CONSEILS DES GOUVERNEURS ASSEMBLÉE ANNUELLE 2006 SINGAPOUR



Documents pareils
Comité monétaire et financier international

Conseil d administration Genève, mars 2000 ESP. Relations de l OIT avec les institutions de Bretton Woods BUREAU INTERNATIONAL DU TRAVAIL

résumé un développement riche en emplois

Réduire la pauvreté : comment les collectivités territoriales peuvent-elles être des catalyseurs du développement économique pro-pauvre?

Le FMI et son rôle en Afrique

Le FMI conclut les consultations de 2008 au titre de l article IV avec le Maroc

Remarques d Ouverture par M. Mohammed Laksaci, Gouverneur de la Banque d Algérie, Président de l Association des Banques Centrales Africaines

Taxer la finance. Toby Sanger

Secrétariat d Etat auprès du Premier Ministre chargé des Technologies Nouvelles

«seul le prononcé fait foi»

Comité monétaire et financier international

LES BRIC: AU DELÀ DES TURBULENCES. Françoise Lemoine, Deniz Ünal Conférence-débat CEPII, L économie mondiale 2014, Paris, 11 septembre 2013

Conférence mondiale sur les déterminants sociaux de la santé. Déclaration politique de Rio sur les déterminants sociaux de la santé

Groupe de la Banque africaine de développement. ALLOCUTION D OUVERTURE DE M. OMAR KABBAJ Président du Groupe de la Banque africaine de développement

LE COMMERCE EXTÉRIEUR CHINOIS DEPUIS LA CRISE: QUEL RÉÉQUILIBRAGE?

Considérations sur la crise et le marché intérieur 1

Synthèse. Loyauté et réciprocité des échanges entre l Union Européenne et les pays tiers. Propositions et axes de réflexion des IEEC

UPEC - AEI M2 AMITER Action humanitaire internationale et ONG Soiio-Economie de la mondialisation - D. Glaymann

BANQUE CENTRALE DU CONGO

Sécurité sociale: un nouveau consensus

Les perspectives mondiales, les déséquilibres internationaux et le Canada : un point de vue du FMI

1. Introduction. 2. Un changement profond d environnement en Europe

Introduction Quels défis pour l Administration Publique face àla crise? Crise et leadership : quelles relations? Quels défis pour les dirigeants?

Croissance plus lente dans les pays émergents, accélération progressive dans les pays avancés

Eco-Fiche BILAN DE L ANNEE 2012 QUELLES PERSPECTIVES POUR 2013? 1

Thème 2 : Le rôle du «secteur informel» dans l intégration régionale

Année internationale de la jeunesse. 12 août août asdf. Dialogue et compréhension mutuelle. Nations Unies

Paris Europlace, Forum financier international à Tokyo 27 novembre «Mondialisation des marchés financiers»

POURQUOI LES RÉFORMES DE FAÇADE DU FMI ET DU SYSTÈME MONÉTAIRE INTERNATIONAL NE SUFFISENT PAS

Document d information n o 1 sur les pensions

Pourquoi la croissance du commerce international s est-elle essoufflée? Beaucoup d espoir repose sur la libéralisation des échanges commerciaux

DISCOURS D OUVERTURE DU PRÉSIDENT DE LA BANQUE EUROPÉENNE POUR LA RECONSTRUCTION ET LE DÉVELOPPEMENT

Croissance, investissement et emploi: dernières informations sur les recherches et réunions portant sur la cohérence des politiques

CHARTE DES UNIVERSITÉS EUROPÉENNES POUR L APPRENTISSAGE TOUT AU LONG DE LA VIE

La politique monétaire après la crise financière mondiale : Nouveaux enjeux

Options en matière de réforme des systèmes financiers

Intervention de M. Assane DIOP Directeur exécutif, Protection sociale Bureau international du Travail, Genève ***

Surmonter la crise: Un Pacte mondial pour l emploi

Commission CI. Session d ouverture. Remarques d ouverture par le Président de la Commission CI

Veuillez trouver ci-joint la communication de Monsieur le Gouverneur à l occasion du forum international des finances et des affaires tenu à

Nous sommes interrogés sur la nature de la crise que nous rencontrons

Plan d action de Brisbane

UNE MEILLEURE CROISSANCE, UN MEILLEUR CLIMAT

la voie bilatérale reste la meilleure option

ECONOMIE GENERALE G. Carminatti-Marchand SEANCE III ENTREPRISE ET INTERNATIONALISATION

Comité des produits Discours du Directeur général. 29 mai DISCOURS D OUVERTURE DU DIRECTEUR GÉNÉRAL AU COMITÉ DES PRODUITS.

Qu est-ce que le commerce équitable?

