La Météorologie 8 e série - n 27 - septembre 1999 63 É C H O S MÉTÉO-FRANCE ET L ÉCLIPSE DU 11 AOÛT 1999 Figure 1 - Carte climatologique sur la bande de totalité. Les chiffres indiquent, pour chaque station, le nombre moyen de jours où l on observe au mois d août une fraction d insolation quotidienne supérieure ou égale à 80 %. ( Météo-France) Si l éclipse totale du 11 août 1999 a été avant tout la fête des astronomes, professionnels comme amateurs, elle a aussi été l occasion pour le service météorologique français de mettre en valeur son savoir-faire. En effet, les conditions atmosphériques, plutôt défavorables et incertaines pendant toute la période qui a précédé l éclipse, ont braqué les projecteurs sur l information météorologique. Mais fort heureusement, que ce soit en climatologie, en prévision du temps, en simulation numérique ou en observation satellitaire, Météo-France s est montré à la hauteur de l événement. Climatologie Bien avant le mois d août, Stéphane Garro, ingénieur à Météo-France et astronome amateur, a mené à bien une étude climatologique visant à estimer les chances au sens statistique d observer l éclipse dans de bonnes conditions dans la bande de totalité. Cette étude a reposé sur les observations du mois d août des stations météorologiques départementales pendant la période 1961-1990 et porté sur les principaux paramètres pertinents : nébulosité, ensoleillement, brouillard, précipitations et convection. Les résultats ont été publiés dans Observer l éclipse pour tous sous forme de cartes, puis rendus accessibles sur Internet, dans la rubrique «Préparons l éclipse 1999» du site de Météo-France. La figure 1 en montre un exemple : les chiffres correspondent au nombre moyen de jours où l on relève en août une fraction d insolation quotidienne supérieure à 80 %. Les chances de bénéficier d une journée bien ensoleillée sont maximales dans la partie sud-est de la bande de totalité. Prévision Du 4 au 7 août, Météo-France a élaboré chaque jour une carte de prévision pour le 11 août comportant sur la France des pictogrammes de nébulosité et c est une nouveauté des probabilités de pluie par zone. Ces cartes, largement reprises par la presse, étaient munies d un commentaire et disponibles sur Internet. La figure 2 en donne un exemple. Du 8 au 11 août, ces cartes ont été remplacées par d autres plus précises avec des pictogrammes de type de temps prévu et, à partir du 10 août, avec une possibilité de zoom sur les diverses régions. Pendant la même période, les services régionaux et départementaux de Figure 2 - Carte de prévision sur la France établie le 7 août pour le 11 août 1999. Les pictogrammes indiquent l état du ciel et le type de temps prévus, les zones grisées la probabilité qu il pleuve sur une période de 24 heures (niveaux de gris croissants pour des probabilités successives p < 10 %, 10 % < p < 25 %, 25 % < p < 75 %, 75 % < p < 90 %, p > 90 %). ( Météo-France)
64 La Météorologie 8 e série - n 27 - septembre 1999 Météo-France ont accompagné les bulletins habituels diffusés sur les répondeurs téléphoniques et sur le magazine minitel 3615 Météo d indications liées à l observation de l éclipse. Tous ces services ont été largement appréciés du public puisque de nombreux records de fréquentation ont été battus à l occasion de l éclipse. Ainsi, le 10 août, Météo-France a enregistré 330 000 connexions sur son site Internet et 190 000 appels sur ses répondeurs téléphoniques. Simulation numérique L équipe GMAP (Groupe de modélisation pour l assimilation et la prévision) du Centre national de recherches météorologiques (Météo-France/CNRM, Toulouse) a effectué à l aide du modèle Arpège une simulation numérique montrant l impact de l éclipse sur le bilan radiatif de l atmosphère et sur la température de l air au niveau du sol. Les résultats ont été accessibles sur Internet avant l éclipse. Deux exemples de résultats de ces simulations sont présentés dans l encart couleurs page 32 ; on notera l évident caractère pédagogique de ces simulations. Observation satellitaire Le Centre de météorologie spatiale (Météo-France/SCEM/CMS, Lannion) a lui aussi été mis à contribution pour l éclipse : dès 12 h 35 locales le 11 août, Météo-France mettait en ligne sur Internet les premières images prises par Météosat 7, images montrant l ombre de la Lune sur la Terre sous forme d une tache diffuse (voir l encart couleurs page 32). De son côté, Eumetsat a utilisé le