniquement des vêtements qui viennent de la marque de sport donc il est le «salarié». Dans un cas comme dans l autre, les marques faisant appel aux structures sportives et/ou aux sportifs gardent la même logique économique que n importe quelle entreprise. Ils cherchent à travers le sport, à faire du bénéfice de par la visibilité qui leur est offerte et ainsi écouler leur marchandise. En revanche, il est plus étonnant de voir des sponsors non sportifs, à la fois pour des structures sportives, mais également pour des sportifs qui n ont aucun rapport de près ou de loin avec le sport. Les exemples ne manquent pas : le tennisman Jo-Wilfried Tsonga faisant étalage de son talent d acteur dans les pubs Kinder Bueno, l ancien footballeur David Beckham faisant la promotion de différentes marques de vêtements citadins, etc Les sportifs peuvent parfois gagner plus avec l extra-sportif qu avec leur performance sportive. 1.4 Des clubs cotés en bourse Certaines associations sportives, généralement les plus prestigieuses, se rapprochent de plus en plus d une entreprise de par leur gestion économique. Il est donc tout naturel qu à la manière de grandes entreprises et dans une logique capitaliste et libérale, un club puisse être coté en bourse. Que ce soit en Europe ou dans les Amériques, la loi a évolué de façon à attirer les investisseurs privés. Cette évolution juridique a permis aux clubs d avoir des objectifs avant tout économiques à l aide d émission d actions et d introduction du titre en bourse. Ainsi ont émergé des SASP (sociétés anonymes sportives professionnelles) qui distribuent des dividendes et dont la totalité du capital peut être possédée par des partenaires financiers. 9

L impact a été considérable en catalysant les effets de cercles vicieux ou vertueux des clubs selon leur réussite sportive. Par exemple, lorsqu un club gagne souvent, ses rendements augmentent puisque les victoires amènent des recettes supplémentaires, ce qui permet de recruter les meilleurs éléments et ainsi consolide la probabilité de nouvelles victoires ; la boucle est bouclée. Les investisseurs privés se retrouvent alors très intéressés par la prise de contrôle du club. Le schéma est opposé dans le cas de clubs fréquemment perdants. Cette nouvelle dynamique financière tend à rendre certain le résultat des confrontations et donc nuit à l équilibre compétitif, à l intérêt du spectacle et à la glorieuse incertitude du sport. Depuis 30 ans, 44 clubs dans 9 pays sont entrés en bourse, parmi lesquels 24 en Grande- Bretagne, 6 au Danemark, 4 en Turquie, 3 en Italie et au Portugal, 1 aux Pays-Bas, en Allemagne, en Suisse et en France (Olympique Lyonnais). En 2011, il n en restait plus que la moitié. Ce revirement de situation est dû à des phénomènes bien connus dans le monde de la finance mais auxquels n étaient pas préparés ces clubs : illiquidité du marché, volatilité des rendements et des cours, profondeur insuffisante du marché concerné, instabilité de la valeur du capital joueurs, non-maîtrise des coûts salariaux. Ce qui ressort de ces études empiriques est que sport et bourse ne sont pas compatibles. 1.5 Paris sportifs Les paris ont toujours existé, que ce soit pour du sport ou non d ailleurs. Les paris sur les combats de boxe ou des matches de la coupe du monde ont toujours eu lieu sans que ce soit fait de manière officielle. En revanche le PMU (Paris Mutuel Urbain) depuis 1930 en France est autorisé à organiser les paris que l on connait et sur lesquels l état prélève une partie. Dans une moindre mesure, le football a donné lieu dans les principaux pays dans lesquels ce sport est joué à la mise en place de paris plus ou moins admis par les instances mais sur lesquelles l Etat n a aucun contrôle et surtout aucune retombée économique. Tout doucement, l Etat comprend qu il vaut mieux organiser les paris plutôt que de les laisser s organiser. Il suffit donc aujourd hui d aller chez n importe quel buraliste pour pouvoir remplir des grilles de loto sportif (principalement pour le football), faire son PMU (avec de plus en plus de possibilités de grilles). Pour autant le nombre de joueurs n est pas exceptionnel. 10

