LE PLOMB ET LE SATURNISME

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LE PLOMB ET LE SATURNISME De la recherche aux actions de réduction des expositions Ministère de la santé, 29 janvier 2015 Résumé des interventions

SOMMAIRE Les effets du plomb sur la santé : des fortes aux faibles doses... 3 Les objectifs des projets Saturn inf, Saturnin et Plomb-Habitat... 4 La plombémie infantile en France... 6 Les méthodes de mesure développées pour le projet Plomb-habitat... 7 La contamination au plomb des logements français... 8 Les déterminants environnementaux des plombémies... 9 L apport des ratios isotopiques à la recherche des sources...10 L alimentation, une autre source d exposition au plomb : résultats de l étude de l alimentation totale 2...11 Exposition au plomb : contributions relatives des médias d exposition...12 L activité de dépistage du saturnisme en France et ses résultats, 1995-2013...13 Dépistage du saturnisme : évaluation des critères actuels et proposition d une nouvelle combinaison...15 Détermination de nouveaux objectifs de gestion des expositions au plomb...16 2

Les effets du plomb sur la santé : des fortes aux faibles doses Robert Garnier Centre antipoison de Paris, Hôpitaux universitaires Lariboisière-St-Louis-Fernand-Widal- APHP Université Paris-Diderot ; robert.garnier@lrb.aphp.fr Le meilleur indicateur de de l exposition au plomb et lorsque cette dernière est stable, de la dose interne du métal est la plombémie. De très nombreuses publications documentent les relations doseeffet du plomb, en utilisant ce paramètre. Le dépassement du seuil de 100 µg/l de plombémie définit réglementairement le saturnisme infantile, en France. Cependant, au cours des deux dernières décennies, les preuves épidémiologiques d effets du plomb sur la santé à des niveaux plus faibles se sont accumulées. Le plus anciennement et le plus abondamment documenté de ces effets est l altération des performances cognitives des jeunes enfants (une élévation de 100 µg/l de la plombémie s accompagne d une perte de 5 à 6 points de QI entre 0 et 100 µg/l, de 2-3 points au-delà de 100 µg/l). Plus récemment, on a également montré, en deçà de 100 µg/l : chez les enfants : des excès de risque de troubles de l attention et de comportements délictueux ou antisociaux, une baisse de l acuité auditive, un retard du développement staturopondéral et de la maturation sexuelle ; chez les adolescents et les adultes : une augmentation des risques de néphropathie chronique et de maladie hypertensive, une baisse du débit de filtration glomérulaire, une augmentation dose-dépendante de la pression artérielle, un risque de petit poids de naissance en cas d exposition pendant la grossesse. Ces données nouvelles viennent d être évaluées par divers organismes nationaux ou internationaux qui ont préconisé d utiliser de nouvelles valeurs toxicologiques de référence (VTR) pour l évaluation des risques associés à l exposition au plomb : En 2010, l Autorité européenne de sécurité sanitaire des aliments (Efsa) 1 a considéré que les effets critiques du plomb étaient sa neurotoxicité chez le jeune enfant, ses effets rénaux et cardiovasculaires chez l adulte et a proposé des VTR de 12 µg/l (BMDL 01 correspondant à la perte d un point de QI), 15-16 µg/l (BMDL 10 pour l excès de risque de maladie rénale chronique) et 36 µg/l (augmentation de 1,2 mm Hg de la pression artérielle systolique). En France : - en 2013, l Anses 2 a retenu pour effets critiques du plomb, sa neurotoxicité chez l enfant et sa néphrotoxicité, chez l adulte. Ses experts ont estimé que les effets neurotoxiques n étaient pas pertinents et proposé d utiliser les effets rénaux pour fixer une VTR utilisable pour l ensemble de la population. Le seuil retenu est celui proposé par l Efsa pour cet effet (15 µg/l) ; - en juillet 2014, le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) 3 a considéré que la neurotoxicité du plomb était l effet critique pertinent chez le jeune enfant et a préconisé de retenir la BMDL 01 identifiée par l Efsa : 12 µg/l. C est sur ces bases que le HCSP a proposé de nouveaux objectifs de gestion des expositions au plomb. 1 Efsa. Scientific opinion on lead in food. EFSA Journal 2010; 8: 1570 (147 p) 2 Anses. Avis et rapport d expertise collective relatif aux expositions au plomb : effets sur la santé associés à des plombémies inférieures à 100 µg/l. Anses, Maisons-Alfort, 2013 : 137 p. 3 HCSP. Expositions au plomb : détermination de nouveaux objectifs de gestion. HCSP, Paris : 99 p. 3

