, à haute voix, de manière que Camille l entende. Je t aime, Rosette! toi seule au monde tu n as rien oublié de nos beaux jours passés ; toi seule tu te souviens de la vie qui n est plus ; prends ta part de ma vie nouvelle ; donne-moi ton coeur, chère enfant ; voilà le gage de notre amour. Il lui pose sa chaîne sur le cou. Vous me donnez votre chaîne d or? Regarde à présent cette bague. Lève-toi, et approchons-nous de cette fontaine. Nous vois-tu tous les deux, dans la source, appuyés l un sur l autre? Vois-tu tes beaux yeux près des miens, ta main dans la mienne? Regarde tout cela s effacer. (Il jette sa bague dans l eau. ) Regarde comme notre image a disparu ; la voilà qui revient peu à peu ; l eau qui s était troublée reprend son équilibre ; elle tremble encore ; de grands cercles noirs courent à sa surface ; patience, nous reparaissons ; déjà je distingue de nouveau tes bras enlacés dans les miens ; encore une minute, et il n y aura plus une ride sur ton joli visage ; regarde! c était une bague que m avait donnée Camille. CAMILLE, à part. Il a jeté ma bague dans l eau. Rosette? Écoute! le vent se tait ; la pluie du matin roule en perles sur les feuilles séchées que le soleil ranime. Par la lumière du ciel, par le soleil que voilà, je t aime! Tu veux bien de moi, n est-ce pas? On n a pas flétri ta jeunesse? on n a pas infiltré dans ton sang vermeil les restes d un sang affadi? Tu ne veux pas te faire religieuse ; te voilà jeune et belle dans les bras d un jeune homme. Ô Rosette, Rosette! sais-tu ce que c est que l amour? Hélas! monsieur le docteur, je vous aimerai comme je pourrai. Oui, comme tu pourras ; et tu m aimeras mieux, tout docteur que je suis et toute paysanne que tu es, que ces pâles statues fabriquées par les nonnes, qui ont la tête à la place du coeur, et qui sortent des cloîtres pour venir répandre dans la vie l atmosphère humide de leurs cellules ; tu ne sais rien ; tu ne lirais pas dans un livre la prière que ta mère t apprend, comme elle l a apprise de sa mère ; tu ne comprends même pas le sens des paroles que tu répètes, quand tu t agenouilles au pied de ton lit ; mais tu comprends bien que tu pries, et c est tout ce qu il faut à Dieu. Comme vous me parlez, monseigneur! Tu ne sais pas lire ; mais tu sais ce que disent ces bois et ces prairies, ces tièdes rivières, ces beaux champs couverts de moissons, toute cette nature splendide de jeunesse. Tu reconnais tous ces milliers de frères, et moi pour l un d entre eux ; lève-toi, tu seras ma femme, et nous prendrons racine ensemble dans la sève du monde tout-puissant. Il sort avec Rosette.
Axe Citations à haute voix, de manière que Camille l entende. Outils d'analyse Didascalie (initiale) Interprétation, explications Perdican ne s'adresse pas à Rosette, mais vise Camille : il parle beaucoup (ce sont de longues tirades), ne se soucie pas des réponses de Rosette. Ce n'est pas un vrai dialogue. Il lui pose sa chaîne sur le cou. (Il jette sa bague dans l eau. ) à part. aparté Les deux actions s'opposent : en jetant la bague, il montre à Camille qu'il met fin à leur relation ; en posant la chaîne, il «se marie». Il sait ce qu'il fait. En jetant la bague, il ne referme pas définitivement la porte à Camille. C n'intervient qu'à un moment : quand son prénom est prononcé. Musset préfère laisser le spectateur imaginer ce qu'elle ressent. Regarde à présent cette bague. (...) regarde! c était une bague que m avait donnée Camille. (...) Ô Rosette, Rosette! sais-tu ce que c est que l amour? Oui, comme tu pourras (...) c est tout ce qu il faut à Dieu. Tu ne sais pas lire ( ) nous prendrons racine ensemble dans la sève du monde tout-puissant. # Vous me donnez votre chaîne d or? Hélas! monsieur le docteur, je vous aimerai comme je pourrai. Tirades répliques courtes Ce n'est pas un dialogue véritable. Perdican parle tout seul. Mis à part l'adverbe «oui» au début de sa troisième réplique, il ne tient pas compte des répliques de Rosette. Il récite, il débite une longue tirade, entrecoupée de courtes interventions de Rosette.
