Le 3 septembre 1939 éclate la «drôle de guerre». Après l incendie volontaire des cuves à mazout du Priatec qui s étend au Cosquer, faisant 25 morts, et après un ultime combat meurtrier aux Cinq-chemins de Guidel, Lorient entre dans la guerre. Les troupes d occupation allemandes pénètrent dans la ville le 21 juin 1940 à la veille de l armistice. La position stratégique de Lorient et les infra-structures existantes scellent son destin. L amiral Dönitz, commandant des sous-marins allemands puis de la Kriegsmarine, fait de Lorient la pierre angulaire du dispositif de défense des côtes et de la bataille de l Atlantique. Le Festung Lorient, constitué principalement de la base de sous-marins et du terrain d aviation de Kerlin-Bastard (futur Lann-Bihoué) est défendu par 400 blockhaus et postes de tirs construits par l organisation Todt. Construction de la Base de sous-marins de Keroman
Le pilonnage systématique entre janvier et février 43, jette les Lorientais sur les routes en direction des communes environnantes. Le centre ville est rasé, les quartiers fortement endommagés. Après 4 ans d occupation, l annonce du débarquement de Normandie en juin 44 fait renaître l espoir. La percée d Avranches par les troupes américaines, ouvre la porte à la libération de la France. Profitant du retard pris par les Américains, les formations allemandes du Finistère et du Morbihan se retranchent sur Lorient entre le 4 et le 6 août 1944. Le général Fahrmbacher, promu commandant supérieur en Bretagne et replié dans l un des bunkers de la base de Keroman, a reçu l ordre d Hitler de tenir le Festung au moins huit semaines. Il tiendra 9 mois. En janvier 43, les Alliés, impuissants à détruire la base de sous-marins, décident de l isoler en bombardant la ville. La Poste, rue Poissonnière
Depuis Arzano, les soldats du Combat Command B du général Draggers gagnent Pont-Scorff le 7 août 1944 en vue de prendre Lorient avec l aide du 7 e bataillon FFI du Morbihan. Au Perroquet vert, au nord de Lorient, les blindés subissent les tirs d artillerie de la D.C.A. allemande, perdent 3 chars et sont contraints de se replier à Kerruisseau. Depuis Auray, le Combat Command A - 4 e DB tente une percée sur Hennebont mais face aux tirs d artillerie se dirige vers Lochrist où il se retrouve bloqué. La formation se replie sur Caudan le 9 août 1944 après avoir renoncé à s engager sur Lanester. Finalement, le Combat Command A abandonne le front de Lorient pour Nantes.
Les forces américaines rejoignent le centre-ville le 7 août 1944. Les 5 e et 7 e bataillons FFI ont pris position sur la rive gauche du Blavet. Les Allemands font sauter les ponts, se replient non loin, à Saint-Caradec d où ils déclenchent un tir d artillerie puissant qui incendie le centre-ville. Le 8 août, un corps franc du 5 e bataillon FFI arrive à Hennebont et se place près des ponts endommagés. Le lendemain, il progresse à Saint- Caradec, la Vieille-Ville et chasse les Allemands qui vont s établir à Lanester. A l annonce de l arrivée des Alliés, le général Fahrmbacher renforce ses positions sur Hennebont. Le 7 e bataillon se charge de neutraliser la partie Est de la commune. Le 10 août, la commune, encore occupée pour moitié, est libérée le 12. Au total, entre le 6 et le 11 août, 39 civils sont tués, la plupart fusillés, 4 FFI et 150 soldats allemands trouvent la mort.
Alors que le Combat Command B progresse sur Lorient, il subit à Quéven les tirs de la batterie allemande du Moustoir-Flamm qui causent 20 morts et plus de 80 blessés côté américain. Quelques unités sont en position à Beg Runio lorsque survient un train transportant notamment 33 otages français arrêtés le 4 août à Rosporden. Le convoi se retrouve au milieu des tirs et 9 otages meurent en tentant de s enfuir du wagon en feu. A Quéven, les combats font rage. Le 16 août les Allemands décident l évacuation de la population. 2000 personnes prennent le chemin de l exil, 200 restent sur place. La commune subit les feux des batteries jusqu au 18 août. Elle est détruite à 80 %.
