Les agents d exécution du budget (cours)

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Les agents d exécution du budget (cours)

Table des matières Table des matières... 2 Introduction... 3 I - Le principe de séparation des ordonnateurs et des comptables... 4 II - Les ordonnateurs... 5 Les missions des ordonnateurs... 5 Les catégories d ordonnateurs... 5 La responsabilité des ordonnateurs... 6 1 - La responsabilité des ministres et des élus locaux... 6 2 - La responsabilité des autres ordonnateurs... 6 III - Les comptables publics... 8 Les missions des comptables publics... 8 Les catégories de comptables publics... 8 La responsabilité des comptables publics... 9 1 L étendue de la responsabilité des comptables publics... 9 2 La mise en œuvre de la responsabilité des comptables publics... 10 Les agents d exécution du budget (cours) 2

Introduction Il existe deux grandes catégories d agents d exécution du budget : les ordonnateurs et les comptables publics. Les premiers décident de l opération de recettes ou de dépenses, les seconds procèdent au recouvrement ou au paiement. En vertu d un principe ancien, ces deux fonctions doivent être séparées et ne peuvent être exercées par les mêmes personnes (I). Ce principe se justifie par la préoccupation de régularité de la gestion financière et par celle d'éviter des malversations. Ce principe de séparation, qui a pour conséquence une indépendance mutuelle entre les deux protagonistes, connait, cependant, certaines atténuations. Partant, l étude des fonctions d ordonnateurs et de comptables publics devra nous amener à analyser trois points successifs : les missions, les catégories et la responsabilité encourue par ces agents. Ainsi, en premier lieu, les ordonnateurs (II) décident de prescrire les opérations de recettes et de dépenses, mais leur compétence s arrête dès qu il s agit de manier les deniers publics. Leur marge de manœuvre est, cependant, plus grande pour les secondes que pour les premières. Au plan de la classification, l on distingue les ordonnateurs principaux qui sont les autorités publiques auxquelles la loi de finances attribue les crédits et accorde les autorisations de recettes, des ordonnateurs secondaires qui sont désignés par les règlements de comptabilité publique des ministères. En ce qui concerne leur responsabilité, c est la loi du 25 septembre 1948 qui les a rendus justifiables devant un nouveau juge, la Cour de discipline budgétaire et financière (CDBF). Pour autant, cette responsabilité est fortement atténuée par certains mécanismes. Ainsi, les ministres et les élus locaux ne sont pas justiciables de la CDBF. Surtout, dans les faits, cette responsabilité est peu sanctionnée, notamment parce que la CDBF a une conception stricte des fautes sanctionnables, celles-ci consistant seulement en des irrégularités juridiques et non des fautes de gestion. En second lieu, les comptables publics (III) sont les seuls fonctionnaires habilités à manier les fonds publics tant en termes de recettes que de dépenses. Ainsi s explique qu ils doivent d une part être nommés par le ministre des finances ou avec son agrément, et d autre part prêter serment devant la Cour des comptes à l occasion de leur première installation. Si leurs missions et les catégories qui les traversent n ont que peu variées, leur régime de responsabilité a lui, au contraire, profondément évolué depuis quelques années. Ainsi, s ils demeurent personnellement et pécuniairement responsables des actes et contrôles qui leurs incombent, la procédure de mise en cause de leur responsabilité a profondément été remaniée. Concrètement, la règle du double arrêt a été supprimée ; l audience est dorénavant publique ; surtout, le régime varie selon que le manquement a ou non causé un préjudice financier à la collectivité publique, étant précisé ici que si tant les ministres que le juge des comptes peuvent mettre en cause cette responsabilité en cas de préjudice, seul le second peut intervenir en l absence de préjudice. Les agents d exécution du budget (cours) 3

