Clovis et Charlemagne

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Transcription:

LIVRE PP. 54-59 Notions Mérovingiens, Carolingiens, empire, baptême, alliance politique avec l Église, succession du royaume, héritage romain. Compétences Confronter des documents de nature différente. Analyser l organisation de l Empire par rapport à une carte et à d autres documents. Savoir associer deux personnages centraux de l histoire à leur période respective. Exercices Cahier CE2 : Clovis, pp. 38-39 ; Charlemagne, pp. 40-41. Cahier CM1 : Le baptême de Clovis, pp. 6-7 ; Charlemagne, pp. 8-9. INFORMATIONS POUR L ENSEIGNANT Avec Clovis et Charlemagne, nous abordons la question de l héritage romain. Clovis s y situe en se confiant stratégiquement aux évêques et Charlemagne en recherchant l appui de la papauté à Rome pour rétablir un empire aussi proche que possible, territorialement, de l Empire romain, disparu plus de trois siècles auparavant mais qui reste le modèle politique. Cette période est très importante car elle donne son nom à la France ; elle donne également deux grands personnages à l histoire, certes nationale mais aussi européenne. Cette période permet de montrer aux élèves que la France n existe pas de toute éternité, en elle-même, mais qu elle est le fruit d une lente construction. Clovis et les Francs Les Francs s installent dans les environs de Cambrai et de Tournai vers les années 440. Ces Francs Saliens (originaires de Salland, petite région située dans les Pays-Bas actuels) sont depuis le IV e siècle en alliance avec Rome. Leur roi Childéric meurt en 481. Il est remplacé par son fils Chlodweg (Clovis) qui, comme le note justement l historien Michel Rouche, se considérait «comme un général romain maître d un territoire abandonné». Ceci est très important pédagogiquement, car cela va à l encontre des façons de traiter l histoire de France, qui veut que les Francs, peuple barbare, envahissent la Gaule. La réalité est, comme pour les «invasions» barbares, beaucoup plus complexe. Clovis pense son pouvoir dans et au service de la romanité ou de l Empire. En 486 à Soissons, il bat Syagrius, un ancien général romain allié des Wisigoths (qui défendent un christianisme hérétique, hétérodoxe : l arianisme), ce qui fit dire aux historiens qu un général barbare romanisé l avait emporté sur un général romain barbarisé. Ainsi, Soissons ne constitue pas, contrairement aux stéréotypes scolaires traditionnels, un choc de civilisations entre une horde barbare et des légions romaines. C est tout simplement un conflit pour la domination d un territoire laissé sans pouvoir depuis la chute de l Empire romain. Mais Clovis sait que, pour tenir son pouvoir, il doit avoir le soutien des élites et des populations gallo-romaines. C est à ce moment que se situe la bataille (et la victoire) contre les Alamans à Tolbiac dont, aujourd hui encore, on doute de la date. Quoi qu il en soit, entre 496 et 499, Clovis comprend qu il doit se faire baptiser pour obtenir l accord politique, essentiel, avec les seuls garants restants de la légitimité romaine : l Église et ses évêques. Une promesse et des vœux sont faits à Clotilde, l épouse burgonde de Clovis, de devenir chrétien en cas de victoire sur les Alamans. Après Tolbiac (ou avant : 496 ou 498?), Clovis scelle son alliance avec l Église en se faisant baptiser par l évêque Remi de Reims : «Dépose tes colliers Sicambre. Adore ce que tu as brûlé ; brûle ce que tu as adoré.» 37

L HÉRITAGE ANTIQUE En 507, fort du soutien de l Église, Clovis soumet les Wisigoths à Vouillé (507) «avec l aide de Dieu». Paris devient capitale. Il est difficile de savoir comment évolue la société sous Clovis. Mais ce qui semble acquis par la recherche historique, c est que la domination franque se coule dans l organisation de l Empire romain, sans rupture majeure constatée. Clovis est un successeur plus qu un conquérant. Il n y a pas de substitution d élites locales ; pas d encadrement franc. En revanche, les coutumes franques s affirment au moment de la mort de Clovis. En 511, le royaume est partagé suivant la coutume entre ses quatre fils héritiers. Le moment carolingien Au début du VIII