Les objectifs des projets Saturn inf, Saturnin et Plomb-Habitat Philippe Bretin Institut de veille sanitaire, puis Direction générale de la santé ; philippe.bretin@sante.gouv.fr L enquête nationale de prévalence du saturnisme chez l enfant «Saturn-Inf» En 2006, les connaissances sur l imprégnation par le plomb de la population française étaient issues d une enquête nationale Inserm/Réseau national de santé publique menée en 1995 et 1996. Cette enquête avait estimé à 2,1 % la prévalence des plombémies supérieures à 100 μg/l. dans la classe d âge de 1 à 6 ans ce qui correspondait à 84 000 enfants sur l ensemble du territoire. Toutefois, l activité de dépistage ne permettait d identifier que 500 cas par an environ, ce qui mettait en question tant son volume que son ciblage géographique et individuel. D un autre côté, la baisse progressive du rendement du dépistage et la diminution connue de certaines sources d exposition laissaient penser que la prévalence de l intoxication avait baissé. Il est donc apparu nécessaire de lancer une nouvelle enquête, et ce d autant plus qu il fallait vérifier l atteinte de l objectif de division par 2 de la prévalence du saturnisme chez l enfant défini par la loi de santé publique du 9 août 2004. Une nouvelle enquête a donc été réalisée par l InVS en 2008-2009, élargie à la tranche d âge 6 mois-6 ans. Les objectifs en étaient les suivants : estimer la prévalence nationale du saturnisme chez les enfants de 6 mois à 6 ans ; estimer la distribution des plombémies par région administrative ; mettre à jour les connaissances sur les déterminants de la plombémie ; valider des indicateurs permettant de caractériser des zones à risque. Pour des raisons de mutualisation des coûts organisationnels, une enquête de séroprévalence des maladies infectieuses a été associée à l enquête sur le saturnisme, ce qui explique le nom de l enquête. L enquête «Plomb-Habitat» Les fortes intoxications par le plomb chez l enfant mises en évidence en France à partir du milieu des années 1980 avaient comme source principale les peintures dégradées de l habitat ancien, ce qui a entrainé la mise en place de dispositifs de lutte contre l exposition au plomb dans l habitat. En 2006, une connaissance plus précise du rôle de l habitat dans l imprégnation de la population générale d enfants apparaissait nécessaire. De plus on ne disposait d aucunes données statistiques sur la contamination dans l habitat français. L InVS a donc proposé au Centre Scientifique et Technique du Bâtiment (CSTB) de piloter une enquête environnementale à domicile sur un sous-échantillon aléatoire d environ 500 familles dont l enfant aurait participé à l enquête nationale de prévalence. Le CSTB a mis en place cette enquête dans le cadre d un consortium scientifique réunissant l InVS, l Ecole des hautes études en santé publique, le Laboratoire de toxicologie de l Hôpital Lariboisière et l Institut supérieur d agronomie de Lille. Les objectifs ont été les suivants : améliorer les connaissances sur les déterminants des plombémies ; identifier les sources et compartiments environnementaux responsables de surexpositions ; comparer la pertinence des analyses de plomb total et de plomb acido-soluble comme éléments explicatifs et/ou prédictifs des plombémies ; établir un modèle empirique de prédiction des plombémies en fonction des concentrations en plomb dans l environnement domestique ; fournir un premier panorama de la présence de plomb dans le parc de logements français accueillant des enfants ; identifier les déterminants de la contamination en plomb des poussières ; estimer la proportion de cas de surexposition pour laquelle l analyse des ratios isotopiques du plomb dans le sang et l environnement apporte une plus-value pour identifier la source. 4

Le projet «Saturnin» Un objectif complémentaire a été poursuivi à partir des données de l enquête Saturn-Inf, dans le cadre du projet «Saturnin» piloté par l Institut de recherche en santé, environnement et travail (Irset - Inserm UMR 1085) et cofinancé par la Région Bretagne et la DGS : évaluer la performance des critères actuels de dépistage du saturnisme et proposer de nouveaux critères individuels ou populationnels. 5

La plombémie infantile en France Anne Etchevers Institut de Veille Sanitaire (InVS), puis Irset-Inserm UMR 1085 ; anne.etchevers@inserm.fr Contexte En 2008, une enquête nationale de prévalence du saturnisme chez l enfant a été lancée en France par l Institut de Veille Sanitaire (InVS) dans le but d actualiser les données d imprégnation. Les objectifs de cette nouvelle enquête étaient principalement d estimer la prévalence du saturnisme chez les enfants de 6 mois à 6 ans en France en 2008-2009 et de décrire les niveaux d imprégnation au plomb des enfants dans chaque région. Méthodes Une enquête transversale, réalisée dans 143 hôpitaux en métropole, aux Antilles et sur l Ile de la Réunion, a inclus 3 831 enfants. Le plan de sondage comprenait deux degrés et une stratification au premier degré sur la région administrative et sur le risque d exposition au plomb dans l habitat, estimé pour le bassin d attraction de chaque hôpital. La plombémie de chaque enfant a été mesurée. Les caractéristiques sociodémographiques de la famille et les sources d exposition au plomb ont été renseignées par questionnaire. Résultats Chez les enfants de 6 mois à 6 ans, la prévalence du saturnisme est estimée à 0,09% (IC95%= [0,03-0,16]), ce qui représente 4 705 enfants pour l ensemble de la France. La moyenne géométrique des plombémies est de 14,9 µg/l (IC95%= [14,5-15,4]) ; elle est légèrement supérieure chez les garçons et ne varie pas significativement avec l âge. L imprégnation des enfants présente de légères disparités régionales. Conclusion Chez les enfants de 1 à 6 ans, la prévalence du saturnisme est passée de 2,1% (IC95% = [1,6-2,6]) en 1995-1996 à 0,1% (IC95% = [0,03-0,16]) en 2008-2009. Cette baisse témoigne d une forte diminution de l exposition des enfants depuis 15 ans en France, comme cela est constaté aux Etats- Unis et dans d autres pays européens. L actualisation de la prévalence du saturnisme a ainsi permis de vérifier l atteinte de l objectif de la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique, de «réduire de 50 % la prévalence des enfants ayant une plombémie >100 µg/l : passer de 2 % en 1996 à 1 % en 2008». Publications associées aux travaux : Etchevers A, Bretin P. 2008. Enquête Saturn-Inf 2008-2009. Protocole. St Maurice (France). Etchevers A, Lecoffre C, Le Tertre A, Le Strat Y, Groupe investigations Saturn-Inf, De Launay C, Bérat B, Bidondo B, Pascal M, Fréry N, De Crouy-Chanel P, Stempfeler M, Salomez JL, Bretin P. Imprégnation des enfants par le plomb en France en 2008-2009. BEHWeb 2010 (2) : 1-8 Etchevers A, Bretin P, Le Tertre A, Lecoffre C. Imprégnation des enfants français par le plomb en 2008-2009. Enquête Saturn-Inf 2008-2009. Enquête nationale de prévalence du saturnisme chez les enfants de 6 mois à 6 ans. Institut de veille sanitaire, Saint-Maurice 2013 : 51 p. Etchevers, A., Bretin, P., Lecoffre, C., Bidondo, M.L., Le Strat, Y., Glorennec, P., et al., 2014.Blood lead levels and risk factors in young children in France, 2008 2009. Int J Hyg Environ Health 217, 528-537. 6

