Comment fait-on pour apprendre à lire?

Comment fait-on pour apprendre à lire? L apprentissage du lire/écrire 1) Que signifie «savoir lire» Définition du Larousse : Reconnaître les signes graphiques d'une langue, former mentalement ou à voix haute les sons, savoir que ces signes ou leurs combinaisons représentent et leur associer un sens. Savoir lire, c est donc être capable d oraliser un texte et le comprendre. 2) Comment lit un lecteur adulte. Par quels processus les mots sont-ils identifiés? Il y a deux processus d identification des mots : la voie directe et la voie indirecte (aussi appelé : adressage, décodage, déchiffrage). - Qu est-ce que la voie directe? La voie directe (ou adressage) permet de reconnaître des «mots connus du lecteur par appariement direct de la configuration écrite du mot avec sa représentation en mémoire» 1 et «de leur attribuer la forme phonologique (orale) souhaitée.» 2 «Ce type d identification est possible si le lecteur dispose déjà, dans sa mémoire, d une image orthographique du mot. Dans ce cas, le mot est quasi instantanément reconnu, à la fois visuellement, auditivement et sémantiquement.» 3 La voie directe est le processus de lecture utilisé par le lecteur expert. Le lecteur expert a stocké dans sa mémoire une liste de mot auquel il associe immédiatement une forme orale et un sens. Ces mots sont reconnus car leur forme orthographique a été mémorisée, indépendamment de la manière dont ils ont été écrits (cursive, script, capitale, police). Pour lire un mot par voie directe, il est nécessaire d avoir été confronté plusieurs fois au mot pour l enregistrer en mémoire. «Ce mode de reconnaissance ne permet pas de déchiffrer des mots nouveaux ou écrits dans une typographie non familière et, par ailleurs, la charge en mémoire à long terme est très importante, limitant les acquis. C est le processus d identification des mots du lecteur expert.» 5 - Qu est-ce que la voie indirecte? - La voie indirecte (ou assemblage ou déchiffrage ou décodage) permet «le traitement des mots inconnus du lecteur, par la transformation de l information visuelle en information phonologique et par l application de règles de correspondance entre graphies et phonies.» 5 C est le processus de déchiffrage qui consiste à mettre en relation la forme écrite des mots avec leur forme orale et plus spécifiquement les graphèmes (lettres ou groupes de lettres) avec leurs correspondants sonores c est-à-dire les phonèmes. «Dans ce cas, les lettres sont assemblées pour constituer des syllabes prononçables, le mot est prononcé et comparé aux mots proches dont on a déjà l image auditive dans la mémoire.» 7 L adulte utilise la voie indirecte lorsqu il est amené à lire un mot qu il n a jamais rencontré à l écrit ou lorsqu il lit dans une langue qu il ne connaît. Dans ce cas la lecture des mots se fait pas à pas. En effet, «l automatisation du décodage permet de décharger la mémoire de reconnaissance de bas niveau pour consacrer le maximum de ressources cognitives à la compréhension. L automatisation de la 1, 5,5 Denis Legros et Jacques Crinon, Conférence du mercredi 24 janvier 2003 IUFM Livry-Gargan. Identification des mots écrits et traitement phonologique 2 Jean-Emile Gombert et alii, Enseigner la lecture au cycle 2, Nathan, 2002 3,7 Lire au CP (2), 2003- Documents d accompagnement des programmes de 2002 05/02/2016 Lydia BAO, CPAIEN Wittelsheim 1