e siècle, après Clovis, la Gaule (que l on appelle la Francie depuis le VII e siècle) est très morcelée et divisée, en proie aux luttes intestines. Elle connaît une grave crise royale. Les sources du pouvoir passent progressivement des mains du roi à celles de la grande aristocratie, tant laïque qu ecclésiastique, qui capte les impôts royaux et s arroge tout ou partie des pouvoirs régaliens (ceux du roi). Dans cette Gaule où domine désormais la lingua rustica romana (le roman), le maire du Palais (chargé de l administration du royaume) Charles Martel soumet progressivement les provinces. De plus, profitant de son pouvoir militaire et politique nouveau, auréolé du prestige d avoir repoussé les Sarrasins en 732 (à Moussais, près de Tours, et non à Poitiers), Charles Martel tente également de soumettre l Aquitaine et la Provence. Ses conquêtes se font sous le règne de la terreur et de la christianisation forcée, notamment à l est du Rhin. Par un coup d État, le fils de Charles Martel, Pépin le Bref, devient roi des Francs en 751. Comme David et Saül, rois de l Ancien Testament, il est le premier à recevoir l onction du saint chrême (huile sacrée servant aux onctions pendant des cérémonies religieuses et, notamment, lors du sacre du roi). Sous son règne, une conquête systématique de la Gaule du sud est entreprise, notamment de l Aquitaine et de la Septimanie. Quand il meurt en 768, il laisse un royaume agrandi et soutenu par la papauté. Charlemagne qui lui succède poursuit les conquêtes qui lui attirent autorité, prestige et grandeur (Carlo Magnus signifie Charles le Grand ou Charlemagne). La puissance que procurent les conquêtes territoriales et le poids de son autorité permettent le sacre à Rome par le pape le 25 décembre 800 (comme Clovis le 25 décembre 496 ou 498). En effet, pour le pape, c est la garantie d un soutien politique unique et sûr, déjà éprouvé. Pour Charlemagne, il s agit de capter l héritage et le prestige de l Empire romain, preuve que son souvenir hante les élites politiques de l Occident chrétien de l époque. Avec Pépin (le saint chrême) et plus encore avec Charlemagne, on assiste aux prémices de la création d une monarchie de droit divin. En croyant retrouver ou refonder l empire d Auguste Charlemagne ne se fait-il pas appeler Auguste sur les monnaies qu il frappe?, les Carolingiens innovent pourtant en devenant les représentants de Dieu sur terre ; ils sont les bienfaiteurs pour bâtir icibas la cité de Dieu. L État carolingien est organisé en tant qu il est source unique du pouvoir public. La chancellerie à Aix-la-Chapelle contrôle ou souhaite tout contrôler. Les comtes dans l empire sont réunis trois fois par an. Et les missi dominici (les envoyés du Seigneur) tentent d éviter l arbitraire des comtes trop éloignés d Aix-la-Chapelle et maintiennent le lien direct avec l empereur. La paix relative qui s instaure sous Charlemagne permet l organisation des échanges et des campagnes, au travers, notamment, de l administration des grandes terres de l empereur (des fiscs royaux et des grands domaines). La paix permet également ce que l on a appelé la «renaissance carolingienne» : c est-à-dire une rénovation cultuelle (enluminures, amélioration des manuscrits, redécouverte du latin, architecture avec, bien sûr, Aix comme capitale). Dans ce monde carolingien, l Église garde le monopole de la culture lettrée savante. Les origines franques de l histoire de France sont importantes car c est le temps de la mise en 38

place d une synthèse très subtile entre civilisations barbare, romaine et chrétienne, sans que ces trois termes s opposent absolument. Cette monarchie deviendra monarchie de droit divin, en faisant de la Gaule et de ses habitants un peuple élu. EXPLICATION DES DOCUMENTS Le royaume de Clovis en 482, p. 54 La carte présente le royaume franc à la mort de Childéric (482). L Empire romain est très morcelé. On repère le royaume du général Syagrius allié à l immense territoire wisigothique. Cette carte est à travailler en la comparant avec la carte du royaume en 511, page 55. Le royaume de Clovis en 511, p. 55 À la mort de Clovis (511), le territoire franc s est considérablement