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Sylvain Dejean, Raphaël Suire, Eric Darmon, Thierry Pénard Juillet 2012 Depuis la fin des années 90 et l apparition de Napster, les pratiques audio/vidéo en ligne n ont cessé de se développer. Face à une industrie culturelle et notamment une industrie du disque restées longtemps immobiles, les réseaux d échanges illégaux ont pris leur essor depuis le début des années 2000. Le Peer To Peer (P2P : Kazaa, Edonkey, Bittorent, etc ) a posé les jalons d un réseau «hors marché» où les internautes échangent musiques, films, séries, logiciels. Peu après, des plateformes de streaming et des espaces de stockage partagés (Megaupload, Rapidshare, etc ) sont venus compléter et diversifier les modes d acquisition de contenu audio/vidéo en ligne. En cherchant à préserver la rentabilité d un secteur qui s était construit sur la maîtrise des réseaux de distribution et la reproduction des supports physiques (VHS, CD, DVD..), les industries culturelles ont tardé à mettre en place une offre légale capable de répondre aux nouveaux besoins et attentes des consommateurs «numériques». Les offres de contenus culturels payantes et légales sont pourtant prometteuse. Aux Etats-Unis, 50% des ventes de musique sont «numériques». En Suède, les abonnements payants sur la plateforme Spotify représentent 84% des revenus numériques dans ce pays et en France, l accès à ces mêmes services de streaming a augmenté de 50% en 2011. En France, l intervention du législateur est passée par la mise en place d une autorité administrative en charge de la surveillance des réseaux P2P, mais également par la promotion d une filière légale de distribution en ligne. L objectif de cette note est de faire un état des lieux des pratiques de consommation de contenu audio/video en ligne, qu elles soient effectuées de manière légale ou illégale. Cette analyse nous permet de dessiner les contours d un écosystème «post Hadopi» où, nous allons le voir, les échanges en ligne laissent peu à peu la place aux réseaux de partage hors ligne et de proximité. Méthodologie : les résultats présentés dans cette note sont issus d une enquête réalisée pour le compte du groupement M@RSOUIN par l Institut Harris au mois de Mai 2012 sur un échantillon de 2000 français (échantillon représentatif de la population des internautes selon la méthode des quotas). Une note complémentaire à celle-ci «Comment l HADOPI est-elle perçue par les internautes français?» est disponible sur www.marsouin.org. Trois principaux enseignements ressortent : Les internautes sont encore assez peu nombreux à utiliser les services payants en ligne, ils privilégient les services gratuits (catchup Tv, streaming gratuit). Les échanges de proximité (de la main à la main) sont le moyen le plus répandu pour se procurer des fichiers audio/vidéo. Les réseaux d'échange de proximité sont structurés autour d individus "fournisseurs" 1

Cette note s inscrit dans le projet de recherche ADAUPI (Analyse des Décisions, Attitudes et Usages de Piratage sur Internet) financé par la région Bretagne. Il associe des chercheurs du CREM (Université de Rennes 1) et M@rsouin/Télécom Bretagne. Le but de ce projet est d étudier l évolution des comportements et attitudes vis-à-vis du piratage des œuvres numériques et de comprendre comment les dispositifs réglementaires et juridiques comme l Hadopi peuvent influencer les pratiques d échanges et de consommations de musique ou de films. Le projet d une durée de deux ans combine des enquêtes, entretiens et expérimentations. Plus d informations : http://www.marsouin.org/ Panorama des pratiques légales en ligne Les pratiques légales peuvent être payantes ou gratuites. Les plateformes payantes basent leurs modèles économiques sur un paiement à l acte (Itunes, Virginmega, VOD) ou sur un abonnement pour pouvoir accéder à un ensemble d écoutes et de services (Deezer, Spotify, Netflix). Lorsque les plateformes sont gratuites, elles se financent le plus souvent par la publicité (Youtube, dailymotion), elles peuvent également utiliser la gratuité comme instrument de promotion pour conduire l internaute vers des offres payantes (Deezer, Spotify..) ou encore être un service additionnel qui vient compléter une offre déjà existante (catch-up TV). Des offres payantes au succès encore limité Catch-up TV VOD payante films et séries (TV ou Itunes, ) Abonnement streaming payant (Spotify, ) Streaming musical gratuit (Youtube, ) Plateforme payante musicale (Itunes, ) 34,0% 21,6% 66,1% 78,4% 4,7% 95,4% 28,0% 72,0% 22,3% 77,8% 0% 20% 40% 60% 80% 100% non jamais oui et/ou déjà fait 22% des internautes ont déjà acheté sur une plateforme de musique en ligne, 22% ont acheté ou loué un film ou une série sur une plateforme de VOD sur une TV ou en ligne. Concernant l abonnement payant sur une plateforme de streaming musical (Deezer par exemple), il n est plébiscité que par 5% des internautes français alors qu ils sont 72% à avoir déjà utilisé un service de streaming gratuit. Les pratiques numériques légales et gratuites sont en phase de généralisation. 66% des internautes utilisent les services de TV de rattrapage. 72% écoute de la musique en streaming sur Internet, ils sont même 38% à le faire plusieurs fois par semaine. 2

