Etape de visite n 1 La façade occidentale. Où sommes-nous? Nous nous trouvons juste devant la cathédrale, sur une petite place qui porte aujourd hui le nom de «Charles de Gaulle» mais qui, historiquement, est l un des parvis de Saint-Étienne de Meaux ; il en existait un autre, le «parvis aux lions», devant le portail sud du transept. Au Moyen Âge, ce parvis était un espace sacré, tout comme la cathédrale elle-même : si un voleur s y réfugiait, il échappait à la justice civile et ne pouvait être jugé que par l Église. Comment se présente la cathédrale? La petite place est comme écrasée par les dimensions de la cathédrale, beaucoup plus haute et plus large que les maisons avoisinantes. La cathédrale domine toute la ville de sa masse. Elle est même beaucoup plus élevée que le palais de l évêque (que l on entrevoit sur la gauche) ou que celui du comte (qui se trouvait à l emplacement de l hôtel de ville). 1 Depuis le parvis, on mesure la différence d échelle entre la cathédrale et le palais épiscopal qui s élève juste à côté.
En quoi est-elle bâtie? La cathédrale est construite en pierre. Cela aussi la distingue des maisons qui l entouraient, pour la plupart bâties en bois au Moyen Âge. La pierre coûtait évidemment beaucoup plus cher, mais elle assurait à la fois le prestige et la durée : les villes médiévales étaient fréquemment la proie d incendies, et seuls les bâtiments en pierre échappaient au feu. Ce fut d ailleurs le cas en 1358, pendant la guerre de Cent Ans : toute la ville de Meaux fut dévastée par les flammes, sauf la cathédrale et le quartier canonial. Une maison à pans de bois, dans le centre-ville de Meaux (rue du Tan). Jusqu au XIX e siècle, un grand nombre de maisons sont construites avec une structure en bois, moins chère mais qui craint le feu et l eau. Pourquoi la façade est-elle plus blanche à certains endroits? La pérennité assurée par l emploi de la pierre est relative. Quand on s approche de la façade, on s aperçoit qu elle est très abîmée à certains endroits. Le calcaire dans lequel on a construit la cathédrale de Meaux est en effet peu résistant aux intempéries. L extérieur de l édifice a donc dû être abondamment restauré aux XIX e et XX e siècles. En fait, on ne cesse jamais de l entretenir! La partie la plus blanche de la façade, à gauche, vient d ailleurs tout juste d être restaurée (2008). On a enlevé tous les blocs abîmés, et on les a remplacés par des pierres taillées à l identique. La tour nord est ainsi flambant neuve! C est un énorme travail qui a mobilisé pendant plusieurs mois une équipe de tailleurs de pierre, sous la direction de l architecte en chef des Monuments historiques (qui supervise tous les grands travaux menés sur la cathédrale). Quand on dépose les blocs bien taillés de la façade, on s aperçoit que derrière, le gros du mur est fait de matériaux moins couteux : ce sont des moellons assemblés par un mortier qui forment l essentiel de l épaisseur du mur. Les pierres de taille et leur décor sculpté ne sont que l épiderme de l édifice Clichés pris pendant la campagne de restauration de la base de la tour sud, en 2008. Ci-dessous : une fois enlevé le parement de pierre taillée, apparaissent les moellons du gros-œuvre. 2
Combien y a-t-il de portes pour rentrer dans la cathédrale? On compte trois portails, de dimensions à peu près identiques. Ce chiffre se retrouve dans la plupart des cathédrales gothique : c est un symbole de la Trinité. Dans certaines cathédrales, comme à Bourges, on a cependant ouvert non pas trois mais cinq portails, pour que la façade soit en adéquation avec les cinq allées de la nef. A Meaux (comme d ailleurs à Notre-Dame de Paris), ce parti n a pas été retenu. Par conséquent, la façade ne révèle pas l organisation interne de l édifice : aux cinq vaisseaux intérieurs ne correspondent que trois portails. Un espace de transition a d ailleurs été prévu par l architecte sous les tours de la façade, pour que les portes latérales n ouvrent pas directement sur le premier pilier de la nef. Comment est subdivisée la façade? Au-dessus des trois portails se trouve une rose encadrée par deux