webphilo L'inconscient L homme est un être doté de conscience et cette conscience constitue une unité. Comme nous le dit Kant «le je pense doit pouvoir accompagner toutes mes représentations» (cf. fiche sur la conscience, citation n 3). Mais si Kant souligne qu il doit pouvoir le faire, cela implique peut-être qu il ne le fait pas nécessairement. Il se pourrait donc que des représentations échappent au «je pense», échappent à notre conscience. Or, elles peuvent y échapper de diverses manières : certains souvenirs, certaines pensées peuvent être actuellement absents de ma pensée consciente et revenir par un effort volontaire ; mais d autres peuvent échapper au pouvoir et à la maîtrise de la conscience, être, à proprement parler, inconscientes. Quelles sont alors les conséquences de l hypothèse de l inconscient sur la conception de l homme? Que se passe-t-il alors si le «je pense» ne parvient pas à accompagner toutes mes représentations? Voici comment répondre à ces questions à travers quatre citations de grands auteurs que vous pouvez apprendre et que nous vous expliquons : Citation n 1 : «Les hommes ont conscience de leurs désirs mais non des causes qui les déterminent à désirer» Spinoza Citation n 2 : «Une pensée vient quand elle veut et non quand je veux». Nietzsche Citation n 3 : «Le moi n est pas maître dans sa propre maison». Freud Citation n 4 : «L inconscient est une méprise sur le Moi, c est une idolâtrie du corps». Alain Vous pouvez également consulter plus de 10 000 sujets du bac expliqués et analysés sur le site www.webphilo.com www.webphilo.com L inconscient Page 1
Citation n 1 : «Les hommes ont conscience de leurs désirs mais non des causes qui les déterminent à désirer» Spinoza Cette citation de Spinoza aborde les questions de l illusion de la conscience et de l illusion de la liberté. Spinoza part ici d un constat : les hommes ont conscience de leurs désirs. En effet, nous avons conscience de ce que nous désirons quand ce désir se manifeste. Je peux avoir conscience de désirer boire, manger ou encore de désirer telle ou telle personne. Toutefois, il ne faut pas confondre le désir et ses causes, à savoir ce qui fait que nous désirons telle ou telle chose ou telle ou telle personne. Si nous avons conscience de nos désirs, nous ne savons ce qui fait que nous avons tel désir particulier. Je peux avoir entièrement conscience de désirer une personne, mais ce qui fait que je la désire m échappe. Je peux toujours me dire que je la désire parce que je la trouve belle ou séduisante. Mais pourquoi est-ce que je trouve cette personne particulière belle et séduisante? Tel est ce qui reste mystérieux. Faire le constat selon lequel la cause de nos désirs nous échappe, c est relever que, contrairement à ce que nous pouvons croire, nous n avons pas pleinement conscience de ce que nous sommes et de ce qui nous pousse à agir. Ainsi, nous tombons dans l illusion lorsque nous pensons que nous sommes la cause consciente de nos actes. Spinoza nous conduit donc ici à faire plusieurs déductions : 1 / Le libre arbitre est une illusion puisque la cause de nos actes nous échappe. En effet, croire au libre arbitre, c est penser que nous pouvons entièrement et consciemment nous déterminer (On peut penser ici à une critique possible de la liberté cartésienne); 2 / Il y a un au-delà de la conscience puisque nous n avons pas conscience des causes de nos désirs ; S agit-il pour autant de penser que nous ne sommes pas libres et par conséquent pas responsables, puisque les causes nous échappent? Spinoza va s attacher à montrer que la liberté ne résulte pas d un libre décret de la volonté mais, bien au contraire, d une connaissance des causes qui nous déterminent. Pour prendre un exemple simple dans le domaine de la nature et de l action, les lois de la pesanteur font que sur terre un objet plus lourd que l air tombe. Pourtant, une connaissance de ces lois peut nous conduire à faire voler un avion. Ceci ne consiste pas à changer les lois existantes, ce qui est impossible, mais à les connaître pour mieux les utiliser. Dans la même perspective, il ne s agit pas de simplement condamner un cleptomane pour la déviance de ses comportements, mais bien plutôt de comprendre ce qui le pousse à agir de la sorte. Ainsi, la liberté passe par la connaissance des causes et de la nécessité. Elle n est pas une liberté de la volonté qui elle est illusoire. Est-ce librement que nous désirons? Existe-t-il un écart entre ce que je suis et ce que j'ai conscience d'être? La conscience donne-t-elle l'illusion de la maîtrise? Suffit-il d'être conscient pour être maître de soi? www.webphilo.com L inconscient Page 2
