Les Mécanismes du Réchauffement Climatique Sandrine Bony Léna et Jean Louis Dufresne (LMD/IPSL, CNRS)

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Pour Sciences et Avenir, 30 Janvier 2007 Les Mécanismes du Réchauffement Climatique Sandrine Bony Léna et Jean Louis Dufresne (LMD/IPSL, CNRS) La température globale de la Terre à travers les âges Les mesures indiquent que la moyenne des températures à la surface du globe est actuellement de l'ordre de 15 o C. Cette valeur a t elle déjà changé? Peut elle changer dans le futur et avec quelle amplitude? Cette question, qui se trouve aujourd'hui au coeur de l'actualité, n'est pas nouvelle. Dès le début du 19 e siècle, le physicien français Joseph Fourier s'intéressait à la question de la température terrestre, établissait les principes physiques permettant de la calculer, et formulait le principe de l'effet de serre avec les connaissances de l'époque. Avec beaucoup de clairvoyance, il était aussi arrivé à la conclusion que tout changement des conditions de surface de la Terre pouvait entrainer un changement du climat. A la fin du 19 e siècle, le chimiste suédois Svante Arrhénius calculait l effet d une variation de la concentration atmosphérique en dioxyde de carbone (CO 2 ) sur la température de surface de la Terre, et émettait l hypothèse que les variations de concentration en CO 2 pouvaient jouer un rôle moteur dans les variations climatiques passées et futures. En raison des activités humaines, nous enregistrons aujourd'hui une augmentation record, en ampleur et en rapidité, des concentrations atmosphériques en CO 2 et en méthane: celles ci sont au plus haut depuis au moins 650 000 ans, avec une augmentation en un siècle (+35% pour le CO 2, +140% pour le méthane) aussi importante qu'au cours des 20 000 dernières années. Le CO 2 et le méthane étant de puissants gaz à effet de serre, leur augmentation dans l'atmosphère terrestre risque de réchauffer la Terre. La Terre s'est déjà réchauffée de 0.8 o C depuis un siècle, et de 0.6 o C au cours des 50 dernières années. Si les émissions de CO 2 et de méthane ne diminuent pas considérablement dans les prochaines décennies, de combien la température de la Terre changera t elle d'ici la fin du 21ème siècle? Il ne s'agit pas de science fiction, mais de savoir quel climat nos enfants et petits enfants connaîtront au cours de leur vie... Que représente un changement de la température terrestre de quelques degrés? Grâce aux archives glaciaires et sédimentaires, nous savons que la température terrestre a varié dans le passé. Au Dernier Maximum Glaciaire par exemple, il y a environ 20 000 ans, des glaciers recouvraient New York et l'essentiel du Nord de l'europe et de l'amérique. A cette époque, la température globale de la Terre était 4 à 7 o C

plus basse qu'aujourd'hui. Cela peut paraître faible pour de si grands changements climatiques! En fait non, car un changement de la température globale de quelques degrés cache de grandes disparités géographiques. En particulier, l'ampleur des changements de température dans l'hémisphère Nord augmente avec la latitude, et elle est considérablement plus forte sur les continents que sur les océans. Ainsi, une augmentation de la température globale de 3 o C correspond à un réchauffement moyen de l'ordre de 4.5 o C sur les continents à nos latitudes et à un réchauffement supérieur à 6 o C dans les régions arctiques! Ces changements seraient considérables pour les sociétés et les écosystèmes si l'on pense, à titre de comparaison, que l'anomalie de température estivale en France pendant la canicule de 2003 était de l'ordre de 4 o C. Le mécanisme de l'effet de serre La Terre reçoit de l'énergie du soleil (sous forme de rayonnement visible) et en perd en émettant de la chaleur vers l'espace (sous forme de rayonnement infrarouge). La température globale de la Terre résulte d'un équilibre entre ces deux flux d'énergie. Toute perturbation de l'un ou l'autre de ces flux déséquilibre énergétiquement la planète et modifie sa température jusqu'à ce qu'un nouvel équilibre soit atteint (voir encadré #1). Les gaz de l'atmosphère terrestre laissent passer l'essentiel du rayonnement solaire jusqu'à la surface. En revanche certains d'entre eux, principalement la vapeur d'eau, le dioxyde de carbone, le méthane, le protoxyde d'azote et l ozone, absorbent le rayonnement infrarouge et participent ainsi à l'effet de serre (cet effet peut se comprendre en considérant par exemple ce qui se passe lorsqu'une vitre est placée au dessus d'une plaque noire exposée au soleil, voir encadré #2). L'ensemble des gaz à effet de serre contribuent pour moins de 1% à la masse de l'atmosphère, mais jouent un rôle considérable dans l'équilibre énergétique de la Terre. On estime en effet qu'en leur absence, la température à la surface de la Terre en moyenne globale serait 33 o C plus basse ( 18 o C) qu'elle ne l'est aujourd'hui. L'augmentation de l'effet de serre due aux activités humaines. Les activités humaines induisent une augmentation continue de la concentration atmosphérique du CO 2 et du méthane, et donc un renforcement de l'effet de serre. Quel impact cela aura t il sur la température moyenne de la Terre? Notre connaissance des propriétés radiatives des gaz alliée à la théorie du transfert

