ÉCHANGES INTERNATIONAUX ET BASE INDUSTRIELLE ET TECHNOLOGIQUE DE DÉFENSE



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Transcription:

#67 AVRIL 2014 LE BULLETIN DE L OBSERVATOIRE ÉCONOMIQUE DE LA DÉFENSE (SGA/DAF/QEFI/OED) ÉCHANGES INTERNATIONAUX ET BASE INDUSTRIELLE ET TECHNOLOGIQUE DE DÉFENSE La contrainte budgétaire de plus en plus tendue à laquelle font face les pays européens appelle des choix stratégiques de façon à répondre aux enjeux capacitaires, politiques et stratégiques (en matière d autonomie en particulier). En France, le Livre blanc sur la Défense et la sécurité nationale de 2013 examine les orientations les plus appropriées. La mise en œuvre de ces orientations associées à la contrainte budgétaire donne lieu à une prise en compte encore plus importante des aspects économiques et industriels dans les arbitrages, en matière de programmes d armement en particulier. Il s agit alors d éclairer ces arbitrages à travers une connaissance accrue de la base industrielle et technologique de défense (BITD). DR Parmi les sujets d intérêt dans ce domaine figure le périmètre de la BITD, dont la connaissance permet d orienter prioritairement les efforts vers les entreprises qui contribuent aux enjeux capacitaires et stratégiques de la nation. Quelles sont alors les sociétés participant à la BITD? Les contraintes budgétaires nationales limitant la marge de manœuvre en matière de politique industrielle, les coopérations internationales en matière d armement et les exportations d équipements militaires revêtent des enjeux croissants en vue de favoriser la pérennité d une part et la croissance des sociétés sur le long terme d autre part. Il s agit alors de s interroger sur le degré d ouverture à l international de la BITD. Telles sont les questions qui président aux développements présentés dans cet article. Plusieurs approches sont susceptibles d être utilisées pour déterminer le périmètre de la BITD. Une perspective juridique donnerait lieu, par exemple, à l identification des sociétés autorisées à produire, exporter ou importer des équipements militaires (Code de la défense, articles L-2332 et L-2335). En parallèle, une analyse technique des programmes d armement conduirait à identifier les sociétés qui fournissent des éléments ou composants critiques au fonctionnement des systèmes d armes, voire qui ne connaissent pas d alternative sur le territoire national. Est proposée, dans cet article, une analyse complémentaire fondée sur des considérations économiques et statistiques, en ayant à l esprit que le périmètre de la BITD est susceptible d être évolutif selon l approche et les considérations retenues. Une certaine prudence doit donc entourer les interprétations issues des résultats présentés. Après avoir détaillé la méthode utilisée pour la constitution d un périmètre de la BITD en France, les échanges internationaux des sociétés qui composent la BITD sont étudiés. CHOIX MÉTHODOLOGIQUES Dans son article consacré à la BITD, Dunne (1995) insiste sur son caractère polymorphe, et donc complexe à saisir et évaluer, avec à la fois des considérations de marché (fournisseurs du ministère de la Défense, sous-traitants des primo contractants) et techniques (selon la nature des équipements concernés). Dunne met en avant trois domaines distincts selon leur importance opérationnelle pour le militaire : les systèmes d armes à impact potentiellement létal, les produits stratégiques mais non létaux (les véhicules par exemple) et les autres produits utilisés par le militaire (e.g. l alimentation et l habillement). En vue de déterminer le périmètre de la BITD, cet auteur souligne les difficultés d accès à l information et la nécessité de s adapter à la question analytique posée, tout en rappelant l importance de prendre en compte non seulement les primo-contractants (auprès du ministère de la Défense) mais aussi leurs fournisseurs et sous-traitants. Sylvain MOURA chargé d études, Observatoire Jean-Michel OUDOT adjoint au secrétaire général de l Observatoire