Citation n 2 : «Une pensée vient quand elle veut et non quand je veux» Nietzsche Cette citation de Nietzsche peut d abord tout simplement relever d un constat de l expérience : il arrive que des pensées nous viennent à l esprit sans aucune décision de notre part ; de même, d ailleurs, elles peuvent nous échapper alors que nous voudrions nous en souvenir. Nous ne savons pas comment elles viennent et pourquoi elles viennent. Elles peuvent ainsi être provoquées par des événements extérieurs ou encore surgir à la suite d'une association d idées Ces constats peuvent nous conduire à penser que ce n est pas par une décision de notre volonté que nos pensées nous viennent. Nietzsche s oppose ici radicalement à Descartes qui, en nous disant «Je pense donc je suis», affirme que l acte de penser est l opération d un sujet («Je») qui pense. Or, nous pensons et réfléchissons toujours dans un milieu donné, dans un contexte déterminé, dans une époque précise. Nous pensons toujours dans le cadre d une pensée déjà construite et élaborée par ce que nous entendons, par les discours qui nous entourent. Il est donc peut-être totalement illusoire d affirmer que le «Je» est l auteur conscient de nos paroles et de nos volontés. Le langage que nous utilisons nous fait penser que le «Je» est sujet : quand nous disons «je pense», nous faisons du «Je» la source de nos pensées ; mais justement, cela ne fait que montrer que c est le langage, cadre dans lequel nous pensons, qui est la source de notre illusion. En d autres termes, la conscience n est que la surface d une vie plus profonde qui échappe à notre volonté. On ne devrait ainsi pas dire «Je pense», mais «Quelque chose pense en nous». C est pourquoi Nietzsche, comme Marx et Freud, sera qualifié par l histoire de la philosophie de philosophe du soupçon. Soupçonner, c est ici se méfier des apparences véhiculées par un discours. Cette critique opérée par Nietzsche de l illusion du moi et de la conscience a aussi des conséquences morales. En effet, l affirmation de l existence de la conscience morale consiste à dire que notre conscience est susceptible faire saisir immédiatement ce qui est bien et ce qui est mal. Mais c est ignorer alors que la conscience n est que la surface des choses, qu elle masque nos instincts, nos penchants, nos habitudes, nos expériences et c est pourquoi Nietzsche dans le Gai Savoir dit : «Nul n est plus que soi-même étranger à soi-même». Le soupçon est alors jeté sur l idée d une toute puissance du moi qui n est finalement qu une fiction du langage. Qui pense quand je dis "je pense"? La conscience doit-elle renoncer à tout comprendre? Que choisit-on? www.webphilo.com L inconscient Page 3
Citation n 3 : «Le moi n est pas maître dans sa propre maison» Freud Freud donne ici au moi la place qui est la sienne. Nous l avons vu, toute une tradition s est attachée à faire du moi, de la conscience, la source de nos pensées et de nos actes. En tant que tel, le moi était alors considéré comme ce qui régnait en maître en notre esprit. C est cette illusion que Freud va ici dénoncer et présenter comme la troisième blessure narcissique de l humanité. La première blessure est la découverte de l héliocentrisme : la terre, et en conséquence l homme, n est plus au centre de l univers. La deuxième apparaît avec la théorie des espèces de Darwin : l homme s inscrit dans une évolution parmi d autres êtres vivants. La troisième est la découverte de la psychanalyse conduisant à déposséder le moi de son illusion de maîtrise : la vie de l'esprit ne se réduit pas aux moments où nous pouvons être conscients de quelque chose ou de nous-mêmes. Il existe un certain nombre de pulsions, de tendances, de désirs ou de représentations qui sont refoulés et censurés, qui ne parviennent pas jusqu'à la conscience, en raison de la douleur ou de la déconvenue qu'ils provoqueraient s'ils étaient conscients. Cela viendrait heurter les interdits sociaux, religieux, familiaux, etc. D'où l'existence d'une force qui va opérer une censure. Tout ce qui aura été censuré restera inconscient et se manifestera sous forme de rêves, d'actes manqués, de lapsus, et de névroses. Freud s'attache ici à montrer l'illusion dans laquelle se trouve celui qui croit que le psychisme se réduit au conscient et qui refuse l'hypothèse d'un inconscient psychique. Le terme d inconscient n est pas alors réservé à ce qui n est pas actuellement conscient, mais à ce qui ne peut en aucun cas devenir conscient de soi-même. Ce renvoi vers un autre que la conscience n est pas alors sans poser problème. Affirmer l inconscient, c est admettre que le sujet ne maîtrise ni ses goûts, ni son comportement, ni ses pensées, ni ses paroles. Comment alors dans ces conditions parler de liberté, de responsabilité et de morale? La notion d'inconscient dépossède-t-elle l'homme de la maîtrise de lui même? L'hypothèse de l'inconscient implique-t-elle que la liberté ne soit plus qu'une illusion? La reconnaissance de l'inconscient nous délivre-t-elle de toute responsabilité? En quoi l'hypothèse de l'inconscient transforme-t-elle notre conception du monde? www.webphilo.com L inconscient Page 4