Les méthodes de mesure développées pour le projet Plomb-habitat Barbara Le Bot Laboratoire d étude et recherche en environnement et santé (LERES), Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique (EHESP), Irset-Inserm UMR 1085 ; barbara.lebot@ehesp.fr Le projet Plomb-habitat, campagne d investigation du plomb dans les logements de 484 enfants recrutés dans la cohorte Saturn inf, a été l occasion de développer de nouveaux outils de mesure du plomb et tester à grande échelle l utilisation des ratios isotopiques comme méthode d identification des sources de contamination. Une analyse spécifique a été développée pour doser simultanément le plomb acido-soluble et le plomb total dans la même prise d essai de poussière domestique. Le prélèvement de poussière est réalisé par l utilisation d une seule lingette humide selon la norme NF X-46-032. Après minéralisation en deux étapes successives (minéralisation acido-soluble, puis totale), les échantillons sont analysés par ICP-MS. La quantification du plomb acido-soluble permet une comparaison des données aux autres mesures réalisées réglementairement en France ; les concentrations en plomb total permettent une comparaison des données aux mesures réglementaires réalisées au niveau international. Les performances de la méthode préparation de l échantillon et du dosage par ICP/MS ont été évaluées et accréditées par le Comité Français d Accréditation (COFRAC). La méthode de détermination des ratios isotopiques du plomb a été développée sur un ICP-MS simple quadripôle pour les échantillons environnementaux et biologiques, pour des concentrations respectivement suffisantes pour être à l origine des intoxications et supérieures à 25µg/l pour le sang. Après une inter-calibration des laboratoires, des sources d exposition ont été identifiées par simple comparaison des ratios isotopiques du plomb dans les matrices environnementales et le sang de l enfant. Publications associées aux travaux : Ibanez Y., Le Bot B., Glorennec P. (2010) House dust metal content and bioaccessibility: a review, European journal of mineralogy, 22, 629-637. Le Bot B., Gilles E., Durand S., Glorennec P. (2010) Bioaccessible and quasi-total metals in soil and indoor dust. European journal of mineralogy, 22: 651-657. Oulhote Y., Le Bot B., Deguen S., Glorennec P. (2011) Using and interpreting isotope data for source identification: A review, Trends of Analytical Chemistry, Volume 30, Issue 2, 302-312. Le Bot B., Arcelin C., Briand E., Glorennec P. (2011) Sequential digestion for measuring total and leachable lead in a single sample of dust or paint chips. Journal of Environmental Science and Health, Part A. Jan;46 (1):63-69. 7

