Les Compères. Martin, Tristan 16 ans et demi disparu de son domicile depuis le mercredi 24 cheveux bruns taille: un mètre 75 (5'10")



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40 41 42 43 44 45 46 47 48 49 50 51 52 53 54 55 56 57 58 59 60 61 62 63 64 65 66 67 68 69 70 71 72 73 74 75 76 77 78 79 80 --Ils ne font rien du tout. M. Martin: --Ne dis pas ça. --Les flics, eux, ils s'en foutent! Il faut s'en occuper nous-mêmes. On va les voir, les parents de cette fille. M. Martin: --On ne passera pas à Nice. Il faut laisser faire la police. --"C'est comme les voitures volées"; on les retrouve toujours. On t'a volé ta voiture. On l'a retrouvée. Mais dans quel état? [à Nice, à l'hôtel] M. Martin: --Monsieur Raffart? M. Raffart: --Oui. M. Martin: --Paul Martin. Je vous ai téléphoné hier au sujet de mon fils. M. Raffart: --Les flics sont venus ce matin. C'est vous qui les avez envoyés? M. Martin: --Non. Enfin, je leur ai dit qu'il était possible que mon fils soit parti avec votre fille. Alors... M. Raffart: --Je ne sais pas où elle est, ma fille. Elle est majeure. Elle fait ce qu'elle veut. On va m'emmerder longtemps avec cette histoire? M. Martin: --Monsieur Raffart. Nous sommes inquiets pour notre fils. C'est une chose que vous devez comprendre. [photo] M. Raffart: --Je ne le connais pas, votre fils. Je ne l'ai jamais vu; j'ai vu personne. J'attends qu'on me foute la paix! C'est clair? (Il part.) M. Martin: --Voilà. Qu'est-ce que je t'avais dit? --Il ment! M. Martin: --Ah, écoute! --Il ment, je te dis! --Il faut absolument qu'il nous dise la vérité. Vas-y! M. Martin: --Mais enfin, je n'ai pas le prétexte. Ce type est en train de parler. On ne peut pas le forcer. --Vous êtes un salaud! (à M. Raffart) M. Raffart: --Ne quittez pas. (au téléphone) --Si un jour vous avez un problème, je vous souhaite de tomber sur un type comme vous! M. Raffart: --C'est privé ici. --Vous ne savez peut-être pas où est notre fils, mais vous n'avez pas le droit de nous lancer dehors comme des chiens. Je regrette de ne pas être un homme pour vous casser la gueule. M. Raffart: --J'ai mon plombier au téléphone. Sa fille au second. Il faut faire les canalisations. Moi aussi, j'ai mes problèmes. Et je vous emmerde, Madame! --Viens! (à son mari) 2

81 82 83 84 85 86 87 88 89 90 91 92 93 94 95 96 97 98 99 100 101 102 103 --Prends un détective privé. Mme Bertheaud m'a dit que sa fille au moment de son divorce en a trouvé un bon. Tu veux que je lui demande son adresse? --J'ai fait un truc idiot aujourd'hui, Maman. --Quoi? --J'ai téléphoné à Lucas, Jean Lucas. Mais si. Tu l'appelais "l'homme des cavernes". --Ah oui. Oh, là, là! --Ça marche très bien pour lui. Il est journaliste. Il a l'air content. --Tu lui as téléphonné pourquoi? --Pour lui demander de m'aider. Je le vois à 5 heures. --De t'aider? --Si un type comme lui m'avait accompagné à Nice, ça se [serait] passé autrement, et mon fils serait à la maison maintenant. --Vous vous êtes perdus de vue depuis combien de temps maintenant? --Je sais pas. 17 ans. Laquelle tu trouves la mieux? [Elle lui montre des photos.] --Je ne veux pas te faire de la peine, mais qu'est-ce que tu peux attendre d'un homme que tu n'as pas revu depuis 17 ans? Et puis, pourquoi se donnerait-il la peine de prendre un enfant qu'il ne connaît même pas? --Je vais lui dire qu'il est de lui. --Comment? --Je vais lui dire que Tristan est son fils. 3

