Les entreprises et les consommateurs ont des intérêts convergents et sont liés par des rapports de complémentarité et non de conflictualité.

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Transcription:

Consommation

E

DITO Les entreprises et les consommateurs ont des intérêts convergents et sont liés par des rapports de complémentarité et non de conflictualité. L engagement des entreprises pour la satisfaction des consommateurs peut s analyser en une pyramide à trois étages dont aucun ne peut se substituer à l autre : la base est constituée par la qualité de l offre des produits et services et du contact élémentaire avec les consommateurs ; le deuxième étage repose sur les bonnes pratiques des services clients et consommateurs ; le troisième et dernier est constitué des modes alternatifs de règlement des litiges mis à la disposition des consommateurs par les professionnels de façon volontaire. La consommation est un facteur de la croissance économique, source de bien-être et témoin de l amélioration du niveau de vie et la création de valeur doit s opérer dans le cadre d une discipline comportementale. Le présent guide répond à ce dernier impératif. Il poursuit une démarche d information et de pédagogie à l égard des parties prenantes et des entreprises, dans le prolongement du guide pratique du MEDEF «Médiation et consommation», publié en mai 2009. Ce nouveau guide constitue un outil supplémentaire s inscrivant dans une série à venir de travaux d information et de sensibilisation engagés par la Commission Consommation du MEDEF. Eric Jourde Loïc Armand Président du Président de la Comité Droit de la consommation Commission Consommation Les clauses abusives dans les contrats de consommation - 3

S

OMMAIRE Pourquoi un guide pratique du MEDEF?...7 Fiche n 1 : la notion de clause abusive en droit français...8 Fiche n 2 : les listes de clauses noires et de clauses grises...14 Fiche n 3 : la Commission des clauses abusives...18 Fiche n 4 : les recommandations de rédaction d une clause...22 Fiche n 5 : les actions contre les clauses abusives : conséquences pour les entreprises...24 Annexes I Les dispositions du Code de la consommation visant les clauses abusives...28 II Liste des clauses abusives visées par le décret intégrant les exceptions...30 Remerciements...35 Les clauses abusives dans les contrats de consommation - 5

ntroduction Pourquoi un guide pratique du MEDEF sur les clauses abusives dans les contrats entre un professionnel et un consommateur? La lutte contre les clauses abusives dans les contrats entre professionnels et consommateurs a souvent cristallisé les débats en matière de protection des consommateurs. Dans ce domaine, les entreprises et les organisations professionnelles assument leurs responsabilités. La loi n 2008-776 de modernisation de l économie (LME) du 4 août 2008 a modifié le dispositif de lutte contre les clauses abusives. Son décret n 2009-302 du 18 mars 2009 fixant la liste des clauses abusives dans les contrats entre professionnels et consommateurs constitue un changement majeur de ce dispositif. Dans la continuité des progrès réalisés par les entreprises et compte tenu de l évolution récente du cadre juridique de lutte contre les clauses abusives, le MEDEF tient à jouer pleinement son rôle pour accompagner les entreprises dans l application de ce cadre législatif et réglementaire. Le présent guide pratique témoigne de cette démarche. Sa finalité est double : informer les entreprises sur les dernières modifications du dispositif de lutte contre les clauses abusives ; les accompagner dans une application optimale de celui-ci. Il est destiné : aux entreprises de toutes tailles et de tous secteurs, à l intention des dirigeants ou salariés amenés à élaborer des contrats à destination des consommateurs ; aux organisations professionnelles adhérentes du MEDEF, pour qu elles puissent reprendre, si elles le souhaitent, les travaux du MEDEF et y apporter un éclairage sectoriel. Les clauses abusives dans les contrats de consommation - 7

