Délais et retards de paiement : analyse et propositions de l UCM



Documents pareils
Délais et retards de paiement : analyse et propositions de l UCM

FICHE «INTÉRÊTS LÉGAUX». Pour l année 2015 : 2,5% Avis publié au Moniteur belge du 30/01/2015.

RISK INDEX 2014 SUISSE

La clause pénale en droit tunisien 1

Comité sectoriel de la sécurité sociale et de la santé Section sécurité sociale

Les nouvelles règles en matière de délais de paiement

Prévoir des pénalités de retard

Conférence de l Arson club du 16 avril 2008 sur la répétibilité des honoraires de l avocat (loi du 21/4/2007).

Code civil local art. 21 à 79

LICENCE D UTILISATION DE LA DO NOT CALL ME LIST : CONDITIONS GENERALES

Une saisie européenne des avoirs bancaires Éléments de procédure

Engagé à nouveau pour un an?

4. Espace serveur et transfert de données

Quelles nouveautés pour les rapports à présenter à l assemblée générale ordinaire annuelle?

Succès commercial avec la Russie Les 10 Principes de Base

Cahier des Clauses Particulières

Le régime juridique qui est contractuellement attaché aux

F RSE Plan d action A04 Bruxelles, le MH/JC/LC A V I S. sur

CONSEIL SUPERIEUR DES INDEPENDANTS ET DES PME

Conditions : ces conditions de crédit, ainsi que toute annexe à ces Conditions; CONDITIONS DE CREDIT DE PAYDAY

FICHE N 8 - LES ACTIONS EN RECOUVREMENT DES CHARGES DE COPROPRIETE

CIRCULAIRE N 19 RELATIVE A LA CLASSIFICATION DES CREANCES ET A LEUR COUVERTURE PAR LES PROVISIONS

A 13,3 jours, les retards de paiement des entreprises françaises sont au plus haut depuis dix ans.

Le suivi des règlements clients. Céline MONNIER Rapport de stage UE 7 Relations professionnelles DCG Session 2009

L espace SEPA comprend les Etats membres de l Union européenne ainsi que l Islande, le Liechtenstein, la Norvège et la Suisse.

Cahier des Clauses Administratives Particulières

VILLE DE FROUARD PRESTATIONS NETTOYAGE DES VITRES DES BATIMENTS COMMUNAUX CAHIER DES CLAUSES ADMINISTRATIVES PARTICULIERES (C.C.A.

Numéro du rôle : Arrêt n 48/2009 du 11 mars 2009 A R R E T

I. OUVERTURE D UNE PROCEDURE COLLECTIVE SUR ASSIGNATION DU CREANCIER

Cahier des Clauses Administratives Particulières

Garantie locative et abus des propriétaires

Contrat de maintenance Elaborate

Le rôle du syndic. Introduction

Projet de loi n o 24. Présentation. Présenté par M. Jean-Marc Fournier Ministre de la Justice

Table des matières TABLE DES MATIÈRES. Introduction L historique Les lois fédérales... 9

du 23 mars 2001 (Etat le 10 décembre 2002)

A V I S N Séance du mardi 28 mai

ACTUALITÉS ASSURANCES & RISQUES FINANCIERS

900 ISO 1 CERTIFIE D BCCA FI VITA INVEST.2

La société civile de droit commun et la planification successorale

MARCHE DE PRESTATION DE SERVICES DE NETTOYAGE DES AUTORAILS CAHIER DES CLAUSES ADMINISTRATIVES PARTICULIERES

LES CRÉANCES ET LES DETTES

Crédit : Comment vous êtes coté

CONDITIONS GENERALES

DIRECTIVES. (version codifiée) (Texte présentant de l'intérêt pour l'eee)

Création du nouveau site internet de la communauté de communes et des communes membres

Cahier des Clauses Administratives Particulières

Contrat d agence commerciale

Centrale des crédits aux entreprises

CONTRAT DE CONCESSION n C\...

Keytrade Bank CONDITIONS SPECIFIQUES «PRODUITS D ASSURANCES»

Licence d utilisation de l application WINBOOKS ON WEB

Comité sectoriel du Registre national. Avis RN n 01/2013 du 11 décembre 2013

INSTRUMENTS DE PAIEMENT ET DE CRÉDIT

On vous doit de l argent en Europe... Deux procédures judiciaires simplifiées à portée de main!

