FORTERESSE ET CHAPELLE RUPESTRES DE SAINTE-CROIX Salon-de-Provence



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FORTERESSE ET CHAPELLE RUPESTRES DE SAINTE-CROIX Salon-de-Provence Fig. 1 : le panorama de Sainte-Croix : en bas à droite, l abbaye du même nom et au fond, la Sainte-Victoire Au nord-est de Salon, juste en limite de la ville, s élève un joli massif de collines dominant les platitudes de la Crau. La plus haute d entre elles, d une altitude de 312 mètres est surmontée d une vigie pour la surveillance des incendies. Un peu en contre bas, sur un creux de la crête dominant Salon, se trouve l Abbaye dite de Sainte-Croix. Un peu plus loin vers l est, toujours sur le versant dominant Salon, se dresse le beau prieuré de Saint-Pierre-des- Canons. Quant à la vigie, elle s est installée sans vergogne sur le coin de la vieille chapelle rupestre de Sainte-Croix, aussi appelée à tort Notre-Dame de Cuech. L aménagement de la vigie et de ses annexes a bousculé le site dont de nombreux vestiges ont disparu. Le choix de son lieu d implantation était-il le meilleur et un compromis n aurait-il pas pu être trouvé à dix ou vingt mètres de là? Abstenons-nous de tout commentaire vexant...la configuration du plateau, sa faible pente et son altitude le permettaient. O tempora o mores! Sans plus de commentaire Autre vestige important: une trentaine de mètres au sudouest de la vigie, sous une barre rocheuse, s est encastrée une jolie forteresse rupestre. Le chemin privé desservant l abbaye-hôtel et la vigie étant barré par un portail qui n est pas toujours ouvert, il vaut mieux prendre un chemin forestier démarrant de la route D 16, quelques centaines de mètres plus bas que le chemin de l abbaye. Au bout d environ 400m, un sentier caladé part sur la gauche qui permet d accéder au site de Sainte-Croix. La grotte fortifiée s ouvre au dessus de landes sauvages, avec une vue magnifique sur les environs. Juste au dessus de la grotte, un peu écrasée par la vigie, on voit la belle façade de la chapelle rupestre de Sainte- Croix, alias N.D. de Cuech (fig. 2). Carte IGN 3143 OT (Salon-de-P.) UTM 31 X 671.615 Y 4835.492 Z 290 X 671.630 Y 4835.507 Z 307 En haut les coordonnées de la baume, en bas celles de N.D. de Cuech, alias Sainte Croix. Fig. 3 : Cadastre de 1830, l abbaye est intitulée Notre- Dame et la chapelle rupestre Sainte-Croix. Toponymie La chapelle rupestre située au sommet est reportée sur le cadastre napoléonien (1830), elle devait donc avoir son toit à l époque ; elle y est dénommée chapelle de Ste-Croix. Quant à l abbaye-hôtel dite aujourd hui de Sainte-Croix, elle est mentionnée Notre dame. Les deux sont situées dans le quartier de la val de cuech. La carte de Cassini, rédigée cinquante ans plus tôt, mentionne bien une chapelle située sur le sommet correspondant à notre chapelle rupestre et dénommée Ste-Croix. En contre bas et plus à l est, cette carte mentionne N.D. de la Valdechue dont l emplacement est celui de l actuelle abbaye, dite de Sainte-Croix! Dans les écrits que nous avons consultés aux archives de la mairie de Salon, il y a sans cesse ambiguïté entre Val de Cuech et Sainte- Croix, l abbaye et la chapelle rupestre étant tour à tour désignées par un toponyme, ou par l autre! En fait, le Val de Cuech est une vallée ombragée et humide descendant sur Salon qui a donné son nom à tout le lieu-dit, y compris au plateau objet de notre étude. D après Jean Blanchard, ce nom viendrait du latin Vallis de Aquis (vallée des eaux). Nous verrons plus loin d où vient le nom de Sainte-Croix, dont l origine est toute autre. L historique qui suit nous fait penser que le nom de Sainte-Croix a été usurpé par l abbaye dont le vrai nom était Notre-Dame de Cuech. En réalité, Sainte-Croix est la chapelle rupestre située au sommet. HISTOIRE DU SITE Fig. 2 : La baume fortifiée de Sainte-Croix incrustée dans la falaise et au dessus, à une vingtaine de mètres, la chapelle rupestre du même nom. Sur le plan des recherches historiques, le plateau sommital de Cuech, avec sa grotte défensive et sa chapelle rupestre, a été occulté par le prieuré de Saint-Pierre-des-Canons et l abbaye-hôtel appelée