L arrivée et l éclosion d internet offre une nouvelle source de profit indéniable à travers les paris sportifs. L Etat, par la loi sur l ouverture du marché des jeux en ligne de mai 2010, a donc permis aux internautes du monde entier de pouvoir, dans la légalité la plus totale, parier sur tout le sport qu il est possible d imaginer. Sous couvert d une lutte anti paris illégaux, l Etat espère avant tout tirer profit des paris sportifs sur internet. En effet, les impôts sur les transactions internet découlant des paris en lignes devaient rapporter plus de 100 millions d euros par an à l Etat, les chiffres sont «étonnamment» difficiles à annoncer ou à prouver puisque le ministère des finances ne produit aucune information à ce sujet là. Quels sont les conséquences en profondeur sur le monde sportif? Les points mis en avant dans ce chapitre sont les preuves de l ouverture de sport au mécanisme de l économie de marché. On effleure pour le moment le problème de l écart qui se creuse. En effet, tout comme dans une société capitaliste ou l écart entre riches et pauvres s accentue, l arrivée de la télévision et des sponsors produit un sport à deux vitesses puisque seul le sport professionnel (seulement les plus populaires) profite de cette nouvelle manne financière. Les sports amateurs eux, sont «abandonnés» à leur triste sort. Après avoir fait un point sur ce qu est la nouvelle économie du sport en surface, il est évidemment essentiel de regarder en détail les conséquences. Quels sont les impacts réels et en profondeur de cette nouvelle économie des plus capitalistes soit-elle? 11

2) Les principaux changements Le sport est marqué par une succession d événements, de records, d exploits qui imprègnent les sociétés modernes. Ce même sport a évolué par la force des choses. La société changeant, le sport n a d autre choix que de s adapter. Les évolutions technologiques, techniques, scientifiques, médiatiques, règlementaires ou économiques ont de manière certaine influencé le sport, prouvant la perméabilité de l univers sportif au monde qui, peut-être malgré lui, le façonne. Mais jusqu'où le sport est-il influencé? Quels sont les conséquences? L essence même du sport est elle menacée? 2.1) Economie et audience On parle aujourd hui de spectacle sportif, voilà à quoi les activités sportives professionnelles sont réduites. Une société du spectacle à travers laquelle le sport n est pas et ne sortira pas indemne. Un des exemples les plus probants étant probablement le catch, la diffusion du sport comme «un spectacle» entraîne ici auprès du public une vision erronée de ce qu est le catch. Vu comme une vaste fumisterie à la limite du comique, les téléspectateurs oublient sans qu on leur laisse vraiment le choix, que les «acteurs» sont de véritables sportifs de haut niveau dont la performance devrait être saluée. Comme tout spectacle, la diffusion du sport demande une organisation importante. Le sport étant par essence incertain, l organisation n est donc pas évidente à mettre en place. Pour exemple des plus récents, lors de la deuxième étape du Paris-Nice 2013, le commentateur Thierry Adam (journaliste sportif travaillant pour France Télévision) dit : «On demandera aux coureurs demain sur la ligne de départ de rouler plus vite» car les deux fois précédentes l étape finissait plus tard que prévu, entraînant une modification non souhaitée des programmes de France Télévision. Deux questions primordiales se posent donc inéluctablement : la diffusion d un spectacle sportif ne trahit-il pas le sport qu il est censé représenter? La diffusion d un spectacle sportif de par son organisation ne modifie-t-elle pas le sport dans sa conception? 12

Les valeurs du sport à l épreuve de l audience Des principes bafoués? Les chaînes de télévisions ne voient à travers le sport qu un produit d appel formidable, une source de financement extraordinaire. Elles ont donc tout intérêt à obtenir du sport sur leurs grilles de programme, car malgré un investissement initial particulièrement élevé, les droits de retransmission (sur lesquels nous reviendrons ensuite) sont rapidement amortis par la vente d espaces publicitaires qui précèdent, entrecoupent et suivent les sports les plus diffusés : football, rugby ou encore le tennis. Pour simple exemple, TF1 achète des droits de retransmission des matches de l équipe de France de football et de la Coupe de France pour un montant de 38.11 millions d euros annuel (pour les années 2000 à 2004). En contrepartie, la chaîne