Les indicateurs de distance

Documents pareils
Les objets très lointains

Chapitre 6 : les groupements d'étoiles et l'espace interstellaire

Magnitudes des étoiles

Comprendre l Univers grâce aux messages de la lumière

Chapitre 02. La lumière des étoiles. Exercices :

Le satellite Gaia en mission d exploration

Notre galaxie, la Voie lactée

Application à l astrophysique ACTIVITE

FORMATION ET FONCTIONNEMENT D'UNE ETOILE

Celestia. 1. Introduction à Celestia (2/7) 1. Introduction à Celestia (1/7) Université du Temps Libre - 08 avril 2008

TEMPÉRATURE DE SURFACE D'UNE ÉTOILE

Comment dit-on qu'une étoile est plus vieille qu'une autre ou plus jeune qu'une autre?

TP 2: LES SPECTRES, MESSAGES DE LA LUMIERE

LE CATALOGUE MESSIER

Les moyens d observations en astronomie & astrophysique

INTRODUCTION À LA SPECTROSCOPIE

Étude et modélisation des étoiles

1S9 Balances des blancs

TP 03 B : Mesure d une vitesse par effet Doppler

Le monde fascinant des galaxies

Séquence 9. Étudiez le chapitre 11 de physique des «Notions fondamentales» : Physique : Dispersion de la lumière

La magnitude des étoiles

Correction ex feuille Etoiles-Spectres.

Gaz moléculaire et formation stellaire dans les galaxies proches : maintenant et à l'époque ALMA Jonathan Braine

Rayonnements dans l univers

Niveau 2 nde THEME : L UNIVERS. Programme : BO spécial n 4 du 29/04/10 L UNIVERS

Si la source se rapproche alors v<0 Donc λ- λo <0. La longueur d onde perçue est donc plus petite que si la source était immobile

Quelques liens entre. l'infiniment petit et l'infiniment grand

Les galaxies et leur évolution

SUIVI CINETIQUE PAR SPECTROPHOTOMETRIE (CORRECTION)

Une application de méthodes inverses en astrophysique : l'analyse de l'histoire de la formation d'étoiles dans les galaxies

Panorama de l astronomie. 7. Spectroscopie et applications astrophysiques

GAIA Dossier d information. Arpenteur de la Galaxie

AC AB. A B C x 1. x + 1. d où. Avec un calcul vu au lycée, on démontre que cette solution admet deux solutions dont une seule nous intéresse : x =

NUAGES INTERSTELLAIRES ET NEBULEUSES

La vie des étoiles. La vie des étoiles. Mardi 7 août

Professeur Nébil BEN NESSIB

Activité 1 : Rayonnements et absorption par l'atmosphère - Correction

Panorama de l astronomie

Explorons la Voie Lactée pour initier les élèves à une démarche scientifique

Mise en pratique : Etude de spectres

La Mesure du Temps. et Temps Solaire Moyen H m.

Seconde Sciences Physiques et Chimiques Activité ère Partie : L Univers Chapitre 1 Correction. Où sommes-nous?

Chapitre 6 La lumière des étoiles Physique

Lancement de la mission GAIA, jeudi 19 décembre 2013 au LUPM à partir de 9h15

PHOTO PLAISIRS. La Lumière Température de couleur & Balance des blancs. Mars 2011 Textes et Photos de Bruno TARDY 1

Découvrir la voûte céleste c est avant tout une balade dans le ciel qui nous entoure. Mais pour se promener d une étoile ou d une galaxie à une

ANALYSE SPECTRALE. monochromateur

Chapitre 2 Les ondes progressives périodiques

pka D UN INDICATEUR COLORE

Comment agir sur le bilan environnemental d une bouteille PET?

I- Les différents champs selon les télescopes utilisés. II- Application à l'observation des astéroïdes: leur détection et leur identification

enquête pour les fautes sur le fond, ce qui est graves pour une encyclopédie.

I - Quelques propriétés des étoiles à neutrons

Résonance Magnétique Nucléaire : RMN

Photographier le ciel avec votre appareil photo

Le second nuage : questions autour de la lumière

Caractéristiques des ondes

nucléaire 11 > L astrophysique w Science des étoiles et du cosmos

Chapitre 0 Introduction à la cinématique

Notions de base sur l énergie solaire photovoltaïque

THEME 3. L UNIVERS CHAP 2. LES SPECTRES MESSAGES DE LA LUMIERE DES ETOILES.

Mario Geiger octobre 08 ÉVAPORATION SOUS VIDE

THÈSE DE DOCTORAT À LA VALIDATION STATISTIQUE DONNÉES D HIPPARCOS : CATALOGUE D ENTRÉE ET DONNÉES PRÉLIMINAIRES

livret-guide des séances année scolaire

MOND avec ou sans matière noire

GENERALITES SUR LA MESURE DE TEMPERATURE

LE LIVRE DES KINS L épopée Galactique du libre-arbitre.

