De la nécessaire référence aux œuvres chorégraphiques Danse artistique et EPS Thierry Tribalat IA IPR Lille
Qu est-ce qu une œuvre?! Le qualificatif d œuvre d art n est attribué que sous certaines conditions d acceptation d un groupe social.! Une production artistique devient une œuvre d art que lorsqu elle est acceptée par un milieu d experts reconnus socialement comme compétents! Elle se définit donc selon les lieux et les époques! Le moyen-âge n est pas la renaissance, qui n est pas la société contemporaine.
Peindre ce à quoi l on croit EVOLUTION DES CONVENTIONS Peindre ce que l on voit Peindre ce que l on ressent Cimabue 13è siècle «la vierge aux anges» La flagellation du Christ par Pierro della Francesca, 1450s; National Gallery de Marches, Urbino, Italy. Compotier et cartes Georges braque début xxème siècle
CARACTERISTIQUES D UNE OEUVRE Chose matérielle fabriquée, existant objectivement et située (lieu) Reçue par l intermédiaire des sens Produit d une activité singulière dite artistique d un auteur. Elle peut survivre à l artiste, notion de permanence. Elle est l objet d une certaine publicité ( notion de public) Dialogue de la matière et de la forme À la fois auto-référencé (immanence) et ouverte ( transcendance). UNE DEFINITION QUI CEPENDANT ECHAPPE
QUAND Y A-T-IL OEUVRE - On perçoit une condensation de sens. Une puissance de la forme. - l expérience sensible de chacun est re-questionnée. - Ce re-questionnement s actualise par la mise en valeur de certaines propriétés de la matière travaillée. - il y a une rigueur dans l énonciation portant sur les modes opératoires et ou les techniques utilisées. - On ressent une cohérence interne forte et une tendance au partage collectif d une expérience singulière. - Elle provoque un impact sur celui ou celle qui la reçoit. - Elle ponctue, en introduisant une rupture, la période, l époque à laquelle elle se rattache.
L ART CONTEMPORAIN ET PAR CONSÉQUENT LA DANSE CONTEMPORAINE TRANSGRESSENT CES PRE SUPPOSES Transgression des conventions, des tabous, du politique Transgression de la signature ( signature Picasso, Ben), de l auteur ( devenant œuvre lui même), du site (land art) Transgression des matériaux (l acte comme art) Transgression de l idée du concept ( concept comme œuvre) Transgression de l effet ( expérience à vivre et non à regarder)
S y retrouver dans les œuvres ŒUVRES AUTOGRAPHIQUES! ŒUVRES MATÉRIELLES À OBJET UNIQUE comme une peinture, certaines sculptures.! ŒUVRES MATERIELLES A OBJETS MULTIPLES comme la sérigraphie, la photographie, cinéma. Idées artistiques Énonciation au travers d un objet Opérations techniques plastiques
ŒUVRES ALLOGRAPHIQUES Comme la musique, l architecture, la mode, le théâtre Idées artistique Constitutif/contingent Prescrit/non prescrit EXECUTION (DE) NOTATION Fidélité /liberté L œuvre de l art Gérard Genette seuil
LA DANSE UNE PARTICULARITE qui échappe à ces deux régimes (F.Pouillaude) Une définition de l oeuvre chorégraphique qui résiste, car il n y pas d objet survivant à l activité artistique du chorégraphe. «Question de la survie de l œuvre» Une œuvre qui se dissout dans l instant même de sa réalisation. «Question de la trace et du geste.» Une écriture de la danse mise en échec. «Question de la notation.» Une conservation patrimoniale difficile «Question de l archivage, de la conservation, de la mémoire» Une idéologie des arts qui n accorde de valeur qu aux arts de la trace. «question du politique et du philosophique à propos de la notion d œuvre chorégraphique D autres questions possibles.