négocie le parrainage de l équipe de France pour les années 2004 autour de deux dispositifs dont les prix respectifs sont de 2.5 millions d euros par annonceur pour le 1 ier, et 1.8 million pour le second. Chiffres auxquels il faut ajouter la vente d espace publicitaire pour chaque rencontre. Le sport devient alors un enjeu majeur pour les chaînes de télévision qui se livrent une véritable guerre, principalement lors des mises en ventes des droits de retransmission des grandes épreuves telles que les Jeux olympiques, les coupes du monde de football ou de rugby, le tour de France cycliste ou le Tournoi de Tennis de Roland Garros. Le sport n étant qu un spectacle rentable, il n y a aucune raison pour la télévision de ne pas le modifier pour qu il le soit encore davantage. Plus de place au hasard - Il faut, pour le besoin d audience, voir le maximum de matches ou d épreuves dans lesquelles, s affrontent ou apparaissent, les sportifs ou les clubs à fort potentiel marketing. Le problème étant que cela n est pas maitrisable en raison des tirages au sort présents dans chacun des sports, ou plutôt n était pas maitrisable. Le principe d égalité des chances de par le hasard du tirage au sort devait être maintenu mais les impératifs de l économie de marché permettent a priori de remettre en cause les fondements mêmes de l activité sportive. Les exemples de modification des tirages au sort (dans les sports populaires, puisque si le sport n est pas regardé alors le marché n a que faire de son sort) sont nombreux : 13 - Au rugby, depuis la coupe du monde 2003 disputée en Australie, les institutions sportives qui subissent la loi du marché n ont d autre choix que de modifier le mode du tirage au sort. C est comme cela que l on obtient depuis des quarts de finale auxquels tout le monde s attend et que la plupart souhaite. En effet, les têtes de séries (les meilleures nations de rugby) sont placées dans des groupes différents, ainsi elles sont confrontées à des «sous-nations rugbystiques». Résultat : des scores fleuves (qui

plaisent au public), et les meilleures nations réunies pour les phases d élimination directe (c'est-à-dire après la phase de poule, donc les quarts de finale pour le rugby). La majorité des spécialistes s accordait sur le fait que la compétition ne débutait d ailleurs qu une fois les phases de poules terminées (au bout de 3 semaines), car les résultats étaient connus d avance. Malgré le manque d intérêt pour les spécialistes, les matches de poules ont été regardés avec attention par le public qui suivait leur pays en espérant soit un exploit si leur nation n était la favori, soit que leur nation en tant que favori écrase l adversaire. Le public était présent, voilà le principal, qu importent les valeurs du sport. De la même manière, le spectacle proposé pendant la phase d élimination directe, bien qu agréable, ne fut pas le plus hasardeux, ni le plus valorisant pour les valeurs du sports, mais permit aux chaînes de faire des audiences plus importantes qu auparavant puisque les grosses équipes étant protégées au départ, elles étaient toutes présentes à l arrivée, le spectacle fut donc des plus alléchant. - Au tennis, le système proposé est clairement destiné à protéger les meilleurs joueurs. Les organisateurs des tournois de l ATP Tour mettent en place un tableau tenant compte du classement mondial. Ainsi les meilleurs joueurs (généralement les 32 meilleurs au classement ATP pour les tournois du Grand Chelem) se voient attribuer le statut de tête de série, les assurant alors de ne rencontrer que des adversaires n ayant pas le statut de tête de série (donc étant moins bien classés) lors des trois premiers matches du tableau final. - De manière différente, mais dans un même intérêt, la Fédération française de football (la FFF) a mis un terme à ce que l on appelait le tirage «handicap» de la coupe de France de football, introduit pourtant quelques années auparavant. Le tirage était un véritable tirage au sort avec, comme simple principe, que le déroulement de la rencontre se ferait sur le terrain du club le plus «faible» (jouer sur son propre terrain amenant des avantages indéniables : connaissance de la pelouse, plus grand nombre de supporters, connaissance des dimensions exactes du terrain ainsi que ses particularités, confiance de par un endroit