Fiche 1 GUIDE Pratique Consommation notion de clause abusive en droit français Que dit la loi? Article L. 132-1, alinéa 1er, du Code de la consommation : «Dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.» Que signifie la loi? Champ d application : relations entre «professionnels et non-professionnels ou consommateurs» - «consommateur» : personne physique qui agit en dehors du cadre de son activité professionnelle 1. - «non-professionnel» : aux yeux de la jurisprudence française, une personne morale non commerciale qui conclut un contrat sans «lien direct avec son activité». Pour les personnes morales, c est donc le «lien direct» qui sert de critère d application à la législation sur les clauses abusives. Mais cette notion n est pas clairement définie et les applications jurisprudentielles en France ne sont pas univoques. - «professionnel» : toute personne physique ou morale qui agit à des fins qui entrent dans le cadre de son activité, commerciale, industrielle, artisanale ou libérale. A noter qu en fonction de son activité, le professionnel peut avoir une qualification précise : vendeur, préteur 1) La notion de consommateur en France n est pas légalement définie et reste source d incertitude juridique. Au niveau communautaire, elle ne prête pas à confusion. En effet, selon certains textes et notamment la directive 93/13 (article 2, b) du 05 avril 1993 et la jurisprudence communautaire, seules les personnes physiques non professionnelles sont visées par les dispositions du droit de la consommation, c'est-à-dire agissant en dehors d une activité professionnelle. Sont non seulement exclues du champ d application de ce dernier les personnes physiques qui n agissent pas exclusivement, ou tout au moins essentiellement, dans 8 - Les clauses abusives dans les contrats de consommation

Ce dispositif de prohibition des clauses abusives n est pas applicable aux relations entre professionnels. Un arrêt de la Cour de cassation du 11 décembre 2008 rappelle en effet que les dispositions de l article L. 132-1 du Code de la consommation «ne s appliquent pas aux contrats de fournitures de biens ou de services conclus entre sociétés commerciales» 2. Ce dispositif ne s applique pas non plus lorsque qu une loi spéciale régit les clauses abusives dans un domaine particulier. Les contrats concernés La loi vise à englober un maximum de contrats pour assurer une meilleure protection des consommateurs. La forme et le support du contrat importent peu : papier, électronique. Sont notamment visés les «bons de commande, factures, bons de garantie, bordereaux ou bons de livraison, billets ou tickets» comportant des mentions décrivant ou faisant référence à des engagements / obligations du professionnel et/ou du consommateur ou non-professionnel - article L. 132-1 du Code de la consommation. A noter Dès lors qu un élément entre dans le champ contractuel, fût-ce par renvoi et quelle qu en soit la forme, il est susceptible de contenir une clause abusive si les conditions d une telle qualification sont remplies. Tout ce qui demeure extérieur au champ contractuel n entre pas dans la réglementation relative aux clauses abusives ; il en va ainsi de tous les documents publicitaires ou promotionnels remis au client (dès lors, bien entendu, qu il n y est pas renvoyé dans le contrat) ainsi que des pratiques commerciales qui font l objet de dispositions particulières. un but personnel mais aussi les personnes morales. La jurisprudence communautaire n a donc pas recours à la notion de «non-professionnel» pour étendre le champ d application du droit de la consommation à des personnes morales. Cette démarche a pour avantage de clarifier l application du droit de la consommation. 2) Cass. 1ère civ, 11 décembre 2008, n 07-18128. Les clauses abusives dans les contrats de consommation - 9