Les enjeux de l accès aux oeuvres
LA CATASTROPHE DU SENSIBLE! Perte de participation à la production de symboles tant au plan scientifique ( théorèmes, concepts, idées ) qu artistique (savoir-faire, œuvres, mœurs ).! Externalisation de la mémoire ( disques durs, clé usb )! Une disparition de la présence ( mail, chat, sms)! Confiscation du savoir vivre donc du goût! Régression de l acte noétique au sensitif.! Valorisation de l immédiateté et de la vitesse.! EVOCATION, CORPS, MEMOIRE, PRESENCE, ETATS, Autant d expériences à vivre par la danse
LA PARTICIPATION SENSIBLE UN ENJEU POUR LA SOCIETE DE DEMAIN! LUTTER CONTRE LA MISERE SYMBOLIQUE redonner le pouvoir de créer, d être à l origine de participer à la production de symboles.! LUTTER CONTRE LA GESTICULATION redonner une importance au geste instaurateur! LUTTER CONTRE LE CONDITIONNEMENT ESTHÉTIQUE et la marchandisation du savoir vivre.! LUTTER CONTRE L ABUS D EXTERNALISATION MACHINIQUE qui prive l homme de présence, de mémoire, d imaginaire et de sensibilité.! LUTTER CONTRE UNE RATIONNALISATION EXCESSIVE DU MONDE. refaire la conquête de l inutile! LA DANSE COMME LIEU DE CONVERGENCE DE CES QUESTIONNEMENTS
POURQUOI LA DANSE? Un corps questionné UNE SOCIETE QUI BOULEVERSE SES RAPPORTS AU CORPS et qui réinterroge, l intimité, la sensibilité, la propriété, la singularité, le genre, la beauté UNE ECOLE QUI PEINE A LUI DONNER UNE VERITABLE PLACE, ex: socle commun. Survalorisation du scriptural et du rationnel. REDONNER AU CORPS SENSIBLE UNE PLACE DANS L EDUCATION LA PARTICIPATION SENSIBLE COMME FONDEMENT DE LA CONSTRUCTION DU LIEN SOCIAL
Accéder au patrimoine culturel en EPS! c est accéder «en acte», au travers d expériences multiples et variées, en développant une activité adaptative particulière et spécifique, à des objets de savoirs constitutifs et culturellement significatifs d une ou plusieurs APSA (Dhellemmes, 2004) dont la danse.! C est aussi, réaliser une appropriation critique de ces objets de savoirs.! C est développer une sensibilité, une intelligibilité dans l action.! C est construire avec autrui un environnement humain codifié dans lequel on se reconnaît.! C est enfin comprendre le sens, le contexte dans lequel les pratiques s exercent.
Accéder au patrimoine culturel en EPS! Se construire, créer, transmettre, s intégrer, sont des verbes d action qui doivent être au cœur d un projet culturel pour l école et l EPS, et cela ne peut se concevoir sans une relation forte aux œuvres emblématiques d hier et d aujourd hui qui caractérisent et fondent l humanité.! La notion d œuvre en EPS reste problématique, car les APSA ne sont pas des œuvres au sens strict.
ACCES AUX ŒUVRES POUR - Créer une relation sensible et intellectuelle avec l art. - Avoir un rapport de plaisir et d appropriation. - Se construire des clés de lecture et des références - Garder un souvenir précis au terme de la scolarité - Se construire un musée imaginaire et l enrichir. - Développer une envie de création et de production personnelle
DES QUESTIONS PERMANENTES Des questions ARTISTIQUES : Comment sont re-questionnés, au travers des matériaux utilisés, les présupposés d une expérience sensible et qui débouchent sur une œuvre? En quoi l œuvre produite révèle se requestionnement? Des questions CULTURELLES: Comment interroger les œuvres et les pratiques artistiques rencontrées pour se construire un savoir nuancé sur le patrimoine, son histoire? Questions TECHNIQUES: Quels sont les savoir-faire mobilisés par l artiste pour élever son niveaux d énonciation, se donner une rigueur artistique? Pina Bausch RAUSCHENBERG «RÉBUS»