aujourd hui Sainte-Croix. Tous les trois sont très proches. D après un acte de 1424, l abbaye a aussi été dénommée Nostra Domine de Cugio, puis Notre Dame de Cuech par Mgr de Grignan, lors d une visite pastorale en 1670. Cette abbaye dite aujourd hui de Sainte-Croix, est un magnifique monument dont la construction aurait débuté au XII e siècle. Elle a été restaurée dans les années 1970 et transformée en hôtel de luxe, les cellules de moines devenant des chambres. Quant à Saint-Pierre-des-Canons, ancien prieuré médiéval occupé par différents ordres religieux jusqu à la Révolution, il fut peu à peu abandonné. Aujourd hui propriété privée, il a fait lui aussi l objet d une belle restauration (fig. 3). Les cavités troglodytes qui le jouxtent et qui avaient servi de cellules de moines ou de prisons ont été aménagées en chambres de passage. Toute la colline de Val de Cuech a été occupée de longue date. D abord par les ligures, qui y ont laissé un oppidum, puis par les Salyens. Peuples guerriers et chasseurs, cette haute situation défensive Fig. 4 : Le prieuré de Saint-Pierre des Canons, l un des deux sites qui ont éclipsé les autres monuments de Sainte-Croix. Fig. 5 leur convenait. Des habitations troglodytes se creusaient au sud de la colline. De nombreuses tombes et vestiges ont été retrouvés et on a estimé qu à la fin du Moyen Âge la population locale était de l ordre de mille habitants. Mais à partir de cette époque, ce lieu haut placé, position défensive par excellente, se dépeupla au profit de la plaine plus facile à cultiver. Lors des guerres de religion, au XVI e siècle, puis lors des grandes pestes du début du XVIII e siècle (1720 à Marseille), Sainte-Croix retrouvant sa vocation de refuge, connut des périodes de repeuplement. Le lieu se prêtait à la fortification et il aurait eu deux enceintes défensives dont la plus grande ceignait une superficie de 10 ha. La plus haute, celle qui nous intéresse, concerne la chapelle rupestre et la baume fortifiée de Sainte-Croix. Entourant une zone de 150 m par 50 (0,6 ha), cette enceinte protégeait la chapelle et les constructions, ou habitations ayant trouvé place sur ce petit bout de plateau. La Baume faisait partie du dispositif défensif (fig. 4). Les photographies aériennes, la carte IGN et une visite sur le terrain permettent de délimiter parfaitement ce dispositif. Sur les cotés sud et ouest, la falaise forme une barrière naturelle, dispensant de toute construction de rempart ; un petit mur de pierres sèches suffisait pour se mettre à l abri des jets de flèches. Au nord et à l est, un rempart complétait le dispositif des falaises. Au nord, il se dressait audessus d un glacis naturel en forte pente de 30 m de dénivellation. A l est, sur une longueur d une vingtaine de mètres se situait le point délicat de l enceinte, car on a ici une langue de terre de faible pente permettant d accéder au site. Sur ces deux cotés, seules les assises d une soixantaine de mètres de rempart sont encore visibles, une lacune de 80 m, envahie par la végétation, cache la jonction avec les falaises ouest.