La ligne de front va de la Laïta à Carnac en passant au sud des communes de Pont-Scorff, Caudan, Hennebont, Nostang. Elle rejoint la rivière d Etel puis suit la côte jusqu à l entrée de la presqu île de Quiberon. Groix et Belle-Île font partie de la Poche. Les Allemands encerclés n ont plus de liaison terrestre. Le général Fahrmbacher développe la capacité de défense des lignes terrestres, organise le ravitaillement, forme des unités capables de se battre, repousse la ligne principale de résistance et fait croire à l ennemi à une haute capacité de défense. Les 26000 Allemands sont pour moitié des marins, pour un tiers des soldats de l armée de terre. Le reste se répartit entre l armée de l air, des unités de l est et quelques soldats étrangers. Une liaison radio les relie à la direction de la Wehrmacht, à la 265e division de Saint-Nazaire et aux sous-secteurs de la Poche.
Batterie à Locqueltas L artillerie est réorganisée, les défenses maritimes tournées vers les terres. La Poche compte près de 500 pièces d artillerie qui protègent la forteresse. Les Allemands possèdent en outre des canons de 203 mm, postés à Groix, et de 340 mm, postés au Bégo, en Plouharnel. Ils sont une menace permanente sur la région par leur portée de plusieurs dizaines de kilomètres. Télémètre du fort Grognon à Groix La résistance allemande s appuie sur une ligne d avant-postes constituée par une succession de points d appui et protégés par des barbelés, des champs et des routes minés, des barrages anti-chars. Les zones basses sont inondées, les carrefours garnis d explosifs. Autour de Guidel et Plœmeur, les mines sont des bombes d avions enterrées et commandées à distance. Les ponts sont dynamités : le pont de Saint-Maurice sur la Laïta, la passerelle de chemin de fer à Lorient sur le Scorff, celui qui relie Caudan et Quéven est incendié.
Soldats français et américains sur le Front de la Laïta Plusieurs divisions, blindées ou d infanterie, se succèdent à l automne 44. La 94 e division d infanterie du général Malony est relevée par la 6 e division blindée du général Grow, puis par la 4 e division blindée du général Wood. L arrivée en janvier 45 de la 66 e division d infanterie du général Kramer, qui reste jusqu à la reddition, porte à 6000 le nombre d Américains sur le front de Lorient.
En fin d année 1944, intervient la militarisation de la résistance sous les ordres du général Borgnis-Desbordes. Commandement et administration sont organisés. 7 e bataillon du 118ème RIM Hommes de la 19 e DI avec des GI s de la 66 e division Près de 10 000 hommes entrent ainsi dans l armée régulière au sein de la 19e DI. Ils sont sous les ordres du lieutenant-colonel Morice. Les bataillons sont répartis entre Lorient et Saint-Nazaire. Le sous-secteur de Lorient est conduit par le commandant Manceau. Il regroupe 7 bataillons F.F.I. du Morbihan (5 620 hommes) ; des bataillons F.F.I. du Finistère et des Côtes du Nord. A la fin octobre, les bataillons intègrent les Forces Françaises de l Ouest (F.F.O.) conduites par le général Larminat, Ils sont rejoints par deux escadrons du 19 e Dragons, plusieurs régiments d infanterie, une compagnie de transmission, des FFI du Loir-et-Cher, des bataillons Rangers, des artilleurs et un bataillon de fusiliersmarins. Le siège de Lorient, commencé avec 9180 hommes en août, totalise 20223 combattants en décembre.
Le front de Lorient se stabilise en août sur 65 kilomètres. Les FFI ont pour mission de resserrer l espace occupé par les Allemands et de se maintenir sur des positions bien défendables. Les différents bataillons de la résistance se répartissent en quatre secteurs autour de la Poche de Lorient : LE SECTEUR OUEST s étend au-delà de la Laïta, sur le département du Finistère. Son PC est installé à Clohars-Carnoët. LE SECTEUR NORD va de la Laïta à Hennebont. Le commandement prend ses quartiers à Cléguer. LE SECTEUR CENTRE, entre Le Blavet et Etel, dépend du poste de commandement de Brandérion. LE SECTEUR EST, allant d Etel à Carnac a installé son PC à Ploemel. 1- Le secteur Ouest Cdt. Le Loyer (basé à Clohars-Carnoët). 17 e bataillon F.F.I. du Finistère et 2 e compagnie de fusiliers-marins. 2- Le secteur Nord Cdt. Muller (basé au château de Meslien près de Cléguer).7 e, 6 e et 9 e bataillon F.F.I. du Morbihan, un régiment d infanterie et un groupe d artillerie de la 94 e division d infanterie américaine. 3- Le secteur Centre Cdt. Le Coutaller (basé à Brandérion). 3 e,4 e, 10 e, 11 e et 13 e bataillon F.F.I. du Morbihan et un groupe d artillerie de la 94 e division d infanterie américaine. 4- Le secteur Est Cdt. Le Garrec (basé à Ploemel). 2 e et 14 e bataillon F.F.I. du Morbihan.