CAHIER DES CLAUSES PARTICULIERES MARCHE Nettoyage des locaux du CRDP De CORSE

On vous réclame une dette : ce qu il faut savoir

Lydian Webinar. La nouvelle Loi sur les Assurances

Régime cadre exempté de notification N SA relatif aux aides à la recherche, au développement et à l innovation (RDI) pour la période

Forbearance et Non-Performing Exposures

AVIS SUR UNE CLAUSE PORTANT MODIFICATION UNILATÉRALE D UNE PRIME DE POLICE D ASSURANCE PROTECTION JURIDIQUE

DES MEUBLES INCORPORELS

Conditions d entreprise

Glossaire. Pour bien comprendre le vocabulaire de la banque

Délibération n du 27 septembre 2010

CAHIER DES GARANTIES ET ASSURANCES

Fiche conseil LE BAIL COMMERCIAL. Explications et conseils. Nos fiches conseils ont pour objectif de vous aider à mieux appréhender les notions :

Etablissement et dépôt des comptes consolidés et du rapport de gestion consolidé

OPÉRATIONS INDIVIDUELLES POLICE D ABONNEMENT

ORDONNANCE. relative au portage salarial. NOR : ETST R/Bleue RAPPORT AU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE

Votre solution aux marchés publics

Joseph Fantl c. Compagnie d Assurance-Vie Transamerica du Canada. Sommaire du règlement proposé

Portage salarial : effets de l ordonnance n du 2 avril 2015

Loi de Modernisation de l Economie du 4 août 2008 (dite Loi «LME») Applicable au 1er janvier 2009.

RW-SpW-DGT2-DM-Direction de la Maintenance. Localité/Ville: Namur Code postal: 5000

Conditions Générales de Vente Internet. 7, rue Alfred Kastler CAEN. informatiquetélécominternet

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES LIVRE VERT

CONDITIONS GÉNÉRALES

Baromètre PME Wallonie Bruxelles : Quatrième trimestre 2013

La quatrième directive vécue par les organismes d indemnisation

3. Un crédit à la consommation responsable

Les moyens de financement mobilisables par les entreprises de la Plasturgie

COMMISSION BANCAIRE ET FINANCIERE

FICHE D IMPACT PROJET DE TEXTE REGLEMENTAIRE

COMMISSION EUROPEENNE

CONDITIONS GENERALES POUR LA LOCATION DE GRUES, LE GRUTAGE ET LE TRANSPORT. 1. Conditions générales

Étude d impact quantitative No 3 Risque de crédit - Instructions

Norme internationale d information financière 9 Instruments financiers

Conditions d achat. 2. Commandes et confirmations de commande. 3. Délais et dates de livraison. Pour l entreprise: Schunk Electrographite S.A.S.

Newsletter Copropriété L information juridique des syndics de copropriété

COMMISSION DES CLAUSES ABUSIVES AVIS SUR LES CONDITIONS GENERALES DES CONTRATS DE LOCATION DE VEHICULES AUTOMOBILES

MARCHE N MARCHE A PROCEDURE ADAPTEE RELATIF AU NETTOYAGE DU GYMNASE D AMBLAINVILLE CAHIER DES CLAUSES TECHNIQUES PARTICULIERES CCTP

Manuel des directives - Indemnisation des dommages corporels 1. CHAMP D'APPLICATION

26 e CONFÉRENCE DES MINISTRES EUROPÉENS DE LA JUSTICE

FICHE D IMPACT PROJET DE TEXTE REGLEMENTAIRE

CONDITIONS GENERALES PRESTATIONS DE SERVICES

Cautionnements et garanties financières dans les marchés de travaux

CONDITIONS GENERALES D ACHAT

2.3. Toute modification ou tout complément apporté au contrat nécessite impérativement un accord préalable écrit entre les deux parties.