connu...), et cela à partir du moment où il y avait deux divisions d écarts entre les clubs. Cela permettait de réduire les inégalités sportives et financières entre les clubs professionnels et les clubs amateurs. Probablement motivée par le manque de performance des clubs professionnels au contraire de certains clubs amateurs comme le club de Calais (4ieme division championnat de France amateur) atteignant la finale de la coupe de France en 2000, la FFF est donc revenue au modèle de base, correspondant beaucoup plus à son idéal : ce système privilégiant les clubs évoluant dans les divisions supérieures, les clubs amateurs auront bien du mal à lutter, ainsi les clubs prestigieux auront toutes les chances de participer le plus longtemps possible à la coupe. Ces mêmes clubs ayant un potentiel médiatique plus fort qu un club amateur, les chaînes gagnent beaucoup plus. - 14

La glorieuse incertitude du sport Dès lors que l organisation des compétitions a comme but de préserver la hiérarchie sportive, alors qu une hiérarchie n a de sens que lorsqu elle peut être remise en cause, tout cela dans un but purement financier, on peut se demander où est passée la glorieuse incertitude du sport. Pourtant, cette dernière est plus que naturelle dans l histoire du sport, elle est même recherchée. En d autres temps les Britanniques avaient introduit le handicap pour préserver cette incertitude, en effet lors des tournois, les chevaliers les plus forts avaient le bras dans une cape afin que leurs adversaires aient une chance plus élevée de remporter leur affrontement mutuel. Aujourd hui également certains sports continuent d utiliser des procédés dans ce même but. En Australie par exemple, des courses sur gazon sont organisées et les participants se voient attribuer en début de saison, un handicap indexé sur leur valeur athlétique. Ce genre de pratique est trop rare, et probablement possible uniquement pour des sports non populaires et ne subissant donc pas la loi du marché audiovisuel. Le problème est simple, lorsque un sport n est pas médiatisé (les chances sont grandes que l immense majorité des gens n ait jamais entendu parler de course sur gazon), les intérêts économiques ne rentrent pas en compte, il n y a donc aucune raison valable pour modifier les valeurs de base de ce sport et du sport en général. En revanche, un sport à la «mode» devient un spectacle sportif dont les commanditaires attendent une plus-value conséquente, le sport n a d autre choix à travers ses propres institutions que de se soumettre à la loi du marché. Si les valeurs du sport peuvent être remises en cause, pourquoi ne pas remettre en causes ses propres règles? Des règles qui «évoluent» Dans le domaine de la justice, le sport constitue un espace idéal de confrontation à l égalité. En effet, se trouvent réunis dans une unité de lieu et de temps : les faits, le jugement et la sanction, dans une sorte de «comparution immédiate» systématique. Nul autre espace social ne permet cela, c est dans ce sens là où le sport représente un modèle démocratique de justice unique. Pourtant les règles ne sont pas toujours l idéal audiovisuel souhaité. Penser voire repenser des détails d un sport pour qu il soit télégénique peut encore s envisager mais quand il s agit de modifier le sport en profondeur, c est plus difficilement défendable. Les règles sont pour certaines la base d un sport, l essence même d un sport. Néanmoins la logique du marché n a que faire de cela. De plus, les fédérations elles-mêmes hésitent à changer les règles. Un aphorisme sportif professe «on ne change pas une équipe qui gagne» en revanche aujourd hui un nouveau devrait être prononcé : «il faut changer des règles qui perdent». 15