Jusqu en décembre, les armées antagonistes effectuent quelques avancées dont la plus violente à Sainte-Hélène en octobre. Le centre est pilonné et incendié. L ennemi tente une percée d envergure à hauteur de Nostang le 30 octobre. Ce grand combat voit mourir de nombreux jeunes résistants inexpérimentés. C est l intervention de l artillerie américaine qui permet finalement de faire battre en retraite les 6000 soldats allemands mobilisés sur cette opération. A Etel, les Américains, décidés à affaiblir la Poche, lancent une offensive en décembre 1944. Cette opération vise à libérer les territoires compris entre Etel et Erdeven pour neutraliser la zone et isoler la presqu île de Quiberon. Après ces événements, le front ne bouge plus jusqu à la reddition. Attaques surprises et tirs de harcèlement se succèdent. En mars, le réseau de l alimentation d eau de Keryado et la station de pompage de Lannénec sont rendus inutilisables.
A l est du front, les troupes allemandes tentent d élargir la Poche à la limite naturelle qu est la rivière d Etel et de s approvisionner en pommes de terre. Sainte-Hélène abrite le P.C. du commandement F.F.I. Le Coutaller où transitent des parachutistes anglais sous l action du Colonel Bourgoin. Le 11 septembre 1944, des artilleurs allemands pilonnent Sainte-Hélène et incendient le bourg. 90% des habitations sont détruites et la population est contrainte à l exil. Les vestiges de l église témoignent aujourd hui du drame. Le 28 octobre, après d âpres combats, la commune tombe finalement aux mains des troupes allemandes et l événement est relayé par Radio Berlin comme une victoire décisive. Les patriotes parviennent néanmoins à conserver la maîtrise du pont et à empêcher l extension de la Poche.
Le 1 er objectif est la neutralisation mutuelle des points d observation et des batteries. Ainsi, le clocher de Guidel est abattu le 3 février. Les dépôts de munitions et de carburant sont également les cibles de tirs : le 27 janvier à Kermalo en Guidel, le 9 mars à Merlevenez, le 13 avril à Kerloeïz en Riantec. Ces attaques endommagent sérieusement les communes. Les batteries bombardent aussi bien les villes de la Poche que des villes extérieures : Vannes, Languidic, Inzinzac, Brandérion, Plouay, Hennebont, Landévant, Cléguer, Pont-Scorff essuient des tirs d obus qui sont meurtriers et destructeurs. A l automne 1944, l arsenal de Lorient est fortement touché. Eglise de Guidel L artillerie lourde américaine a pour mission la destruction des 3 canons de la batterie du Bégo à Plouharnel. Ils sont rendus inutilisables ainsi que les canons de Groix fin avril 1945. Au total, 144 civils seront victimes de ces bombardements.
Durant les premières semaines du front, l Etat-Major des F.F.I. fait ce qu il peut pour organiser une armée, installer un service de santé, des postes de secours avancés Sales, mal habillés, mal armés, peu formés, oubliés de tous alors que la France fête un peu partout dans la liesse sa libération, ces soldats résistent à tout : au froid de l hiver 44-45 particulièrement dur, au sommeil lors des longues nuits de veille ponctuées de tir d artillerie, à la faim quand les ravitaillements se font attendre, à l ennui dans des tranchées humides et puantes, et surtout au découragement. L hiver se passera pour certains hommes en simples effets civils et sabots de bois. Les fameuses rations K, distribuées par les Américains, pleines de sucreries, n arrivent pas toujours sur le front. Les hommes les ont le plus souvent lorsqu ils sont au repos à l arrière. Le ravitaillement de tous les jours est assuré par les habitants, ces derniers prenant des risques pour eux et leur famille.
Malgré l évacuation des Lorientais en 1943, la région reste très peuplée. 9200 personnes se retrouvent prisonnières dans leurs propres villes et villages entre la Laïta et Carnac. 10507 entre Quiberon, Belle-Ile et Groix. Dans ces zones dévastées par la guerre, La population connaît la faim, le froid, l inconfort le souci numéro un, et la privation. La pénurie alimentaire atteint par en dehors des dangers endroit, comme à Groix, un seuil critique. liés aux combats, Les Allemands procèdent à des réquisitions sévères à est le ravitaillement. l intérieur de la Poche. Les agriculteurs restés sur place pour s occuper de leurs fermes et éviter les pillages sont soumis à une rude pression de l occupant. Battage à la ferme Le Coguic Les empochés doivent apprendre à vivre en autarcie. Les civils partent peu à peu, la situation à l intérieur de la Poche devenant intenable. Des convois sont organisés par les mairies en liaison avec la Croix Rouge. Des trêves temporaires sont décrétées pour la durée des transferts. 90% des habitants de la Poche quittent les lieux avant février 45.