satellite de secours Météosat 6 pour effectuer des balayages rapides sur une zone réduite à une partie de l hémisphère nord, ce qui lui a permis d obtenir des images toutes les dix minutes (contre trente pour le satellite opérationnel) ; l animation correspondante, elle aussi accessible sur Internet peu après l éclipse, a montré de façon saisissante le déplacement de l ombre due à l éclipse sur l Europe. Assistance au dispositif Éclipse-Info Dans le cadre d un accord de partenariat avec l Association française d astronomie, Météo-France a apporté son concours à l opération Éclipse- Info, dispositif d information scientifique présent dans les principaux sites d observation de l éclipse. En particulier, du 5 au 10 août, un prévisionniste de la Direction interrégionale Île-de- France - Centre a animé un point d information météorologique destiné aux médias et au public au centre national Éclipse-Info installé au Muséum d histoire naturelle, à Paris (figure 3). En fin de compte, l éclipse du 11 août aura été pour Météo-France l occasion de se livrer à une excellente opération de communication. On en redemande... (Sources : Communiqués de presse et divers communiqués internes de Météo-France) Figure 3 - Emmanuel Bocrie (Météo-France, à droite) présente à la ministre Martine Aubry le point d information météorologique, lors de l inauguration du centre Éclipse-Info au Muséum d histoire naturelle, à Paris. (Photo Météo-France, P. Taburet)
La Météorologie 8 e série - n 27 - septembre 1999 65 PARTENARIAT MÉTÉO-FRANCE - ACADÉMIE DE TOULOUSE : UNE DYNAMIQUE À POURSUIVRE Figure 4 - Exemple de page Internet issue du partenariat : produire des anémomètres, un projet technologique lié à la météorologie. Une convention de partenariat a été signée entre Météo-France et l Académie de Toulouse en 1991 ; différentes actions, d initiative souvent individuelle, ont été réalisées dans ce cadre. La diffusion et la pérennité de ces actions ont cependant souffert de l absence de pilotage et de relais au niveau des structures existantes. À la suite du colloque d Arc-et-Senans, un partenariat plus organisé s est développé. Son objectif est de mettre en pratique les recommandations de ce colloque, particulièrement celle concernant l usage, dans l enseignement, de la météorologie comme discipline d éveil ou comme sujet de travail pluridisciplinaire, à tous les niveaux de formation. Un groupe de pilotage a été créé en avril 1998 et quatre thèmes prioritaires de réflexion ont été retenus : 1 - Construire et utiliser une station d observation météorologique à l école ; 2 - Vents et courants ; 3 - Mise en évidence, par des exemples types, d applications pratiques de l information météorologique et de leurs retombées économiques ; 4 - Les nuages et le cycle de l eau. Pour chaque thème, a été mis en place un groupe de travail composé de météorologistes et d enseignants représentant une diversité de niveaux de l école élémentaire au lycée et de disciplines. Cinq conférences ont illustré les moyens et les méthodes de Météo- France, montrant ainsi aux enseignants les possibilités existantes pour créer des supports pédagogiques liés aux thèmes. Chaque groupe thématique a ensuite effectué un travail d inventaire associant supports possibles, niveaux de formation, et disciplines ou programmes de l Éducation nationale. À partir de là, la réflexion s est orientée vers des solutions aussi simples et concrètes que possible. Les thèmes qui ont été choisis incitent à développer des activités pratiques avec les élèves. Il s agit aussi de retenir des supports originaux et modernes, qui favorisent l implication de l élève dans le projet pédagogique du professeur. Ce dernier doit enfin pouvoir mettre en œuvre facilement dans sa classe les éléments préparés. Chaque groupe a travaillé de façon autonome, des réunions périodiques de coordination permettant de fédérer ou d orienter certains travaux ; il s est avéré rapidement que le support Internet devait être privilégié, compte tenu des facilités de mise à disposition, d échange et d enrichissement qu il offre. - Le groupe 1 a proposé une présentation type des dossiers pédagogiques, reprise par l ensemble des groupes. Des fiches techniques ont été élaborées pour chaque paramètre mesurable, ainsi que des exemples d activité (figure 4). - Le groupe 2 a pu mener en collège un travail pédagogique s appuyant sur l exploitation de documents météorologiques (cartes