Transcription:

Délais et retards de paiement : analyse et propositions de l UCM Mars 2013 RÉSUMÉ :... 2 NOTE INTÉGRALE :... 3 1. LIEN ENTRE RETARDS DE PAIEMENT ET FAILLITES :... 3 2. DÉLAIS DE PAIEMENT... 4 3. RETARDS DE PAIEMENT... 4 4. CADRE LÉGAL ACTUEL... 8 5. LA DIRECTIVE SUR LES RETARDS DE PAIEMENT... 9 6. PROPOSITIONS DE L UCM... 11 1

Situation RÉSUMÉ : Les délais de paiement excessifs ont un impact économique important : une faillite sur quatre pourrait être évitée si les factures étaient simplement réglées dans les délais 1. Actuellement, si l'on se base sur les chiffres de Graydon et d'intrium Justicia, moins de 35% des factures sont payées en retard. Le délai de paiement moyen est de 36 jours pour les paiements entre entreprises et particuliers (B-2-C), 54 jours entre entreprises (B-2-B) et de 73 jours entre entreprises et pouvoirs publics (B-2-G). On note néanmoins une amélioration des délais de paiement des pouvoirs publics au cours des derniers mois. Le régime légal en vigueur pour le moment consacre principalement la liberté contractuelle dans les délais de paiement et les intérêts de retards pour les relations B-2-B. Les délais sont néanmoins limités à 60 ou 50 jours pour le paiement des marchés publics. Cette législation devra être adoptée au plus tard le 16 mars 2013 pour transposer en droit belge une Directive européenne sur les retards de paiement qui impose essentiellement des délais de paiement plus stricts pour les pouvoirs publics (30 jours). Elle préconise aussi de limiter les délais de paiement entre entreprises à 60 jours maximum. Position La Directive sur les retards de paiement impose essentiellement des modifications dans les délais de paiement B-2-G. Il faut néanmoins profiter de cette occasion pour aller plus loin en appliquant les - Eviter un assouplissement des règles existantes dans certains secteurs : il existe des règles ou des pratiques plus contraignantes dans certains secteurs spécifiques, il faut les maintenir. A ce niveau, il est particulièrement important d éviter de prévoir des possibilités d allongement des délais de vérification qui doivent être clairement limité à 30 jours. - Renforcer le rôle d exemplarité des pouvoirs publics : aller plus loin que la Directive et prévoir des intérêts de retards doublés dans le cas de petits marchés publics et de retards supérieurs à 30 jours. Prévoir le paiement automatique des intérêts de retard par les pouvoirs publics. - Appliquer le principe «Think Small First» : appliquer des délais de paiement légaux en B-2- B de 60 et 30 jours lorsque le créancier est respectivement une PME ou une TPE en définissant tout délai plus long---- comme manifestement abusif dans la loi. - Mettre en place des règles claires et transparentes : il faut lever les ambigüités qui existent sur les clauses contractuelles relatives aux délais de paiement et intérêts de retard qui sont autorisées. Cela doit être précisé dans la loi ou par arrêtés royaux. - Assurer l application du cadre légal : la législation doit effectivement pouvoir être appliquée et les pouvoirs publics doivent donner aux organisations représentatives des PME les moyens d effectuer le cas échéant des recours collectifs contre certaines décisions. - Travailler également sur les paiements en B-2-C : les retards de paiement entre particuliers et entreprises se sont aggravés au cours des dernières années. La mise en place d une procédure d injonction sommaire de payer serait donc un élément à inclure dans la transposition de la Directive retards de paiement. 1 Intrium Justicia, l'european Payment Index (EPI),2012 2

NOTE INTÉGRALE : 1. Lien entre retards de paiement et faillites : Une analyse menée par Graydon et la KU Leuven 2 montre que les retards de paiements sont une cause importante de faillites. Comme le montre le graphique ci-dessous, de 7 à 29% des faillites sont dues à des retards de paiement. 30% 25% 20% 15% 10% 05% 00% Retards de paiement comme cause principale des faillites (selon différents acteurs) 07% 16% 29% 19% 11% 12% 10% 10% Franstalige Nederlandstalige Totaal 22% Curatoren Rechters in handelszaken Gefailleerde bedrijfsleiders Source : Graydon, Het bedrijf in moeilijkheden voorbij. Or, comme le montre le graphique ci-dessous, le taux de faillite a augmenté de manière constante en Belgique entre 2007 et 2011. En 2012, la situation a continué à s aggraver au niveau belge mais elle s est stabilisée voire légèrement améliorée à Bruxelles et en Wallonie.,03000,02500,02000,01500,01000,00500,000 Evolution du taux de faillite 2007-2012 003% 003% 002% 002% 002% 002% 001% 001% 001% 001% 001% 001% 001% 001% 001% 001% 001% 001% 2007 2008 2009 2010 2011 2012 Belgique : Wallonie : Bruxelles : Source : SFP Economie- Calcul service d études de l UCM 2 Graydon, Het bedrijf in moeilijkheden voorbij, disponible à l adresse : http://www.graydon.be/pictures/medialib/docs/het_bedrijf_in_moeilijkheden_voorbij.zip 3