économique de la Défense L observatoire économique de la Défense diffuse Écodef par messagerie électronique (format pdf). Si vous êtes intéressés par cette formule, veuillez adresser votre courriel à : daf.oed.fct@intradef.gouv.fr Découvrez toutes les publications du secrétariat général pour l administration sur : Internet www.defense.gouv.fr/sga Intranet www.sga.defense.gouv.fr ou sur simple demande à SGA/Com au 01 42 19 77 46 Ici, à la suite de Moura (2012) qui s est intéressé aux fournisseurs du ministère de la Défense en matière d armement, nous nous attachons précisément à compléter le panorama industriel de défense en rendant compte notamment des sous-traitants et fournisseurs des primo-contractants, ainsi que des sociétés

LE BULLETIN DE L OBSERVATOIRE ÉCONOMIQUE DE LA DÉFENSE exportatrices d équipements militaires. Précisons qu il s agit Une troisième source d information, issue des maîtres d œuvre d identifier des sociétés travaillant dans le domaine de l armement, quel que soit leur taux de dépendance à ce domaine, même mobilisée, ce qui permet d élargir le périmètre BITD par rapport industriels travaillant dans le domaine de la défense, est alors lorsque ce dernier est faible. à la littérature économique actuelle pour considérer les consommations intermédiaires (Fonfria et Correa-Burrows, 2010 ; Pour cela, trois sources principales d information ont été mobilisées Martinez Gonzales et Rueda Lopez, 2012). Les sept plus grands pour constituer une population de la BITD en 2011 en France, industriels, selon le chiffre d affaires reçu du ministère de la avec la société (identifiée par son numéro SIREN) comme unité Défense (AIRBUS GROUP, DASSAULT AVIATION, DCNS, MBDA, d analyse. Dans cette optique, une société est une unité légale NEXTER SYSTEMS, SAFRAN et THALES), ainsi que la direction ayant une activité productive. Ces sources rendent compte de des applications militaires du CEA ont transmis le fichier de leurs marchés différents et complémentaires dans le domaine de fournisseurs. Dans ce fichier, l enjeu est de distinguer ce qui l armement. résulte de la réalisation des systèmes d armes de ce qui n en fait pas partie. Dans cet objectif, les fournisseurs des maîtres La première source d information a trait aux commandes du d œuvre industriels spécialisés à 100% dans la défense (DCNS, ministère de la Défense en matière de réalisation ou de maintenance des systèmes d armes. Les paiements correspondants ont applications militaires du CEA, ont été retenus. Parmi eux, seules MBDA, NEXTER SYSTEMS), ainsi que ceux de la direction des été sélectionnés par le système de comptabilité Chorus (voir la les sociétés dont l activité principale est l industrie manufacturière 1 ainsi que celles évoluant dans les services au titre de méthode dans Moura, 2014). Ont ainsi été retenues les sociétés qui bénéficient de paiements effectués au titre d opérations l ingénierie et études techniques ou en matière de conseil en d armement dans les programmes budgétaires 144 (environnement et prospective de la politique de défense) et 146 (équi- systèmes et logiciels informatiques 2. pement des forces) ainsi que les comptes correspondant à Notons qu une analyse complémentaire a été effectuée pour l armement en dehors de ces deux programmes. estimer le nombre de sociétés qui fournissent les maîtres d œuvre industriels dont l activité est duale et qui ne feraient pas déjà La deuxième source d information combine les aspects internationaux en matière d armement, répondant à la fois à une réalisation des systèmes d armes. En retenant les cinq secteurs partie de l ensemble sélectionné, mais qui contribueraient à la demande étatique (consommation finale) et industrielle (consommation intermédiaire). Sont prises en compte à la fois les Défense en matière manufacturière (comptes n 2540Z, 2630Z, d activité représentant 90% des achats du ministère de la sociétés qui contribuent aux programmes en coopération internationale dont la maîtrise d ouvrage est assurée par l Organisme sentant 