agrandi aux dépens des Wisigoths. Ce territoire sera disloqué entre ses quatre fils, conformément à la tradition du partage barbare. Baptême de Clovis, p. 55 Pour bien saisir l alliance politique qui se joue dans ce texte, entre l Église et Clovis, il convient de prendre, de préférence, le texte plus long contenu dans le cahier d exercices CM1, page 16. Par son baptême, Clovis s attire le soutien des évêques des territoires dominés par les Wisigoths dont le christianisme est hérétique (arien). Il s attire également le soutien de Constantinople, capitale de l Empire romain d Orient. Le document est tardif (début XV e siècle), ce qui doit être indiqué aux élèves. Car tout le travail des Capétiens et des dynasties suivantes au travers des nombreuses histoires rédigées c est le cas ici des Grandes Chroniques de France, c est de montrer le lien monarchique entre eux, Clovis et Charlemagne, même s il leur faut déformer ou inventer des filiations. Ce document permet de comprendre ce que signifie la monarchie de droit divin, visuellement. Si l on regarde les personnages, on repère Clotilde à gauche avec une couronne, Remi la main levée pour récupérer l huile sacrée (le saint chrême) apportée de Jérusalem par la colombe et, bien sûr, Clovis au centre, légèrement surélevé (donc en position de roi, de supérieur). Au-dessus de lui, la voûte céleste fait évidemment référence à Dieu. Mais, si l on regarde bien, il n y a rien entre lui et le Ciel (c est-à-dire Dieu). C est la définition même de la monarchie de droit divin : nulle personne en position intermédiaire, le roi étant en lien direct avec Dieu. Texte de Grégoire de Tours, p. 55 La vie de Clovis nous est connue grâce à l évêque Grégoire de Tours, qui écrit près de 70 ans après les événements. Cette source presque unique a longtemps été un frein à la compréhension de l époque, car Grégoire de Tours n est pas contemporain de Clovis. Mais il représente cette aristocratie ecclésiastique sensible au pouvoir du roi franc. Lu tel quel, le texte peut laisser penser que Clovis n est qu un guerrier impitoyable et cruel. De plus, le partage du butin fut longtemps perçu comme une pratique typique des Barbares. Or, c est oublier que les légions romaines opéraient de même. Ensuite, il faut lire le texte comme la reconnaissance de Clovis par l Église d un homme providentiel, dans des temps troublés par l absence d un pouvoir temporel solide. Grégoire met en scène un homme de caractère, dans la droite ligne des récits panégyriques des empereurs romains, disposant de la force, du caractère et du courage. Sacre de Charlemagne, p. 56 On assiste à une scène de couronnement conventionnel peinte plusieurs siècles après l événement. Le roi agenouillé s apprête à recevoir du pape Léon III la couronne qui fera de lui un empereur. Cette représentation gomme les relations complexes qu il y avait entre le futur empereur et Rome. La veille du couronnement, la date de celui-ci n était pas encore fixée. C est le pape qui a pris la décision de brusquer le cours des événements. 39

L HÉRITAGE ANTIQUE Texte d Éginhard, p. 56 Jeune aristocrate franc, Éginhard (780-840) entre en 791 à l école du palais à Aix-la- Chapelle. Il est éduqué au contact des lettrés et des savants qui forment une académie internationale autour de Charlemagne. À l avènement de Louis le Pieux, Éginhard devient son homme de confiance et joue un rôle politique important avant de se retirer en 828 pour mener une vie éloignée du monde. C est sans doute pendant cette période qu il écrivit la biographie de Charlemagne, une vie exemplaire et magnifiée, qui connut un grand succès. Lettrine, p. 57 Charlemagne encouragea l ouverture d ateliers près des monastères et des églises. Dans ces ateliers les moines recopient des manuscrits. L importance accordée à la lecture et l écriture fait du livre un objet précieux. Bien écrit, il est mis en valeur par l illustration. Le scribe est aussi un peintre. Les pages commencent fréquemment par une lettre décorée (la lettrine) à l intérieur de laquelle figure un petit tableau. Somptueusement reliés, les manuscrits sont conservés dans des bibliothèques. Huit mille manuscrits carolingiens