Puissances etlestensions chemins de la puissance dans le monde SUJET 2 : CORRIGÉ Les chemins de la puissance SUJET 2 Séries L, ES, S Sujet type ÉTUDE CRITIQUE De DOCUMENTs (L, ES) Analyse de documents (S) Enjeux et conflits au Moyen-Orient Après avoir présenté les documents en insistant sur la définition donnée du Moyen-Orient, vous expliquerez pourquoi l on qualifie parfois la région de poudrière. Vous insisterez sur la particularité de l État d Israël. Document 1. Le Moyen-Orient : une région instable 1
Puissances et tensions dans le monde Document 2. Une région sous tension hydrique Corrigé Travail préparatoire Comprendre le sujet et la consigne Le sujet porte sur une région, le Moyen-Orient, qu il faut commencer par bien délimiter et présenter afin d éviter le hors sujet. Le sujet précise ensuite ce que la consigne sous-entend : la région peut être qualifiée de poudrière dans la mesure où elle concentre un certain nombre d enjeux stratégiques qui peuvent être sources de tensions, voire de conflits. Il est à noter que ni le sujet ni la consigne ne donnent de précision temporelle. Il est donc nécessaire de bien analyser les documents pour en déduire la chronologie concernée par le sujet. Le document 1 fait allusion à différents conflits et en précise les dates, tandis que le document 2 fait exclusivement allusion à une situation actuelle. Il sera 2
Les chemins de la puissance SUJET 2 : CORRIGÉ donc nécessaire d expliquer les différents conflits à partir d une analyse de la situation actuelle de la région. Enfin, la consigne précise qu il faudra expliquer la situation particulière d Israël, pays créé en 1947 dans un environnement arabo-musulman. Analyser les documents Il faut commencer par bien cerner l espace concerné et faire le lien entre les deux documents. Puis l analyse de la légende permet de comprendre les enjeux de différentes natures qui peuvent potentiellement provoquer des conflits. Il ne faut pas rester sur une lecture régionale du sujet : le document 1 souligne la portée internationale des enjeux régionaux avec les interventions américaines et la défiance du gouvernement de George W. Bush à l égard des États participant à «l axe du mal». Le document 2 porte principalement sur une caractéristique ignorée par le document 1 : les ressources hydrauliques et leur inégale répartition. Il faut donc souligner le lien de complémentarité entre les deux documents. Mobiliser ses connaissances Ce sujet demande une connaissance précise du chapitre 2 «Le Proche et le Moyen-Orient, un foyer de conflits» du thème 3 Puissances et tensions dans le monde. La complexité géographique de la région et l histoire très particulière des pays du Moyen-Orient depuis la décolonisation doivent être exposées clairement et de façon synthétique. Les notions liées au pétrole, à l eau, aux différences culturelles et ethniques régionales doivent être parfaitement maîtrisées afin de lire correctement les allusions soulignées par les documents. Construire son plan Une bonne analyse du sujet et de la consigne permet de faire un plan thématique simple. Après une introduction qui définira les principales caractéristiques du Moyen-Orient, le plan suivra les éléments donnés : I. Le Moyen-Orient : une région à hauts risques. II. Une région, théâtre de nombreux conflits. III. Le statut particulier d Israël dans un environnement arabo-musulman. Ces deux documents, complémentaires, sont des cartes du Moyen-Orient. Le document 1 présente, d une part, les conflits qui s y sont déroulés depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, ainsi que le rôle des États-Unis dans la région, et, d autre part, les éléments géographiques caractéristiques de la région ; quant au document 2, il insiste sur les spécificités hydrographiques du Moyen-Orient. La notion de «Moyen-Orient» est d influence anglo-saxonne et se définit comme l ensemble des pays de l Asie de l Ouest et du Sud-Ouest, de la Turquie à l Iran, 3
Puissances et tensions dans le monde voire à l Afghanistan, et du Sud du Caucase à la péninsule Arabique, ensemble qui comprend en outre l Égypte. En France, l expression «Moyen-Orient» désigne traditionnellement les régions de l Est du Bassin méditerranéen, de la Turquie à l Égypte. Historiquement, le Moyen-Orient est une zone de passage, mettant en contact l Europe et l Asie, l Asie et l Afrique. Depuis la fin de la Première Guerre mondiale, la région est fortement marquée par l influence des grandes puissances. Dans les années 1920 et 1930, Français et Britanniques se disputent le contrôle de la région avant de se retirer au lendemain de la Seconde Guerre mondiale dans le mouvement des décolonisations. Issues d un découpage colonial, les frontières sont souvent modifiées depuis leur création. L absence de tradition démocratique rend la notion fragile, en proie à la domination d un groupe communautaire religieux, ethnique ou tribal. Depuis la décolonisation, les principaux États du Moyen-Orient se livrent une lutte d influence dans la