Comme vous me parlez, monseigneur! Je t aime, Rosette! donne-moi ton coeur, chère enfant Rosette? Ô Rosette, Rosette! sais-tu ce que c est que l amour? # Hélas! monsieur le docteur Comme vous me parlez, monseigneur! prends ta part de ma vie nouvelle ; donne-moi ton coeur Regarde à présent cette bague. Lève-toi, et approchons-nous de cette fontaine. Regarde tout cela s effacer. Regarde comme notre image a disparu regarde! lève-toi, Nous vois-tu tous les deux, dans la source, appuyés l un sur l autre? Vois-tu tes beaux yeux près des miens, ta main dans la mienne? Rosette? Écoute! le vent se tait ; la pluie du matin roule en perles sur les feuilles séchées que le soleil ranime. Par la lumière du ciel, par le soleil que voilà, je t aime! Tu veux bien de moi, n est-ce pas? On n a pas flétri ta jeunesse? on n a pas infiltré dans ton sang vermeil les restes d un sang affadi? Tu ne veux pas te faire religieuse ; te voilà jeune et belle dans les bras d un jeune homme. Ô Rosette, Rosette! sais-tu ce que c est que l amour? Je t aime, / toi seule au monde tu n as rien oublié de nos beaux jours passés ; toi seule tu te souviens de la vie qui n est plus ; / prends ta part de ma vie nouvelle apostrophes Impératif ordres injonctions Questions rhétoriques vouvoiement/t utoiement Rosette lui parle comme s'il était quelqu'un de très important. Il y a une différence sociale très nette. Il y a une gradation dans les répliques de Rosette : elle est de plus en plus émerveillée («docteur» : elle le trouve savant ; «monseigneur» : elle le considère comme un être supérieur). P. s'amuse à répéter le prénom de R. parce qu'il sait que Camille l'entend : il veut l'énerver. Il prononce une fois le prénom de Camille pour évoquer la bague qu'il jette (Camille réagit!). Perdican mène l'échange, dirige. Rosette n'est qu'une marionnette. Il se comporte comme un metteur en scène. Il accorde beaucoup d'importance au regard, au miroir que constitue la fontaine : il fait une sorte de rituel. La bague efface le passé (donc Camille) et apparaît Rosette... P. domine R. Ce ne sont pas de vraies questions, parce que ce n'est pas un vrai dialogue. Il veut faire réfléchir, non pas R, mais C. P. tutoie R, tandis que celle-ci le vouvoie : il occupe une place sociale supérieure.