Les jeunes préfèrent le streaming Les 15-24 ans plébiscitent le streaming dans sa forme gratuite ou payante. Ils sont 90% à l avoir utilisé récemment via une plateforme gratuite, mais seulement 8% via une plateforme payante. Ces modes de consommations basés sur l accès et non sur la possession semblent plus proches des besoins des jeunes générations. Les usages légaux et gratuits sont privilégiés par toutes les classes d âge et la TV de rattrapage est la pratique la plus répandue. Les plateformes payantes sont utilisées avant tout par les 25-34 ans. 100% 90% 80% 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% Plateforme payante musicale (Itunes, ) Streaming musical gratuit (Youtube, ) Abonnement streaming payant (Spotify, ) VOD payante films et séries (TV ou Itunes, ) Catch-up TV 15-24 ans 25-34 ans 35-49 ans 50 ans et plus Panorama des pratiques illégales En ligne, les moyens d acquérir des contenus audio/vidéo de façon illégale sont relativement bien connus. Les réseaux P2P empruntent des formes plus ou moins ouvertes : réseau grand public et ouvert comme Emule ou des communautés plus confidentielles et parfois fermées comme les trackers bittorent. Ces pratiques sont désormais sous surveillance depuis la mise en place de L Hadopi. Les sites de stockage «direct download» sont des serveurs librement accessibles (certains nécessitent tout de même de payer pour y avoir accès) sur lesquels sont hébergés de grandes quantités de fichiers. Le plus emblématique d entre eux, Megaupload avant quelques autres, a été fermé en 2011, réduisant l offre disponible. Les newsgroups peuvent s adosser à un protocole d accès différent que le http (USENET). USENET est un réseau de stockage et d échange très rapide et dont l accès est souvent payant. Un newsgroup hébergé sur USENET est plus confidentiel et son utilisation est réservée à quelques initiés. Contrairement à la musique (pour laquelle il existe une offre légale et gratuite de streaming), les films et les séries peuvent être vus gratuitement sans l accord des ayants droit sur des plateformes de streaming vidéo dédiée. Enfin notons qu il est également possible de se procurer des contenus «hors ligne» en utilisant notamment des supports amovibles de stockage (clé USB, disque dur externe). Les fichiers passent dans ce cas de la main à la main sans remettre en cause le principe d une source initiale qui peut être online. 3

Consommation illégale de musique Newsgroup Peer To Peer Site de stockage Main à main 0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100% Au moins une fois par semaine Moins d'une fois par mois Entre une trois fois par mois Non, jamais Consommation illégale de films/séries Newsgroup Peer To Peer Site de stockage Streaming Main à la main 0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100% Au moins une fois par semaine Moins d'une fois par mois Entre une trois fois par mois Non, jamais 4

La montée des échanges de proximité S il faut toujours prendre avec précaution les comportements déclarés par les personnes interrogées, d autant plus lorsqu ils sont illégaux, une hiérarchie se dégage toutefois des pratiques dites «pirates». Sans surprise, l utilisation des newsgroups est extrêmement confidentielle. Pour la musique comme pour les films et séries, 15% des internautes déclarent utiliser les réseaux P2P et 18% des sites de stockage. Notons que ces derniers (P2P et stockage) semblent les plus impactés par les mesures légales prises à l encontre des comportements illicites (Hadopi, fermeture de Megaupload). Concernant les films et les séries, les plateformes de streaming illégales sont utilisées par 28% des personnes sondées. C est la pratique dominante de «piratage» en ligne. 51% des internautes ont déjà acquis de la musique, des films ou des séries en les copiant à l aide une clé USB ou un disque dur Le résultat le plus saillant concerne les pratiques de piratage de proximité (ou de la main à la main). Elles consistent en l échange de fichiers audio/vidéo entre individus à l aide d un disque dur, d une clé USB ou encore d un téléphone portable. 43% des internautes utilisent ce moyen pour acquérir de la musique et 38% le font pour les films. Au total, ils sont 51% à l avoir déjà fait. Si ce phénomène n est pas nouveau, puisque les supports physiques (CD, cassette, VHS) permettaient déjà d échanger des contenus audio et vidéo en les copiant, la capacité de stockage des supports numériques et la rapidité avec laquelle la duplication des contenus s opère en font aujourd hui le moyen le plus sur, le plus efficace, mais également le plus répandu pour acquérir des contenus illégaux. Comment s organise le piratage de proximité? La pratique du piratage de proximité repose sur une organisation sociale. D une certaine manière, celle-ci se rapproche de ce que l on observe dans d autres réseaux supportant des échanges illicites comme les circuits de distribution de produits stupéfiants (Kopp, 2006 ; Levitt et Venkatesh, 2000) 1. Parmi les internautes qui déclarent acquérir des contenus audio en utilisant des supports de stockage amovibles, 27% d entre eux déclarent prendre mais ne jamais partager ces contenus, ils sont même 31% chez ceux qui consomment des films/séries. Ces comportements dits de «passager clandestin» sont caractéristiques des réseaux d échange asymétrique où certains sont amenés à partager plus que d autres. Ce sont de simples consommateurs / usagers. A l inverse, nous qualifions de «fournisseurs» les internautes qui prêtent régulièrement (entre une et trois fois par mois ou plus) leur disque dur ou leur clé USB pour partager leurs fichiers audio/vidéo. Ces fournisseurs représentent 6% des internautes interrogés et 10% des pirates de proximité pour les échanges de fichiers musicaux et respectivement 7% et 17% pour les échanges de fichiers vidéo. 1 Levitt S., Venkatesh S.A., 2000, «An economic analysis of drug selling gang s finance», Quaterly Journal of Economics, 115, p755-789. Kopp P., 2006, L économie de la drogue, La découverte. 5