région, plus ou moins appuyés par des puissances extérieures. Durant la guerre froide, le Moyen-Orient devient un enjeu de rivalité entre États-Unis et URSS. C est aussi une région à forte pression démographique : la population y est, dans l ensemble, très jeune et en forte croissance. Ainsi, les cartes permettent de bien appréhender les éléments qui font de cette région un espace en proie à des tensions récurrentes, voire des conflits entre États, parmi lesquels Israël tient une place particulière. Les documents permettent de souligner la concentration d enjeux dans la région, enjeux qui font du Moyen-Orient un espace géostratégique, source de tensions. Tout d abord, le document 1 souligne la grande diversité de peuples et de cultures présents au Moyen-Orient. Trois peuples paraissent particulièrement présents : les Arabes dans l ensemble septentrional de la région, les Turcs au Nord-Ouest et les Perses en Iran. En majorité musulmans, ces peuples côtoient les juifs rassemblés en Israël. Plusieurs courants musulmans s opposent dans la région : les sunnites majoritaires dans le Sud et les chiites majoritaires en Iran. Mais le document 1 cache la grande diversité ethnique et religieuse interne aux États. Par exemple, il existe dans ces pays, particulièrement au Liban et en Irak, des communautés chrétiennes très anciennes, mais minoritaires et en baisse. Les Kurdes répartis sur plusieurs États, notamment l Iran, l Irak et la Turquie, viennent diversifier la population locale arabe, perse ou turque, créant des tensions. À cela s ajoute une donnée climatique, source potentielle de tensions : l eau. Le document 2 souligne la rareté des précipitations dans la région, puisque, dans la grande majorité des pays du Moyen-Orient, on compte moins de 300 mm de pluie par an. De plus, les ressources hydrauliques sont mal réparties dans l espace, puisque la plupart des grands fleuves prennent leur source en Turquie, puis traversent la Syrie, l Irak, l Iran avant de se jeter dans le golfe de la péninsule Arabique. Le Jourdain concerne également plusieurs États, principalement la Syrie, la Jordanie et surtout Israël et les régions palestiniennes, avant de se jeter dans la mer Rouge. Les installations hydrauliques comme les barrages, par exemple dans le cadre du GAP turc, peuvent être des sources de tensions dans la mesure où les pays en aval voient leurs ressources hydrauliques diminuées, voire polluées par les pays situés en amont des cours d eau. De plus, la région est particulièrement riche en pétrole, comme le souligne la carte 1. Les champs de pétrole sont une source de richesse certaine pour l Arabie Saoudite, les différentes monarchies arabes, de même que pour 4
Les chemins de la puissance SUJET 2 : CORRIGÉ l Irak ou l Iran. La région possède ainsi une ressource stratégique et vitale pour les puissances économiques mondiales. En effet, près des 2/3 des réserves pétrolières conventionnelles mondiales estimées font du Moyen-Orient un lieu majeur de production couvrant une part essentielle des besoins énergétiques mondiaux. Depuis leur découverte en 1908, leur contrôle est devenu un enjeu majeur pour les grandes puissances tout autant qu une chance, voire une arme pour les pays qui disposent de cette manne. Ces champs pétrolifères peuvent donc être sources de conflits. En lien avec cet enjeu pétrolier, on remarque enfin que les détroits et les canaux régionaux tiennent une position hautement stratégique. En effet, des centaines de bateaux pétroliers les empruntent quotidiennement pour exporter la ressource pétrolière. Les détroits d Ormuz, de Bab al-mandab et du Bosphore, ainsi que le canal de Suez sont des points stratégiques qui peuvent potentiellement être fermés par une marine bien organisée qui souhaiterait couper les routes pétrolières. Or, un tel risque serait fort dommageable pour les économies développées qui surveillent étroitement ces passages stratégiques. L ensemble de ces enjeux font donc de la région un espace particulièrement sensible aux tensions qui, parfois, se transforment en conflits, comme le soulignent les cartes. C est pourquoi la région peut être qualifiée de poudrière. En effet, chacun de ces enjeux, le plus souvent combinés les uns aux autres, offre une possibilité de conflits intrarégionaux et/ou internationaux impliquant des puissances extérieures, en particulier les États-Unis, comme le souligne le document 1. Ainsi, le document 2 montre que le caractère désertique de la région et la pression démographique sur l eau sont à l origine de tensions entre États qui, pourtant, sont contraints de collaborer. La Turquie a le projet d irriguer près de 1,5 million d hectares de terres arides grâce à un vaste système de barrages captant les eaux du Tigre et de l Euphrate afin de moderniser le pays, répondre davantage aux besoins de la population croissante et redynamiser le Sud-Est de l Anatolie. Mais ceci détourne une partie des eaux du Tigre et de l Euphrate, au détriment de l Irak et de la Syrie qui