I - Le principe de séparation des ordonnateurs et des comptables Le principe de séparation des ordonnateurs et des comptables publics est ancien : les premières consécrations remontent au début du XIX siècle, mais la systématisation date du décret du 31 mai 1862. Longtemps posé par l article 20 du décret du 29 Décembre 1962, ce principe de a été repris par l article 9 du décret du 7 Novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique. Concrètement, celui-ci implique que les opérations d exécution du budget, décision de l opération et mise en œuvre par le recouvrement des recettes ou le paiement des dépenses, doivent être séparées et confiées à des agents distincts. Par exemple, en matière de dépenses, les ordonnateurs décident de dépenser, ainsi que du montant et du moment de la dépense, et les comptables procèdent au paiement après avoir vérifié la régularité de l opération. Ce principe de séparation a pour conséquence une indépendance mutuelle entre les deux protagonistes. En effet, l'ordonnateur n'a aucun pouvoir hiérarchique sur le comptable qui n a aucune obligation d'obéissance vis-à-vis du celui-ci, excepté les cas, rares et encadrés, ou le premier peut procéder à une réquisition de paiement du second. Cette indépendance s'observe aussi à l'égard des tiers. Ainsi, les ordonnateurs ne peuvent, pendant l'exercice de leurs fonctions et cinq ans après leur départ, détenir une quelconque participation dans des entreprises ayant passé des contrats avec les personnes publiques qu'ils représentaient. Par ailleurs, les conjoints d'ordonnateurs ne peuvent être comptable des organismes pour lesquels ces derniers travaillent. Ce principe revêt plusieurs significations. C est d abord une déclinaison en matière de finances publiques du principe de séparation des pouvoirs existant au plan politique. Au plan économique, ce principe assure une certaine division du travail. L intérêt d une telle séparation est, alors, d assurer que les agents qui décident des mouvements de fonds ne pourront eux-mêmes procéder à l exécution desdits mouvements, et inversement, de manière à garantir la régularité des maniements de fonds publics et à éviter des malversations. Plus généralement, cette séparation permet d assurer un meilleur contrôle des deniers publics, tant par le contrôle réciproque entre ordonnateurs et comptables que par la comparaison des écritures comptables de chacun de ces agents. Comme tout principe, le principe de séparation entre ordonnateurs et comptables connait certaines dérogations. La première concerne certaines administrations stratégiques : ainsi, lorsque sont en cause la Défense nationale ou les services secrets notamment, les ordonnateurs sont autorisés à manier des fonds publics. Par ailleurs, dans certaines hypothèses, le comptable intervient sans émission d un titre de recettes de l ordonnateur dans la mesure ou elles ont été établies directement par le contribuable : c est le cas en matière de perception des impôts indirects ou des droits de douanes, les opérations de liquidation et de recouvrement étant, ici, assurées par la même administration. La même logique est suivie pour les dépenses de personnel : ici, pour des raisons de rapidité, aucun ordonnancent préalable n est nécessaire. Mais, la dérogation majeure concerne ce que l on appelle les régies d avances ou de recettes. Concrètement, en pareille hypothèse, un régisseur est autorisé à percevoir certaines ressources (limitativement énumérées dans l acte constitutif de la régie) ou à payer certaines dépenses afférentes à des opérations simples et répétitives. Ce système, qui permet de sa passer de l intervention d un comptable, vise à faciliter le fonctionnement des services publics. Le régisseur reste, cependant, sous le contrôle du comptable qui doit lui donner son agrément lors de sa nomination. Les agents d exécution du budget (cours) 4

II - Les ordonnateurs Trois points successifs doivent ici être examinés : les missions catégories d ordonnateurs et la responsabilité que ceux-ci encourent. des ordonnateurs, les Les missions des ordonnateurs Les fonctions d ordonnateurs sont, dorénavant, définies à l article 10 du décret du 7 Novembre 2012. Selon cet article, ce sont eux qui décident de prescrire les opérations de recette et de dépense ; leur compétence s arrête, cependant, dès qu il s agit de manier les deniers publics. A cette fin, ils doivent être accrédités auprès des comptables assignataires des recettes et des dépenses dont ils prescrivent l exécution. Leurs pouvoirs varient, cependant, selon que sont en cause les dépenses ou les recettes. En matière de dépenses, les ordonnateurs gardent une certaine