Fiche 1 notion de clause abusive en droit français GUIDE Pratique Consommation Il convient, toutefois, d être prudent en matière de renvoi à des documents extérieurs au contrat signé par le consommateur : l article R. 132-1 du Code de la consommation fait figurer parmi les clauses interdites celles ayant pour objet ou pour effet de «constater l adhésion du non-professionnel ou du consommateur à des clauses qui ne figurent pas dans l écrit qu il accepte ou qui sont reprises dans un autre document auquel il n est pas fait expressément référence lors de la conclusion du contrat et dont il n a pas eu connaissance avant sa conclusion» 3. Le critère de qualification d une clause abusive : «le déséquilibre significatif» : Le caractère abusif d une disposition contractuelle ne saurait porter sur la définition de l objet principal du contrat ni sur l adéquation du prix au bien ou au service qui en est la contrepartie. Le juge ne contrôle pas l équilibre économique des prestations réciproques. Le déséquilibre est apprécié de façon relativement large : il peut résulter des circonstances qui entourent la conclusion du contrat, de la combinaison de plusieurs clauses entre elles ou encore de l absence de réciprocité de certaines clauses. Le champ des clauses abusives demeure large et n est pas restreint aux modalités d exécution des obligations essentielles du contrat. Toutes les clauses d un contrat, notamment celles relatives au délai de paiement, aux modalités de paiement, à la responsabilité en cas d inexécution sont concernées. Il suffit que l une des clauses, seule ou au regard de l économie générale du contrat ou d autres clauses, rende la relation contractuelle significativement déséquilibrée au détriment du consommateur ou du non-professionnel. L absence de réciprocité est surtout prise en compte concernant les clauses octroyant une prérogative au professionnel sans prévoir de contrepartie pour le consommateur. Il ne s agit pas forcément du même droit qui doit être accordé à ce dernier, mais d une stipulation permettant d équilibrer la relation ou de contrebalancer le droit du professionnel. 3) Cf. fiche n 2 : Listes de clauses noires et de clauses grises. 10 - Les clauses abusives dans les contrats de consommation

Il est, par exemple, possible de prévoir une clause de modification du prix par le professionnel si le consommateur ou non-professionnel se voit attribuer le droit de résilier le contrat dans l hypothèse où la modification du prix ne lui convient pas. Enfin, lorsque l avantage accordé au professionnel est légitime ou justifié, le déséquilibre ne sera pas considéré comme significatif, par exemple : restriction des droits du consommateur pour parer à un risque important de fraude. A noter Une clause reprenant les dispositions légales applicables au contrat ne saurait en aucun cas être qualifiée d abusive. Par exemple, en matière de vente à distance : prévoir l exclusion du droit de rétractation lorsque le consommateur a donné son consentement exprès. Une notion de clauses abusives inspirée du droit communautaire Comme souvent en matière de protection des consommateurs, le droit français des clauses abusives résulte au moins partiellement du droit communautaire. La directive 93/13/CEE fixe les principes que les Etats membres ont l obligation d inscrire dans leur système juridique. La directive contient deux types de dispositions : certaines doivent être reprises dans la réglementation des Etats membres alors que, pour d autres, les Etats membres disposent d un pouvoir d appréciation pour les intégrer dans la réglementation nationale. En tout état de cause, il est possible aux Etats membres de prévoir des mécanismes de protection ayant un champ d application plus large. C est ainsi que la France applique les dispositions protectrices des consommateurs aux «non-professionnels» alors que cette notion est inconnue de la directive et que la Cour de justice des Communautés européennes a clairement affirmé que la directive n avait vo- Les clauses abusives dans les contrats de consommation - 11

Fiche 1 notion de clause abusive en droit français GUIDE Pratique Consommation cation à s appliquer qu aux consommateurs tels que définis par ce texte, c est-à-dire «toute personne physique qui [ ] agit à des fins qui n entrent pas dans le cadre de son activité professionnelle» 4. La directive donne une définition de ce qu il faut entendre par clause abusive : «une clause d un contrat n ayant pas fait l objet d une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat». Aujourd hui, le texte communautaire n énonce pas des clauses qui sont systématiquement regardées comme abusives (ce qui constituerait une «liste noire»), mais comporte une annexe qui «contient une liste indicative et non exhaustive de clauses qui peuvent être déclarées abusives». La Cour de justice des Communautés européennes a précisé que les Etats membres n ont pas l obligation d intégrer cette liste à leur législation nationale 5. Il convient de noter que le dispositif européen de lutte contre les clauses abusives est appelé à évoluer. En effet, la proposition de directive du 8 octobre 2008 sur les droits des consommateurs vise les clauses abusives (articles 30 et suivants). Cette proposition de directive reprend la définition de clauses abusives donnée dans la directive actuelle et rappelle certains principes notamment en termes d information du consommateur. Par ailleurs, tout comme le dispositif français aujourd hui, elle fixe des listes de clauses noires et de clauses grises. Cette proposition de directive, qui est d harmonisation maximale, est en cours de discussion à Bruxelles. Si la partie relative aux clauses abusives est maintenue dans ce texte, elle entraînera très certainement une modification des clauses noires et grises visées dans le dispositif français. 4) CJCE, Affaire C-541/99 et C-542/99, 22 novembre 2009. 5) CJCE, Affaire C-478/99, 7 mai 2002. 12 - Les clauses abusives dans les contrats de consommation

