Séquence 1 Visions poétiques de la femme Texte 1 Support : François Villon, Le Testament, 1461. Ballade des dames du temps jadis Dictes-moi où, n'en quel pays, Est Flora la belle Romaine, Archipiades 1, ne Thaïs 2, Qui fut sa cousine germaine, Écho 3, parlant quant bruit on mène Dessus rivière ou sus 4 étang, Qui beaulté eut trop plus qu'humaine? Où est la très sage Hélloïs 5, Pour qui fut châtré et puis moine Pierre Esbaillart à Saint-Denis? Pour son amour eut ceste essoyne 6. Semblablement, où est la royne 7 Qui commanda que Buridan 8 Fut jeté en un sac en Saine? La royne Blanche 9 comme un lis Qui chantoit a voix de sirène, Berte au grand pied 10, Bietris 11, Alis 12, Haremburgis 13 qui tint le Maine, Et Jehanne, la bonne Lorraine Qu'Englois brûlèrent à Rouen ; Où sont-ils 14, où, Vierge souvraine? Prince, n'enquerez de semaine Où elles sont, ni de cet an, Qu à ce refrain ne vous remaine 15 : 1. Il s agit d Alcibiade, beau jeune homme athénien, disciple de Socrate, que l on prenait à l époque pour une femme. 2. Célèbre prostituée devenue sainte. 3. Nymphe aimée du dieu Pan et amoureuse, elle, de Narcisse. 4. Dessus. 5. Amante d Abélard après avoir été son élève. 6. Malheur. 7. La reine est Marguerite de Bourgogne, épouse de Louis X. 8. Philosophe débauché. 9. On ignore de qui il s agit. Peut-être la mère de Saint Louis, Blanche de Castille. 10. Héroïne d une chanson de geste et mère de Charlemagne. 11. On ignore de qui il s agit. 12. On ignore de qui il s agit. 13. Fille d un comte du Maine, au début du XIII ème siècle. 14. Mis pour «elles». 15. Ramène.
Lecture analytique 2 Séquence 1 Visions poétiques de la femme Support : Pierre de Ronsard, «Ode à Cassandre», Amours, 1553 puis Odes (sous le titre «A sa maîtresse» 1584) Ode à Cassandre Mignonne, allons voir si la rose Qui ce matin avait déclose Sa robe de pourpre au soleil, A point perdu cette vêprée Les plis de sa robe pourprée, Et son teint au vôtre pareil. Las! voyez comme en peu d espace, Mignonne, elle a dessus la place, Las! las! ses beautés laissé choir! Ô vraiment marâtre Nature, Puisqu une telle fleur ne dure Que du matin jusques au soir! Donc, si vous me croyez, mignonne, Tandis que votre âge fleuronne En sa plus verte nouveauté, Cueillez, cueillez votre jeunesse : Comme à cette fleur la vieillesse Fera ternir votre beauté.
Séquence 1 Visions poétiques de la femme Lecture analytique 3 Support : «A une passante», Les Fleurs du mal, Charles Baudelaire (1857) A une passante La rue assourdissante autour de moi hurlait. Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse, Une femme passa, d'une main fastueuse Soulevant, balançant le feston et l'ourlet ; Agile et noble, avec sa jambe de statue. Moi, je buvais, crispé comme un extravagant, Dans son oeil, ciel livide où germe l'ouragan, La douceur qui fascine et le plaisir qui tue. Un éclair... puis la nuit! - Fugitive beauté Dont le regard m'a fait soudainement renaître, Ne te verrai-je plus que dans l'éternité? Ailleurs, bien loin d'ici! trop tard! jamais peut-être! Car j'ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais, Ô toi que j'eusse aimée, ô toi qui le savais!
Lecture analytique 4 Séquence 1 Visions poétiques de la femme Support : «La Courbe de tes yeux», Capitale de la douleur (1926), Paul Eluard (1895-1952) La Courbe de tes yeux La courbe de tes yeux fait le tour de mon coeur, Un rond de danse et de douceur, Auréole du temps, berceau nocturne et sûr, Et si je ne sais plus tout ce que j'ai vécu C'est que tes yeux ne m'ont pas toujours vu. Feuilles de jour et mousse de rosée, Roseaux du vent, sourires parfumés, Ailes couvrant le monde de lumière, Bateaux chargés du ciel et de la mer, Chasseurs des bruits et sources des couleurs, Parfums éclos d'une couvée d'aurores Qui gît toujours sur la paille des astres, Comme le jour dépend de l'innocence Le monde entier dépend de tes yeux purs Et tout mon sang coule dans leurs regards. Paul ELUARD, Capitale de la douleur, (1926)
Séquence 1 Visions poétiques de la femme Lecture analytique 5 Support : «Femme noire», Chants d ombre (1945), Léopold Sédar Senghor (1906-2001) Femme noire Femme nue, femme noire Vêtue de ta couleur qui est vie, de ta forme qui est beauté! J ai grandi à ton ombre ; la douceur de tes mains bandait mes yeux. Et voilà qu au coeur de l Été et de Midi, je te découvre, Terre promise, du haut d un haut col calciné Et ta beauté me foudroie en plein coeur, comme l éclair d un aigle. Femme nue, femme obscure Fruit mûr à la chair ferme, sombres extases du vin noir, bouche qui fais lyrique ma bouche Savane aux horizons purs, savane qui frémis aux caresses ferventes du Vent d Est Tamtam sculpté, tamtam tendu qui gronde sous les doigts du Vainqueur Ta voix grave de contralto est le chant spirituel de l Aimée. Femme noire, femme obscure Huile que ne ride nul souffle, huile calme aux flancs de l athlète, aux flancs des princes du Mali Gazelle aux attaches célestes, les perles sont étoiles sur la nuit de ta peau Délices des jeux de l Esprit, les reflets de l or ronge ta peau qui se moire A l ombre de ta chevelure, s éclaire mon angoisse aux soleils prochains de tes yeux. Femme nue, femme noire Je chante ta beauté qui passe, forme que je fixe dans l Éternel, Avant que le destin jaloux ne te réduise en cendres pour nourrir les racines de la vie.