51% des achats des maîtres d œuvre industriels 2651A, 3011Z et 3030Z) et les cinq secteurs d activité repré- conjoint de coopération en matière d armement (Occar) et les spécialisés en totalité dans la défense (comptes n 2562B, 2651A, sociétés qui exportent des matériels militaires depuis la France 2821Z, 3011Z et 3030Z), 439 sociétés additionnelles ont été (données transmises par l Occar et par le ministère du budget, identifiées. Celles-ci n ont cependant pas été introduites dans direction générale des douanes). De façon à se concentrer sur l analyse car les filtres utilisables et la nature duale des maîtres la réalisation ou la maintenance des systèmes d armes, ont été d œuvre industriels concernés ne permettent pas d être suffisamment confiants, à ce stade de l analyse, quant à la nature retirées, de la base de données export, les sociétés évoluant dans le secteur primaire, les industries extractives, la construction, militaire de leurs activités. la logistique, le transport, le commerce de détail ou dans les autres secteurs tertiaires. Dans l industrie manufacturière, ont Ce mode de sélection présente l avantage d introduire dans été conservées les sociétés ayant comme activité principale un le périmètre BITD les sociétés qui participent au processus de des cinq secteurs les plus significatifs dans les achats manufacturés du ministère de la Défense (ils représentent 90% du diaires (Walker et al, 1988). Il a l inconvénient de ne pas intégrer production par l intermédiaire des consommations intermé- chiffre d affaires de l industrie manufacturière), à savoir la fabrication d armes et de munitions, la fabrication d équipement de lesquels des informations sont disponibles dans la base de les fournisseurs des maîtres d œuvre industriels duaux pour communication, la fabrication d équipements d aide à la navigation, la construction de navires et de structures flottantes ou SAFRAN et THALES), faute d une méthodologie aboutie, à ce données originelle (AIRBUS GROUP, DASSAULT AVIATION, encore la construction aéronautique et spatiale. Les exportations stade, pour identifier les sociétés fournisseurs au titre d un bien dont le montant était inférieur à 1 M ont également été retirées ou service militaire. En revanche, l approche amène à prendre de l échantillon. Au total, 25% des sociétés comprises dans la base en compte des sociétés qui peuvent avoir un lien faible avec originelle pour 97% des montants ont été conservés dans le périmètre. Certaines sociétés exportatrices sont des maîtres d œuvre militaire, soit qu elles fournissent un bien ou service civil que l armement : soit qu elles ont un taux de dépendance faible au industriels qui disposent des contrats de réalisation ou de maintenance des systèmes d armes et qui se tournent ensuite vers (Dunne, 1995, op.cit.). les maîtres d œuvre utilisent à des fins de production militaire un large tissu industriel composé notamment de PME et d entreprises de taille intermédiaire en tant que sous-traitants et fournisseurs. Il s agit ici de progresser dans la comptabilisation de nombre de sociétés identifiées ainsi qu un chiffre d affaires À chacune de ces trois sources d information correspond un ces dernières. militaire (tableau 1). 1 À l exception des sociétés appartenant aux industries agroalimentaires et à l habillement (NAF 1411Z et 1412Z). 2 Comptes du plan comptable de l État n 7112B et 6202A. 02

Tableau 1 : Caractérisation des sources d information (2011) Sources d information Nombre de sociétés CA (Md ) Ministère de la Défense 612 7,9 International (exportations et OCCAr) 219 4,7 Consommations intermédiaires (CEA, DCNS, MBDA, Nexter) 2 335 1,5 Source : SGA/DAF La combinaison de ces trois sources d information permet de constituer une base de données originale pour appréhender les sociétés de la BITD qui contribuent de façon directe ou indirecte à la réalisation des systèmes d armes. Au total, en éliminant les doublons (i.e. les sociétés qui sont présentes dans plusieurs sources d information à la fois), le