# Vous me donnez votre chaîne d or? / Hélas! monsieur le docteur, je vous aimerai comme je pourrai. : Comme vous me parlez, monseigneur! Regarde Lève-toi, Regarde / Regarde / regarde Rosette? / Ô Rosette, Rosette! sais-tu ce que c est que l amour? lève-toi, tu seras ma femme On n a pas flétri ta jeunesse? on n a pas infiltré dans ton sang vermeil les restes d un sang affadi? Tu ne veux pas te faire religieuse répétitions négations Il veut attirer l'attention de Camille sur les passages les plus importants. Il énumère les défauts de Camille : c'est un portrait en creux (un réquisitoire) de celle-ci... Regarde tout cela s effacer. (Il jette sa bague dans l eau. ) Regarde comme notre image a disparu ; la voilà qui revient peu à peu ; l eau qui s était troublée reprend son équilibre ; elle tremble encore ; de grands cercles noirs courent à sa surface ; patience, nous reparaissons ; déjà je distingue de nouveau tes bras enlacés dans les miens ; encore une minute, et il n y aura plus une ride sur ton joli visage Champ lexical de l'apparition/de la disparition de la présence P. se livre à un rituel : il efface le passé et voit apparaître deux êtres nouveaux. R. remplace Camille religieuse les nonnes, des cloîtres leurs cellules prière pries, Dieu. Champ lexical de la religion L'attaque est évidente... Perdican ne s'adresse pas à Rosette, mais à Camille : c'est la religion qui empêche celle-ci d'avouer simplement son amour. tu m aimeras mieux, tout docteur que je suis et toute paysanne que tu es, que ces pâles statues fabriquées par les nonnes, qui ont la tête à la place du coeur, et qui sortent des cloîtres pour venir répandre dans la vie l atmosphère humide de leurs Termes péjoratifs métaphore chosification réification Il utilise des termes péjoratifs pour désigner tout ce qui concerne la religion : ces religieuses ne sont plus des personnes, à ses yeux, mais des «statues». Elles sont
cellules ; tu ne sais rien ; tu ne lirais pas dans un livre la prière que ta mère t apprend, comme elle l a apprise de sa mère ; tu ne comprends même pas le sens des paroles que tu répètes, quand tu t agenouilles au pied de ton lit Tu ne sais pas lire négations champ lexical de la connaissance, de l'intelligence incapables d'exprimer des sentiments. Il énumère les défauts de Camille, qui sont des qualités de Rosette : c'est un portrait en creux de Camille. Rosette et Camille s'opposent complètement : la première est sensible (coeur), l'autre est intelligente (tête). «la tête à la place du coeur». tu ne comprends même pas le sens des paroles que tu répètes, quand tu t agenouilles au pied de ton lit ; mais tu comprends bien que tu pries Tu ne sais pas lire ; mais tu sais ce que disent ces bois et ces prairies, ces tièdes rivières, ces beaux champs couverts de moissons Répétition de la conjonction «mais» opposition Il oppose la tête et le coeur, Camille et Rosette : il préfère Rosette. Elle a deux qualités : elle prie sans se poser de questions ; elle comprend la nature. le vent se tait la pluie du matin roule en perles sur les feuilles séchées que le soleil ranime toute cette nature splendide de jeunesse. Tu reconnais tous ces milliers de frères nous prendrons racine ensemble dans la sève du monde toutpuissant. Métaphores personnificati on hyperbole champ lexical de la nature Perdican montre qu'il est très attaché à la nature, à son enfance. [ouverture : il en parle à plusieurs reprises, fontaine, etc.] Cela renforce l'opposition entre Rosette (paysanne : embrasse P la première fois) et Camille (citadine : refuse un baiser). le vent la pluie du matin les feuilles séchées le soleil la lumière du ciel le soleil ces bois et ces prairies, ces tièdes rivières, ces beaux champs couverts de moissons, toute cette nature splendide de jeunesse. Champ lexical de la nature Dans une tirade, surtout, il s'emporte, il se laisse aller, il livre le fond de sa pensée : son attachement à la nature. [P est le seul à parler au choeur, le groupe de paysans ; C ne parle qu'une fois à Rosette, sa «soeur de lait»]
racine la sève ces bois et ces prairies, ces tièdes rivières, ces beaux champs couverts de moissons Énumération accumulation article démonstratif Il insiste sur ces mots, sur la nature ; il montre la nature. [accumulation : les termes sont au pluriel : on veut donner l'impression de quantité ; «ça déborde»] mais tu comprends bien que tu priés, et c est tout ce qu il faut à Dieu. Tu ne sais pas lire ; mais tu sais ce que disent ces bois et ces prairies vu INTRODUCTION. Je présente l'auteur. Je présente le livre. Je présente l'extrait. J'amène la problématique : Problématique : Lecture expressive du texte. Annonce du plan. AXE 1 : J'énonce l'idée directrice : 1. 2. 3. Transition : AXE 2 : J'énonce l'idée directrice : les infos de cette pièce de théâtre 1. 2. 3.
Transition : AXE 3 : J'énonce l'idée directrice : 1. 2. 3. CONCLUSION. Rappel des axes. Idée nouvelle, non utilisée. Ouverture.