2. Délais de paiement 2.1. Délais de paiement en général Le délai de paiement moyen effectif des factures atteint 54 jours selon selon l'european Payment Index (EPI), une enquête annuelle conduite par Intrum Justitia 3. Délais de paiement moyen en 2012 B-2-C B-2-B B-2-G Délai contractuel moyen BE 20 35 45 Délai effectif moyen BE 36 54 73 Délai effectif moyen UE 38 52 65 Source : Intrum Justitia, European Payment Index (EPI) 2012 Par rapport à la moyenne européenne, la Belgique se situe légèrement en dessous de la moyenne européenne concernant les paiements entre particuliers et entreprises (B-2-C). Pour les paiements entre entreprises et pouvoirs publics par contre, la Belgique se situe légèrement au-dessus de la moyenne européenne. On constate donc que les délais contractuels moyens actuels en Belgique sont supérieurs au délai de 30 jours auxquels il est fait référence dans la Directive sur les retards de paiement. 2.2. Délais de paiement pour les pouvoirs publics Ces mêmes chiffres montrent que les délais de paiement des pouvoirs publics sont plus importants en Belgique que ceux des entreprises. Cette différence est répandue au niveau européen mais semble plus prononcée au niveau belge. Au niveau du SPW (Service Public de Wallonie), même si des disparités existent entre les différents niveaux de pouvoirs (cfr points suivants), les délais s améliorent mais restent encore bien plus élevé que les 30 jours prévu dans la Directive 4 : Délais de paiement - SPW < 5500 > 5500 2010 56 113 2011 39 78 2012 31 65 3. Retards de paiement 3.1. Situation actuelle : L indice de paiement du bureau Graydon 5 permet d avoir une vue objective de la situation concernant les retards de paiement. 3 http://www.intrum.com/be 4 CRIC, Commission des affaires générales, de la simplification administrative, des fonds européens et des relations internationales, Lundi 23 janvier 2012 4

Le graphique ci-dessous 6 résume le niveau des retards de paiement (par rapport aux délais fixés contractuellement) spécifiques au dernier trimestre 2012 (chiffres les plus récents). Seulement 65% des factures sont payées dans les délais. En Wallonie, plus de 4 factures sur 10 sont payées en retard. Ponctualité dans le paiement des factures entre entreprises selon les régions (en %) 70 60 50 40 30 65,51 34,49 59,71 40,29 65,12 34,88 Factures payée à temps Factures payées en retard 20 10 0 Bruxelles Wallonie Belgique Source : Graydon, De Graydon Betaalindex 4ste kwartaal 2012, janvier 2013. 3.2. Evolution L indice de paiement du bureau Graydon 7 permet d appréhender l évolution de la situation au cours des dernières années. On constate une amélioration nette de la situation de 2003 (année au cours de laquelle la législation relative aux délais de paiement est entrée en vigueur) à 2007 puis, une dégradation constante jusqu en 2011. On note cependant une légère amélioration en 2012. 5 Cet indice permet d appréhender les retards de paiement et non les délais de paiement qui sont fixés contractuellement. 6 Graydon, De Graydon Betaalindex 4ste kwartaal 2012, janvier 2013. 7 Cet indice permet d appréhender les retards de paiement et non les délais de paiement qui sont fixés contractuellement. 5