Malgré le blocus, les Allemands conservent la maîtrise des mers et ne furent jamais vraiment isolés. La communication avec la Poche de Saint-Nazaire permet l envoi de vivres, de matériels, de courriers. A Lorient, l édification d une station électrique et des éoliennes est rapidement achevée. L achat de vivres auprès des habitants fonctionne toujours mais les prix deviennent au fil des mois exorbitants. Les Allemands installent une boucherie, une boulangerie (1,5 millions de pains seront produits durant le blocus), un moulin à céréales, une presse à huile, une distillerie, une brûlerie à café. L ancien terrain d aviation de Kerlin-Bastard (actuel Lann Bihoué), devenu obsolète suite aux bombardements accueille 7 200 bœufs, plus de 400 veaux et un vaste potager. Chez les soldats mal nourris, la mortalité connaît un pic.
Le 7 mai 1945, un message radio émis depuis l Allemagne invite les places fortes à s incliner. Après les pourparlers organisés au Magouër, à 15 heures, la capitulation sans condition est signée au Café Breton à Etel le 7 mai à 20 heures, le cessez-le-feu étant prévu pour le 8 mai à 0 h 01. Entre le 8 et le 10 mai, les troupes d occupation appliquent les exigences des Alliés et font disparaître les archives. La cérémonie de reddition a lieu le 10 à 16 heures à Caudan. Le général Fahrmbacher remet symboliquement son arme au général américain Kramer. Le général Borgnis-Desbordes et le colonel Morice représentent les Forces Françaises de l Intérieur. C est le terme de 9 mois de siège.
Plusieurs groupes pénètrent le 10 mai 1945 dans la ville de Lorient. Les FFI entrent par Keryado, descendent la rue de Belgique, le cours de Chazelles et traversent les ruines de ce qui fut leur ville. Les Américains arrivent par Lanester et le pont de Kerentrech. Ils remontent la rue de Verdun et atteignent le cours de Chazelles où les soldats allemands, regroupés dans les contre-allées, ont déposé leurs fusils. Les rares habitants restés dans la Poche sont venus accueillir les combattants avec des bouquets de fleurs des champs. La victoire est là mais elle est amère. Tout est à reconstruire et un travail considérable attend la population. L arrivée des libérateurs au centre ville Bangor, Gâvres, Gestel, Guidel, Kervignac, Keryado, Lanester, Larmor-plage, Le Palais, Locmaria, Locmiquélic, Lorient, Merlevenez, Plœmeur, Plouhinec, Port-Louis, Quéven, Quiberon, Riantec, Sainte-Hélène, Saint-Pierre de Quiberon, Sauzon sont libérées le 10 mai. L île de Groix est libérée le 11.
Les Alliés rejoignent différents points stratégiques de la Poche qu ils occupent immédiatement et regroupent les 24441 prisonniers allemands. Dans les jours qui suivent, ces derniers sont contraints d exhumer les 128 corps des charniers de Penthièvre et de Port-Louis. Ils travaillent pendant plusieurs semaines au déminage de la Poche, truffée d explosifs, de mines anti-chars et anti-personnelles et quelques-uns sont employés jusqu en 1947 au déblaiement de Lorient. Libération de la Presqu île de Quiberon L état de siège est levé à Lorient le 1er juin 1945. La liberté de circulation est rétablie le 14 juillet. La libération totale du territoire français est saluée par une grande tournée du général de Gaulle courant juillet. Plusieurs centaines de soldats, alliés et ennemis, sont tombés au combat. De nombreux civils ont été victimes de bombardements ou de répression. Dans la région lorientaise, des stèles rappellent les épisodes douloureux de cette époque.
Crédit photos : Archives municipales de Lorient, Musée de la Résistance à St Marcel, Service Historique de la Marine, Archives Nationales américaines, Archives Nationales Allemandes, Ville de Quéven, collections particulières. Conception et réalisation : Archives municipales de Lorient Conception graphique : Alyzés design Avec le soutien de Cap l Orient, du Conseil Général, du Conseil Régional et du Ministère de la Défense DIRECTION DE LA MÉMOIRE, DU PATRIMOINE ET DES ARCHIVES