La contamination au plomb des logements français Jean-Paul Lucas Centre Scientifique et Technique du Bâtiment (CSTB), puis Laboratoire de Mathématiques de Bretagne Atlantique, UMR 6205, Université Bretagne Sud ; jean-paul.lucas@univ-ubs.fr Dans le cadre du projet Plomb-Habitat, 484 logements ont été investigués afin d estimer les niveaux de contamination par le plomb de différents médias résidentiels. La population décrite est celle des résidences principales abritant au moins un enfant âgé de 6 mois à 6 ans en France métropolitaine (N = 3 581 991). Dans chaque logement, l eau au robinet a été prélevée ; des mesures des revêtements et des prélèvements de poussière au sol ont été réalisés jusqu à 5 pièces (1 834 pièces investiguées au total), ainsi que dans les parties communes le cas échéant. Si l enfant jouait à l extérieur, un prélèvement de son aire de jeu a été réalisé. Environ 58% des logements possèdent une concentration en plomb dans l eau inférieure à 1 µg/l ; approximativement 2,9% d entre eux dépassent la valeur réglementaire européenne de 10 µg/l. Le niveau en plomb dans la poussière à l intérieur des logements est d environ 6,9 µg/m² (plomb acidosoluble). Ce niveau est d environ 27,5 µg/m² dans les parties communes. En l absence de seuil réglementaire en France, le seuil américain égal à 430 µg/m² en plomb total est utilisé ; il est dépassé dans environ 0,21% des logements et 4,1% des parties communes. Concernant les revêtements, 24,5% des logements possèdent au moins une surface dont la charge dépasse 1 mg/cm² ; cette prévalence est de 34,2% en parties communes. De telles surfaces, à l état dégradé, sont présentent dans 4,7% des logements et dans 7,1% des parties communes. En se limitant uniquement aux supports non métalliques afin d isoler les peintures à base de céruse autant que possible, la prévalence de logements possédant au moins une surface dont la charge en plomb est 1 mg/cm² par période de construction est de : 50,2% pour les logements construits avant 1949 ; 31,9% pour ceux construits dans la période 1946-61 ; 18,3% pour ceux construits dans la période 1962-74 ; 1,8% pour ceux construits dans la période 1975-93 et 0,1% pour les logements construits à partir de 1994. Si l on considère non plus le seuil de 1 mais de 2 mg/cm² afin d éliminer autant que possible les peintures contenant des siccatifs, et que l on analyse les logements possédant non plus au moins 1, mais au moins 2 surfaces dont la charge dépasse ce seuil, ces mêmes prévalences deviennent égales à : 23,1%, 7,7%, 2,1%, 0% et 0% respectivement. Ces chiffrent indiquent que les logements construits après 1949 peuvent posséder des surfaces contenant du plomb de manière résiduelle et à des teneurs plus faibles que celles dans les logements construits avant 1949. En ce qui concerne les aires de jeu extérieures, la concentration en plomb acido-soluble des aires de jeu sur sol meuble est de 21,7 mg/kg ; 1,4% des aires dépassent le seuil américain de 400 mg/kg en plomb total. La charge surfacique en plomb acido-soluble des aires de jeu sur sol dur est de 36,9 µg/m², soit un niveau 3,2 fois plus élevé que dans les poussières intérieures. Enfin, concernant la fraction de plomb acido-soluble, elle est de 82% (en médiane) pour la poussière intérieure, 88% pour la poussière des parties communes, 85% pour les poussières extérieures (aires de jeu), 69% pour les sols meubles des aires de jeu extérieures et 66% pour les écailles de peinture. Ces chiffres indiquent des rapports plomb acido-soluble/plomb total bien supérieurs à la valeur moyenne de 50% jusqu alors considérée. Ainsi pour la première fois en France un état de la contamination en milieu résidentiel en France a été réalisé et servira de référence pour les futures études évaluant les niveaux de contamination par le plomb en France. Publications associées aux travaux : Lucas J.-P. (2013). Contamination des logements par le plomb : prévalences des logements à risque et identification des déterminants de la contamination. Thèse de doctorat. https://hal.archives-ouvertes.fr/tel-00946167/. Lucas, J.-P., Le Bot, B., Glorennec, P., Etchevers, A., Bretin, P., Douay, F., Sébille, V., Bellanger, L., & Mandin, C. (2012). Lead contamination in French children's homes and environment. Environmental Research, 116(0), 58-65. 8

Les déterminants environnementaux des plombémies Alain Le Tertre Institut de veille sanitaire (InVS) ; a.letertre@invs.sante.fr Les niveaux de plombémie dans le sang ont fortement diminué, notamment en France au cours des dernières décennies. Néanmoins, le plomb étant considéré comme un toxique sans seuil, réduire son exposition reste un objectif de santé publique. Dans cet objectif, il convient d estimer les différents facteurs de risque associés aux niveaux de plombémie rencontrés aujourd hui. L objectif de cette étude est de fournir ces estimations pour l ensemble de la population des enfants mais également pour les enfants fortement ou faiblement contaminés. L étude a porté sur un sous-échantillon de 484 enfants issus de l enquête de prévalence Saturn inf réalisée en 2008-2009. Nous avons mesuré les concentrations de plomb à la fois dans le sang et dans différents milieux environnementaux (eau, sols, poussières, peintures, cosmétiques et plats traditionnels). Nous avons construit un modèle reliant la plombémie moyenne attendue à ces différents facteurs. Le même modèle a ensuite été appliqué à différents quantiles attendus (10, 25, 50, 75, 90) afin de déterminer leurs rôles respectifs selon le niveau de contamination des enfants. La moyenne géométrique de la plombémie était de 13.8 μg/l et son quantile 90 de 25.7 μg/l. Les poussières de la maison et des parties communes des immeubles, l eau du robinet, les peintures intérieures, les plats en céramique traditionnels, les cosmétiques, les sols des aires de jeux extérieures, ainsi que le tabagisme passif étaient associés à la plombémie moyenne. Si les poussières de maison et la consommation d eau du robinet étaient les plus forts contributeurs du niveau moyen et du quantile 90 de la plombémie, ces mêmes poussières étaient corrélées avec l ensemble des quantiles. Les actions de prévention devraient privilégier la réduction de l exposition en ciblant les poussières de maison et l eau du robinet. L utilisation de cosmétiques traditionnels devrait être évitée et les plats en céramiques traditionnels limités à un usage décoratif. Publications associées aux travaux : Etchevers A, Bretin P, Lecoffre C, Bidondo ML, Le Strat Y, Glorennec P, et al. 2014. Blood lead levels and risk factors in young children in France, 2008-2009. Int J Hyg Environ Health 217: 528-537. Etchevers A, Le Tertre A, Lucas JP, Bretin P, Oulhote Y, LeBot B, et al. 2015. Environmental determinants of different blood lead levels in children: A quantile analysis from a nationwide survey. Environ Int 74: 152-159. 9