Source : Graydon, De Graydon Betaalindex 4ste kwartaal 2012, janvier 2013. Si on examine la situation en ne prenant en compte que les retards de paiement à plus court terme, cette tendance se confirme sauf en Wallonie où les retards de paiement ont augmenté significativement au cours du dernier trimestre. 44 42 Evolution comparée de la part des factures payées en retard Parts relatives (%) 40 38 36 34 32 30 4T2010 1T2011 2T2011 3T2011 4T2011 1T2012 2T2012 3T2012 4T2012 Bruxelles Wallonie Belgique Source : Graydon, De Graydon Betaalindex 4ste kwartaal 2012, janvier 2013. Les impayés L analyse des délais de paiement réalisée grâce à l European Payment Index (EPI), montre la même tendance puisque le taux de pertes, soit le pourcentage de créances 6

irrécouvrables, a augmenté chaque année passant de 2,4% en 2008 à 2,7% en 2012. Cela représente d après Intrium Justicia une perte annuelle de 9,6 milliards d'euros ou 26,3 millions d'euros par jour. 2,75 2,7 2,65 2,6 2,55 2,5 2,45 2,4 2,35 2,3 2,25 Taux de perte 2008 2009 2010 2011 2012 Source : Intrum Justitia, European Payment Index (EPI) 2012 3.3. Retards de paiement des pouvoirs publics Comme pour les délais de paiement, on constate que les pouvoirs publics affichent un niveau de retard moyen plus élevé que dans le cas de paiement entre entreprises 8. On constate néanmoins, une évolution positive pour les retards de paiement entre entreprises et pouvoirs publics. qui tendent à diminuer alors que les retards de paiement entre entreprises et particuliers (B-2-C) tendent à augmenter. Retards de paiement moyen en Belgique : B-2-C B-2-B B-2-G 2009 12 17 31 2010 12 17 31 2011 16 15 27 2012 16 19 28 Les données du baromètre de Graydon permettent d identifier encore plus finement les différences entre les niveaux de pouvoir et de nuancer le constat posé en partant des données d Intrium Justicia. Selon les données de Graydon, on constate que les pouvoirs publics payent généralement plus souvent leurs factures à temps. Ce constat est valable pour les services publics fédéraux, les régions et les provinces mais pas pour les communes. 8 Intrium Justicia. European Payment Index (EPI) 2012. 7

Alors que les pouvoirs publics régionaux et les provinces affichent globalement d assez bonnes performances, c est essentiellement au niveau des communes qu un effort conséquent doit être réalisé. Part de factures payées à temps (en %) 100 86 92 80 65,2 71 62 60 40 20 0 B to B (Belgique) Fédéral Régions Provinces Communes Paiement des intérêts de retards Selon une étude menée par la confédération de la construction, dans 90% des cas de retards de paiement, l'administration ne procède pas automatiquement et sans intervention de l'entrepreneur au paiement des intérêts de retard, malgré le fait qu'ils sont bien prescrits par la réglementation en matière de paiement des marchés publics. Ce n'est que seulement dans environ 6% des cas, soit 1 sur 17, que des intérêts sont automatiquement payés et donc que la réglementation est intégralement appliquée par l adjudicateur public. 4. Cadre légal actuel Actuellement, les délais de paiement entre entreprises (B-2-B) et entre entreprises et pouvoirs publics (B-2-G) sont encadrés par la loi du 2/08/2002 9 qui transposait la précédente Directive européenne sur les retards de paiement. Celle-ci est complétée par des dispositions spécifiques relatives aux marchés publics. Liberté contractuelle «encadrée» de fixer le délai de paiement : Les parties restent libres de convenir du délai dans lequel le paiement doit être effectué. Elles peuvent également convenir que le défaut de paiement à l échéance donne lieu au paiement d intérêts de retard mais rien ne les y oblige. Néanmoins, cette liberté est une liberté surveillée puisque le juge peut casser une clause qui constituerait selon lui un abus manifeste à l égard du créancier. Cette notion d abus manifeste est laissée à l appréciation du juge. (Art 7) 9 2 Aout 2002. Loi concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales 8

