Gypse, anhydrite : géologie, exploitation, risques naturels Retour d expérience des problématiques associées à la rencontre de gypse et d anhydrite dans les aménagements hydroélectriques alpins Guilhem DEVEZE Electricité de France Service Géologie Géotechnique
Introduction Gypse et anhydrite redoutés pour leur évolutivité (roches solubles, érodables et/ou gonflantes) ou l agressivité sur certains ciments Dans les Alpes, gypse et anhydrite uniquement triasiques. Trias alpin en général extrêmement redouté car souvent associé à de grands accidents tectoniques, à l origine de nombreux «accidents géologiques» lors des travaux de percement de galeries. On abordera tous les types d ouvrages hydroélectriques (barrages, canaux) mais en particulier sur les galeries d amenée aux usines (tunnels en eau).
Sommaire Cas d un barrage : surveillance des berges du Mont Cenis Cas d un canal : surveillance des fondations du canal de Curbans Exemples dans les galeries d amenées : Difficultés au creusement : galeries du Ponturin / du Mont Cenis Pathologies en exploitation : incidents des galeries de Belleplace / La Bathie / Avrieux, rupture de la galerie de l Arly, Cas particulier de la galerie Isère Arc. Conclusion
Surveillance de la dissolution des berges du lac de Mont Cenis
Surveillance de la dissolution des berges du lac de Mont Cenis
Surveillance de la dissolution des berges du lac de Mont Cenis
Surveillance de la fondation du canal de Curbans Canal de 5,2 km à l aval de Serre Ponçon Trias gypse / anhydrite / dolomie de la semelle de la Nappe de Digne Risque fontis (mal) pris en compte à la conception (fils unipolaires)
Surveillance de la fondation du canal de Curbans Mars 1965 (pendant terrassements, PM 3930) : fontis perçant le canal (2 x 500 m3) sous forte épaisseur alluvionnaire Reconnaissances + Remplissage + injections + élargissement de la digue RD Surveillance : campagnes successives de microgravimétrie (1991 / 2006) + réfection intégrale étanchéité drainage (2012)
Année de creusement : 1954 7 mois de retard Accident géologique de la galerie du Ponturin
Accident géologique de la galerie du Ponturin Mélange plissé de quartzites, anhydrites, schistes verts et schistes du Houiller Injection au gel de silicate de soude et ciment => franchissement à sec Avril 1955 : pose du revêtement PK 1091 : augmentation du débit d une venue d eau au travers du béton : 2 l/min à 40 l/s en 15 jours : drainage et injection Cause évoquée : dissolution de filonets de gypse (préexistants) au contact anhydrite/quartzite
Accident de Sainte Anne dans la galerie du Mont Cenis Année de creusement : 1965 12 mètres de mylonites (calcaires dolomitique, gypse et anhydrite) et 22 m d annhydrite avec inclusions de calcaires dolomitiques et de schistes Reconnaissance à l avancement venues d eau sous pression au PM 4100 Drainage (37 forages 1 450 ml 460 l/s 17 bars) puis injection (silicate + bentonite ciment) 11 mois de retard Journée Technique CFGI / SIM : Gypse et Anhydrite : Géologie, exploitation, risques naturels 23 /10/2014
Dégradations dans la galerie de La Bathie (Roselend) Année de creusement : 1960 Galerie déviant les eaux de Roselend, La Gittaz, Saint Guérin vers la Bathie forte charge intérieure 140 m nombreuses difficultés de creusement (Chornais, Pontcellamont) sans relation avec gypse/anhydrite 3300 m de F7 : Traversée sur 171 m de gypses, anhydrites et cargneules (aval synclinal de La Bathie) : perforation sans souci, revêtement armé sur gypse et anhydrite avec injection au ciment pur (serrage) Mai 1979 : petits tas de sables + forage décacheté + revêtement fissuré = 2 cavités + chatières de 300 m3 Remplissage et blindage sur 201 m
Dégradations dans la galerie de Belleplace Année de creusement : 1972 Galerie déviant les eaux des glaciers d Argentière et du Tour vers Emosson faible charge intérieure (12 m) Traversée du Trias du synclinal de Chamonix-Martigny (cargneules enserrant un lame de gypse) petites cavités sèches aux contacts gypse/cargneules revêtement ferraillé (travail en console) et injections Automne 1975 : résurgences de qqes dizaines de l/s dans le village de Trient Fissuration importante du revêtement cavités de dissolutions récentes des gypses : 200 m3 Remplissage et blindage sur 160 m
Désordres dans la galerie d Avrieux Année de creusement : 1920 Rencontre de karsts dans l anhydrite lors du creusement, imparfaitement colmatés par les alluvions de l Arc Construction de la galerie en «aqueduc souterrain» Percement du radier en 2007
Rupture de la galerie de l Arly Année de creusement : 1965 Galerie déviant l Arly à l amont d Ugine faible charge intérieure : 15 m, dérivant 12 m3/s PM600 à 1100 : traversée du Trias (dolomies, anhydrite et dolomie entre 696 et 981,5) perforation sans encombre auréoles d injection aux extrémités juin 1976 : 1 m3/s dans le Flon déchirure du revêtement de la galerie au PM 770, ouvrant plusieurs cavités (4000 m3) et réseau de chatières remplissages d argiles varvées et sables dolomitiques, blocs Blindage entre PM 760 et 837, avec suivi en nivellement de la galerie
Rupture de la galerie de l Arly
nivellement 2002-1990 (mm 940 890 Rupture de la galerie de l Arly 840 790 740 690 5.0 0.0-5.0-10.0-15.0-20.0-25.0 PM (m) -30.0
Désordres dans la galerie d Arc Isère (sous Belledone)
Désordres dans la galerie d Arc Isère (sous Belledone) Galerie 27 km 5,30 m de diamètre déviant les eaux de l Arc (Echaillon) dans l Isère (Cheylas) - charge intérieure faible 10 m Désordres sur revêtement et éboulements du revêtement (vidange trop rapide et dissolutions localisées) Profils radars+reprise auréoles d injection aux extrémités du tronçon d anhydrite
Conclusion 1) Importance des études géologiques et hydrogéologiques 2) Pour les ouvrages de génie civil de surface : anhydrite rare; plutôt gypse associé à des pathologies de vieillissement => déformations lentes ou brutales (fontis) et tenue des ciments 3) Pour les ouvrages souterrains en eau : Au percement : anhydrite = très bon terrain, sauf à proximité de terrains très perméables foudroyage par dissolution de Trias profonds : galeries de Feissons/Isère et La Coche (Front Pennique) En exploitation Anhydrite entourée de terrains peu perméables: Isère-Arc, Arc dans Tignes, adduction amont du Mont Cenis, la Coche, Echaillon, Arc-Isère : pas de circulation, pas de dissolution, pas de problème en exploitation : sous réserve d un revêtement (armé si forte charge intérieure) avec injection de serrage : anhydrite peu évolutive, transformation en gypse favorable au colmatage, Gypse ou anhydrite associés à des terrains peu solubles mais perméables (accidents de Trias) : zones de circulations anciennes avec préexistence de cavités rencontrées lors du percement. Désordres différés : 20 ans pour la galerie de l Arly, 15 ans pour la galerie de la Bathie, 3 ans pour la galerie de Belleplace (mais fuites dès la mise en eau).