reconnaissance des mots ne s oppose pas à la compréhension ; elle en est une condition nécessaire : plus elle est rapide, plus et mieux l on comprend.» 4 3) Comment lit un enfant? L enfant ne peut pas d emblée apprendre à lire à la manière d un lecteur expert. Il ne peut pas tout de suite lire par voie directe uniquement car nous l avons vu l orthographe des mots par voie directe doit avoir été mémorisé or l enfant débutant lecteur ne peut pas mettre en mémoire l orthographe de l ensemble des mots étudiés. Néanmoins certains mots fréquents du langage écrit, appelés «mots outils» doivent rapidement pouvoir être lus par voie directe. D autant plus, qu il comporte parfois des graphèmes complexes qui ne seront étudiés que plus tard dans l année scolaire alors que ces mots sont très fréquents dans les textes. Il s agit des mots comme : dans, mais, au, les, des, Par ailleurs, la lecture par voie indirecte qui va être celle que le débutant lecteur va principalement utiliser doit être rapidement efficace. En effet, l automatisation du décodage permet de décharger la mémoire [ ] pour consacrer le maximum de ressources cognitives à la compréhension. L automatisation de la reconnaissance des mots ne s oppose pas à la compréhension ; elle en est une condition nécessaire : plus elle est rapide, plus et mieux l on comprend.» 5 Au fur et à mesure que la lecture par voie indirecte devient automatique les élèves lisent plus et plus vite, comprennent mieux et développent la reconnaissance directe des mots c est-à-dire la voie directe, le processus de lecture du lecteur expert. 4) Comment automatiser la voie indirecte? Comme nous l avons vu, dans un premier temps l apprenti lecteur doit parvenir à «décoder» de manière rapide de sorte qu il ne «perde» pas la forme orale du mot lors d un décodage trop pénible et qu il soit capable d associer la forme orale du mot lu à un mot de sens connu. En effet, si un mot comme «salade» est décodé de manière trop lente, trop saccadée, l élève ne parviendra pas à faire le lien entre les phonèmes prononcés et le concept «salade». Il en est de même pour accéder au sens d une phrase : si la phrase met trop de temps à être lu, l élève n accèdera pas à son sens et il sera incapable de la reformuler oralement. Il s agit donc de se demander comment aider à accéder à la voie indirecte. Pour se faire, il y a plusieurs apprentissages à mettre en place. - L élève doit savoir ce que signifie savoir lire (a). - L élève doit savoir comment faire pour apprendre à lire (b). - L élève doit comprendre le principe alphabétique (c). - L élève doit connaître et savoir mettre en œuvre les relations graphie-phonies et phoniegraphies (d). a) L élève doit savoir ce que signifie savoir lire. Il faut clairement expliquer et ré-expliquer à l élève que lire ce n est pas seulement oraliser des mots mais c est aussi et surtout, comprendre le message qui est écrit. Ce qui signifie qu un débutant lecteur peut estimer qu il a lu un texte donné lorsqu il est capable de restituer le sens de ce qu il vient de lire sans avoir besoin de s appuyer sur le texte écrit. (cf. document). 4 PIREF Conférence de consensus : L'enseignement de la lecture à l'école primaire, Des premiers apprentissages au lecteur compétent, Recommandation du jury, 2003 5 PIREF Conférence de consensus : L'enseignement de la lecture à l'école primaire, Des premiers apprentissages au lecteur compétent, Recommandation du jury, 2003 05/02/2016 Lydia BAO, CPAIEN Wittelsheim 2

b) L élève doit savoir comment faire pour apprendre à lire. L élève doit savoir que l apprentissage de la lecture ne se fait pas du jour au lendemain, qu il se met en place petit à petit depuis la maternelle par la reconnaissance immédiate de certains mots (les jours de la semaine, les prénoms des enfants de la classe), par la reconnaissance de certaines syllabes qui sont identiques dans plusieurs mots (le «ma» de «mardi», de «maman», de «Marie».), par la connaissance de certaines relations phonie- graphie (le son [a] s écrit avec la lettre «a»). Il faut clairement expliquer aux élèves que pour apprendre à lire, il faut connaître l alphabet c est-à-dire reconnaître les lettres de l alphabet dans leurs diverses écritures, connaître leurs noms et savoir que leur nom ne correspond que très rarement aux sons que ces lettres produisent dans un mot (sauf cas des voyelles). L élève doit savoir qu on attend de lui qu ils reconnaissent certains mots de manière immédiate, ce sont les mots outils (un, une, et, dans, qui,..) et que, pour tous les autres mots, il doit chercher à dire le son que font les lettres ou groupes de lettres (ou, on, au, eau.) et qu il doit associer ces sons pour faire des mots qui ont un sens. c) L élève doit comprendre le principe alphabétique Le fait que l élève a compris qu à une lettre ou à un groupe de lettre correspond un son signifie que l élève a compris le principe alphabétique. Il lui reste alors à mémoriser ce code graphophonologique c est-à-dire à mémoriser les relations entre les graphèmes et phonèmes et inversement. d) Quelles sont les activités qui permettent la maîtrise des relations graphie- phonies et phoniegraphies? Activités sur le phonème : Il y a les activités de repérage du phonème dans des mots. 1) Entoure le dessin si tu entends [o]. Il y a les activités de localisation du phonème dans des mots. Consigne : Coche les syllabes où tu entends [l]. Activité sur le graphème. Il y a les exercices d identification du graphème dans différentes écritures. Retrouve les lettres l, L, l, et entoure-les. 05/02/2016 Lydia BAO, CPAIEN Wittelsheim 3