Délai standard en l absence de dispositions contractuelles spécifiques : En l absence de dispositions contraires, tout paiement doit être effectué dans un délai de 30 jours, ce délai court à dater de (art 4) : o la réception de la facture ou d une demande de paiement équivalente. o la réception des marchandises ou de la prestation de services si la facture est émise préalablement. o la vérification de la conformité des marchandises ou des services si la loi ou le contrat prévoit une telle procédure et si la facture est émise avant la vérification. Intérêts en cas de retard de paiement : L absence de paiement, dans les délais fixé contractuellement ou après un délai de 30 jours en l absence de dispositions contractuelles relatives au délai de paiement, donne lieu au paiement d intérêts de retard légaux (taux directeur de la BCE majoré de sept points de pourcentage) soit actuellement environ 8%. (Art 5) Règles spécifiques aux marchés publics : Les principes ci-dessus s appliquent aux marchés publics portant sur un montant inférieur à 5.500 (procédure non formalisée) sur lesquels le cahier des charges général 10 ne s applique pas. Pour les marchés publics d un montant supérieur à 5.500, l article 16 du cahier général des charges est d'application. Le délai est de 60 jours calendrier à compter de la réception de la déclaration de créance pour les marchés de travaux et de 50 jours calendrier pour les marchés de fournitures (à compter de la date où les formalités de réception sont terminées) et pour les marchés de services (à compter de la réception de la déclaration de créance). En cas de dépassement de ces délais, l'adjudicataire a droit au paiement d intérêts (fixés au taux directeur de la BCE, majoré de sept points de pourcentage). 5. La Directive sur les retards de paiement La nouvelle Directive européenne sur les retards de paiement 11 doit être transposée dans la législation belge le 16 mars 2013 au plus tard. Néanmoins cette Directive laisse une assez grande latitude aux Etats membres quant aux modalités de transposition. Champs d application : Cette Directive concerne aussi bien les transactions commerciales entre entreprises que les transactions commerciales entre pouvoirs publics et entreprises, on peut donc s attendre à un lobby des différents pouvoirs publics concernés (provinces, communes, régions ) concernant cette Directive. Délais de paiement dans les transactions commerciales entre entreprises : 10 26 Septembre 1996. - Cahier général des charges des marchés publics de travaux, de fournitures et de services et des concessions de travaux publics. 11 Directive 2011/7/ concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales. 9

En l absence de disposition contractuelle contraire, la Directive prévoit que le délai de paiement est de 30 jours civils ce qui n est pas différent de la situation actuelle (art 3). La Directive (Art 3 - al4) stipule néanmoins que les Etats membres veillent à ce que les délais n excèdent pas 60 jours civils sauf s il en est stipulé autrement par contrat et que cela ne constitue pas un abus manifeste à l égard du créancier. Cela ne signifie donc pas clairement qu il faut limiter les délais de paiement à 60 jours mais qu il est possible pour les Etats membres de prévoir un principe général de limitation à 60 jours assorti d exceptions possibles dans certains cas. La notion d abus manifeste à l égard du créancier, qui est déjà présente dans la législation existante est donc centrale dans l application de la Directive. Celle-ci est précisée à l art 7 : - Un écart par rapport aux bonnes pratiques et usages commerciaux - La nature du produit ou du service - Des raisons objectives d'y déroger dans le chef du débiteur La Directive ne détermine pas quelles clauses sont réputées constituer un abus manifeste à l égard du créancier. Elle laisse donc la possibilité à chaque état membre de préciser cette notion en fonction de considérations liées aux pratiques du pays, aux secteurs et à la situation du débiteur (s il est endetté par exemple!) Délais de paiement dans les transactions commerciales entre entreprises et pouvoirs publics : La Directive est plus contraignante au niveau des délais de paiement des pouvoirs publics : ceux-ci sont limités à 30 jours civils sauf pour certaines entités publiques (hôpitaux et autres entités publiques dispensant des soins et entreprises publiques 12 ) pour lesquelles les délais peuvent être portés à 60 jours civils. Procédure de vérification : De même la procédure de vérification ou d acceptation de la marchandise ne peut excéder 30 jours civils sauf si ceci constitue un abus manifeste à l égard du créancier. Ceci est valable pour les transactions commerciales entre entreprises (Art 3 4) mais également entre entreprises et pouvoirs publics (Art 4 3-a). Intérêts pour retards de paiement : A l issue du délai fixé légalement ou contractuellement, la partie défaillante est redevable d intérêts de retard. Ces intérêts sont fixés contractuellement à condition de ne pas constituer un abus manifeste à l égard du créancier (Art 7). Si aucun montant n est prévu contractuellement ou lorsqu il s agit de retard de paiement dans le cadre de transactions commerciales entre entreprises et pouvoirs publics, ils sont fixés à un taux spécifique (taux directeur de la BCE majoré de sept points de pourcentage) soit actuellement environ 8 % (Art 2-6 ). 12 Entreprises couvertes par la DIRECTIVE 2006/111/CE soit des entreprises où les pouvoirs publics : détiennent la majorité du capital souscrit de l entreprise ; ou disposent de la majorité des voix attachées aux parts émises par l entreprise ; ou peuvent désigner plus de la moitié des membres de l organe d administration, de direction ou de surveillance de l entreprise; 10