techniques et images satellitales). - Le groupe 3 a collationné un volume important de ressources pédagogiques autour de six rubriques : catastrophes naturelles ; Météo-France ; aménagement du territoire ; météorologie et histoire ; climatologie ; images-satellites. - Le groupe 4 a entrepris la conception et la mise au point d une maquette interactive sur le cycle de l eau. Les résultats apparaissent déjà substantiels. Une maquette de site Internet, déclinant l ensemble des productions des groupes, est en voie d achèvement sur le serveur de l Académie de Toulouse. La nouvelle organisation mise en place semble produire des résultats très encourageants et, favorisé par la proximité géographique, le partenariat entre Météo-France et l Académie de Toulouse pourrait, avec un accompagnement au niveau national, jouer un rôle moteur pour les deux institutions. Michel Roques (Météo-France, ENM) et Vincent Pircher (Météo-France, DG)
66 La Météorologie 8 e série - n 27 - septembre 1999 Le dépliant sur Polder édité par le Cnes. ( Cnes) UNE MOISSON DE RÉSULTATS POUR L INSTRUMENT POLDER L instrument français Polder (1) a été embarqué en août 1996 sur le satellite japonais Adeos (2). Les mesures ont été effectuées à partir de novembre 1996 et traitées de manière opérationnelle par le secteur-sol de Polder, situé au Cnes (3) à Toulouse. Depuis la perte accidentelle du satellite Adeos le 29 juin 1997, les scientifiques disposent de huit mois de données qu ils scrutent sous toutes les coutures. Le principe Polder est un radiomètre qui mesure les réflectances de la Terre à huit longueurs d onde différentes (domaines visible et proche infrarouge). La polarisation du rayonnement solaire réfléchi est également mesurée dans trois des longueurs d onde. De plus, la prise de vue de Polder est multidirectionnelle, une même cible étant observée sous plusieurs angles de visée (voir page 31). Ces caractéristiques originales en font un instrument «multi-missions», qui va permettre de progresser dans la connaissance de la biosphère terrestre, de la couleur de l océan, des nuages ou encore des aérosols. Plus particulièrement, ce sont les applications de Polder à l étude du climat qui intéressent les chercheurs, que cela concerne l effet radiatif des aérosols et des nuages ou l impact de la biosphère sur le cycle du carbone. Les aérosols L observation des aérosols à partir de Polder repose sur l analyse de la lumière solaire qu ils diffusent vers l espace. C est un signal assez facile à mesurer au-dessus des océans, dont la surface est sombre en dehors de la direction de réflexion spéculaire. Après correction de la contribution due à la surface et aux molécules, il est possible d estimer l épaisseur optique des aérosols (voir page 31). Les aérosols diffusent la lumière de manière sélective, ce qui signifie que l intensité de leur diffusion dépend de la longueur d onde. Cet effet est d autant plus important que les particules sont petites. On peut ainsi déduire des mesures de Polder un indice de taille des particules, qui met en évidence l injection au-dessus des océans d aérosols d origine humaine (voir page 31). Au-dessus des continents, la tâche est plus délicate car la surface peut être réfléchissante. L analyse de la lumière polarisée devrait néanmoins donner accès à la concentration des aérosols les plus petits, dont on sait qu ils polarisent le rayonnement. Les participants à Polder Le projet Polder est issu d une collaboration entre les agences spatiales de la France (Cnes) et du Japon (Nasda). C est Pierre-Yves Deschamps et le Laboratoire d optique atmosphérique qui sont à l origine de l instrument Polder, dont il existe aussi plusieurs versions aéroportées. Le secteur-sol de Polder a pour tâche de recueillir les données brutes et de les traiter, avant de les diffuser auprès des utilisateurs. Parmi ceux-ci, on compte de nombreux scientifiques français, et en premier lieu ceux qui ont participé directement à l élaboration des algorithmes, que ce soit au Laboratoire d optique atmosphérique (LOA), au Laboratoire de météorologie dynamique (LMD), au Laboratoire des sciences de l environnement et du climat (LSCE), au Laboratoire de physique et de chimie marines (LPCM) ou au Centre d études spatiales de la biosphère (Cesbio). (1) Polder : Polarization and Directionality of the Earth's Reflectances. (2) Adeos : Advanced Earth Observation Satellite. (3) Cnes : Centre national d études spatiales.