Fiche 2 GUIDE Pratique Consommation Listes de clauses noires et de clauses grises Après avoir énoncé la définition théorique d une clause abusive, le Code de la consommation, s inspirant de la méthode utilisée au niveau communautaire, renvoie à un décret qui fixe deux listes de clauses réputées abusives correspondant à deux degrés différents de présomption. Ce décret du 18 mars 2009 est applicable aux contrats conclus à compter de son entrée en vigueur, soit le 20 mars 2009. En principe, les tribunaux peuvent déclarer abusive une clause qui n est pas mentionnée par ce texte. Cependant, compte tenu du nombre important de clauses visées, cette hypothèse devrait être rare en pratique. La liste noire 6 : les clauses interdites Sont dites «noires» les clauses réputées abusives de manière irréfragable. Elles sont, dès lors, interdites. L article R. 132-1 du Code de la consommation dresse la liste de ces clauses noires. Elles sont au nombre de douze. Que signifie «de manière irréfragable» ou «irréfragablement» présumées abusives? Cela signifie que lorsqu un juge sera confronté à ce type de clauses, il devra considérer la clause en question comme abusive et il sera donc impossible pour le professionnel de démontrer qu elle ne l est pas : aucune preuve contraire ne sera admise. Quelles en sont les conséquences? Si la clause est reconnue comme l une des douze de l article R. 132-1 du Code de la consommation, le juge décidera nécessairement qu elle est abusive. 6) La liste des clauses irréfragablement présumées abusives de l article R. 132-1 du Code de la consommation figure à l annexe II. 14 - Les clauses abusives dans les contrats de consommation

Il appliquera, en conséquence, la sanction légale des clauses abusives : elle sera réputée non écrite ; c est pourquoi le texte ajoute que ces clauses sont «dès lors interdites». Une clause «réputée non écrite» signifie qu elle n est pas applicable. En revanche, l ensemble des autres droits et obligations découlant du contrat concerné sont maintenus s ils peuvent subsister sans ladite clause. Ces clauses sont donc juridiquement inefficaces et de nature à nuire à l image de l entreprise. La liste grise 7 : les clauses suspectes Les clauses grises ne sont pas interdites mais «présumées abusives». L article R. 132-2 du Code de la consommation dresse la liste de ces clauses grises. Elles sont au nombre de dix. Quelle est la portée de la présomption? Les clauses énoncées à l article R. 132-2 du Code de la consommation seront regardées a priori comme abusives par le juge. A noter Cet article instaure un renversement de la charge de la preuve. Pour les contrats conclus avant le 20 mars 2009, en cas de contentieux portant sur une clause dite grise, c est au consommateur de démontrer le caractère abusif de la clause. Pour les contrats conclus à partir du 20 mars 2009, c est désormais au professionnel de rapporter la preuve du caractère non abusif de la clause 8 : il lui revient de démontrer au juge que la clause n est pas abusive. Quelles sont les conséquences de cette qualification? L insertion d une clause dite «grise» dans un contrat conclu avec un non-professionnel ou un consommateur n est pas impossible. Contrairement aux clauses «noires» de l article R. 132-1, elles ne sont pas «interdites» et le débat sur leur qualification reste ouvert devant le juge. 7) La liste des clauses présumées abusives de l article R. 132-2 du Code de la consommation figure à l annexe II. 8) A noter que certains plaident pour une application rétroactive de cette disposition. Dans cette hypothèse, pour les contrats conclus avant le 20 mars 2009, ce serait également aux professionnels d apporter la preuve du caractère non abusif de la clause. Les clauses abusives dans les contrats de consommation - 15