Les élèves de la classe adorent lire. A l école, il y a des lectures qui sont géniales. Léa, Léna et Mélissa sont des filles. Elles sont dans la même classe à l école. Activités sur la relation graphème phonème. Activités sur la relation graphème phonème Il s agit des activités de lecture de texte réinvestissant la relation phonème graphème étudiée et la lecture des fiches de structuration. 05/02/2016 Lydia BAO, CPAIEN Wittelsheim 4

Activités sur la relation phonème-graphème : L apprentissage du lire/écrire Afin de s assurer de la maîtrise des relations phonie graphies et de permettre leur consolidation, il est indispensable d associer l étude d une relation phonème graphème à des activités d encodage de syllabes ou de mots. Dictée de syllabes avec des relations phonie graphie connues : Exemple en début d année de CP lors de l étude du [l] : li, la, lo, lu Mais aussi: il, ul, al. Il est important de ne pas uniquement proposer des syllabes avec le [l] en début de syllabe (c est-à-dire, en attaque) afin que l élève mesure également l importance de l ordre des lettres. En effet, l élève doit comprendre que l ordre d émission orale des phonèmes correspond à l ordre d écriture des lettres. Exercice de réinvestissement pour encoder des syllabes : Complète les mots avec la ou li..pin t sa.de vabo Dictée de mots qui n existe pas.vre choco..t esca.er Exemple : ulo lima- lumi rulo - mila - alo - miro - louni - soru Ceci permet aux élèves d encoder plus d une syllabe à la fois sans risquer de faire mémoriser l orthographe erronée d un mot et de créer des phénomènes d interférence. Dictée de mots simples Exemple : lama ami - lune moto mur papi - salami plume mari mardi sumo domino malade - dame radar dormir Les stratégies à mettre en œuvre pour encoder un mot d une ou plusieurs syllabes ne sont pas les mêmes. En effet, il s agit d apprendre à l élève à découper le mot en syllabe et à encoder chaque syllabe l une après l autre. Pour encoder une syllabe, l élève doit la segmenter en phonèmes et se rappeler des graphèmes correspondant aux phonèmes identifiés. Dictée de petits groupes de mots: 05/02/2016 Lydia BAO, CPAIEN Wittelsheim 5

Exemple : sur le mur - il a lu - il a sali L encodage de groupe de mots permet en plus de construire le concept de «mot» car il s agit d identifier en amont qu encoder «sur le mur» consistera à écrire trois mots qu il faut séparer par des espaces. Dictée de petites phrases : Exemple : Papa a une moto. Cette phrase peut être encodée en début d année de CP, elle permet d une part de consolider les relations phonie-graphies étudiées et de construire le concept de phrase (elle a du sens, elle commence par une majuscule et se termine par un point). Remarques: -Les différentes dictées énoncées ne correspondent pas nécessairement à une progression. On peut encoder dès le début de CP à la fois quelques syllabes, quelques logatomes et quelques mots simples ; puis rapidement, proposer quelquefois des groupes de mots ou des phrases simples. - Les activités d encodage doivent être corrigées collectivement afin de faire verbaliser et d expliciter les stratégies mises en œuvre par les élèves et de permettre leur appropriation. Exemple de verbalisation attendue clarté cognitive : Pour écrire le mot «domino», je découpe le mot. Il y a trois syllabes «do», «mi», «no». Après je dois écrire «do». J étire la syllabe pour entendre les sons. J entends [d] et [o] alors j écris «d» et «o».et ainsi de suite pour les «mi» et «no». Citation d A. Ouzoulias dans 10 (bonnes) raisons de faire écrire pour enseigner la lecture «L'écriture oblige à inscrire sur la page les lettres les unes après les autres. Elle conduit ainsi naturellement à l'épellation, c'est-à-dire à un traitement analytique du mot qui dépasse la perception globale et qui permettra de considérer comme identique ces deux stimuli pourtant si différents sur le plan visuel : «train» et «TRAIN. Du même coup, elle offre les premières expériences de segmentation des mots et met en relief les premières analogies. Charlotte écrit «chaton» qu'elle copie au tableau. Elle en est à «cha» qui lui fait irrésistiblement penser aux trois lettres «Cha» de «Charlotte»... Il lui a fallu écrire «chaton» pour isoler ce «cha» et le voir dans «chaton», car la seule perception du tout «chaton» en lecture ne lui avait pas permis de le remarquer. Ce «cha» désormais, elle le verra aussi dans «chapeau», «chameau», «cachalot»,... II lui reste à apprendre qu'à chaque fois, ou presque, qu'elle voit «cha», ces trois lettres représentent la syllabe [cha]. Mais elle est sur la voie.» 5) Quelles sont les pré-requis et les difficultés que l élève rencontrera? Pour aborder les relations phonie-graphies, l élève doit avoir compris un certain nombre de spécificités propres à l écrit. Ces notions doivent être ou avoir été explicitées : - l écrit permet de transcrire l oral - l ordre des mots d une phrase orale correspond à l ordre des mots d une phrase écrite. - lorsqu on lit chaque mot dit doit être écrit - on écrit et lit de gauche à droite et de haut en bas - une lettre est différente d un dessin ou d un chiffre - une lettre peut être écrite dans différentes écritures 05/02/2016 Lydia BAO, CPAIEN Wittelsheim 6