Éclairage naturel L5C 2009/2010. Aurore BONNET

Systèmes de transmission

Le cycle de traitement de la situation 1/2

Bac Blanc Terminale ES - Février 2011 Épreuve de Mathématiques (durée 3 heures)

Exo-planètes, étoiles et galaxies : progrès de l'observation

EFFET DOPPLER EXOPLANETES ET SMARTPHONES.

TSTI 2D CH X : Exemples de lois à densité 1

Atelier : L énergie nucléaire en Astrophysique

Spectrophotométrie - Dilution 1 Dilution et facteur de dilution. 1.1 Mode opératoire :

DIFFRACTion des ondes

«Les Variabilistes II» Mission T60

Le Soleil. Structure, données astronomiques, insolation.

Voyage autour (et a l inte rieur) d un trou noir

2015 : L Odyssée de la Lumière un voyage dans le cosmos du 17 mars au 30 août 2015 à la Cité des sciences et de l industrie

Mesures de PAR. Densité de flux de photons utiles pour la photosynthèse

La place de l homme dans l univers. par Trinh Xuan Thuan *

Fonctions de deux variables. Mai 2011

La métrologie au laboratoire. vigitemp 10. centrale de surveillance et de traçabilité vigitemp kit de cartographie vigicart

L éclairage naturel première partie : Principes de base

Pourquoi la nuit est-elle noire? Le paradoxe d Olbers et ses solutions

Un spectromètre à fibre plus précis, plus résistant, plus pratique Concept et logiciel innovants

EXERCICE 2 : SUIVI CINETIQUE D UNE TRANSFORMATION PAR SPECTROPHOTOMETRIE (6 points)

Travaux Pratiques. Sondage Radar de Vénus

Communication parlée L2F01 TD 7 Phonétique acoustique (1) Jiayin GAO <jiayin.gao@univ-paris3.fr> 20 mars 2014

EXCEL TUTORIEL 2012/2013

Master4Light. Caractérisation Optique et Electrique des Sources Lumineuses. Equipement 2-en-1 : source de courant et spectrophotomètre

RDP : Voir ou conduire

Parcours Astronomie. Cher Terrien, bienvenue à la Cité des sciences et de l industrie! Voici tes missions :

Le pâle écho lumineux du Big Bang vu par le satellite Planck

Exercices Alternatifs. Une fonction continue mais dérivable nulle part

BACCALAURÉAT TECHNOLOGIQUE STD ARTS APPLIQUÉS

Transcription:

Les indicateurs de distance Il s agit de classes homogènes d objets servant à déterminer, par comparaison, la distance des galaxies les plus lointaines. La connaissance des propriétés des corps célestes dépend d une manière critique de nos capacités à mesurer les distances D : il suffit de penser, par exemple, que la valeur absolue des luminosités est proportionnelle à D². Le terme indicateur de distance concerne cet ensemble d objets ou phénomènes célestes grâce auxquels les astronomes s ingénient à combler l immense lacune existant entre les domaines d application des seules deux méthodes directes pour mesurer les distances astronomiques : Les parallaxes trigonométriques : les parallaxes annuelles p" (en secondes d arc) donnent des mesures de distance D = 1/p" fiables tout au plus jusqu à quelques centaines d années-lumière, même si l on a recours aux techniques d observation sophistiquées faites depuis l espace ; ces mesures se fondent sur la détermination exacte du rayon moyen de l orbite terrestre, l unité astronomique (1 pc = 206.265 u.a) La loi de Hubble : si on établit une proportionnalité directe entre distance et vitesse de récession cosmologique (à travers le redshift z), ie. si l on utilise la loi de Hubble, c est pour des distances inférieures à 50 millions de parsecs au-dessous de cette limite, les vitesses des galaxies et celle de l observateur ne sont plus négligeables mais elles dépendent de toute façon d un paramètre qu il n a toujours pas été possible de déterminer précisément à ce jour, la constante de Hubble H o. En effet, la distance D est donnée par la formule D = c z H o Pour déterminer les distances entre 10 parsecs et 50 millions de parsecs, et obtenir H o en associant ce paramètre à l unité de mesure de base, on a d abord recours aux indicateurs photométriques. Il s agit de familles d objets homogènes dont la luminosité observée (donc apparente) est rapportée à ce qu elle serait s ils étaient situés à la distance standard de 10 parsecs. Cette luminosité absolue L s obtient en étalonnant la famille en question à l aide d un ou plusieurs indicateurs à rayon plus court, étalonnés à leur tour selon une chaîne qui se déroule vers le bas, jusqu à ce qu on entre dans la sphère d action des parallaxes trigonométriques. Toute la pyramide des indicateurs repose sur les bases fragiles d une méthodologie imposant un étalonnage à la chaîne avec répercussion des imprécisions de chaque indicateur sur tous ceux qui dépendent de lui et se fonde sur le postulat hardi et dont on abuse souvent de l homogénéité de la Nature, attribué à Hubble mais implicite dan le travail de l astronome. Par ailleurs, les indicateurs photométriques sont affectés indistinctement d une erreur systématique, appelées préjugé de Malmquist, due à la sélection de l échantillon d observation : en fixant, comme c est l usage, une limite à la luminosité apparente des objets d une famille, on discrimine par force les objets intrinsèquement plus faibles. Les valeurs moyennes sont ainsi faussées et il en résulte des distances fictivement grandes. C est ce qui se passe pour l échantillon des étoiles visibles à l œil nu sur la voûte céleste : celles qui sont intrinsèquement plus faibles sont des astres proches de nous, alors que les étoiles intrinsèquement lumineuses peuvent être très lointaines. Ces incertitudes associées à d autres sont à l origine de l éternel débat sur les distances des galaxies proches et, en dernière instance, sur la valeur de la constante de Hubble (et ainsi sur l âge de l Univers). Parmi les principaux indicateurs photométriques, il faut signaler certaines catégories d étoiles variables, régulières ou chaotiques : les RR Lyrae, les céphéides, les novae et les supernovae. Les RR Lyrae sont des étoiles évoluées, sujettes à une phase d instabilité ; c est pourquoi leur luminosité varie rapidement en achevant une oscillation complète en moins d un jour. En revanche, leur luminosité moyenne est constante (environ 50 fois celle du Soleil). Ces «chandelles-standard» sont bien 1