Fiche 2 Listes de clauses noires et de clauses grises GUIDE Pratique Consommation Cela suppose, néanmoins, une réflexion préalable sur la réelle utilité de cette clause, sur l existence d une contrepartie pour le consommateur et sur l amélioration du service attendue par le client. Pour que l une des clauses mentionnées à l article R. 132-2 du Code de la consommation ne soit pas considérée comme abusive par le juge, il conviendra pour le professionnel de démontrer, dans les circonstances particulières de conclusion d un type de contrat : que la clause ne rend pas ce contrat déséquilibré, par exemple du fait d une autre clause avantageuse pour le consommateur, ou que le déséquilibre créé par la clause ne peut être qualifié de significatif au regard de l économie générale du contrat. La preuve du caractère non abusif d une clause peut être difficile à apporter. Elle nécessite de justifier de circonstances particulières propres à légitimer ladite clause. Les dérogations définies à l article R. 132-2-1 Outre des dérogations spécifiques au secteur financier, l article R. 132-2-1 du Code de la consommation prévoit, par exception aux règles décrites ci-dessus, que deux types de clauses ne peuvent être considérées comme abusives : celles permettant, dans un contrat à durée indéterminée, au professionnel de modifier unilatéralement le prix si le consommateur en est averti dans un délai raisonnable lui permettant, le cas échéant, de résilier le contrat 9, celles permettant au professionnel de modifier unilatéralement le contrat pour tenir compte des évolutions techniques dès lors qu il n en résulte ni augmentation de prix ni altération de la qualité et que les caractéristiques déterminantes du consentement du consommateur ne sont pas altérées. 9) A noter que certains considèrent que dans un contrat à durée déterminée ou dans un contrat à exécution instantanée comme une vente, le prix est intangible: le modifier, même en offrant une faculté de résiliation, revient à permettre au professionnel de revenir sur son engagement ferme et définitif, ce qui pourrait être abusif. Cette clause tomberait sous le coup de l'art. R. 132-1, 3 du Code de la consommation (clause noire et donc jamais «rachetable» par une quelconque compensation). 16 - Les clauses abusives dans les contrats de consommation

Les clauses abusives dans les contrats de consommation - 17

Fiche 3 GUIDE Pratique Consommation La Commission des clauses abusives La Commission des clauses abusives (CCA) a été constituée en 1978. Elle est placée auprès du ministre chargé de la consommation, et est composée de magistrats, d universitaires, de représentants des consommateurs et de représentants des professionnels 10. Outre ses missions relatives aux clauses abusives, la CCA constitue un lieu d échanges entre parties prenantes. Après 30 ans d exercice, la CCA, dans son fonctionnement actuel, a démontré tout l intérêt du dialogue entre professionnels et consommateurs dans ce domaine qui peut se révéler sensible. Quelles sont ses activités? La Commission des clauses abusives a quatre activités principales : - la recherche de clauses abusives dans les modèles de contrats habituellement proposés aux consommateurs et non-professionnels ; - la rédaction de recommandations tendant à obtenir la suppression ou la modification des clauses qu elle considère comme abusives ; - la consultation sur les décrets relatifs à l interdiction, la limitation ou la réglementation de certaines clauses ; - la fourniture d'avis à des juridictions sur le caractère abusif de clauses dans un contrat en cause dans un litige. Qui peut la saisir? Plusieurs acteurs peuvent saisir la Commission des clauses abusives de demandes différentes : 10) A la suite des Assises de la consommation qui se sont tenues le 26 octobre 2009, Hervé Novelli, Secrétaire d Etat chargé de la consommation, a annoncé la réforme des institutions chargées de la consommation. A ce titre, la Commission des Clauses Abusives pourrait évoluer vers un rapprochement auprès de l Institution National de la Consommation dans le courant de l année 2010. 18 - Les clauses abusives dans les contrats de consommation