Les exemples sont multiples, en voici quelques-uns : - Au volley-ball, pour faire plus court et donc plus spectaculaire, il a été décidé de changer les règles. En 1997, la fédération a adopté une véritable révolution, il n est désormais plus nécessaire de posséder le service pour marquer le point, chaque point gagné est marqué. En effet auparavant, si l équipe adversaire possédait le service, le fait de gagner le point permettait uniquement de récupérer le service et non de marquer un point. Aujourd hui en moyenne un match de Pro A dure 1 heure et 14 minutes, alors qu avant les matches «s éternisaient» pendant 2 heures en moyenne. Le volley-ball est devenu plus attractif (car plus incertain, puisque le score varie plus rapidement) et plus spectaculaire (les équipes jouent moins longtemps donc peuvent donner un maximum sur une heure seulement, et les scores fluctuent très vite). Pourtant le volley-ball n est que très peu diffusé, la fédération pense à de nouveaux changements qui n en finiront peut être plus de modifier ce sport. - Le rugby a toujours été un sport de contact, avec des phases de luttes longues (les moles). Si le rugby a été et est encore parmi les sports les plus diffusés, c est parce que les instances ont compris qu il fallait changer son sport pour que le spectacle puisse être télégénique. Il faut plus de fluidité dans le jeu, et évidemment que le sport soit diffusable pour tous les âges donc le rendre moins violent qu il ne peut paraître. Tout doucement le sport s est «adouci», le moindre coup est sanctionné, la moindre bagarre entraîne de lourdes sanctions, les phases de jeux (mêlée, mole, plaquage) ont été repensées afin qu il y ait le moins de blessures, de coups dangereux possibles. Pour ce qui est de la fluidité : les phases de mole ont été modifiées pour ne faire durer cela trop longtemps et que le jeu soit plus fluide, les phases de mêlée ont été changées pour également rendre le jeu plus fluide. Même si les principales phases de jeu sont présentes, elles ont été façonnées pour correspondre à un idéal de diffusion, mais probablement pas à un idéal sportif. - L escrime voit son sport évoluer de manière troublante, afin «d humaniser» une discipline où les combattants étaient jusque-là protégés derrière un masque métallique. Il est donc obligatoire depuis les Jeux olympiques de Sydney (JO d été de 2000) de porter pour les combattants un masque transparent. Ce sport évolue de manière troublante car il change le sport et le rend moins sécurisé, des reflets pouvant perturber la vision, des problèmes d aération pouvant entraîner de la buée. La frontière qui peut dénaturer le sport est franchie puisque, comme l explique Lionel Plumenail (escrimeur français pratiquant le fleuret, double champion du monde et champion olympique), «le regard peut être une arme», ce nouveau masque transparent amène un nouvel élément dans ce sport. Des changements qui changent un sport, alors que d autres questions pourraient se poser, comme régler les problèmes d arbitrages, organiser les tournois d escrime d une meilleure manière, ou encore réfléchir au problème de quotas entrainant le sacrifice d athlètes pour les qualifications olympiques. 16

Finalement, la fédération a tout intérêt à aller dans le sens du spectacle demandé par les chaînes, cela permet de ne pas se poser de questions de fonds, mais uniquement de formes. - Le tennis est quant à lui en transition, pour le moment les règles n ont pas évolué de manière évidente, mais les instances dirigeantes travaillent sur le sujet. La durée des matches est impossible à prévoir pour le moment. Gilbert Ysern (Directeur de Rolland Garros) explique les choses de manière très concrète : «Il ne s agit pas de raccourcir pour raccourcir. Mais la pression des télévisions, ou la moindre minute de publicité est programmée, nous oblige à explorer des pistes de réflexion» Ces pistes de réflexion sont alors lancées : suppression du «let» au service, adoption du «no-ad» (l avantage à 40 partout est supprimé, le relanceur choisit son coté, et le point donne le jeu), remplacement du 5ieme set par un jeu décisif. Ce sport pourtant déjà diffusé subit lui aussi la loi du marché et les règles imposées par les diffuseurs qui ont le pouvoir. Les sports n ont plus le choix, chacune des fédérations veut défendre son sport et ainsi ne pas avoir à faire d autoanalyse, ce qui est toujours plus simple. Un dualisme s installe : vouloir que son sport soit connu, donc qu il soit diffusé mais, par manque de spectacle ou de suspens, des règles doivent donc être remises en question afin d attirer la télévision et les sponsors. Il y a donc une question de fond qui se pose pour chacune des fédérations, respecter son sport ou vouloir qu il soit plus populaire. Les fédérations ne sont pas les seules à se poser cette question. Les femmes face à l audience Les femmes ont un rôle tout particulier dans le sport, le sport passant par l audience