marge de manœuvre au regard de la loi de finances. En effet, ils ne sont pas obligés de procéder à une dépense, sauf texte de loi, règlement ou décision de justice les y obligeant. Ils décident, par ailleurs, seuls, tant du moment de l opération que du montant de la dépense, sans pouvoir dépasser bien sur le plafond de l autorisation budgétaire. Lorsqu une opération de dépense est décidée, les ordonnateurs doivent l engager, la liquider, puis l ordonnancer. En matière de recettes, les ordonnateurs constatent les droits et les obligations, liquident les recettes et émettent les ordres de recouvrer. Leur marge d appréciation est, cependant, nulle lorsque sont en cause des recettes fiscales dans la mesure où ils doivent strictement appliquer les lois fiscales, sans tenir compte de l évaluation faite par la loi de finances qui n a qu un caractère évaluatif. Une fois ces décisions prises, les ordres de recouvrer ou de payer sont transmis au comptable public avec les pièces justificatives requises. Les catégories d ordonnateurs L état du droit amène à distinguer deux grandes catégories d ordonnateurs. L on trouve d abord les ordonnateurs principaux qui sont les autorités publiques auxquelles la loi de finances attribue les crédits et accorde les autorisations de recettes. Il s agit, pour l Etat, des différents ministres, mais cette qualité peut aussi être conférée aux directeurs des services dotés d un budget annexe. Ces pouvoirs peuvent, par ailleurs, être délégués à certains fonctionnaires, tels que les membres des cabinets ministériels ou les agents supérieurs des administrations placées sous l autorité des ministres. D autres fonctionnaires peuvent, aussi, suppléer momentanément les ministres en cas d absence ou d empêchement. Il existe, ensuite, des ordonnateurs secondaires qui sont désignés par les règlements de comptabilité publique des ministères. C est, ainsi, que les préfets des départements et des régions sont, en principe, les uniques ordonnateurs secondaires du budget de l Etat, même si dans les faits de nombreuses délégations de signature sont effectuées au profit des principaux chefs des services déconcentrés de l Etat. De tels ordonnateurs sont sous les ordres des ordonnateurs principaux et appliquent leurs décisions avec une plus ou moins grande marge de manœuvre. Les agents d exécution du budget (cours) 5

La responsabilité des ordonnateurs Longtemps, seuls les comptables firent l objet d un contrôle spécifique de la part d une juridiction spécialisée, la Cour des comptes. Pour les ordonnateurs, il fallu attendre la loi du 25 Septembre 1948 créant la Cour de discipline budgétaire, devenue, par la suite, Cour de discipline budgétaire et financière (CDBF). Pour autant, cette juridiction administrative spécialisée voit sa compétence limitée dans la mesure où elle ne peut juger les actes de gestion des ministres et des élus locaux. Ces derniers encourent, cependant, une responsabilité tant politique que pénale ou civile. La responsabilité des ordonnateurs «non politiques» est, elle, toute aussi variée. 1 - La responsabilité des ministres et des élus locaux Les ministres et les élus locaux ne sont pas justiciables de la CDBF. Dès lors, le régime de responsabilité qui s'applique à eux est celui qui se rattache à leur fonction principale. Ainsi, pour les ministres, leur responsabilité politique est minime puisqu'elle ne peut être mise en cause que par le biais d une motion de censure visant l ensemble du Gouvernement ou par une révocation individuelle décidée par le président de la République. Mais, sous la V République, jamais aucune faute de gestion n'a jamais entrainé de telles conséquences. L'autre possibilité d engager la responsabilité politique des ministres est celle prévue par l article 68 de la Constitution 1958 issu de la révision du 27 Juillet 1993 au terme duquel lesdits ministres sont responsables devant la Cour de justice de la République. Au plan civil, les ministres doivent rembourser, sur leurs deniers personnels, les dépenses irrégulières. Enfin, les membres du Gouvernement encourent des sanctions pénales s ils ont pris sciemment des mesures ayant pour objet d engager des dépenses dépassant les crédits ouverts ou qui ne résulteraient pas de l application des lois (loi du 10 Aout 1992). Si cette énumération d hypothèses ou un ministre peut voir sa responsabilité