- le ministre en charge de la consommation peut saisir la CCA pour consultation sur les décrets relatifs aux clauses abusives ; - les associations agréées de consommateurs ainsi que les professionnels concernés peuvent la saisir pour lui soumettre des modèles de conventions habituellement proposés par les professionnels à leurs cocontractants non professionnels ; - la Commission peut également s autosaisir notamment pour procéder à la vérification des contrats d un secteur particulier 11. - un tribunal pour avis. Les consommateurs ne peuvent pas saisir la Commission des clauses abusives. Cette dernière précise que «la loi ne donnant pas à la Commission le pouvoir de régler des situations individuelles, il ne lui est pas possible d intervenir dans un litige». Cependant, elle souligne que le secrétariat général de la Commission a adressé en 2008 plus de 300 courriers de réponses à des consommateurs, souvent accompagnés, à titre d information, des références des recommandations, avis ou décisions jurisprudentielles utiles à la solution du différend. En outre, il semble que la Commission utilise les questions individuelles des consommateurs comme un indicateur. Le rapport annuel de l année 2008 énonce de manière significative que «même si la loi ne permet pas à la Commission de rendre un avis sur un contrat particulier, celle-ci peut, saisie d une ou plusieurs clauses litigieuses, étendre son étude à l ensemble des contrats du secteur professionnel concerné». Quels sont les pouvoirs de la Commission des clauses abusives? Elle peut demander aux agents de la DGCCRF de procéder à la collecte des modèles de contrats proposés dans un secteur déterminé. 11) Dans ce cadre, la Commission a examiné au cours de l année 2008 les contrats de fournitures de voyage proposés sur internet, les contrats proposés par certains établissements hébergeant des personnes âgées et les contrats de transport terrestre de voyageurs. Les clauses abusives dans les contrats de consommation - 19

Fiche 3 La Commission des clauses abusives GUIDE Pratique Consommation A la suite de cette collecte, un rapporteur rédige un pré-rapport qui est examiné en formation plénière. Un texte est ensuite rédigé sur lequel les professionnels du secteur sont appelés à se prononcer. Enfin, un projet de recommandation est transmis au ministre qui décide de sa publication ou non. Quelle est la valeur juridique d une recommandation? Les recommandations de la CCA n ont pas un caractère obligatoire 12. Elles ne lient pas le juge qui reste libre de considérer qu une clause est abusive ou non en fonction des éléments de preuve qui lui sont apportés par les parties. En revanche, les tribunaux se réfèrent souvent aux recommandations. Les recommandations de la CCA constituent un outil utile mis à la disposition non seulement du juge, mais aussi des professionnels qui peuvent s y référer lors de l élaboration de leurs contrats. 12) En conséquence, les recommandations ne sont pas génératrices de règles dont la méconnaissance ouvre la voie de la cassation (Civ. 1ère, 13 nov. 1996) et elles ne constituent pas des décisions administratives susceptibles de faire l objet d un recours pour excès de pouvoir (CE, 16 janvier 2006). 20 - Les clauses abusives dans les contrats de consommation