tours. Ce type de façade, avec deux tours latérales, est la formule la plus courante dans l architecture gothique. On l appelle «façade harmonique». Cette organisation se trouve en Normandie dès l époque romane, et se répand en Île-de-France au XII e siècle après que l abbé Suger l a adoptée pour la façade de Saint-Denis (une des premières manifestations de l art gothique, consacrée en 1140). Cette formule, gouvernée par un axe de symétrie central, est celle de la plupart des cathédrales gothiques françaises. Mais les architectes ont aussi essayé d autres solutions. En Italie par exemple, le clocher ou «campanile» est souvent isolé de l église : ceci permet d éviter que les cloches n ébranlent les fondations de l église. Sonner les cloches provoque en effet d importantes vibrations qui nuisent à la stabilité de l édifice! C est pourquoi les clochers sont toujours supportés par des piliers très épais : c est le cas de la tour nord à Meaux. La façade de la basilique de Saint-Denis : l un des premiers monuments de l art gothique. La façade «harmonique» était flanquée de deux tours de même hauteur mais celle de gauche a dû être déposée au XIX e siècle, car elle menaçait de s effondrer. 3
Pourquoi les deux tours n ontelles pas la même taille? Le toit de la «tour Noire», vu du haut de la cathédrale. Tout simplement parce que la tour sud n a jamais été finie! Il s agissait à l origine d un clocher provisoire, qui aurait dû être remplacé par une tour de même hauteur que celle de gauche. Mais une fois achevée cette dernière, dans les années 1540, les fonds ont manqué pour achever le chantier. On a donc conservé cette «tour noire», qui doit son nom aux bardeaux qui la recouvrent. Dalle funéraire de Jean de Marcilly Combien de temps a-t-il fallu pour construire cette façade? Loin d avoir été élevée d un seul jet, la façade a nécessité environ deux siècles de chantier La construction a commencé au XIV e siècle, une fois que le roi a donné son autorisation pour allonger la cathédrale (1335). Mais elle a été interrompue par les troubles de la guerre de Cent Ans et tout particulièrement par la Jacquerie de 1358, particulièrement violente à Meaux. A la fin du XIV e siècle, la ville consentit des dons pour terminer la cathédrale, ce qui relança le chantier. Mais ce fut à nouveau la guerre : les Anglais occupèrent la ville pendant plus de quinze ans (1422-1439). Il fallut attendre le milieu du XV e siècle pour que les travaux reprennent. Ils ne furent achevés qu au XVI e siècle : la tour nord, qui abrite les cloches, fut probablement terminée dans les années 1540. Aucun texte ne permet malheureusement de dater précisément la fin du chantier ni son déroulement. On ignore donc le nom des architectes qui ont dessiné et mis en œuvre cette façade. On sait seulement que les sculptures du portail nord, dédié à saint Jean-Baptiste, ont été financées par un des chanoines : Jean de Marcilly, mort en 1506. Ce généreux donateur a aussi fait construire une chapelle sur le côté nord de la nef, où se trouve toujours sa dalle funéraire (très effacée). 4
Le décor de la façade est-il homogène? Etant donné la longueur du chantier, la façade ne pouvait que refléter les évolutions stylistiques qui touchent l art gothique entre les années 1330, encore marquées par le gothique rayonnant, et le XVI e siècle, époque du flamboyant. L évolution est bien perceptible dans les gâbles qui surmontent chacun des portails. A droite, les deux gâbles forment des triangles très pointus, caractéristiques de l architecture rayonnante (voir par exemple la façade de la cathédrale de Strasbourg) ; à gauche en revanche, le gâble est beaucoup moins haut et adopte une forme en accolade que l on retrouve souvent dans les églises flamboyantes, comme en témoigne, dans la région, le portail de l église Saint-Martin au Mesnil-Amelot. Bibliographie : Peter KURMANN, La cathédrale Saint-Etienne de Meaux. Etude architecturale, Genève : Droz et Paris : Arts et métiers graphiques, 1971, p. 106-125. 5 La forme des gâbles surmontant les trois portails montre que la construction de la façade s est faite en plusieurs temps.