engagée est relativement fournie, dans les faits elle n est quasiment jamais mise en œuvre. S'agissant des élus locaux, s'appliquent à eux une responsabilité politique devant les électeurs, ainsi qu une responsabilité civile et pénale selon les mêmes modalités que pour les membres du Gouvernement, le versant pénal de leur responsabilité étant celui qui donne lieu au plus d actions ces dernières années. En dehors de ces responsabilités, les élus locaux ne sont pas justiciables de la CDBF. Ils ne le sont que dans certains cas prévus par la loi du 29 Janvier 1993, tels que la réquisition illégale du comptable ou l entrave à l exécution d une décision de justice. 2 - La responsabilité des autres ordonnateurs Les ordonnateurs «non politiques» encourent une responsabilité civile et pénale pour le même type d infractions évoquées à propos des ministres et des élus locaux. Ces ordonnateurs peuvent, par ailleurs, faire l objet d une procédure disciplinaire qui aura d autant plus de chances d aboutir que le fonctionnaire sera nommé à la discrétion du Gouvernement et non simple agent public titulaire. Surtout, les ordonnateurs «non politiques» sont justiciables de la CDBF qui est compétente, notamment, à l égard de toute personne appartenant à un cabinet ministériel ou de tout fonctionnaire ou agent civil ou militaire de l Etat. Concrètement, il s agit pour la Cour non de sanctionner des fautes de gestion, mais uniquement de faire respecter la légalité budgétaire : en d'autres termes, seules des irrégularités juridiques peuvent donner lieu à sanction. Les irrégularités les plus fréquents sont les infractions aux règles d exécution des recettes et des dépenses, l'octroi à autrui d'un avantage injustifié, ou encore l'inexécution d'une décision de justice. La CDBF garde, cependant, un certain pouvoir d'appréciation en reconnaissant des circonstances atténuantes lorsque, par exemple, la faute résulte d'une insuffisance du contrôle du supérieur hiérarchique, ou Les agents d exécution du budget (cours) 6

quand l'ordonnateur a pensé agir dans l'intérêt général. Par ailleurs, les personnes mises en cause peuvent voir leur responsabilité écartée, si elles peuvent justifier d'un ordre écrit de leur supérieur hiérarchique. Dans ce cas, c'est ce dernier qui sera justiciable de la CDBF, sauf s'il s'agit d'un ministre ou d'un élu local. Dans les faits, cette responsabilité devant la CDBF donne rarement lieu à des sanctions. En effet, la plupart du temps, les personnes qui exécutent le budget le font sous l'autorité d'un ministre ou d'un élu local. Ces derniers ne pouvant être jugés par elle, la Cour répugne, alors, à sanctionner des personnes qui n'ont fait qu'exécuter leurs ordres. Notons, enfin, que les ordonnateurs peuvent être sanctionnés par la Cour des comptes lorsqu ils se sont immiscés dans le maniement des deniers publics, matière qui relève de la seule compétence des comptables publics : c est ce que l on appelle la gestion de fait. Les agents d exécution du budget (cours) 7

III - Les comptables publics Les comptables publics sont les seuls fonctionnaires habilités à manier les fonds publics. Ainsi s explique qu ils doivent d une part être nommés par le ministre des finances ou avec son agrément, et d autre part prêter serment devant la Cour des comptes à l occasion de leur première installation. Si leurs missions et les catégories qui les traversent n ont que peu variées, leur régime de responsabilité a lui, au contraire, profondément évolué depuis quelques années. Précisons ici que ce régime s applique tant aux comptables publics officiels qu à ceux que l on nomme les comptables de fait. Concrètement, ces derniers sont des personnes qui, sans avoir la qualité de comptable public, manient des fonds publics. Outre les poursuites pénales auxquelles elles s exposent, ces personnes se voient appliquer le même régime de responsabilité que les comptables publics officiels, ce qui signifie qu elles sont, alors, justiciables du juge des comptes. Les missions des comptables publics Les fonctions des comptables publics sont actuellement définies par les articles 13, 14 et 18 à 21 du décret du 7 Novembre 2012, ainsi que par les articles 27 et 31 de la LOLF. On l a dit, ils sont les seuls à pouvoir manier les deniers publics, tant en termes de recettes que de dépenses. C est, ainsi, qu ils sont