LES ŒUVRES A LA FOIS PRINCIPE ET OBJET DE CONNAISSANCES Quelles questions je voudrais que les élèves se posent? Quelles démarches je voudrais que les élèves développent par eux-mêmes «CONSTRUIRE DES QUESTIONS ET LES FAIRE VIVRE EN ACTE COMME QUESTION» Bernard André Gaillot DES QUESTIONS SUR LES QUESTIONS DE L ARTISTE
REPRÉSENTATION DES ELEVES, PARFOIS.. «UNE ŒUVRE EST UNE MARCHANDISE» (problème des téléchargements illégaux). «LES ŒUVRES SONT RÉSERVÉES A UNE ELITE CULTIVEE ET FORTUNEE». «L ART EST AMERICAIN». «LE MUSEE, LE THEÂTRE C EST POUR LES VIEUX». «C EST MOCHE» une œuvre doit être belle (confusion avec une belle représentation d une chose laide) ou appartenir à mes codes esthétiques Etc JUGER SANS S ETONNER ET SE QUESTIONNER
Et pour les enseignants! REDUIRE L ŒUVRE A UN DOCUMENT ICONOGRAPHIQUE OU VIDÉOGRAPHIQUE SANS RECUL CRITIQUE.! LA QUALITE ESTHETIQUE N EST PAS LA GARANTIE D UNE VERITE HISTORIQUE, SOCIOLOGIQUE.! L HISTOIRE DES ARTS N EST PAS UN DIVERTISSEMENT, UNE RECRÉATION PARCE QU ON A BIEN TRAVAILLE AIILLEURS.! LIMITER L APPROCHE DES ŒUVRES AU RESSENTI ET SE PRIVER D UNE APPROCHE EXIGEANTE.! LE GOÛT S EDUQUE, EVITER D ALLER SPONTANEMENT VERS CE QUE L ON CONNAÎT! NE PAS INSTRUMENTALISER L ART AU SERVICE DE SA DISCIPLINE ET TOMBER DANS LE VERNIS CULTUREL. OSER AFFRONTER CE QUI DERANGE
ENSEIGNER À PARTIR DES OEUVRES
1 ENSEIGNER L ŒUVRE. Ici elle est posée comme objet d enseignement donc approchée dans sa spécificité 2 ENSEIGNER A PARTIR DE L ŒUVRE Ici on extrait des objets d enseignement à partir des propriétés esthétiques, physiques, informatives, narratives, symboliques de l œuvre
1 ENSEIGNER L ŒUVRE COMME OBJET. Ici elle est posée comme objet d enseignement donc approchée dans sa spécificité Se doter d outils d analyse, d un cadrage conceptuel pour approcher LA REALITÉ EXTRA CHORÉGRAPHIQUE Les contenus porteront sur la sensibilité individuelle/représentation collective, technique et condition de production, le rapport au public. La contextualisation historique de l œuvre ( école, mouvement style..), son histoire, l émergence de sa valeur mémorielle, symbolique, esthétique Les obstacles seront liés à la représentation, la dé contextualisation, périodisation. confusion et projection mentale sur l oeuvre.
ENSEIGNER A PARTIR DE L ŒUVRE EXTRAIRE DES OBJETS D ENSEIGNEMENT A PARTIR DES PROPRIETES DE L ŒUVRE. ELEMENTS CONSTITUTIFS INTRA CHORÉGRAPHIQUES Il s agit par un jeu de connotation/dénotation de faire émerger les éléments constitutifs et contingents de l œuvre, ce qui est en question dans l œuvre. Déboucher sur l approche problématisée d une notion, au travers de trois axes d accès possibles: - Les constituants de l œuvre ( matière, composition, couleurs, espace, temps, lumière, objets, costume, monde sonore ) - Actions opérations mises en œuvre, La gestuelle, le mouvement, l outil ( qualité, traitement, opérations mises en œuvre ). - La relation au sens: sujet, narration/fiction/abstraction/imaginaire symbole, allégorie les constituants et leur relation au sens.