sont parvenus jusqu à nous. Chapelle du palais d Aix-la-Chapelle, p. 57 En 790, Charlemagne entreprend de grands travaux dans le palais d Aix-la-Chapelle. Il fait construire différents bâtiments réservés à la résidence royale, à l administration et au logement de la cour qu il souhaite avoir près de lui pour pouvoir la contrôler. Une galerie couverte en pierre relie les différents espaces entre eux. À l une des extrémités de cette galerie se trouve la chapelle, lieu de culte et salle du trône. C est un vaste monument couvert d une coupole s élevant à 31 mètres. L intérieur dessine un octogone. Sur les côtés courent deux galeries, ouvertes sur le centre par de larges baies et soutenues par deux niveaux de colonnes. Le roi et la cour occupaient la galerie supérieure. Le trône, fait de quatre plaques de marbre de Carrare, était sous un grand porche. Le roi a fait venir de Rome des colonnes, des mosaïques et des marbres, ainsi que quelques mosaïstes pour décorer l intérieur de la coupole. On remarquera dans les décors la présence abondante d or et d argent, du bronze pour les portes et les balustrades de la galerie haute et une alternance de marbre blanc, gris et polychrome. Les missi dominici de Charlemagne et le Brevet de nomination d un comte, pp. 58-59 Les distances dans l Empire sont telles, qu il est presque impossible à Charlemagne de parcourir l ensemble de ses territoires. Il le fait à certaines occasions, mais le plus souvent, c est depuis Aix-la-Chapelle qu il adresse ses ordres ou ses lois. Cela pose tout le problème du contrôle du territoire. Absent des comtés, l empereur est obligé de faire confiance aux comtes, liés par un contrat public, administratif, pourrait-on dire, de fidélité à l empereur. Ce contrat est composé d un brevet, où sont déclinées toutes les obligations du comte, représentant du seigneur dans l Empire. Les trous laissés dans le texte étaient destinés à être remplis par le nom et la région du comte à qui Charlemagne remettait le comté. Les comtes et les ducs représentent le roi dans chaque partie de ce royaume et les évêques envoient des missionnaires dans les campagnes pour diffuser la religion chrétienne. Mais bien sûr, du fait de la distance, les comtes disposaient d une autonomie telle qu ils pouvaient se croire autorisés à prendre des libertés parfois trop importantes. C est pourquoi Charlemagne et ses conseillers inventent les missi dominici. Ceux-ci sont des agents de l empereur, directement rattachés à lui et chargés de vérifier auprès des comtes la bonne application des directives de l empereur. C est pour Charlemagne autant une nécessité qu une garantie. La position des missi dominici sur le document iconographique page 58 indique clairement leur lien de subordination et de soumission à l autorité de l empereur. L Empire de Charlemagne en 814, p. 59 Le territoire de Charlemagne à sa mort est, du fait des conquêtes militaires, très étendu ; il l est beaucoup plus que celui de Clovis. Il est borné 40

au sud par l émirat de Cordoue. Le monde musulman est en pleine construction, après la mort du prophète en 632. Les Omeyyades (dynastie régnante de 661 à 1031) glissent vers l ouest du Maghreb pour remonter vers la péninsule Ibérique. Freinés à Moussais en 732 par Charles Martel, ils fondent l émirat de Cordoue, visible sur la carte. À partir du IX e siècle, l Espagne musulmane connaît un épanouissement politique, économique, intellectuel et culturel considérable. Mis à part la péninsule Ibérique, l Empire de Charlemagne (avec les territoires qu il domine) a presque retrouvé les limites de l ancien Empire romain d Occident. En faisant un travail en classe entre la carte et les directives données aux comtes, on comprend mieux la difficulté qu avait Charlemagne à contrôler l ensemble de cet empire. ÉLÉMENTS POUR UNE SYNTHÈSE Clovis, roi des Francs, appartient à la lignée des Mérovingiens, alliés des Romains. Pour augmenter son pouvoir, il devient chrétien. Pépin le Bref fonde la dynastie des Carolingiens dont le plus célèbre, Charlemagne, est sacré empereur. Son palais est à Aix-la-Chapelle. Les comtes, installés dans les régions, l aide à gouverner son empire. 41