aujourd hui, les femmes y sont donc confrontées et devront faire un choix que nous allons tenter de mettre en lumière. De par les valeurs qu il perpétue, le sport constitue une sorte de «maison des hommes» de nos sociétés contemporaines. En effet, en dehors des sports artistiques (gymnastique, patinage artistique par exemple), les femmes seront toujours moins performantes que les hommes. Elles seront toujours moins rapide que les hommes, elles sauteront toujours moins haut, elles taperont toujours moins fort, elles nageront toujours moins vite, etc. Le sport collectif étant un combiné d attributs physiques, là également elles seront toujours un cran en dessous des hommes. 17

Pourtant, qu importe si les hommes sont naturellement plus performants, le principe de la hiérarchisation est de faire des catégories différentes pour que la comparaison se fasse justement intra-catégorie. Ici, le plus important n est pas que les femmes courent plus ou moins vite qu un homme, mais que, dans la catégorie des femmes, telle ou telle sportive, à force de travail et d acharnement, soit la meilleure. Le souci de performance passant avant celui de la méritocratie, les femmes n ont pas la possibilité d être sur un même pied d égalité que les hommes. On oublie ici les valeurs du sport volontairement (la méritocratie), car c est ce que fait la société actuelle, elle met en avant la productivité (la performance). Société consumériste, les sportifs sont des produits, parmi eux les sportives sont également des produits mais moins intéressants, en tout cas pour le moment. Un combat féministe? Les sportives ont conscience des différences indéniables de performances entre hommes et femmes. Le combat qui consisterait à faire entendre et comprendre ce que valent leurs performances est à la fois légitime et important, dans le sens où cela ramène aux valeurs essentielles du sport. En revanche, quant il s agit de faire basculer le combat vers une lutte féministe, ceci semble à la fois être une erreur de fond et un combat perdu d avance. En effet les sportives interrogées (pourtant différentes tant par leurs origines sociales, que par leur niveau de pratique, le sport pratiqué ou la fonction assumée) perçoivent leur position de sportives comme un engagement au profit d un vide à combler, d un écart à rattraper. Le parallèle avec le féminisme est évident, tout comme elles, les sportives voudraient nous faire croire que les hommes et les femmes sont sur un pied d égalité, ici face au sport. Par exemple, Lilian Halls French (Directrice de l IFE : Initiative Féministe Européenne) déclare «les athlètes féminines ont un rôle déterminant à jouer pour faire évoluer les mentalités et bousculer les habitudes dans l intérêt des sportives et des sportifs, dans celui du sport». Le sport n est pas le terrain idéal qui permettra de faire évoluer les mentalités comme les féministes le souhaitent, puisque les différences hommes-femmes sont montrées explicitement alors qu elles sont habilement niées dans la société. L intérêt des sportifs est d avant tout garder le monopole de la diffusion, l arrivée des femmes réduirait alors leur profit. Les athlètes féminines ont un rôle déterminant à jouer dans le sport ; celui de ne pas tomber dans les travers dans lesquels le sport «masculin» s est fourvoyé, afin de réaffirmer les véritables valeurs du sport. C est d ailleurs le cas pour certains sports collectifs féminins français comme le basket-ball ou le football. En effet, si le public est, en comparaison avec les hommes, moins admiratif de leur performance physique ou technique dans ces sports, le fait que les Françaises se soient distinguées de par leur classement a permis de montrer qu elles sont particulièrement combatives, que leur intelligence de jeu pour compenser le manque de rapidité est incroyable et que leur identité féminine implique une façon de se déplacer des plus esthétiques. 18