risquent d être privés d une grande partie de leurs principales sources hydrauliques. Ces deux pays ont donc multiplié les plaintes et les protestations à l égard de la Turquie qui a fini par accepter de passer un accord avec la Syrie pour maintenir le débit de l Euphrate. Dans le même sens, Israël a accepté un accord sur le partage des eaux du Jourdain avec ses voisins arabes. Le document 1 fait allusion à un certain nombre de conflits liés à l exploitation du pétrole. En effet, le contrôle de «l or noir» a provoqué des crises régionales comme la guerre Iran/Irak dans les années 1980, entre autres pour s assurer le contrôle des zones pétrolifères du golfe Arabo-Persique ; cette ressource essentielle est aussi à l origine de crises internationales : l augmentation brusque des prix du pétrole en 1973 à la suite de la guerre israélo-arabe du Kippour, ou encore la guerre du Golfe de 1990-1991 à la suite de l invasion du Koweït par l Irak et la guerre du Golfe de 2003. Lors de ces deux derniers conflits, les États-Unis sont intervenus en Irak, avec ou sans l accord de l ONU, pour des raisons plus ou moins liées au contrôle des exploitations pétrolières. La grande diversité ethnique et religieuse est également source de tensions, soulignées par le document 1. Les tensions peuvent être intramusulmanes, confrontant chiites et sunnites en Iran ou en Irak, sunnites et salafistes en Arabie Saoudite, et/ou interethniques en Turquie entre Turcs et Kurdes. 5
Puissances et tensions dans le monde La présence des Lieux saints des trois monothéismes n aide pas à la stabilisation de la région. Jérusalem, Ville sainte pour les trois religions, possède un statut de ville internationale et voit cohabiter difficilement juifs, musulmans et chrétiens. La présence de lieux saints musulmans à Médine et à La Mecque en Arabie Saoudite est l occasion, pour certains courants islamistes, d encourager la lutte anti-occidentale : la présence d étrangers en Arabie est synonyme, pour eux, de souillures et de corruption d une terre sacrée. Dans le cadre de ces enjeux, sources de conflits, l État d Israël possède un statut particulier qui accentue le caractère instable de la région du Moyen-Orient. Le document 1 met en avant les conflits successifs liés à la création de l État d Israël en Palestine en 1947. Cette décision de l ONU, à la suite du génocide juif perpétré durant la Seconde Guerre mondiale, provoque dès 1948 la première guerre israéloarabe. L ensemble des pays arabes prennent la décision de s unir contre Israël, mais ce conflit se termine en faveur de l État hébreu qui conquiert une partie des terres palestiniennes, le reste étant annexé par les pays arabes limitrophes. À nouveau, pendant la guerre des Six-Jours en 1967 contre l Égypte, la Syrie et la Jordanie, Israël occupe le Sinaï, la bande de Gaza, la Cisjordanie et le plateau du Golan ; puis, en 1973, la guerre du Kippour déclenchée par la Syrie et l Égypte et visant à récupérer les territoires occupés se termine par un échec arabe. L Égypte change alors de politique et entame des négociations avec Israël : ce sont les accords de Camp David en 1978, menés sous l égide américaine. Ce conflit autour de la création d Israël entraîne des répercussions dans toute la région : guerres au Liban, négociations avec la Jordanie, coopération entre Israël et la Turquie, tensions avec l Iran et la Syrie. Quant aux Palestiniens, leur situation précaire dans des camps de réfugiés dans les pays arabes frontaliers et dans les régions palestiniennes de Gaza ou de Cisjordanie ne s améliore guère, malgré la reconnaissance de l OLP de Yasser Arafat comme représentant officiel de la cause palestinienne en 1993. Israël cristallise autour de lui un certain nombre de conflits potentiels à grande échelle après l échec des négociations pour reconnaître la création d un État palestinien, la division des mouvements palestiniens comme le Hamas et le Hezbollah face à l Autorité palestinienne, et la division des soutiens internationaux à la cause israélienne. Ainsi, l étude des cartes permet de mettre en avant l impressionnante concentration d enjeux potentiellement conflictuels au Moyen-Orient. Les éléments naturels, comme le manque de précipitations et leur inégale répartition dans l espace et la forte concentration de réserves pétrolières, ainsi que la présence de détroits et de canaux, dont l utilisation paisible est indispensable aux grandes puissances développées ou en développement, se doublent d éléments sociaux et culturels qui rendent la région particulièrement explosive. Depuis près de soixante ans, la région a d ailleurs été le théâtre de nombreux conflits liés à un ou plusieurs de ces enjeux. La création de l État d Israël dans un environnement arabe et musulman n a pas amélioré la situation instable et cristallise un certain nombre de tensions que ni l ONU ni les Américains ne sont encore parvenus à régler. Aussi, il est permis de voir dans cette région toutes les caractéristiques d une poudrière. 6