Citation n 4 : «L inconscient est une méprise sur le Moi, c est une idolâtrie du corps» Alain C est en outre pour les raisons évoquées plus haut qu Alain va opérer une critique de l idée d inconscient psychique. L hypothèse de l inconscient conduit à supposer qu un autre moi que je ne connais pas, ou que je connais mal, agit en moi, et à affirmer une influence démesurée du corps, en accordant une place prépondérante aux pulsions que Freud détermine comme étant d origine biologique. Alain récuse ainsi l approche de la psychanalyse qui consiste à détruire la notion de volonté pour y substituer quelque chose d étranger à l esprit. C est avant tout cette duplicité du moi qu il s agit de refuser, cette idée selon laquelle l inconscient serait un autre moi enfoui, caché et qui me déterminerait. Dans l'esprit d'alain, il ne s'agit pas de contester la réalité de l'inconscient : il y a de l'impensé en l'homme, mais cet inconscient n'a pas de réalité en soi. L'inconscient est un terme technique qui désigne un simple mécanisme du corps et non un mécanisme fondamental de l'esprit; il n'a rien à voir avec un autre Moi qui chercherait à me corrompre ou à me faire agir contre mon gré. Alain ne prétend pas ici que l homme est entièrement transparent à lui-même, mais il lui semble qu affirmer l'existence de l inconscient, c est refuser sa place à la volonté. Contrairement à Nietzsche, Alain affirme : «Je veux ce que je pense». Faire l hypothèse de l inconscient, c est nier le primat et la force de la volonté. Une telle attitude revient alors à excuser chacun en faisant appel aux pulsions, c est-à-dire au corps, ou au passé, à l histoire individuelle. Alain ne voit donc dans l inconscient qu une soumission aveugle à des idoles. Or, si l hypothèse de l inconscient reconnaît que la toute puissance du moi et de la volonté n est qu une illusion, elle ne conduit pas nécessairement à excuser tout comportement, toute attitude, à nier la liberté et la responsabilité de chacun. Alain s efforce ici de sauver la volonté et l autonomie du sujet, mais n est-ce pas déjà tout simplement nier toutes les situations nombreuses où nous ne pensons ni ce que nous voulons, ni ce que nous croyons vouloir? En outre, l hypothèse de l inconscient ne conduit peut-être pas nécessairement à nier toute liberté et toute responsabilité. Freud, dans «Une difficulté de la psychanalyse», nous dit ainsi : «Entre en toi-même, apprends à te connaître, alors tu comprendras pourquoi tu dois devenir malade, et tu éviteras peut-être de le devenir». La reconnaissance de l existence de l inconscient est alors peut-être le premier pas vers une libération. Peut-on invoquer l'inconscient sans ruiner la morale? L'inconscient est-il une excuse? La reconnaissance de l'inconscient nous délivre-t-elle de toute responsabilité? L'inconscient a-t-il de quoi nous faire peur? www.webphilo.com L inconscient Page 5
En s'interrogeant sur l inconscient, la réflexion rencontre... La liberté : si l hypothèse de l inconscient conduit à dire que nous ne maîtrisons ni nos goûts, ni nos envies, ni nos pensées, ni notre langage, en quel sens peut-on encore parler de liberté? Le devoir : si la notion d inconscient remet en cause notre liberté, le pouvoir que nous avons sur nous-mêmes, se pose alors le problème de notre responsabilité morale. En effet, faire notre devoir, est-ce suivre ce que notre raison nous dicte ou suivre les injonctions de notre surmoi, produit de notre histoire et de notre éducation? Peut-on alors encore parler d une universalité de la morale? L interprétation : en posant l hypothèse de l inconscient, Freud introduit du sens là où on n en percevait traditionnellement pas : dans le rêve, la rêverie, les incidents les plus quotidiens C est ainsi la production de ce sens, et non plus la conscience, qui définit globalement le psychique. Se pose alors le problème de la saisie d un sens caché et celui de son interprétation. Lexique : Analyse / synthèse analyse : sens mathématique : étude des relations de dépendance entre diverses grandeurs. Sens scientifique : décomposition d un tout en ses éléments. Sens épistémologique : méthode de connaissance qui procède par analyse au sens mathématique ou par analyse au sens scientifique. synthèse : sens usuel : réunion ou conciliation de thèses ou d opinions diverses, éventuellement opposées. Sens scientifique : reconstitution d un tout à partir de ses éléments. Sens épistémologique : opération intellectuelle qui va du simple au complexe. Kant, dans la Critique de la raison pure, distingue les connaissances analytiques et les connaissances synthétiques. La connaissance analytique est une connaissance des attributs et des propriétés d une réalité par le seul examen de son concept. Exemple : " un cercle est rond ". Le jugement synthétique, à l inverse, est une connaissance où ce qui est dit d une réalité suppose autre chose que l examen de son concept, et bien souvent une intuition empirique ou une expérience. Exemple : "l eau bout à 100 C ". www.webphilo.com L inconscient Page 6