nombre total de sociétés répertoriées est de 2 850. Dans une perspective économique, il est éclairant de dépasser la notion de société (unité légale) pour comptabiliser le nombre d entreprises, étant entendu qu une entreprise organise la production de biens et services et jouit d une certaine autonomie de décision pour l affectation de ses ressources courantes. Un regroupement de sociétés permet de constituer une entreprise selon les prises de participation dans leur capital. Si une société détient 50% ou plus d une autre société alors l ensemble constitue une seule et unique entreprise. Après traitement, il s avère que les 2 850 sociétés identifiées correspondent à 2 428 entreprises différentes (tableau 2). La plupart des regroupements sociétés-entreprises concernent des sociétés de grande taille qui appartiennent à des groupes (à l opposé, peu de PME ont été regroupées car elles sont en majorité des entreprises indépendantes). Tableau 2 : Distribution des entreprises par catégorie (2011) Catégorie Nombre d entreprises % du total Petites et moyennes entreprises 1 947 80% Entreprises de taille intermédiaire 391 16% Grandes entreprises 70 3% Non identifiée 20 1% Total 2 428 100% Source : SGA/DAF Dans l ensemble, les grandes entreprises reçoivent, en 2011, 72% du chiffre d affaires identifié (commandes du ministère de la Défense, export, coopération internationale, consommations intermédiaires), ce qui représente 10,8 Md, les entreprises de taille intermédiaire 21% et les PME 6%. En ce sens, la structure industrielle de l armement accentue l organisation industrielle observée dans l industrie manufacturière en France où les grandes entreprises réalisent 49% du chiffre d affaires contre 17% pour les PME (INSEE, 2013). 03

BITD ET ÉCHANGES INTERNATIONAUX Dans l ensemble, les entreprises de la BITD ont un taux de couverture positif, avec des exportations militaires 3,3 fois supérieures aux importations (tableau 3). Plus des trois-quarts des exportations militaires sont assurées par les grandes entreprises. Ainsi les PME, bien que majoritaires dans la BITD, ne comptent que pour 4% des exportations d équipements militaires telles que recensées par la direction générale des douanes. DR Tableau 3 : Échanges internationaux en matériels militaires par catégorie d entreprise (2011) Catégorie Exportations (Md ) Importations (Md ) Petites et moyennes entreprises 153 102 Entreprises de taille intermédiaire 716 157 Grandes entreprises 3 111 947 Non identifiée 21 7 Total 4 000 1 212 Source : SGA/DAF. La somme des lignes ne correspond pas au total en raison des arrondis. Les importations sont coût, assurance et frais compris jusqu à la frontière nationale (CAF). Les grandes entreprises occupent une place prépondérante dans les transactions internationales, ce qui s explique notamment par leur rôle de maître d œuvre industriel (en particulier AIRBUS GROUP, DASSAULT AVIATION, DCNS, MBDA, NEXTER SYSTEMS, RENAULT TRUCKS DEFENSE, SAFRAN et THALES 3 ). Ayant une place majeure dans la production des équipements militaires, les grandes entreprises font ainsi référence dans les échanges internationaux : elles réalisent 78% des exportations d équipements militaires et autant des importations. En 2011, les exportations (tout comme les importations) sont dominées par les équipements ayant trait à l aéronautique (parties de réacteurs et propulseurs, parties d hélicoptères et d avions) et aux bombes et munitions 4. La répartition géographique des échanges met en avant trois zones d importance pour la BITD (tableau 4). D une part, l Europe dispose de budgets militaires relativement élevés (23% des dépenses militaires mondiales), derrière les États-Unis (41%) et devant l Asie (19%) (SIPRI, 2012). En conséquence, la demande en matériels militaires est forte, stimulant ainsi, parallèlement à la spécialisation des industriels selon les États, le commerce avec cette zone. D autre part, la production militaire de la BITD française est de plus en plus orientée vers le niveau européen. Les