La Météorologie 8 e série - n 27 - septembre 1999 67 La couleur de l océan Polder est également adapté aux études sur la «couleur de l océan», qui dépend de la concentration en pigments chlorophylliens. Alors que la détection des aérosols exige que l on corrige les effets de la surface océanique, celle de la couleur de l océan nécessite une correction atmosphérique (molécules et aérosols), qui est faite en utilisant les canaux dans le rouge et le proche infrarouge. Le paramètre «couleur de l océan» (voir page 31) est ensuite déduit des mesures effectuées dans les canaux du domaine bleu-vert (à 443, 490 et 565 nm). Grâce au large champ de vue de Polder, une couverture journalière de la quasi-totalité de la surface du globe est obtenue, ce qui permet, en l absence de nuages, de suivre l évolution des écosystèmes marins. Le futur Vu le succès de Polder, un deuxième instrument identique sera embarqué sur le satellite Adeos 2, dont le lancement est prévu fin 2000. Des algorithmes de traitement de données plus sophistiqués sont progressivement mis en place. Ce deuxième exemplaire de Polder devrait assurer un suivi sur une période plus longue, et donc plus significative du point de vue climatique. Pour plus d informations sur le programme Polder, nos lecteurs peuvent consulter le site Internet du Cnes à l adresse : http://www.cnes.fr/etude_gest_plan/ polder/index.html. Olivier Boucher, Laboratoire d optique atmosphérique en très bref Le 3 e rapport du Giec mûrit Le troisième rapport du Groupe intergouvernemental d'experts sur l évolution du climat (Giec) devrait être publié en 2001. Comme ses prédécesseurs, il comprendra une synthèse des dimensions scientifiques, techniques et socio-économiques de l évolution du climat. Les nombreuses expertises que le rapport subit, afin d'arriver à un consensus de la communauté scientifique, expliquent sa longue période de gestation. Carotte de glace record Une équipe de glaciologues français, russes et américains a extrait de l Antarctique, à Vostok, une carotte de glace de 3 623 m de long. Les premiers résultats de l analyse de cette carotte, publiés dans Nature (3 juin 1999), permettent de reconstituer la température et la composition de l atmosphère depuis... 420 000 ans. Inondations au Bangladesh Après les terribles inondations de 1998, qui avaient fait plus de 1 200 morts dans ce pays, le Bangladesh a été de nouveau touché en juillet 1999 par les crues dues aux fortes pluies de mousson. Plus de 3 millions de personnes auraient été affectées par cette nouvelle catastrophe. Prolongations pour Météosat 5 L organisation européenne Eumetsat, qui avait déplacé le satellite géostationnaire Météosat 5 au-dessus de l océan Indien pour la campagne Indoex, a prolongé sa mission à cet endroit jusqu au 31 décembre 2001. De nombreux pays ont en effet tiré profit de la présence du géostationnaire au-dessus de l océan Indien, en particulier pour la surveillance des cyclones tropicaux. Reste à espérer que Météosat 5, dans l espace depuis mars 1991, continuera sans problèmes sa longue carrière. La campagne MAP a débuté La campagne expérimentale MAP (Mesoscale Alpine Programme) a commencé le 7 septembre dernier sur le massif alpin. Rappelons que le programme MAP vise à améliorer la prévision des phénomènes météorologiques violents sur les reliefs montagneux, en particulier les précipitations intenses et prolongées, les vents forts au sol et les turbulences en altitude (voir La Météorologie n 25, p. 61-62). On sait déjà que les profileurs de vent installés près de Milan fonctionnent correctement et qu ils ont pu suivre de notables variations du vent, en vitesse et en direction, au voisinage de la tropopause. Responsable de rubrique : Didier Renaut