radiatif nous permet d'évaluer avec une bonne précision la perturbation du bilan radiatif terrestre qui est directement associée à un changement de la composition de l'atmosphère en gaz à effet de serre. Si l'on suppose qu'en réponse à cette perturbation, le système climatique se rééquilibre en ne changeant rien d'autre que sa température et que la température change partout de la même valeur, alors on peut calculer qu'un doublement de la concentration pré industrielle en CO 1 2 réchaufferait la Terre d'environ 1 degré. Mais cette hypothèse est peu réaliste car lorsque la température change, de nombreux autres facteurs internes au système climatique changent également et modifient le bilan radiatif terrestre. Ces facteurs peuvent ainsi amplifier ou au contraire atténuer cette réponse en température, constituant ce que l'on appelle un mécanisme de rétroaction. Les principaux mécanismes de rétroaction climatique : Plusieurs mécanismes de rétroaction sont bien identifiés dans le système climatique. Par exemple, une augmentation des températures augmente la capacité de l'atmosphère à contenir de la vapeur d'eau. Aux échelles de temps supérieures à l'année, en supposant que l'humidité relative varie peu, cela se traduit par une augmentation significative de la concentration en vapeur d'eau de l'atmosphère. La vapeur d'eau représente le principal gaz à effet de serre de l'atmosphère terrestre, et son augmentation avec la température constitue un mécanisme très puissant d'amplification du réchauffement. Pour des raisons thermodynamiques, on s'attend également à ce que dans le cas d'une atmosphère humide, les variations de vapeur d'eau s'accompagnent d'un réchauffement plus important en altitude que près de la surface (à l'exception des très hautes latitudes), tendant à atténuer l'amplitude de la rétroaction vapeur d'eau. De même, une augmentation de la température accélère la fonte de la neige et de la glace. Cela diminue la surface du globe couverte par des surfaces réfléchissantes du rayonnement solaire, et donc augmente la quantité d'énergie absorbée par la Terre. Il s'agit encore d'un mécanisme de rétroaction amplificateur du réchauffement. Enfin, l'augmentation des températures est susceptible de changer la couverture nuageuse. Les nuages exercent deux effets antagonistes sur le bilan radiatif terrestre: d'une part ils réfléchissent une partie du rayonnement solaire, et d'autre part en absorbant le rayonnement infrarouge ils contribuent à l'effet de serre. L'importance relative de ces deux effets dépend de multiples facteurs, et en particulier de l'altitude des nuages. Depuis 1 Selon le scénario d'émission des gaz à effet de serre envisagé, le doublement de la concentration atmosphérique du CO2 est attendu vers la fin ou le milieu du 21ème siècle.