L apport des ratios isotopiques à la recherche des sources Youssef Oulhote École des Hautes Etudes en Santé Publique (EHESP), puis Université de Montréal ; youssef.oulhote@umontreal.ca La comparaison des ratios isotopiques (RI) du sang des enfants et des sources environnementales (peintures, poussière domestiques, sol, eau du robinet, etc.) peut permettre d identifier la source principale d intoxication au plomb. L utilité des RI a été évaluée sur un échantillon (N=122) de population représentative des enfants de 6 mois à 6 ans en France dont la plombémie est supérieure ou égale à 25 µg/l. Ces enfants ont fait l objet de prélèvements de sang, et leurs logements de prélèvements environnementaux aux fins de mesurages isotopiques en complément de leurs concentrations en ICP-MS. La distribution des RI pour chaque matrice a été établie. Cette étude a permis d identifier les RI les plus informatifs, et donc à utiliser préférentiellement en France : 207/206, 206/204 puis 208/204, qui suffisent dans la majeure partie des cas. Sur une population d enfants de 6 mois à 6 ans avec plombémie supérieure ou égale à 25 µg/l représentant de 428 à 742 milliers d enfants, 78 % auraient dans leur environnement résidentiel une source potentielle de surexposition au plomb, pour lesquels la pertinence d une analyse isotopique se pose donc. Du fait des difficultés techniques d analyse des RI dans le sang et de la variabilité des RI des sources par rapport à la précision des mesures par ICP-MS, les RI sont susceptibles d être utiles pour 57 % des enfants. Les RI permettent d éliminer d autres sources, en complément de celles éliminées du fait de leurs faibles teneurs en plomb. Ils permettent d éliminer au moins une source potentielle pour 30 % des enfants. Au total, concentrations et RI aboutissent à une seule source compatible isotopiquement pour 32 % des enfants. Pour ces cas, la source unique suspectée pouvait être peinture, poussière, sol, eau ou une source dite «inhabituelle» (cosmétique, plat traditionnel). Publications associées aux travaux : Oulhote Y, Le Bot B, Poupon J, Lucas JP, Mandin C, Etchevers A, Zmirou-Navier D, Glorennec P. 2011. Identification of sources of lead exposure in French children by lead isotope analysis: a cross-sectional study. Environmental Health 10:75. Oulhote Y, Le Bot B, Deguen S, Glorennec P. 2011. Using and interpreting isotopic data for source identification. Trac-Trends Anal Chem 30:302-12. Glorennec P, Peyr C, Poupon J, Oulhote Y, Le Bot B. 2010. Identifying sources of lead exposure for children, with lead concentrations and isotope ratios. J Occup Environ Hyg 7:253-60. 10

L alimentation, une autre source d exposition au plomb : résultats de l étude de l alimentation totale 2 Nawel Bemrah Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) ; nawel.bemrah@anses.fr Aliments analysés dans le cadre de l EAT2 Les données concernant l alimentation courante proviennent de la 2 ème étude de l alimentation totale (EAT2). Cette étude s appuie sur les données de consommations alimentaires de l étude INCA2. Un échantillonnage alimentaire a été réalisé au début de l EAT2, à partir des données de l étude de consommation INCA2. Deux critères principaux ont été considérés : (i) les aliments les plus consommés et (ii) des aliments peu consommés mais susceptibles d être fortement contaminés. En tout, 212 types d aliments différents ont ainsi été sélectionnés, couvrant environ 90% de la consommation alimentaire des adultes et des enfants. Les achats ont été réalisés tout au long de l année, de juin 2007 à janvier 2009, permettant de couvrir les variations saisonnières de l offre alimentaire. Au final, ce sont environ 20 000 aliments qui ont été échantillonnés. Pour chaque aliment, seule la partie comestible a été utilisée, puis les aliments ont été préparés «tels que consommés». Les aliments ont ensuite été mixés en 1 319 échantillons composites représentatifs des paniers de consommations et d achats des consommateurs pour les huit inter-régions enquêtées, et analysés par des laboratoires accrédités dans le cadre de l EAT2. Ainsi, un échantillon est un composite de 15 sous-échantillons du même aliment et de même masse. La limite de quantification pour le plomb a été définie à 0,005 mg.kg -1. Résultats Parmi les échantillons analysés, 54 % présentent une teneur en plomb inférieure à la limite de détection ou à la limite de quantification. Les plus fortes teneurs moyennes sont retrouvées dans les crustacés et mollusques (0,113 mg/kg), dans le chocolat (0,023 mg/kg), les autres groupes d aliments présentant tous des concentrations inférieures ou égales à 0,02 mg/kg. De façon générale, les niveaux de plomb retrouvés dans les aliments sont équivalents ou inférieurs aux niveaux relevés lors de l EAT 1. L exposition moyenne de la population française au plomb est estimée à 0,20 μg/kg pc/jour chez les adultes (0,17-0,29) et 0,27 μg/kg pc/jour chez les enfants (0,21-0,43). Au 95 ème percentile, l exposition est estimée à 0,35 μg/kg pc/jour chez les adultes (0,28-0,48) et 0,57 μg/kg pc/jour chez les enfants (0,38-0,99). Ces expositions sont plus faibles, de 35 % que celles relevées dans l EAT 1. Chez les adultes, les contributeurs majoritaires à l exposition au plomb sont les boissons alcoolisées (14 %) et les pains et produits de panification (13 %) et l eau (11 %). Chez les enfants, le lait apparaît être le contributeur majoritaire (11 %) avec l eau (11 %) et les boissons rafraîchissantes sans alcool (10 %). 11