La baume fortifiée défendait l accès sudouest de cette enceinte ; le chemin y arrivant passe tout près, ainsi que des escaliers taillés dans le roc et permettant de franchir la falaise dans un étroit goulet (fig. 4). Bien que la position de la baume ne soit pas idéale pour surveiller cet accès au mieux, les constructeurs ont profité de l abri naturel qu elle procurait pour y bâtir leur tour de défense. LA BAUME FORTIFIEE Quant on arrive à pied par l ouest, on ne peut manquer de remarquer la façade fortifiée encastrée dans les rochers. Juste au dessus, hélas en partie squattée par la vigie de surveillance des pompiers qui la domine, on voit la belle façade de la chapelle Sainte-Croix (fig. 2). Comme vu précédemment, les marches d escaliers taillées dans le roc permettent de joindre la forteresse à la chapelle (fig. 4). Fig. 6 : La belle façade de la baume fortifiée dont les pierres maçonnées ont bien résisté au temps. Fig. 8 : On voit comment la vire a été creusée pour interrompre l accès à la baume. Meurtrières et opes La photo de la façade nous montre de belles pierres bien assemblées, au milieu desquelles percent cinq meurtrières et deux fenêtres (fig. 5). L une de ces meurtrières est fausse, car à l intérieur, aucune ouverture ne lui correspond. La longueur intérieure de la forteresse est de 8 mètres, avec une largeur maximale de 2,7 m et une hauteur variant entre 3m et 1,7m. Malgré cette hauteur modeste (fig. 6), l étagement des meurtrières et fenêtres, la présence d opes Fig. 9 : Cette photo permet de comprendre comment était calée l étroite passerelle, une fois relevée.

Fig. 10

(trous de boulin) percés dans les murs, nous montrent qu il y avait deux niveaux. Bien que les gens de l époque soient moins grands qu aujourd hui, ils devaient quand même se tenir courbés! Ce type d architecture fait penser au XII e siècle. Pour Yves Dautier, le mouvement de fortifications individuelles s est étendu de la première moitié du XI e siècle, jusqu au début du XIII e. Protection de l accès La façade de la fortification est bâtie sur une vire en dessous de laquelle s étend un long abri sous roche (voir profil, fig.9). En fait, la fortification est bâtie sur le vide! Ses constructeurs ont profité de cette configuration pour créer un ingénieux système de protection de l accès. Devant l entrée, ils ont creusé dans la roche une tranchée de 2,4 m de large qui coupe la vire, créant un vide de 5 mètres de profondeur. Je ne parlerai pas de pont levis, dispositif trop important, mais de passerelle amovible. Il fallait donc une passerelle de 2,6 mètres de long et de 0,70 m de large qui pouvait se retirer et s encastrer dans l entrée en reposant sur un arrêtoir creusé 1,10 m en dessous du seuil. Elle faisait en même temps office de porte (voir plan, fig. 9). La passerelle ayant disparu, une petite traversée en escalade est aujourd hui nécessaire. CHAPELLE RUPESTRE DE SAINTE-CROIX. D après la légende, la chapelle aurait été construite par l Archevêque saint Hilaire d Arles (401-449) pour l accomplissement d un vœu qu il fit alors que son bateau était pris dans la tempête au retour d un voyage en Terre-Sainte. Il en rapporta un fragment de la croix du Christ qu il fit insérer dans la croix de la chapelle. D où le nom de Sainte-Croix, qui entretient une confusion constante avec celui de Notre-Dame de Cuech. Le logement de l ermite En bordure de l abri sous roche se creusant sous la baume fortifiée (voir plan), reste un mur d u- Fig. 11 : Sous la baume fortifiée, l abri réutilisé par le frère Reymond. ne hauteur d un peu plus d un mètre, qui, autrefois, devait rejoindre le plafond. Un ermite