une vingtaine d'années, nous savons qu'en moyenne globale, le premier effet l'emporte sur le second, et donc que les nuages ont un effet de refroidissement sur le climat (surtout les nuages bas car ils ont un faible impact sur le rayonnement infrarouge). Mais cela ne dit rien sur le rôle que les nuages pourraient jouer lors d'un réchauffement climatique. Selon la façon dont leurs propriétés changeront, les nuages pourront atténuer ou au contraire amplifier le réchauffement global. Les mécanismes physiques de formation des nuages font intervenir tant de processus et d'échelles spatiales (du micron au millier de km), et les propriétés radiatives des nuages dépendent de tant de facteurs que l'on ne peut pas dire a priori, sur la base d'une théorie, d'un raisonnement simple ou de l'analyse des observations disponibles, comment ils répondront dans le futur. D'autres rétroactions existent dans le système climatique, en lien par exemple avec le changement possible des capacités de stockage du carbone atmosphérique par l'océan et la biosphère, mais nous ne les aborderons pas ici. Ce que disent les modèles climatiques Pour représenter l'ensemble des processus physiques régissant le climat terrestre et tenir compte de la diversité des échelles spatiales et temporelles mises en jeu, les scientifiques ont développé des modèles informatiques de simulation du climat. Récemment, des projections du climat futur ont été réalisées avec une vingtaine de modèles climatiques différents, chacun ayant prescrit une augmentation de la teneur atmosphérique du CO 2 et du méthane. En réponse à un doublement du CO 2 atmosphérique, les modèles prédisent en moyenne un réchauffement global du climat de 3 o C par rapport à l'ère pré industrielle, mais variant entre 2.3 et 4.4 o C selon les modèles. Si les modèles prédisent tous un réchauffement global de plusieurs degrés, l'estimation de son ampleur est donc associée à une grande incertitude (facteur 2 environ). Nous pouvons interpréter cette fourchette en diagnostiquant le signe et l'amplitude des mécanismes de rétroaction simulés par les différents modèles (Fig. 1). En l'absence de rétroactions, un doublement du CO2 produirait à lui seul un réchauffement global de 1.1 o C. Les rétroactions climatiques amplifient donc ce réchauffement d'un facteur 2 à 4 selon les modèles. Le principal mécanisme amplificateur est lié à l'augmentation de la vapeur d'eau avec la température, qui contribue pour environ un degré dans cette amplification. La rétroaction liée aux changements de neige et de glace contribue pour environ 0.2 o C. L'incertitude sur ces différents termes est faible. En revanche, l'incertitude sur les rétroactions nuageuses est énorme: alors que quelques modèles prédisent une réponse relativement neutre des nuages, la plupart prédit une diminution de la couverture nuageuse à mesure que la température augmente, et une amplification du réchauffement global pouvant atteindre 2 degrés! Ainsi dans certains modèles la réponse des nuages au réchauffement amplifie davantage le réchauffement que la réponse de la

vapeur d'eau. Le rôle clé des nuages. Des études récentes indiquent que cette incertitude provient principalement de la façon dont les différents modèles climatiques prédisent la réponse des nuages bas (du type stratus, stratocumulus ou petits cumulus) au réchauffement global. La façon dont les autres nuages (notamment les gros nuages d'orage du type Cumulonimbus) répondront au changement climatique est incertaine également, mais elle contribue peu à l'incertitude sur l'amplitude du réchauffement global. En revanche elle contribue fortement aux incertitudes sur les changements régionaux de la précipitation qui sont associés au réchauffement global. Il est donc crucial d'améliorer la représentation des différents types de nuages dans les modèles climatiques. Une difficulté vient du manque de données permettant d'évaluer de façon détaillée la façon dont les modèles simulent les nuages. Avec le lancement au printemps dernier du satellite franco américain CALIPSO et du satellite américain CloudSat, nous disposerons bientôt, pour la première fois, d'observations cruciales sur la variation des propriétés nuageuses en fonction de l'altitude (altitude et étendue des différentes couches nuageuses, contenu en eau liquide ou en glace, capacité des nuages à précipiter, etc). Grâce à ces observations, la représentation des nuages dans les modèles devrait donc s'améliorer dans les prochaines années. Conclusion L'effet de serre est un mécanisme physique identifié depuis presque deux siècles et maintenant bien compris. Le fait que l'augmentation de la concentration atmosphérique en CO 2 et en méthane observée depuis le début de l'ère industrielle accroisse l'effet de serre terrestre est une certitude. Le fait que l'augmentation continue de cette concentration au cours du 21 ème siècle entraîne un réchauffement global de notre planète ne fait pas de doute non plus. Ce qui est plus délicat à prédire, c'est l'amplitude précise de ce réchauffement à une échéance donnée. Deux, trois, quatre degrés? Cependant, faut il attendre que la communauté scientifique n'ait plus d'incertitude sur l'ampleur du réchauffement global à venir pour que nos sociétés commencent à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre? Dans le brouillard, un automobiliste doitil attendre de voir un obstacle pour ralentir? Une chose est sûre : en réduisant les émissions anthropiques de gaz à effet de serre, nous atténuerons à coup sûr le réchauffement climatique à venir.