statistiques du commerce extérieur intègrent le poids des échanges intragroupes (i.e. entre des sociétés implantées dans plusieurs pays européens tout en appartenant à un même groupe) et de la sous-traitance (achats en provenance de sociétés implantées en Europe). Cette fragmentation géographique du processus de production est susceptible d être opérée par les groupes industriels, selon El Mouhoub (2008), en vue de : L Europe est la première zone commerciale pour la BITD 1 répondre à une demande multinationale (programmes en française (40% des exportations et 68% des importations). coopération européenne), En parallèle à une perspective juridique fondée sur les conséquences des réglementations en matière d échanges internationaux dans le domaine de l armement, deux explications l étranger (via notamment des fusions/acquisitions), 2 accroître les parts de marché par des implantations à de nature économique et industrielle peuvent être mises en avant. 3 bénéficier d une meilleure compétitivité (prix ou produit). 3 Un groupe est composé de sociétés contrôlées selon la détention des droits de vote. Le contrôle d une société A par une société B peut être direct (la société B est directement détentrice de la majorité des droits de vote au conseil d administration de A, c est-à-dire plus de 50%) ou indirect (B a le contrôle de sociétés intermédiaires C, voire D, E, etc. à qui elle peut demander de voter d une même façon au conseil d administration de A, obtenant ainsi la majorité des droits). LE BULLETIN DE L OBSERVATOIRE ÉCONOMIQUE DE LA DÉFENSE 4 Voir Sammeth (2012) pour une analyse en longue période. 04

De par leur poids (tant dans la production que l exportation) et leur structure (beaucoup ont une dimension internationale avec une forte implantation dans différents pays d Europe), les groupes de la BITD tirent les statistiques du commerce militaire vers ce tropisme européen. Enfin, l Amérique du Nord est une zone qui compte mais avec un poids relativement faible (9% des exportations et 15% des importations). Cette situation peut s expliquer par la recherche de l autonomie stratégique qui amène à privilégier une production nationale ou des importations européennes. L Asie constitue une destination importante des exportations militaires pour la BITD française. Dans cette zone, le Moyen- Orient est majoritaire (il représente 53% des exportations vers l Asie). Tableau 4 : Répartition géographique des échanges internationaux de matériels militaires (2011) Catégorie Exportations Importations Valeur (Md ) % du total Valeur (Md ) % du total Afrique 333 8% 50 4% Amérique du Nord 340 9% 182 15% Amérique du Sud 122 3% 5 0,4% Asie 1 401 35% 69 6% Europe 1 580 40% 822 68% Océanie 223 6% 12 1% Inconnu 0 0% 71 6% Total 4 000 100% 1 212 100% Source : SGA/DAF. Les pays de la CEI et la Russie sont inclus dans l Europe, l Amérique centrale est comprise dans l Amérique du Nord. Les importations sont mesurées selon le pays d origine et sont franco à bord (FAB). Les importations (6,8 M ) et les exportations (0,9 M ) attachées aux territoires d Outre-Mer et à Mayotte (7 M ) ont été supprimées. CONCLUSION LE BULLETIN DE L OBSERVATOIRE ÉCONOMIQUE DE LA DÉFENSE À partir de sources riches en information (notamment en provenance de la direction générale des douanes et des maîtres d œuvre industriels de la défense) et selon l approche économique et statistique retenue, la BITD ainsi appréhendée serait composée, au sens large, d environ 2 800 sociétés pour 2 400 entreprises (dont 80% de PME), certaines d entre elles ayant un taux de dépendance faible à l armement. Elles disposent d un taux de couverture positif en matière de commerce international avec une structure fortement influencée par les maîtres d œuvre industriels de l armement. Leur importance est notamment illustrée par la place dominante de l Europe dans les échanges militaires, selon des déterminants politiques (recherche d autonomie stratégique) et économiques (l organisation productive des groupes). Ainsi, un axe d analyse