caractérisées par leur courbe de lumière, qui les distingue nettement des autres types d étoiles variables et que l on peut découvrir et observer, grâce aux technologies actuelles, jusqu aux confins du Groupe Local (environ 1,5 million de parsecs). Fig. 1 : Courbes de lumière de quelques variables RR Lyrae dans l amas globulaire galactique M15. Les deux courbes supérieures (type ab) sont d ampleur plus importante et de période plus longue ; celles en-dessous (type c) ont une forme sinusoïdale. Les Céphéides sont aussi des variables régulières. Il s agit d étoiles puissantes jeunes, qui ont cependant des sosies parmi les étoiles évoluées du type W Virginis, six fois plus faibles que les Céphéides mais à période égales, ce qui démontre au passage que la nature n est pas toujours homogène (!). Il y a 90 ans, en étudiant la population des étoiles variables dans les Nuages de Magellan, l astronome américaine Henrietta Leavitt découvrit que la luminosité moyenne des Céphéides augmente proportionnellement au logarithme de la période P de la pulsation lumineuse : les Céphéides de période P = 5 jours sont environ trois fois plus lumineuses que les RR Lyrae et trois cents fois plus brillantes que celles de période P = 50 jours. La couleur varie aussi quand P augmente, en passant du rouge au bleu. Actuellement, le rapport entre période et luminosité a été étalonné sur les Céphéides des amas ouverts de la Voie Lactée et les variables des galaxies proches. Il y a de nombreuses Céphéides utilisables, jusqu à 5 millions de parsecs, et maintenant encore davantage avec les perspectives qu a ouvertes le télescope spatial Hubble. Faciles à localiser, elles présentent néanmoins les inconvénients propres aux populations d étoiles jeunes, en particulier l association avec des poussières provoquant des absorptions qui nous font sous-évaluer leur luminosité apparente ; par ailleurs, leur éclat dépend de la composition chimique, qui varie considérablement d une galaxie à l autre. Fig. 2 Diagramme période-luminosité pour les Céphéides du Grand Nuage de Magellan et celles de la galaxie NGC 3109 dans le domaine de la lumière bleue et dans le visible. Les variables du Grand Nuage ont été enregistrées comme si elles étaient 800 fois plus faibles qu elles ne le sont pour compenser la grande proximité de cette galaxie par rapport au Soleil. 2