Les clauses abusives dans les contrats de consommation - 21

Fiche 4 GUIDE Pratique Consommation Recommandations de rédaction d une clause 13 Quelques conseils pour éviter d élaborer une clause abusive S assurer que la clause ne figure pas dans le décret du 18 mars 2009 listant les clauses noires. Si elle y figure, vous ne devez pas la retenir, sauf si une disposition légale propre à votre secteur a validé une telle clause. S assurer que la clause ne figure pas dans le décret du 18 mars 2009 listant les clauses grises 14. Si elle y figure, il est préférable d éviter de retenir une telle clause, sauf si vous êtes en mesure de prouver qu elle ne crée pas de déséquilibre significatif au détriment du consommateur. S assurer que la clause n a pas déjà été jugée abusive par des tribunaux. Dans ce cas, il convient de ne pas la reprendre ou de supprimer le déséquilibre créé par cette clause. S assurer que la clause ne figure pas dans une recommandation de la Commission des clauses abusives. Si elle y figure, éviter de reproduire le déséquilibre créé par cette clause. Etre précis dans la rédaction de la clause en listant les cas ou hypothèses dans lesquels la clause s applique. Par exemple, il faut éviter la clause suivante qui est trop floue: «Un dépôt de garantie peut vous être demandé». Il est préférable de lister les cas dans lesquels le dépôt de garantie est effectivement demandé : «Un dépôt de garantie vous sera demandé en cas de mise à disposition du matériel X». 13) Ces recommandations sont présentées à titre indicatif et ne peuvent s inscrire dans la durée compte tenu des évolutions sociétales qui pourraient venir affecter l appréciation du caractère abusif d une clause. 14) C.f. : Annexe II. 22 - Les clauses abusives dans les contrats de consommation

Privilégier des clauses réciproques dans lesquelles professionnels et consommateurs ont les mêmes droits et obligations. Par exemple, il faut éviter la clause suivante : «Le professionnel pourra suspendre le contrat sans préavis et le consommateur moyennant un préavis d un mois». Il est préférable de «bilatéraliser» la clause et d écrire : «Le professionnel et le consommateur pourront suspendre le contrat moyennant un préavis d un mois dans les hypothèses suivantes :». Eviter d employer les termes que l on pourrait qualifier de «autoritaires» ou «discrétionnaires» qui tendent à démontrer que la clause génère un déséquilibre. Par exemple, il faut éviter la clause suivante : «Le professionnel se réserve le droit de suspendre le contrat sans préavis en cas d inexécution par le consommateur de l une quelconque de ses obligations». Il est préférable d écrire la clause suivante : «Le professionnel pourra suspendre (à la place de «se réserve le droit») le contrat après avoir alerté le client (à la place de «sans préavis») en cas d inexécution par ce dernier de son obligation de paiement (à la place de «l une quelconque de ses obligations»)». En respectant l ensemble de ces conseils, vous réduirez fortement le risque qu une clause soit considérée ou jugée abusive. Il faut aussi faire preuve de bon sens dans la rédaction de la clause. Les clauses abusives dans les contrats de consommation - 23

Fiche 5 GUIDE Pratique Consommation Les actions contre les clauses abusives : conséquences pour les entreprises Le recours exercé par un consommateur De quels moyens de réaction dispose-t-il? Le consommateur peut refuser d appliquer la clause et dénoncer son caractère abusif, en demande ou en défense, devant les juridictions. En outre, le consommateur peut saisir la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) s il estime que la clause dont il lui est demandé application est abusive. Quelle est la conséquence du recours exercé par le consommateur devant les juridictions? Dans les rapports entre le consommateur et le professionnel, si une clause est qualifiée d abusive, elle sera réputée non écrite. De cette manière, la relation contractuelle est maintenue, mais on fera comme si la clause en question n avait jamais été écrite, sauf si le contrat ne peut pas subsister sans cette clause. Généralement, les tribunaux considèrent que le consommateur voit son préjudice cesser avec la disparition de la clause. Malgré tout, le prononcé de condamnations à des dommages-intérêts est envisageable. A noter La loi de modernisation de l économie du 4 août 2008 a introduit la faculté pour le juge de soulever d office le caractère abusif d une clause. De plus, par un arrêt du 4 juin 2009, la Cour de justice des Communautés européennes a décidé que le juge national était tenu d examiner d office le caractère abusif d une clause contractuelle dès lors qu il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet (CJCE 4 juin 2009, C-243/08). 24 - Les clauses abusives dans les contrats de consommation