Exposition au plomb : contributions relatives des médias d exposition Philippe Glorennec Ecole des hautes études en santé publique (EHESP), Irset-Inserm UMR 1085 ; philippe.glorennec@ehesp.fr Dans le cadre de Plomb-Habitat, la comparaison des signatures isotopiques entre le sang et les sources, ainsi que les corrélations entre plombémie et sources environnementales ont montré l implication de différents médias et sources d exposition au plomb (eau du robinet, peintures au plomb, poussières, etc.), et ce pour différentes niveaux de plombémie des enfants de 6 mois à 6 ans. En complément, les données de contamination de l environnement générées par le projet Plomb- Habitat ont été utilisées pour actualiser une estimation (Glorennec et al. 2007. Environ. Int. 937-945) de la part relative des différents médias d exposition : aliments, eau du robinet, sol, poussière. Les principales données utilisées pour cette actualisation ont été : les données de contamination (eau du robinet, poussière intérieure déposée, sol extérieur) de Plomb-Habitat, des données disponibles sur la contamination de l air (Base de données de la qualité de l air) et des aliments (Etudes de l Alimentation Totale, Anses). Les données relatives aux consommations alimentaires étaient issues des enquêtes individuelles et nationales des consommations alimentaires tandis que les données utilisées concernant les volumes respirés et les quantités de poussière et de sol ingérées étaient issus des recommandations de l Agence américaine de protection de l environnement (U.S. E.P.A.). Les données ont été combinées par simulations Monte-Carlo. Pour les plus jeunes enfants (de 6 mois à 3 ans), les aliments, la poussière et l'ingestion de sol contribuaient à parts équivalentes à la dose totale médiane, tandis que la poussière et le sol étaient les plus contributeurs pour les plus exposés (centile 90). Pour les enfants de 3-6 ans, l'ingestion d'aliments contribuait à la moitié de la dose totale médiane, tandis que la poussière et le sol expliquaient l'autre moitié. La situation était différente pour les plus exposés (centile 90), le sol et en particulier l'ingestion de poussières devenant les principaux contributeurs à l exposition, avec une variance élevée. Par sa méthodologie, cette étude a vocation à estimer les expositions «habituelles» et repose sur des données représentatives de la contamination des principaux milieux d exposition. Elle ne prend cependant pas en compte toutes les expositions (hors domicile notamment, ou celles résultant de l utilisation d objets ou produits contenant du plomb). Elle repose sur certains paramètres incertains comme les quantités de sols et de poussière ingérées. Elle ne considère pas non plus une biodisponibilité différente selon le milieu. Une modélisation toxicocinétique a montré que les plombémies estimées à partir de ces doses sont très proches de celles observées lors de l enquête nationale d imprégnation au plomb sur cette même population. Il ressort des différentes approches que l alimentation constitue une source d exposition de base, qui est majoritaire pour les moins exposés des enfants. S y ajoute une exposition par ingestion de sol et poussières dont la part augmente, voire devient majoritaire pour les plus exposés. Publication associée aux travaux : Haut Conseil de la santé publique (2014). Expositions au plomb : détermination de nouveaux objectifs de gestion. Annexe 6. 12