100% 90% 80% 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% 9,8% 7,7% 18,9% 13,1% 58,2% fournisseur musique 12,3% 18,5% 61,5% fournisseur films/séries 19,3% 18,6% 30,7% 21,1% 29,0% 27,5% 19,1% 34,8% simple simple consommateur consommateur musique films/séries Les fournisseurs sont avant tout des jeunes Les fournisseurs de musique et de films/séries sont respectivement 58% et 62% à avoir entre 15 et 24 ans. Cela dénote à la fois une maitrise des outils techniques et sans doute une vie sociale dense à même de favoriser ce type de pratiques. Précisément, derrière ce phénomène, l on peut penser à une aptitude technique à mieux maitriser les sources d approvisionnement, un encastrement social plus dense où la pratique est commune et enfin une plus forte consommation de contenus audio et vidéo. Inversement, les simples usagers sont plus volontiers des personnes de 35 et plus. 15-24 ans 25-34 ans 35-49 ans 50 ans et plus Des fournisseurs au centre du réseau d échange simple consommateur films/séries simple consommateur musique fournisseur films/séries 12,3% fournisseur musique 9,0% 45,3% 42,5% 65,4% 71,3% 53,4% 54,4% 3,1% 22,3% 1,3% 19,7% 0% 20% 40% 60% 80% 100% Une seule source entre 2 et 5 sources plus de 5 sources Les fournisseurs se distinguent des simples consommateurs par le nombre de sources d approvisionnement. Ainsi, les fournisseurs de musique s approvisionnent pour 20% d entre eux auprès de plus de 5 personnes. Inversement, 42% des simples consommateurs de musique n ont qu un seul fournisseur. L on observe la même tendance pour les échanges de films. Il y a sans doute ici un cœur du réseau social d échange, plus dynamique et fournisseur qui cohabite avec une périphérie, plus passive, et simple consommatrice. De plus larges investigations sont souhaitables pour caractériser plus finement la hiérarchie du réseau. 6

Des réseaux de distribution très orientés Dans le réseau d échange, les pratiques sont avant tout pro-sociales et les usagers peuvent être de trois types. Il y a ceux qui donnent autant qu ils reçoivent. L échange est alors symétrique. Il y a ceux qui donnent moins qu ils ne reçoivent. L échange est asymétrique et descendant. Enfin, il y a échange asymétrique et ascendant lorsque les individus donnent plus qu ils ne reçoivent. Une distinction peut être faite entre les réseaux supports aux échanges de films et séries et les réseaux supports aux échanges de musique. 100% 90% 80% 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% 16,4% 23,8% 47,5% 12,3% musique 6,9% 10,8% 53,1% 29,2% films/séries Dans les deux cas, il y une forte proportion d individus qui pratiquent l échange symétrique, mais les échanges asymétriques et ascendants sont plus nombreux pour les films et séries que pour la musique. Dans ce cas, les sources sont plus nombreuses et les contenus circulent plus. La périphérie du réseau, caractérisée par des échanges descendants, est plus importante dans le cas des fichiers musicaux que pour les films et séries. Le cœur du réseau y est également plus resserré. échange ascendant échange symétrique échange descendant ne sais pas La HADOPI et les réseaux sociaux d échange Il est difficile d avancer que la Hadopi a structuré à elle-seule ces réseaux d échanges de la main à la main. En toute vraisemblance, ils préexistaient à la loi Création et Internet, mais les pratiques étaient sans aucun doute moins dominantes. Aujourd hui certains canaux online sont surveillés ou fermés ou techniquement plus compliqués à manipuler par conséquent, l échange de proximité est probablement une pratique qui s est substituée à d autres usages prohibés. 7