chargés des opérations matérielles d exécution de la dépense publique : en d autres termes, s ils ne décident pas de la dépense, ils disposent, en revanche, d une compétence exclusive pour procéder au paiement. Second versant des finances publiques, ce sont eux qui sont chargés de recouvrer les recettes. Dans le cadre des ces opérations, ils doivent d une part conserver les fonds des personnes publiques, et d autre part tenir une comptabilité générale de leurs opérations, pour laquelle s applique l exigence de sincérité des enregistrements comptables. Parallèlement à ces deux missions principales, les comptables publics sont chargés de contrôler personnellement la régularité des opérations financières prescrites par les ordonnateurs et refuser, le cas échéant, d'exécuter l'ordre de l'ordonnateur. Ainsi, celui-ci contrôle en matière de recettes la régularité de l autorisation de percevoir la recette, ou encore la régularité des réductions ou annulations d ordres de recouvrer. En ce qui concerne les dépenses, il s assure de la qualité de l ordonnateur, de l exacte imputation des dépenses au regard du principe de spécialité des crédits, de la disponibilité des crédits, de la validité de la dette (notamment au regard de la règle du service fait), ou encore du caractère libératoire du paiement. Les catégories de comptables publics L on distingue cinq grandes catégories de comptables publics. Notons que cette classification est traversée par la distinction entre comptables principaux et comptables secondaires : les premiers rendent directement leurs comptes au juge des comptes, tandis que les seconds sont ceux dont les opérations sont centralisées par un comptable principal. Par ailleurs, lorsqu'une personne a, de fait, manié des deniers publics, on dit d'elle qu'elle est comptable de fait : s'applique, alors, à elle la même responsabilité que celle qui s'applique à un comptable public «officiel». Les comptables directs du Trésor relèvent directement du ministre des finances et ont une compétence générale dans l exécution du budget. Ils peuvent être principaux ou secondaires, les premiers étant chargés de centraliser, notamment, les opérations des seconds et étant les seuls à rendre leurs comptes au juge des comptes. Les comptables directs secondaires rendent, eux, leurs comptes au juge des comptes au travers des comptables directs principaux. Surtout, ils se situent à Les agents d exécution du budget (cours) 8

un niveau plus proche des administrés, puisqu ils ont en charge la centralisation des opérations des différentes trésoreries de leur ressort : c est, ainsi, à ce niveau là que sont encaissés les impôts directs d Etat et enregistrées les opérations d exécution des budgets des communes et de leurs établissements publics. Les comptables spéciaux du Trésor ont, à l inverse des comptables directs du Trésor, une compétence limitée à certaines opérations, celles-ci devant être définies précisément par décret. Les comptables des administrations financières sont rattachés soit à la DGFIP, soit à la DGDDI. Concrètement, ils sont chargés, sous l autorité du ministre des finances, du recouvrement des impôts indirects et des droits de douanes. Leur rôle se cantonne, ainsi, aux opérations de recettes. Les comptables des budgets annexes doivent exécuter toutes les opérations de recettes, dépenses et de trésorerie découlant de l exécution desdits budgets. Enfin, il existait jusqu en 2006 un agent comptable central du Trésor dont le rôle était de centraliser les opérations de trésorerie de l Etat avec les instituts d émission ou les organismes internationaux. Depuis, celui-ci a été remplacé par un contrôleur budgétaire et comptable ministériel placé sous l autorité du ministre des finances. Dans chaque ministère, ce contrôleur est comptable assignataire des ordres de dépenses et de recettes de l ordonnateur principal. Il doit, ainsi, s assurer de la tenue des comptes de l Etat, de la sincérité des enregistrements comptables et du respect des procédures comptables de l Etat. La responsabilité des comptables publics Si l étendue de cette responsabilité n a guère variée, sa mise en œuvre a profondément été remaniée ces dernières années. 