L activité de dépistage du saturnisme en France et ses résultats, 1995-2013 Camille Lecoffre Institut de Veille Sanitaire (InVS) ; c.lecoffre@invs.sante.fr Introduction La surveillance des plombémies prescrites chez l enfant dans le cadre d un dépistage permet depuis 1995 de décrire l activité de dépistage du saturnisme et les cas identifiés. Matériel et méthodes Le système national de surveillance des plombémies chez l enfant (SNSPE) repose à l heure actuelle sur le renseignement d une fiche standardisée pour toute plombémie prescrite chez un sujet de moins de 18 ans, quel qu en soit le résultat. Il s appuie sur les médecins prescripteurs, les laboratoires de biologie médicale, les Centres antipoison et de toxicovigilance (CAPTV) ainsi que sur les Agences régionales de santé (ARS), le saturnisme chez l enfant (1 ère plombémie 100 µg/l) étant une maladie à déclaration obligatoire (DO). Les données, y compris les cas de saturnisme signalés dans le cadre de la DO, sont enregistrées dans une base de données nationale à l Institut de veille sanitaire (InVS). Résultats Le nombre d enfants ayant fait l objet d un primodépistage (premier dosage de plombémie), maximal en 2004 avec 10 060 enfants testés, décroît depuis cette date ; le primodépistage ayant ainsi concerné 5 058 enfants en 2011 et environ 4 500 enfants en 2012 et en 2013. La majorité de ces enfants (62 % en 2008-2011) vivaient en Île-de-France. Ces dernières années, des plombémies ont été prescrites dans des populations jusqu alors peu dépistées (populations issues de certains quartiers de Marseille, de La Réunion, de Guyane, ou bien des enfants adoptés). Parmi les primodépistés en 2008-2011 (hors adoptions internationales), la moyenne géométrique de la plombémie s élevait à 21 µg/l (59 µg/l en 1995). Une plombémie supérieure ou égale à 50 µg/l et 100 µg/l a été mesurée respectivement chez 12,8 % et 3,4 % d entre eux (contre 24,3 % supérieurs 100 µg/l en 1995). Ainsi, en 2011, 592 enfants avaient une plombémie supérieure ou égale à 50 µg/l, dont 225 avec une plombémie supérieure ou égale à 100 µg/l. Chez les enfants adoptés à l étranger, la plombémie moyenne était de 33 µg/l. Au cours de la période 2008-2011, une plombémie supérieure à 50 µg/l et 100 µg/l a été mise en évidence respectivement chez 31,1 % et 10,6 % d entre eux. En 2011, 93 enfants avaient une plombémie supérieure ou égale à 50 µg/l, dont 31 avec une plombémie supérieure ou égale à 100 µg/l. Depuis 2009, le nombre annuel de cas incidents de saturnisme (100 µg/l dépassé au primodépistage ou lors d un suivi) est inférieur à 300 (enfants adoptés inclus), soit trois fois moins important qu en 1995 et deux fois moins qu en 2004. En 2011, 288 nouveaux cas de saturnisme ont été recensés, dont 32 enfants adoptés. Le nombre total de cas serait d environ 180 cas pour 2012 et 230 pour 2013 (données non consolidées). Discussion / Conclusion Ces diminutions observées à l échelle nationale suggèrent une certaine efficacité des mesures de prévention environnementale, et peut-être aussi la mise en œuvre de dépistages au sein de populations moins fortement exposées que celles ciblées par le dépistage dans les années 1990. Elles sont cohérentes avec la baisse de l imprégnation par le plomb observée en population générale (enfant et adulte). 13

Malgré l exhaustivité élevée du SNSPE, des plombémies peuvent ne pas y être enregistrées, ce qui entraine une incertitude autour des résultats présentés, notamment à l échelle locale. De plus, il s agit d une incidence apparente du saturnisme, liée à l activité de dépistage, qui ne touche qu un nombre limité d enfants, avec une hétérogénéité géographique très importante. L élargissement récent du dépistage vers de nouvelles populations a mis en évidence la présence d enfants intoxiqués par le plomb. L interprétation des tendances spatio-temporelles régionales est limitée par le poids de campagnes de dépistage locales. Au vu des effets sanitaires du plomb constatés pour des valeurs de plombémies inférieures à 100 µg/l, le Haut Conseil de la Santé Publique a émis en juin 2014 de nouvelles recommandations et notamment celle de fixer un niveau d intervention rapide équivalent à 50 µg/l. Si l abaissement du seuil pour la définition du saturnisme chez l enfant (de 100 µg/l à 50 µg/l) avait été effectif sur la période 2008-2011, chaque année, entre 2 et 4 fois plus de cas de saturnisme auraient été dénombrés. Toutefois, si l abaissement du seuil augmenterait le nombre de cas de saturnisme immédiatement après la promulgation du nouveau seuil, à moyen terme, il est attendu que la diminution du nombre de cas se poursuive, en lien avec les projections de la plombémie en population générale pour 2017 : plombémie moyenne (géométrique) attendue de 12 µg/l et 98% de la population avec une plombémie inférieure à 40 µg/l. Publication associée aux travaux : Lecoffre C, Ménard E. Saturnisme chez l enfant. France 2008-2011, résultats. Saint-Maurice : Institut de veille sanitaire ; 2014. 51p. Rapport et synthèse disponibles à partir de l URL : http://www.invs.sante.fr/dossiers-thematiques/environnement-et-sante/saturnisme-chez-lenfant 14