Toute clause qui exclut le paiement d intérêts de retard ou l indemnisation des frais de recouvrement est réputée manifestement abusive (Art 7 3). Néanmoins, la Directive ne stipule pas explicitement que les taux fixés contractuellement doivent être égaux aux taux légaux (Art 3 1). Indemnisation en cas de retards de paiement ou de clause abusive Un retard de paiement, même d'un jour, entraine le paiement d un forfait de 40 sans qu un rappel soit nécessaire. De plus, la Directive prévoit que le créancier est également en droit de recevoir une indemnité complémentaire à ce forfait qui peut comprendre les dépenses effectuées pour faire appel à un avocat ou à une société de recouvrement. L Article 7 stipule également, que lorsqu une clause est considérée comme manifestement abusive, elle devient caduque ou donne lieu à une réparation. Possibilités de recours collectifs : La Directive prévoit la possibilité pour des organisations reconnues comme l UCM de saisir les juridictions ou les administrations compétentes au motif que les clauses contractuelles ou les pratiques sont manifestement abusives. Procédures de recouvrement des créances contestées : La Directive prévoit que les Etats membres mettent en place une procédure permettant d obtenir un titre exécutoire dans les 90 jours pour obtenir le paiement d une créance non contestée. En Belgique, une «procédure sommaire d'injonction de payer» (article 1338 et suivants du Code judiciaire) existe et met cette demande en œuvre. 6. Propositions de l UCM La Directive laisse une grande latitude aux Etats membres dans la définition de certains éléments : délais de paiement, définition de la notion d abus manifeste à l égard du créancier.. La transposition de cette Directive constitue dès lors un enjeu pour les entreprises et n est pas neutre politiquement. Les principaux points suivants doivent être soulignés : 6.1. Eviter un assouplissement des règles existantes dans certains secteurs : Il ne faut pas que la transposition aboutisse à un assouplissement de la législation actuelle en permettant des délais de paiement de 60 jours non révocables par un juge même s'ils constituent un abus manifeste à l égard du créancier. - La Directive devrait prévoir un délai de paiement de 30 jours maximum pour le paiement de factures. Un délai plus long pourrait être prévu si ceci ne constitue pas un abus manifeste tel que prévu à l article 7 de la Directive. - Pour certains secteurs, des dispositions spécifiques plus contraignantes existent comme pour le secteur des produits frais; il est nécessaire de les maintenir et de s assurer que la loi transposant la Directive ne les fragilise pas mais les renforce. 11