- on écrit et lit grâce aux vingt-six lettres de l alphabet qu il faut savoir nommer - le nom de la lettre diffère généralement du phonème qu elle produit (sauf pour les voyelles) - qu est-ce qu un mot - qu est-ce qu une phrase - il existe différents types de textes et les reconnaître permet d anticiper sur le contenu. Exemple de difficultés observables au début de l apprentissage du lire/écrire : L étayage et la verbalisation doivent permettre de rendre explicite ces notions et le cheminement intellectuel que l élève doit emprunter. vlo pour vélo jet pour jeter L écriture utilisée peut être la capitale, le script ou la cursive. Dans les situations d encodage de début d année de CP l exigence de l enseignant ne se situe pas au niveau de l écriture utilisée mais sur la relation phonie-graphie. Confusion entre le nom de la lettre et le phonème qu elle transcrit. Dans cette production, on n observe pas de segmentation en mots. On constate également une confusion entre le nom de la lettre «d» et le phonème qu elle produit. pour vélo L ordre d émission oral des mots, et donc des phonèmes, correspond à l ordre d écriture des mots, et donc des graphèmes, et ceci dans leur totalité. L acquisition de ce principe passe par différents stades: Jocelyne Giasson dans La lecture de la théorie à la pratique. On observera de manière similaire des élèves qui lisent «bal» et «pul» les syllabes «bla» et «plu» lues Le sens : lecture/écriture de gauche à droite de la ligne et de haut en bas (l écriture en miroir). La longueur des mots écrit correspond à la longueur d émission orale et non au concept auquel il réfère le mot «long» s écrit avec 4 lettres, le mot «minuscule» avec 9 lettres 6) Accéder au sens de la phrase puis du texte Aujourd hui, tout le monde s accorde pour dire que «lire, c est comprendre». Lire implique de la part du lecteur la mise en œuvre d un ensemble de procédures simultanées. Il doit reconnaître ou identifier les mots écrits, établir des relations entre ces mots (analyse syntaxique) et enfin construire la signification du 05/02/2016 Lydia BAO, CPAIEN Wittelsheim 7

texte en établissant des relations entre les différentes phrases du texte. Le fait d identifier les mots écrits ne constitue donc qu une des étapes du processus de compréhension. La compréhension peut se définir comme la capacité à construire, à partir du texte et des connaissances antérieures, une représentation mentale cohérente de la situation évoquée par le texte. Le fait de percevoir et de comprendre les mots et les phrases du texte ne constitue qu une étape transitoire de ce processus Au même titre que la lecture, enseignée de façon explicite, la compréhension peut et doit s enseigner. Nature des difficultés Les représentations de la lecture : les élèves pensent qu il suffit de décoder tous les mots pour les comprendre (stratégies de lecture mot à mot) Ils confondent compréhension et recherche d informations dans un texte (utilisation du questionnaire a posteriori) Ils essaient de mémoriser la forme littérale des récits (sans se centrer sur le contenu) Les élèves ont une conscience très faible de leurs propres procédures de lecture et des modalités de contrôle de la compréhension qu ils pourraient mettre en œuvre La production écrite Elle permet : d asseoir les connaissances sur le code, d apprivoiser le concept de mot, d apprendre à mettre en mot, de passer du langage orale au langage écrit, d aborder des connaissances en grammaire et en conjugaison avant qu elles aient été étudiées formellement (accord du groupe nominal, accord sujet- verbe ), d enrichir son lexique La métacognition est essentielle pour tout apprentissage. Faire des exercices ne suffit pas pour apprendre, il faut clairement amener les élèves à verbaliser les stratégies mises en œuvre pour que celles-ci puissent être transférables. Les élèves doivent être conscients de leur activité cognitive. 05/02/2016 Lydia BAO, CPAIEN Wittelsheim 8