Dépistage du saturnisme : évaluation des critères actuels et proposition d une nouvelle combinaison Anne Etchevers Institut de Veille Sanitaire, puis Irset-Inserm UMR 1085 ; anne.etchevers@inserm.fr Contexte En France, la prévalence du saturnisme (plombémie 100 μg/l) a diminué, passant de 2,1% en 1995-1996 à 0,1% en 2008-2009 chez les enfants de 1 à 6 ans. En 2014, le Haut conseil de Santé Publique a recommandé le remplacement du seuil de 100 μg/l, seuil actuel de la déclaration obligatoire de cas, par la concentration de 50 µg/l, nouveau niveau d intervention rapide correspondant au 98 ème percentile de la distribution de la plombémie chez les enfants de moins de 7 ans en 2008-2009. La baisse de l exposition et du niveau d intervention au plomb nous amène à nous interroger sur la capacité des critères actuels de dépistage du saturnisme. Les objectifs de l étude sont d évaluer la performance des critères actuels de dépistage à identifier les enfants ayant des plombémies supérieures ou égales à 50 µg/l et de proposer de nouveaux critères individuels ou populationnels du risque plomb dans l habitat. Méthodes Les données de l enquête nationale d'imprégnation au plomb, réalisée auprès de 3 831 enfants âgés de 6 mois à 6 ans en 2008-2009 ont été utilisées. La sensibilité et la spécificité des critères actuels à prédire une plombémie supérieure ou égale à 50 µg/l ont été évaluées. Deux modèles prédictifs de régression logistique ayant pour but de prédire les plombémies supérieures ou égales à 44 µg/l ont été construits : le premier intégrant les critères actuels, le second en combinant plusieurs critères, identifiés comme facteurs de risque des plombémies modérées. Pour chaque modèle, sa performance a été étudiée en calculant l aire sous la courbe ROC. Résultats La sensibilité des critères actuels à détecter une plombémie supérieure ou égale à 50 µg/l était de 50,8% [26,2 ; 75,3] et la spécificité de 66,1% [62,1 ; 70,0]. La nouvelle combinaison de critères comprenaient les items suivants : enfant étranger arrivé récemment en France, mère née à l étranger, consommation d eau du robinet en présence de canalisations en plomb, logement construit avant 1949, période de construction du logement non connue, présence de peintures écaillées, parents fumant dans le logement, taux d occupation du logement, et adresse de l enfant située dans une section cadastrale ou commune dont plus de 6% des logements appartiennent au parc privé potentiellement indigne antérieur à 1949. La probabilité d avoir une plombémie supérieure ou égale à 44 µg/l était de 86% lorsque les enfants avaient au moins un critère de la nouvelle liste proposée, contre 73% lorsqu ils avaient au moins un des critères actuels. Conclusion Cette étude propose une actualisation des critères de dépistage du risque plomb dans l habitat. Le risque d exposition industrielle, professionnelle et de loisir n a pas pu être évalué mais doit être conservé dans la liste des critères de dépistage. Publication associée aux travaux : Etchevers, A., Le Tertre A, Bretin, P., Lecoffre, C., Glorennec, P., 2015. Screening for elevated blood lead levels in children: assessment of current criteria and proposal of new ones in France. Rédaction en cours. 15

Détermination de nouveaux objectifs de gestion des expositions au plomb Robert Garnier Pour le groupe de travail du Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP) ; robert.garnier@lrb.aphp.fr Actuellement, la concentration de plomb dans le sang (ou plombémie) définissant règlementairement le saturnisme infantile, impliquant la déclaration du cas aux autorités sanitaires départementales et le déclenchement de l enquête environnementale, est de 100 µg/l. Cependant, des effets nocifs du plomb sur la santé sont démontrés pour des plombémies inférieures à 100 µg/l, chez les jeunes enfants, les adolescents, les adultes et les femmes enceintes. Le HCSP préconise une politique de réduction des expositions au plus bas niveau possible, pour tenir compte des effets sans seuil du plomb. Par ailleurs, il recommande de cibler les actions de dépistage, de prise en charge médicale et de prévention des intoxications sur les personnes les plus exposées. Rappelant les facteurs de risques individuels qui doivent conduire à un dépistage chez les enfants (<7 ans) et les femmes enceintes, le HCSP propose deux niveaux de plombémie pour organiser la prévention du saturnisme infantile: un niveau d intervention rapide de 50 µg/l, impliquant la déclaration obligatoire du cas, déclenchant une enquête environnementale et l ensemble des mesures collectives et individuelles actuellement mises en œuvre lorsque la plombémie est égale ou supérieure à 100 µg/l ; un niveau de vigilance de 25 µg/l ; son dépassement indique l existence probable d au moins une source d exposition au plomb dans l environnement et justifie une information des familles sur les dangers du plomb et les sources usuelles d imprégnation, ainsi qu une surveillance biologique rapprochée accompagnée de conseils hygiéno-diététiques visant à diminuer l exposition. Ces nouveaux niveaux de référence, qui correspondent aux 98 ème et 90 ème percentiles de la distribution de la plombémie chez les enfants de moins de 7 ans lors de l enquête nationale Saturn-Inf conduite en 2008-2009, devront être actualisés tous les 10 ans. Des valeurs d alerte sont également proposées pour les principales sources de plomb dans l environnement (sols, poussières de maisons, eau du robinet). Les valeurs de contamination des milieux correspondant à une plombémie supérieure à 50 µg/l chez 5 % des enfants sont de : 300 mg/kg dans les sols, 70 µg/m 2 dans la poussière du sol des logements et 20 µg/l dans l eau de boisson. Pour le niveau de vigilance de 25 µg/l de la plombémie (chez 5 % des enfants), les concentrations correspondantes dans les sols et dans la poussière sont respectivement de 100 mg/kg et 25 µg/m 2. Selon le seuil et le milieu concerné, le dépassement de ces valeurs implique de mesurer la plombémie des personnes exposées et/ou une analyse approfondie du risque. Parallèlement au dépistage des individus les plus exposés, le HCSP recommande de diminuer la plombémie de la population générale. Pour 2017, il fixe les objectifs suivants: une plombémie moyenne (géométrique) attendue de 12 µg/l ; 98 % de la population avec une plombémie inférieure à 40 µg/l. Le HCSP préconise enfin que l ensemble des données recueillies de manière conjointe sur la contamination par le plomb des milieux de contact (sols, poussières de maison, eau de boisson) et des individus (plombémie), assorties d informations caractérisant les sujets et les conditions d exposition, soient enregistrées pour constituer une base de données nationale, outil de connaissance et de gestion. 16