6.2. Appliquer le principe «Think Small First» avec des délais plus courts pour les TPE : La notion d abus manifeste à l égard du créancier n est pas définie clairement dans la Directive. Cette notion est centrale dans le texte puisqu en l absence d abus manifeste, il est possible de déroger à quasiment toutes les dispositions de la Directive Or, en l absence de dispositions contraires, il serait de la responsabilité du créancier de prouver l existence d un abus manifeste devant le juge, qui pourra le cas échéant casser la clause incriminée. Cela désavantage «de facto» les plus petites structures et les indépendants. - Considérer toute clause fixant un délai de paiement imposée à une PME de plus de 60 jours comme «manifestement abusive». - Considérer toute clause fixant un délai de paiement imposée à une TPE de plus de 30 jours comme «manifestement abusive». - Considérer toute clause fixant un délai de plus de 30 jours pour les délais de vérification, d acceptation et contrôle des factures comme «manifestement abusive» et de 15 jours pour les paiements portant sur un montant inférieur à 5.500 et dont le bénéficiaire est une TPE 13. - Autoriser des exceptions sectorielles. Ces exemptions doivent porter sur des délais plus longs mais également plus courts. Une manière de procéder serait d autoriser des délais différents si les commissions sectorielles du CSIPME ont émis un avis considérant qu un autre délai était plus en phase avec les bonnes pratiques du secteur (tel que défini à l Article 7 - a). 6.3. Mettre en place des règles transparentes et surtout bien appliquées : Si une certaine flexibilité doit pouvoir être mise en œuvre afin d adapter les règles aux différents secteurs, il ne faut pas que ceci entraine une prolifération de règles différentes qui ne seraient pas mises en œuvre concrètement. - Définir clairement par arrêté royal les différentes clauses contractuelles qui sont considérées comme manifestement abusives (plusieurs propositions figurent dans le présent document) afin d assurer une sécurité juridique optimale. - Préciser l article 7 de la Directive en indiquant dans la loi que les clauses abusives n ont aucune valeur légale même s il y a réparation du dommage. - Préciser dans quelle fourchette les intérêts de retard définis contractuellement doivent se situer, en définissant un minimum et un maximum en dehors duquel la clause est considérée comme manifestement abusive. - Mettre en place un monitoring annuel des délais de paiement moyen des différentes administrations publiques et des entreprises via la création d un «observatoire des délais de paiement» lié au Cefip. 13 Il s agit de la majorité des factures et ce seuil provient de la législation sur les marchés publics 12

- Elargir les missions des médiateurs du crédit (au niveau fédéral et régional) afin de leur donner un rôle spécifique dans l appui, en concertation avec les organisations représentatives des PME, aux entreprises qui sont confrontées à des retards de paiement excessifs et des clauses contraires à la législation existante. - Octroyer aux organisations représentatives des PME des moyens suffisants afin d assurer la mise en œuvre effective de la législation. Ces moyens devraient leur permettre de saisir les juridictions ou les organisations administratives pour faire constater le caractère manifestement abusif de certaines clauses contractuelles et demander réparation. - Améliorer la procédure sommaire d'injonction de payer pour qu elle soit plus rapide et permette aux entreprises de récupérer les indemnités auxquelles elles ont droit en vertu de la Directive. 6.4. Renforcer le rôle d exemplarité des pouvoirs publics : Les pouvoirs publics doivent jouer un rôle d exemple en matière de délais de paiement, en particulier pour les petites entreprises qui invoquent la crainte d un paiement tardif comme une des causes majeures de leur faible participation aux marchés publics. De plus, une rapide comparaison montre que les délais des paiements moyens des administrations publiques sont plus grands que ceux pratiqués dans le secteur privé. Il faut donc prendre des mesures plus fortes dans ce secteur. Les délais de paiement pratiqués par les pouvoirs locaux (communes et provinces) sont parmi les plus longs, ils doivent donc faire l objet d une attention spécifique. - Prévoir des intérêts de retard plus importants (double, soit 16 points de pourcentage) pour les pouvoirs publics dans le cas où les factures sont d un montant supérieur à 5.500 et que l entreprises est une TPE. - Prévoir des intérêts de retard plus importants (double, soit 16 points de pourcentage) lorsque le retard de paiement excède 30 jours. - Prévoir que les intérêts de retard dû soient automatiquement payés sans qu une entreprise ait à les réclamer ou à effectuer des démarches particulières. - Comme l'on observe que c est au niveau des communes que les délais de paiement sont les plus longs, il faudrait que les autorités régionales qui ont la tutelle des pouvoirs locaux prévoient des modules d accompagnement à la mise en place de systèmes de monitoring et de réduction des délais de paiement. 6.5. Travailler également sur la question des paiements en B-2-C : - La Directive (article 10) porte également sur la mise en place d une procédure de recouvrement pour des créances non contestées. Ce type de procédure est d autant plus important que l analyse des chiffres montre que les retards de paiement moyen en B-2-C ont augmenté significativement depuis 2009. La mise en place rapide d une 13

procédure sommaire d injonction de payer telle que prévue par le plan PME est donc une nécessité. 14