1 L étendue de la responsabilité des comptables publics Les comptables sont personnellement et pécuniairement responsables des actes et contrôles qui leurs incombent. Existant depuis l'ancien régime, ce régime de responsabilité est actuellement organisé par l article 60 de la loi du 23 Février 1963. Concrètement, les comptables doivent réparer sur leurs deniers propres les pertes qu'ils ont causés au Trésor public, cette règle se justifiant par le fait qu ils sont les seuls à pouvoir manier les deniers publics. Dès lors, les comptables voient leur responsabilité engagée dès qu il est établi qu une perte a été causée à la collectivité publique par des omissions ou des irrégularités qui leurs sont imputables ou qui le sont aux personnes dont ils doivent répondre. L étendue de cette responsabilité est relativement large. Ainsi, elle vaut pour toutes les opérations dont les comptables sont chargés : recouvrement de recettes, paiement de dépenses, maniement de fonds, conservation des pièces justificatives, contrôles effectués, Par ailleurs, elle court de la date d installation du comptable jusqu à la cessation de ses fonctions : en d autres termes, un comptable fraichement nommé sur un poste qui n aurait pas émis de réserve sur les erreurs de son prédécesseur, ou qui ne les aurait pas contesté, dans les six mois suivant son entrée en fonction, en serait jugé responsable. En outre, les comptables peuvent voir leur responsabilité engagée pour leur propre fait, mais aussi ceux de leurs subordonnés. Enfin, il existe une présomption générale de responsabilité pesant sur les comptables dans la mesure ou toute opération, dont la Les agents d exécution du budget (cours) 9

justification n est pas apportée ou de manière insuffisante, est présumée irrégulière et mise à la charge desdits comptables. L étendue de cette responsabilité explique que les comptables soient astreints, avant d être installés dans leur poste comptable, à la constitution de garanties de manière à pallier à une éventuelle insolvabilité. 2 La mise en œuvre de la responsabilité des comptables publics La procédure de mise en cause de la responsabilité des comptables publics a profondément été remaniée ces dernières années. En effet, jusqu à il y a peu, la procédure devant le juge des comptes était secrète, écrite et objective. Le principe du contradictoire n était respecté que par la règle du double arrêt : concrètement, en cas d irrégularités constatés, le juge des comptes rendait un arrêt provisoire retraçant les irrégularités ; le comptable avait deux mois pour fournir des justifications ; puis, l'arrêt définitif de décharge ou de quitus ou de débet était rendu. Cependant, la Cour européenne des droits de l Homme a jugé que cette procédure violait le droit à un procès équitable garanti par l article 6 de la convention du même nom. Depuis 2008, la règle du double arrêt a été supprimée et le caractère contradictoire de la procédure est désormais assuré par la publicité de l audience dès lors que des charges ont été retenues. La dernière modification majeure est celle opérée par l article 90 de la loi de finances rectificative pour 2011 du 28 Décembre 2011. Quelle est, alors, de nos jours, la procédure permettant d engager la responsabilité d un comptable public? Comme par le passé, cette dernière peut être engagée soit par le juge des comptes, soit par le ministre de tutelle du comptable ou le ministre des finances. Cette mise en jeu suppose, par ailleurs, qu il existe un manquement de la part du comptable à ses obligations ne résultant pas de circonstances de force majeure. A partir de là, et c est la nouveauté essentielle, les règles diffèrent selon que le manquement a ou non causé un préjudice financier à la collectivité publique. Ainsi, en cas d absence de préjudice, le juge des comptes, et lui seul, pourra obliger le comptable à s acquitter d une somme déterminée compte tenu des circonstances de l espèce, sans que le ministre du budget puisse, par la suite, accorder une remise gracieuse de ladite somme. Dans l hypothèse ou un préjudice a été causé, le ministre ou le juge des comptes devront constituer le comptable débiteur de la somme correspondante si celui-ci ne s en est pas acquitté spontanément, c est le fameux «débet». En revanche, une remise gracieuse par le ministre du budget est ici possible, mais elle suppose que le juge des comptes se soit prononcé sur le respect, par le comptable, des règles de contrôle sélectif de la dépense. Les agents d exécution du budget (cours) 10