S. Bourdreux Initiation à l astrophysique Fig. 3 Courbe de lumière de delta Cephei, le prototype des Céphéides. Sa variation de luminosité 2,2 fois plus lumineuse au maximum se reproduit avec une précision chronologique tous les 5,336 jours, soit 5 jours 8 heures et 47 minutes. Fig. 4 Le rapport période-luminosité pour les Céphéides. A gauche sont reportées les magnitudes visuelles absolues, à droites les luminosités exprimées comme toujours par rapport au Soleil. Le rapport est double. La droite supérieure concerne les Céphéides classiques (comme Cephei) appartenant à la population I d étoiles, celles qui peuplent le plan de la Galaxie. La courbe inférieure concerne les Céphéides de la population II, distribuées dans un espace vaguement sphérique. Les Céphéides de population II sont fréquemment subdivisées en outre en deux types : les RR Lyrae (période de moins d un jour) et les W Virginia (période de plus d un jour). Les novae sont des variables explosives qui, à leur luminosité maximale, peuvent atteindre la splendeur de presque un million de Soleils ; on peut ainsi les observer jusqu à 20 millions de parsecs. La rapidité avec laquelle la luminosité décline après le maximum permet de mesurer les distances avec une marge d erreur de 20%. La relation a été établie à partir de novae observées dans la galaxie d Andromède (M31) dans laquelle éclatent en moyenne 30 novae par an. Fig. 5 Deux novae découvertes dans les régions centrales de la proche galaxie d Andromède (objet Messier 31) 3

Les supernovae du type Ia sont une classe de variables catastrophiques, communes à tous les types de galaxies, avec courbes de lumière et spectres qui se répètent d un cas à l autre. D après les observations, les modèles théoriques suggèrent que la luminosité maximale est dix milliards de fois supérieure à celle du Soleil, et constante à 25% près. Ces supernovae sont utilisables jusqu à une distance d un milliard de parsecs. Fig. 6 Image de la supernova 1992C, apparue dans la galaxie NGC 3367, une spirale barrée à 200 millions d années-lumière de nous. Sur cette photo, prise 20 jours après le maximum de la courbe de luminosité, la supernova (en bas du cliché) est encore intrinsèquement un milliard de fois plus brillante que le Soleil Fig. 7 Image de la supernova 1987A apparue dans le Grand Nuage de Magellan, à 170.000 années-lumière de nous. La photo, prise dans la raie verte de l oxygène ionisé deux fois avec la Faint Object Camera du HST et colorée artificiellement à l ordinateur, montre la structure complexe des estes de l étoile explosée (tache rougeâtre au centre). L anneau qui les entoure (en jaune) existait avant l explosion : il s agit du matériau éjecté par l étoile génitrice avant l explosion catastrophique et destiné a à être balayé par l onde de choc en l espace d une seconde. Enfin, il faut noter ici les résultats très précis sur la position de 120.000 étoiles obtenus par le télescope astrométrique de l ESA, emmené par Hipparcos, qui vont permettre un meilleur calibrage de centaines de chandelles-standard. En effet, d autres méthodes sont envisageables pour déterminer la distance des étoiles. A partir de l étude comparée des spectres de milliers d étoiles, on peut repérer des caractéristiques distinctives de leur luminosité. A titre d exemple, les étoiles très lumineuses (géantes et supergéantes) ont des raies spectrales minces alors que celles des étoiles faibles sont larges. Patiemment, on a défini des critères permettant d établir la magnitude absolue, et donc la distance d une étoile à partir de l examen de ses raies spectrales. Il existe une méthode dite dynamique qui a recours aux étoiles doubles. On sait qu entre période de révolution P (en années), distance totale a (en u.a) entre les étoiles et masse totale M (en masses solaires) il existe le rapport dynamique P² = a3 M 4

Ce rapport a été utilisé essentiellement pour trouver la masse des étoiles, mais par la suite on a pu en faire un usage inverse : trouver a en fonction de la masse. Par ailleurs, les observations fournissent la valeur angulaire de a (a" en secondes d arc) et la simple formule d = a" a donne la distance en parsecs du couple par rapport à nous. On trouve ainsi la masse directement, sans passer par la parallaxe trigonométrique ; on a coutume d appeler ce procédé la «méthode des parallaxes dynamiques». Pour connaître la masse du couple, on est aidé par le fait qu à la différence des luminosités, variant avec des écarts énormes, les masses des étoiles ont des variations contenues : pour une très grande majorité des étoiles observables, elles sont comprises entre 0,3 et 3 fois la masse solaire. Ainsi, si l on attribue à chaque étoile du couple la masse 1, la distance trouvée a une marge d erreur de 40%, et pas plus. A partir de la distance d obtenue ainsi, on déduit les magnitudes absolues des deux étoiles et avec celles-ci, grâce au rapport masse-luminosité, on peut dans bien des cas obtenir des valeurs de masses plus proches de la vérité que celles supposées auparavant. Avec cette nouvelle valeur de M, on applique à nouvelle la formule de la parallaxe dynamique pour avoir une valeur plus précise de a et donc de la distance d. 5