En revanche, si certains sports féminins veulent avoir leur part du gâteau qu est le business de l audiovisuel, et puisque ces sports sont moins performants, il faut donner une bonne raison aux chaînes de vouloir diffuser leur sport, donc donner envie aux téléspectateurs de s intéresser à ce sport. La question est simple, les femmes qui pratiquent des sports de haut niveau donc des sports «de tradition masculine» devraient-elle faire preuve de leur féminité? Doivent-elles tomber dans l image que la société de consommation fait d elles, c'est-à-dire avant tout un corps qui doit séduire? L option d être belle pour être utile leur est proposée. Par exemple les joueuses de la 1iere division de handball féminin se sont vues suggérer de ne plus jouer en short mais en jupe, pour que le public de plus en plus consommateur du corps féminin y trouve son compte. Là est le dilemme, si elles acceptent alors elles vont à l encontre des valeurs du sport et de ce que devrait représenter les femmes (des sportives de haut niveau plutôt que des corps séduisants). Mais dans le même temps, leur sport pourrait être diffusé, leur sport commencerait donc à attirer les sponsors, tout cela aboutissant à des salaires qui grimperaient en flèche pour elles. Le tennis féminin est peut être le meilleur exemple, les joueuses sont en jupes et on remarque non sans plaisir mêlé de regrets que les caméras pour les matches féminins sont placées plus bas que celles pour les hommes, afin d avoir une vue plus directe sur la joueuse Des chiffres qui légitiment le changement du sport pour l audience? Il est vrai qu au vu de l ampleur de certains chiffres, il est probablement difficile d échapper à la logique du marché. Cette dernière impliquant une diffusion globale (il y a plus de 200 pays qui diffusent les principales compétitions), on observe des chiffres faramineux quant aux nombres de téléspectateurs cumulés pour une compétition qui est donc diffusée mondialement : 40 milliards pour les Jeux olympiques d été 2012, 26 milliards pour la coupe du monde de football 2010, 10.5 milliards pour les Jeux olympiques d Hiver 2010, 8 milliards pour l euro de football 2008, 4 milliards pour la coupe du monde de Rugby 2011. La télévision donne au spectacle sportif une dimension universelle, mais qu en est-il d un point de vue plus local? En France par exemple, l évolution depuis les soixante dernières années de la télévision et des services proposés liés aux sports est intéressante. De 1949 à 1974, la télévision française a été financée par le contribuable dans le cadre d un régime administré par le monopole public de l ORTF (Office de radiodiffusion télévision française). Ensuite, avec en 1982 le déplafonnement des recettes publicitaires des chaînes, et en 1984 le lancement de Canal Plus puis la création des chaînes câblées par satellites et enfin le numérique, la télévision française 19

évolue vers un régime concurrentiel. Ce dernier permettant un lien plus direct entre les producteurs de programmes et leurs consommateurs, par le biais du paiement à la séance. Les choses sont claires désormais, le programme regardé a un prix affiché pour celui qui le consomme. Regardons alors l évolution de manière claire : L offre de sport télévisé en France de 1968 à 2010 Offre 1968 1984 1992 1998 2003 2010 Volume horaire total 232 989 10918 22900 56118 100000 (nombre de chaînes) [2] [4] [7] [12] [15] [30] Volume horaire des chaînes gratuites 232 939 1880 1521 1118 1166 (en %) [100%] [95%] [17%] [6,5%] [2%] [1,2%] Volume horaire des chaînes payantes 0 50 9038 21400 55000 98834 (en %) [0%] [5%] [83%] [93,5%] [98%] [98,8%] Source : Conseil supérieur de l audiovisuel Nous observons une nette augmentation du volume horaire du sport diffusé. Cela s explique tout simplement par la multiplication du nombre de chaînes payantes et non payantes, car le sport est en forte demande de la part des téléspectateurs. Des chaînes payantes qui, avec le temps, ont pris la quasi-totalité de la part de marché du sport, passant de 5% en 1984 à 98,8% en 2010. Parallèlement à l augmentation du volume horaire du sport diffusé, il y a une concentration des programmes sur quelques sports. En effet 60% de l offre gratuite se consacre à 5 sports : Football, Tennis, Rugby, Cyclisme et Formule 1. Le pourcentage est encore plus élevé sur les chaînes payantes qui, dans une logique de profit, se doivent de diffuser un sport «recherché» par les téléspectateurs qui devront être près à mettre de l argent tous les mois, au final c est en grosse partie le football étranger qui est diffusé par les chaînes payantes. Le problème est simple, si seuls quelques sports sont diffusés, seuls quelques sports profitent des retombées des droits de retransmission. 20