futur consisterait à appréhender ce second facteur - les déterminants économiques - en neutralisant l effet des échanges intra-groupes pour obtenir une mesure du commerce international militaire de la BITD qui pourrait être interprétée de façon plus complète. Il s agirait également, à terme, de rendre compte de la valeur ajoutée des échanges internationaux en matière d armement, comme le font l OCDE et l OMC (trade in value added database). Une autre piste d amélioration méthodologique reposerait sur une prise en compte à la fois plus exhaustive et plus précise des services de défense en matière internationale. Il s agit aussi, à terme, de rendre compte des analyses juridiques, d une part, et techniques, d autre part, de façon à consolider le périmètre des sociétés appartenant à la BITD en France. Une analyse dédiée pourrait également être réalisée avec les maîtres d œuvre industriels, duaux en particulier, de façon à progresser dans l identification de leurs fournisseurs et sous-traitants contribuant aux programmes militaires. Sylvain MOURA et Jean-Michel OUDOT 05

BIBLIOGRAPHIE Dunne J.P. [1995], «The defence industrial base», Handbook of defence economics, volume 1, p. 399-430. SOMMAIRE DES DERNIERS ÉCODEF PARUS El Mouhoub M. [2008], «Mondialisation et délocalisation des entreprises», Repères, La Découverte. Fonfria A. et Correa-Burrows P. [2010], «Effects of military spending on the profitability of spanish defence contractors», Defence and Peace Economics, vol. 21(2), p. 177-192. ÉCODEF 62 - Décembre 2012 Les grandes entreprises d armement européens Frank SAMMETH, chargé d études à l Observatoire Sylvain MOURA, chargé d études à l Observatoire INSEE [2013], «Principales caractéristiques des entreprises par secteur et par catégorie en 2011 - «entreprises» au sens groupe du décret 2008-1 354», novembre, site internet. «Livre blanc sur la Défense et la sécurité nationale» [2013], la Documentation française. Martinez Gonzales A., Rueda Lopez N. [2012], «A productivity and efficiency analysis of the security and defence technological and industrial base in Spain», Defence and Peace Economics, vol. 24(2), p. 147-171. Moura S. [2012], «La base industrielle et technologique de défense», Écodef, n 58, Ministère de la Défense. Sammeth F. [2012], «Les exportations d armement de 2000 à 2010», Écodef, n 60, Ministère de la Défense. SIPRI [2012], «Yearbook 2012», Oxford University Press. ÉCODEF 63 - Mars 2013 Les entreprises fournissant la Défense en 2011 Isabelle Guerin-Raton, attachée de l Insee à l Observatoire ÉCODEF 64 - Juillet 2013 La mutualisation de la recherche et développement de Défense Jean-Pierre Maulny, directeur-adjoint de l Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) Sylvie Matelly, directrice de recherche à l IRIS ÉCODEF 65 - Septembre 2013 La concentration des marchés d armement Sylvain MOURA, chargé d études à l Observatoire Walker W., Graham M., Harbor B. [1988], «From components to integrated systems: Technological diversity and interactions between military and civilian sectors», dans P. Gummett et J. Reppy (eds), The relation between military and civilian technologies, p. 17-37, Kluwer Academic Publishers. ÉCODEF 66 - Janvier 2014 La dualité dans la base industrielle et technologique de Défense Sylvain MOURA, chargé d études à l Observatoire disponible sur : INTERNET DÉFENSE www.defense.gouv.fr/sga/le-sga-en-action/economie-et-statistiques/ecodef (téléchargement pdf) ESPACE FINANCES (Intranet SGA) http://portail.sga.defense.gouv.fr/finances/article.php3?id_article=1632 ou sur simple demande à : daf.oed.fct@intradef.gouv.fr Observatoire Économique de la Défense (SGA/DAF/QEFI/OED) 14 rue Saint Dominique 75700 Paris SP 07 Pour vous abonner Mél : daf.oed.fct@intradef.gouv.fr Rédacteur en chef : Marc-Antoine Kleinpeter Conception graphique Pascal Ilic - SGA/com 2014 Réalisation Stéphanne Parinaud - SGA/com 2014 Impression SGA/SPAC/PGP - Tél : 01 42 19 40 91 ISSN 1293-4348 LE BULLETIN DE L OBSERVATOIRE ÉCONOMIQUE DE LA DÉFENSE 06