y aurait certainement trouvé refuge. En effet, dans ses souvenirs de garnison (1835), Jouenne d Esgrigny nous dit : Dans une grotte creusée dans la molasse du rocher, abritée du vent du nord, au dessous de la chapelle de Sainte-Croix, vivait un ermite connu à Salon sous le nom de frère Reymond. Tous les jours, cet anachorète descendait à Salon pour assister à la messe matinière à Saint-Michel. Il ne manquait jamais le samedi, après avoir recueilli les aumônes, de réserver pour les pauvres l excédent du pain qui lui était donné, seule chose qu il acceptait. Fig. 12 : La belle façade de la chapelle. Un parement de belles pierres couvre la maçonnerie plus frustre. Sur le plan historique, le plus ancien acte la concernant serait une donation faite en 1090 par Hugon de Pelissanne, en faveur de l église de Sainte- Marie de Kuech de la vallée d Hugon. Ce nom de Sainte-Marie entretient un doute qui est vite levé par la Vallée d Hugon qui est le Val de Gon actuel, partant plein sud à partir de Sainte-Croix et ne comportant aucune église. La référence à cet acte du XI e siècle concorde avec les éléments architecturaux de la chapelle. Un autre acte du Chapitre en faveur de l archevêque Hugues de Bernard, date de 1220. Lors de la visite pastorale qu il fit au monastère en 1670, Mgr de Grignan écrit dans son rapport : Nous avons procédé, après avoir dit la messe à Notre-Dame de Cuech, à la visite de et sortant de là, nous sommes allés à la chapelle de Sainte-Croix qui est au sommet d une montagne, laquelle nous avons trouvée toute creusée dans le roc et en assez bon état Ces lignes enlèvent toute confusion entre le nom de l abbaye et celui de la chapelle rupestre, laquelle en 1670, ne devait plus faire l objet d un culte régulier. Description Une description de 1956 (l Emperi) nous rapporte : Il y a quelques années le clocheton s élevait encore sur la porte d entrée ; on voyait les cellules de moines. Aujourd hui, presque tout s est effondré et au dessus des voûtes, le lierre centenaire a recouvert les tuiles brisées. Plus loin, on peut lire : La chapelle mesurait 17 m ; sous une colonne et une arcade à gauche, on avait conservé un fragment de la croix dans un reliquaire. A droite, il y a un appartement voûté qui servait de sacristie ; au dessus une salle

encaissante. Quant à la voûte, entièrement maçonnée, elle a en majeure partie a disparu (fig. 13 et plan, fig. 15). La roche est une molasse miocène d une belle couleur dorée et contenant de nombreux coquillages. Facile à tailler, elle a servi de pierre de construction pour beaucoup de bâtiments de la région. Fig. 13 : Vestiges de la voûte, dont les joints ont été refaits. A gauche, l assise du clocheton, en bas la nef. pour loger l ermite porte le millésime 1642. Chose curieuse, le monument n est pas classé historique et nous n avons pas trouvé trace, en mairie de Salon, de l organisation d un chantier de restauration. Pourtant, la chapelle a été nettoyée, tous les décombres de la voûte et du toit ont été enlevés et le sol rocheux est net sur sa majeure partie. De plus, le petit morceau de voûte restant a été consolidé et cimenté. Y-a-t-il eu un chantier de jeunes qui, comme en d autres endroits, occupent quelques semaines de leurs vacances d été à entretenir un site? Ou y-at-il eu des travaux au cours de l édification de la vigie? La chapelle a été enchâssée dans la roche sommitale du plateau, qui a été taillée et enlevée sur 3 à 4 m de profondeur (fig. 13). On a ici la symbiose naturelle du creusé et du construit chère à Dautier, (1989). Cette adaptation au rocher lui a donné une orientation nord-sud et non ouest-est, vers le