104 105 106 107 108 109 110 111 112 113 114 115 116 117 118 119 120 121 122 123 124 125 126 127 128 129 130 131 132 133 134 135 136 137 138 139 140 141 142 143 144 145 146 147 148 149 150 Lucas: --Oh? Il s'appelle Tristan et il a 17 ans. Je n'ai pas voulu te le dire à l'époque. Je l'ai gardé et on l'a élevé. Lucas: --Mais pourquoi? --Parce que je t'aimais et je voulais un enfant de toi. Lucas: --Non, non. Pourquoi tu ne m a pas dit? Tu étais si jeune. Et tu peux t'imaginer à l'époque en mari, en père de famille! Alors, j'ai épousé Paul, et il n'a jamais su que ce n'était pas son fils. Lucas: --C'est dingue, écoute! T'as une photo? --Ah, oui. Oui, mais elle est pas très bonne, eh? Il y a quelque chose, non? Le nez, peut-être? Lucas: --Pas de chances! En fait, c'est surtout l'expression. Quand il sourit, c'est toi. Lucas: --T'as pas une photo où il sourit? --C'est un beau garçon, tu sais. Très beau! Lucas: --Pourquoi tu m'annonces ça maintenant, Christine? --Il est parti il y a 15 jours. Il a fait une fugue. La police s'en fout et Paul, mon mari, n'a pas les épaules. Je veux retrouver mon fils. Lucas: --Une fugue. Merde, alors! C'est con, ça! --Je pense qu'il est parti avec une fille--une Niçoise. Je suis allée à Nice avec Paul, mais... Lucas: --Qu'est-ce que t'attends de moi exactement? --Je veux que tu reprennes l'enquête. Tu le retrouveras, toi! Lucas: --C'est pas vrai, tu sais. Dix-sept ans après, tu m'annonces que j'ai un enfant, puis 3 minutes plus tard tu m'annonces que je l'ai plus, et puis tu me demandes de le retrouver. Je sais pas quoi te dire, moi. --Il a refusé. Sois pas déçue. C'était prévisible. Je m'en souviens très bien, tu sais: une petite brute égoïste. Tu ne pouvais rien attendre d'un type comme ça. --C'est pas une brute. Il n'est pas égoïste. --Bon. Ah, ben, n'en parlons plus. Tu veux boire quelque chose? Je vais faire du café. --J'ai connu un autre garçon à l'époque: François Pignon. Tu te souviens? --Ah, non. Tu ne vas pas recommencer! --Il était très gentil, très... --C'est pas celui qui se suicidait tout le temps? --Je me demande ce qu'il est devenu... Pignon: "J'en ai assez de cette vie qui m'apportait si peu de chose. Je la quitte sans regret. Pardon à tous ceux qui m'aiment! Adieu. --François." Pignon: --Allô? De la part de qui? Christine! C'est fort! Ça fait si longtemps! [...] Non, non, je ne suis pas en train de déjeuner. [...] Et ben, moi, ça va pas trop mal. [...] Pas du tout! Tu me déranges pas. Qu'est-ce que tu deviens? [...] Mais quand tu veux. Cet après-midi, si ça t'arrange. [...] Cinq heures? D'accord! J'y serai. [...] Moi, aussi, je t'embrasse! Je suis content que tu m'as appelé, Christine. A toute à l'heure! [à lui-même] Christine? 4

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368 369 370 371 372 373 374 375 376 377 378 379 380 381 382 383 384 385 386 387 388 389 390 391 392 393 394 395 396 397 398 399 400 401 402 403 404 405 406 407 408 409 410 411 412 413 414 Lucas: --Faites le plein de super, s'il vous plaît. gangster 1: -- (?) vérifier tout de même. gangster 2: --C'est pas la peine, je te dis. Il est pas marié. Il n'a pas d'enfants, je le sais. Il est en train de nous balader, là. gangster 1: --Et l'autre type? gangster 2: --Sûrement collègue à lui. Un autre fouille-merde. Lucas: --On aura du mal avec cette bonne femme. Pignon: --Vous croyez? Lucas: --Sûr. Mme Raffart: --Il vous faut autre chose? Lucas: --Vous êtes Madame Raffart? Mme Raffart: --Oui. Lucas: --Votre mari ne vous a pas téléphoné? Mme Raffart: --Mon mari? Lucas: --C'est lui qui nous a conseillés de venir vous voir. Je m'appelle Lucas. Mon fils a fait une fugue. Pignon: --François Pignon. Le mien aussi. Lucas: --Ils sont passés chez votre mari il y a quelques jours avec votre fille. Mme Raffart: --Je ne suis plus avec mon mari depuis 15 ans. Lucas: --C'est votre fille qui nous intéresse. Vous avez reçu de ses nouvelles récemment? Mme Raffart: --Non. Lucas: --Je veux récupérer mon fils, Madame Raffart. Pignon: --Et moi, le mien. Lucas: --Et votre fille peut sûrement nous aider. Mme Raffart: --Je sais pas où est ma fille. J'ai du travail, moi. Vous me devez 300 F. [Elle part.] Lucas: --Eh voilà! Pignon: --Elle dit peut-être la vérité. Lucas: --Je ne crois pas. Celle-là, pour la faire parler,... Pourriez-vous pas pleurer un coup? Pignon: --Comment? Lucas: --Pleurer un petit coup. Comme ça, ça va peut-être l'attendrir. Pignon: --Pleurer, comme ça, maintenant? Lucas: --Ben, oui. Pignon: --C'est pas commode. Lucas: --Vous pleuriez bien parce que j'avais plus d'essence! Pignon: --Je pleure tout le temps, pas sur commande. Lucas: --Eh bien, pleurez pas, mais elle parlera pas, oh! Pignon: --Attendez! Je vais essayer. Lucas: --Mais dépêchez-vous! Pignon: --"Dépêchez-vous!" Vous êtes marrant, vous! Faut que je pense à quelque chose de triste. Voyons, voyons! [Il finit par rire.] Lucas: --Qu'est-ce qui vous arrive? Pignon: --[En riant] Ça fait des mois que je pleure. J'emmerde tout le monde avec ça, et pour une fois qu'on me le demande... L'enterrement de mon père! Ç'était d'une tristesse! Chaque fois que j'y pense, j'y reste. [Pause. Il essaie de pleurer.] Pas cette fois-ci! [Lucas lui donne une gifle.] Le con, il m'a foutu une baffe! 10

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