En tant qu objet: Jean Honoré Fragonard 1732 1806 Peintre de la séduction, de l attraction amoureuse, scène de genre, «le verrou» 1770 contenu : personnages, objets ( pomme/ verrou), figuration, narration, évocation histoire du tableau Histoire, littérature Propriétés de l objet Thème: espace et composition Aspect symbolique Topologique, esthétique de l espace (traitement du féminin et du masculin) Lignes, formes, touche «l élan suspendu» Arts plastiques, musique, eps, mathématique «LE VERROU»
L OBJET «SO SCHNELL» Créé pour l inauguration de l opéra Berlioz à Montpellier Dominique Bagouet 1951/1992 l avenir de la danse française des années 80 Question du temps, de la vitesse, de la mémoire, le SIDA Décors, costumes, interprètes PROPRIETES DE L OBJET. La notion de trame de Machine, de répétition, de duplication d opposition ( noir /lumière/couleurs, gravité/ironie, collectif/ dissidence
URBANISME TISSUS MAILLAGE URBAIN MÉTIER A TISSER JACQUARD Montage de la pièce ARTS PLASTIQUE CREATION D OMBRES ET DE LUMIERE DANS UN DESSIN IMAGE INFORMATIQUE NOTION DE TRAME ARTS VIVANTS CANEVAS DE L HISTOIRE Théâtre, conte IMPRIMERIE NOMBRE DE POINTS HISTOIRE LOGIQUE TRANSHISTORIQUE
L OBJET TEMPO 76 «Le mouvement absolu est celui de mourir». Pièce fantaisiste, enjoué créée en 2007 pour le festival de Montpellier. Musique Gyögy ligeti Scénographie Annie Tolleter Lumière décors Détournement de l unisson. pièce comme réponse à la société contemporaine ( rythme, frénésie) LES PROPRIETES DE L OBJET TEMPO 76 «Ne pas confondre danser dans un ensemble et danser ensemble» Questionné l unisson comme tabou de la danse contemporaine, l unisson comme conséquence, comme communion Durée, rythme, forme, intensité qualité visible/ invisible; sujet/groupe État, gestes, émotions, univers ( jouer sur l aspect formel/
politique Sujet /société BUT Accord de pensées, de sentiments, d idées, d actions entre des personnes. Conformité morale, intellectuelle, affective, physique religion CAUSE CONSEQUENCE sport UNISSON Sons, gestes, uniques produits par un ensemble de voix, d instruments, et ou de corps Vie quotidienne MOYEN
MAIS AUSSI.
LE CONSTITUTIF DE L OEUVRE L UNISSON COMME QUESTION LA DIVERSITÉ DES CORPS VISIBLE/INVISIBLE LE TEMPO (andante 76) LA GESTUELLE QUOTIDIENNE LA THEATRALITE DU MOUVEMENT ET NON DU PERSONNAGE LA DIVERSITE DES UNIVERS DE REFERENCE
ASPECTS CONTINGENTS DE L OEUVRE Le nombre de danseurs Leur costume Entrée et sortie La reproduction à l identique des formes de la chorégraphie. La musique La durée de la chorégraphie. Le décors Le choix des univers de référence
FAIRE DIALOGUER CHEZ LES ELEVES LES ELEMENTS INTRA CHORÉGRAPHIQUES LES ELEMENTS EXTRA CHORÉGRAPHIQUES Activité d IMPREGNATION/DISTANCIATION EXTRAIRE UNE NOTION lieu de convergence de représentations, de choix, de partipris «L UNISSON» condensation de sens Thème d enseignement: L ECRITURE CHOREGRAPHIQUE CONTEMPORAINE La problématique de la narration/figuration/abstraction
Comprendre le constitutif.. Jouer sur le contingent ANCRAGE CULTUREL DANS LE PATRIMOINE CHOREGRAPHIQUE Et ARTISTIQUE ACTIVITE DE CREATION PERSONNALISEE Approche d une œuvre chorégraphique significative. Relation musique mouvement Mouvement/ matière. ACTIVITE D APPROPRIATION CHOREGRAPHIQUE Théâtralité Composition
démarche! Choisir les œuvres à partir de leurs propriétés et des états qu elles provoquent chez celui qui la reçoit. Mais aussi en fonction des grandes interrogations qui traversent, ont traversé l art, les artistes et que les élèves ne peuvent ignorer.! Présenter l œuvre et aider à mettre des mots sur le ressenti, faire émerger les représentations des élèves. Se donner les outils permettant de classer ses représentations ( morales, esthétiques, techniques,sociales ).! Aider à formaliser le questionnement qui organise l œuvre. Faire émerger la problématique sous-jacente. Mettre en débat! Mobiliser et incorporer des connaissances nouvelles permettant de cerner les conditions, les problématiques de création et de réception des œuvres.
APPROCHE SCOLAIRE DE L OEUVRE APPROCHE THEORIQUE ETAPE 1 connaître l artiste Connaître le contexte (artistique, historique ) ETAPE 2 Visionner l œuvre (Décrire, questionner, analyser). ETAPE 3 Formalisation de la démarche de création (filiation/rupture ) Carnet de bord, cahier de cours Activité de l enseignant Activité de l élève APPROCHE PRATIQUE ETAPE 1 Activité d exploration expérimentation ( de procédés de composition, de formes, d opérations cinétiques). Déployer une activité ( suspendre, dissocier, isoler) ETAPE 2 Activité de construction de référence ETAPE 3 Activité de réalisation personnalisée d une œuvre à partir d un élément questionné