soleil levant. D ailleurs, le sol est constitué entièrement par cette roche nue, sans pavage ou revêtement. Seule sa façade est intégralement bâtie. Sur les autres cotés, la maçonnerie ne remplit que les lacunes de la roche Fig. 14 : On voit ici l importance du creusement dans la roche encaissante (murs est) Fig. 15 : Le petit local ayant abrité les reliques de la Sainte-Croix. Fig. 16: La niche creusée dans le roc du mur ouest. La nef Elle forme un quasi rectangle d une longueur intérieure de 13,3 m, et d une largeur variant de 4,05 à 5,1 m. Il faut dire que la paroi orientale n est pas rectiligne, elle est légèrement concave. La nef n est pas complétée par une abside et son chevet, situé au nord, est rectiligne (fig.16). Quant à la voûte, qui s élève à 5,45 m de haut, il n en subsiste qu une longueur de trois mètres sur le coté sud. Le crépi de l intérieur a presque complètement disparu, il en subsis-

Fig. 17

Fig. 18 : La sacristie, salle voûtée dont les seules ouvertures sont deux meurtrières. te quelques plaques sur la façade et sur le chevet. Sur le coté ouest de la nef, subsistent deux niches. La première, à ras du sol, d une hauteur de 2,25 m, d une largeur égale et d une profondeur de 1,06 m, abrite en partie une grande vasque rustique en pierre de 1,4 m par 1,25 (fig. 19). La seconde placée à 1,47 m de hauteur et d une dimension de 1,95 m par 1,15, a été divisée ultérieurement en deux parties (fig. 15). Elle comporte une feuillure qui indique qu elle était fermée. Salles annexes Deux portes s ouvrent sur les cotés de la nef. La première, au début coté ouest, s ouvre sur un petit local mesurant 2m sur 1 où l on peut s asseoir. C est vraisemblablement le reliquaire qui contenait le morceau de la croix du Christ. La deuxième au fond et à l est, donne accès à un local de forme irrégulière, dont la longueur maxi- Fig. 19 : Dans la sacristie, la porte du petit réduit et à droite, l ouverture de la citerne. male est de 4,5 m et la largeur maximale de 4 m. Alors que trois parois sont rocheuses ou accolées au rocher, la paroi du fond est maçonnée et percée de deux meurtrières, ce qui témoigne de la période d insécurité régnant au moment de la construction. La voûte est maçonnée ; elle a été consolidée lors de la construction, directement au dessus, de la vigie DFCI. Dans cette petite salle, un petit local de 1m² s ouvre sur le coté, son utilité n est pas évidente. Au sol, une ouverture carrée de 0,6 m donne sur une petite citerne de 1,5 m de coté. En partie obstruée par les débris, elle a une profondeur de 1,75 m. Différemment de ce qui m avait été dit, ce n est pas une crypte ; elle est trop petite et ses parois sont recouvertes soigneusement jusqu au plafond, d un crépi d étanchéité propre aux citernes. Fig. 20 : La vaste en pierre grossièrement taillée, située dans la nef. Quelle fut son utilité? En fait, cette salle était la sacristie et au dessus d elle se trouvait le logement du ou des ermites, où a été relevé le millésime 1642. Il ne reste plus qu un petit coin de cette salle supérieure qui a été rasée pour l installation de la vigie de surveillance des incendies. BIBLIOGRAPHIE L Emperi, 1956, Mémento des Amis du Vieux Salon, n 30, pp. 4-12 Yves DAUTIER, 1988, Le troglodytisme, l exemple des Bouches du Rhône, Maisons paysanne de France, n 89. Denis ALLEMAND, Catherine UNGAR, 1997, L architecture rupestre et troglodyte en Provence, in : Actes du second congrès international de subterraneologie, Mons (Belgique), pp. 179-197 André-Yves DAUTIER, 1999, Trous de mémoire, Troglodytes du Lubéron et du Plateau de Vaucluse, Les Alpes de Lumières/ Parc naturel du Luberon