Fig. 1: En réponse à un doublement de la concentration en CO2, le réchauffement global prédit par les modèles est en moyenne de 3 C. La partie gauche de la figure représente la part de ce réchauffement qui est due uniquement à l'augmentation de CO2 (c'est à dire en négligeant les rétroactions climatiques), et les contributions des différentes rétroactions (celles dues aux changements de vapeur d'eau, d'albédo de surface et de nuages) au réchauffement total. La partie droite de la figure représente l'incertitude sur cette augmentation de température, et l'incertitude due aux rétroactions.

ENCADRE SUR LE LIEN ENTRE ECHANGES RADIATIFS ET TEMPERATURE : Les lois de la physique nous apprennent que: (1) Tout corps émet du rayonnement et ainsi perd de l'énergie; plus la température du corps est élevée, plus l'énergie perdue est élevée. (2) Le type de rayonnement émis pas un corps dépend aussi de sa température: un corps très chaud (de plus de 700 C environ) émet un rayonnement qui est en partie visible par l'oeil: c'est le rayonnement visible. C'est le cas par exemple de la lumière qui nous parvient du soleil (émis à une température d'environ 6000 C). Au contraire, si la température de l'objet est inférieure à 700 C, notre oeil ne voit pas le rayonnement émis par l'objet, le corps n'émet que du rayonnement infrarouge (Joseph Fourier l'appelait chaleur obscure ). (3) Si un objet reçoit plus d'énergie qu'il n'en perd, sa température augmente et donc il perd davantage d'énergie par émission de rayonnement. Un équilibre énergétique est atteint lorsque l'énergie que perd l'objet est exactement compensée par l'énergie qu'il reçoit. Ces notions sont illustrée par l'exemple suivant. plaqu isolan Fig. 2. a Température d équilibre d une plaque b au soleil, les échanges par rayonnement c solaire (visible) sont en jaunes, ceux par rayonnement infrarouge en orange, la largeur des flèches indique l'intensité du rayonnement. Une plaque, d'abord abritée à l'ombre, est ensuite placée au soleil. La face exposée au soleil (la face avant) est noire ou foncée, l'autre (la face arrière) est isolée thermiquement et on néglige les échanges de chaleur entre cette face arrière et l'extérieur (Fig 2). Lorsque la plaque est exposée au soleil, elle reçoit plus d'énergie que lorsqu'elle était à l'ombre (Fig. 2a). De ce fait, sa température augmente et elle émet plus de rayonnement infrarouge (Fig. 2b). Une nouvelle température d'équilibre est atteinte (plus élevée qu'au départ) lorsque l'énergie perdue par la plaque par émission de rayonnement infrarouge égale l'énergie gagnée par absorption du rayonnement solaire (Fig. 2c). ENCADRE SUR LE MECANISME DE L'EFFET DE SERRE :

vitre a) c) Figure 3. Mécanisme de l'effet de serre, les échanges par rayonnement solaire sont en jaunes, ceux par rayonnement infrarouge en orange. Partant de la situation d'équilibre d'une plaque exposée au soleil (Fig 3a), une vitre est placée au dessus de la plaque (Fig 3b). La vitre a la propriété d'être parfaitement transparente au rayonnement solaire et parfaitement opaque au rayonnement infrarouge. Elle laisse donc passer le rayonnement solaire mais absorbe le rayonnement infrarouge émis par la plaque. Du fait de cette absorption, la température de la vitre augmente et donc son émission de rayonnement infrarouge aussi. Le rayonnement émis par la vitre est émis moitié vers le haut, moitié vers le bas. Le rayonnement émis vers le bas est absorbé par la plaque. Celle ci recevant maintenant plus d'énergie (par rayonnement visible et infrarouge) qu'elle n'en perd, sa température augmente jusqu'à ce qu'elle perde autant d'énergie qu'elle en reçoit (Fig. 3c). Finalement un équilibre est atteint dans lequel le flux infrarouge émis pas la vitre vers le haut égale le flux d'énergie solaire incident, et où la température de la plaque est plus élevée qu'en l'absence de vitre. C'est l'effet de serre.