LES DÉFIS DE L EXPANSION

Info-commerce : Incertitude économique mondiale

Approches macroéconomique et fiscale. Introduction à la première partie... 14

Intervention de Marisol Touraine. Ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

[ les éco_fiches ] Situation en France :

Les investissements internationaux

Rapport 2012 de l Observatoire de la téléphonie mobile en Afrique subsaharienne. Résumé

Perspectives économiques régionales Afrique subsaharienne. FMI Département Afrique Mai 2010

Bonsoir, Mesdames et Messieurs,

S engager pour la survie de l enfant: Une promesse renouvelée

POLITIQUE D ÉGALITÉ ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES

Les perspectives économiques

LES NON-ALIGNÉS D HIER À AUJOURD HUI

TROISIEME REUNION DU FORUM SUR L ADMINISTRATION FISCALE DE L OCDE

Perspectives économiques régionales du Moyen-Orient et de l Afrique du Nord

Le creusement des inégalités touche plus particulièrement les jeunes et les pauvres

à la Consommation dans le monde à fin 2012

Note de présentation générale. Secrétariat général du Conseil d orientation des retraites

Informations pour les bénéficiaires de projets

Plan d orientations stratégiques

Comité du développement et de la propriété intellectuelle (CDIP)

Sommet de Los Cabos Déclaration des chefs d État et de gouvernement

Favoriser la création d emplois et la croissance dans l industrie et l innovation

Énergie et Mondialisation

L INVESTISSEMENT DES CABINETS D AVOCATS EN AFRIQUE

QUEL RÔLE POUR LE FMI DANS LE NOUVEL ORDRE ÉCONOMIQUE MONDIAL?

CONSEIL DE COORDIN AT I O N DU PROGRAM M E DE L ONUSID A

La mondialisation est-elle encore porteuse de croissance?

Allocution de Monsieur le Ministre à l occasion du 1 er meeting sur l information financière

La guerre des devises, une source d opportunités Mars 2015

WS32 Institutions du secteur financier

Le Pacte de responsabilité et de solidarité

pas de santé sans ressources humaines

Le SMI. Chapitre Les origines historiques du SMI actuel Avant la première Guerre mondiale : l étalon or

Agricultural Policies in OECD Countries: Monitoring and Evaluation Les politiques agricoles des pays de l OCDE: Suivi et évaluation 2005.

La promotion de la pluralité linguistique dans l usage des nouvelles technologies de l information et de la communication

CHARLES DAN Candidat du Bénin pour le poste de Directeur général du Bureau international du Travail (BIT)

En Afrique, les opportunités d emploi offertes aux femmes proviennent à 92 % de l économie informelle (estimation). JORGEN SCHYTTE/Still Pictures

solutions Investir dans des Plan stratégique


Click to edit Master title style

La compétitivité de l industrie française est un enjeu majeur pour la politique européenne.

Loi 10. ARGUMENTAIRE CONTRE LE PROJET de. démantèlement FICHE 1 AUCUNE SOLUTION POUR AMÉLIORER LES SERVICES EN ACTION CONTRE LE

Couverture du risque maladie dans les pays en développement: qui doit payer? (Paris, 7 mai 2008)

Royaume du Maroc. La masse salariale et ses impacts sur les équilibres économiques et financiers

Quelle «diplomatie» pour l euro? Franck LIRZIN ancien élève de l École Polytechnique et de l École des hautes études en sciences sociales (EHESS)

Honorables invités, Mesdames et Messieurs,

INTÉGRATION DES SERVICES FINANCIERS DANS LES STRATÉGIES DE LUTTE CONTRE LA PAUVRETÉ Un aperçu Général

Quelles évolutions a connue la gouvernance mondiale depuis 1944?

CAMPAGNE NATIONALE DE SENSIBILISATION «Pour un meilleur partenariat Banques/Petites et moyennes entreprises au service du Développement Humain»

Transcription:

CONSEILS DES GOUVERNEURS ASSEMBLÉE ANNUELLE 2006 SINGAPOUR FONDS MONÉTAIRE INTERNATIONAL GROUPE DE LA BANQUE MONDIALE BANQUE INTERNATIONALE POUR LA RECONSTRUCTION ET LE DÉVELOPPEMENT SOCIÉTÉ FINANCIÈRE INTERNATIONALE ASSOCIATION INTERNATIONALE DE DÉVELOPPEMENT CENTRE INTERNATIONAL POUR LE RÈGLEMENT DES DIFFÉRENDS RELATIFS AUX INVESTISSEMENTS AGENCE MULTILATÉRALE DE GARANTIE DES INVESTISSEMENTS Communiqué de presse n 4 (F) J 19 20 septembre 2006 Discours prononcé par M. LEE HSIEN LOONG, Premier ministre de SINGAPOUR, à l'assemblée annuelle des Conseils des gouverneurs du Fonds monétaire international et du Groupe de la Banque mondiale

Discours prononcé par M. LEE HSIEN LOONG, Premier ministre de Singapour, à l'assemblée annuelle des Conseils des gouverneurs du Fonds monétaire international et du Groupe de la Banque mondiale Monsieur le Président, Monsieur le Directeur général du FMI, Monsieur le Président de la Banque mondiale, Mesdames et Messieurs les Gouverneurs, Mesdames et Messieurs, Introduction 1. Permettez-moi de vous souhaiter la bienvenue à Singapour. C est pour nous un honneur d accueillir cette année l Assemblée annuelle du FMI et de la Banque mondiale. Nous espérons que les discussions que nous aurons ici-même à Singapour marqueront une nouvelle étape dans les efforts que nous déployons, ensemble, pour promouvoir une croissance durable dans le monde et sortir nos populations de la pauvreté. L Asie nouvelle et la mondialisation 2. Le monde évolue plus vite que jamais et la mondialisation est le moteur de ce changement. La circulation des biens et des services, du capital et du travail, des technologies et des idées rend nos économies toujours plus interdépendantes. Cette intégration à l échelle mondiale rend aussi nos économies plus productives et nos entreprises plus compétitives. Les consommateurs, quant à eux, bénéficient d un plus large éventail de choix et voient leur niveau de vie s élever. 3. L expérience asiatique montre combien il est bénéfique de se connecter au réseau mondial. En effet, la métamorphose de l Asie repose avant tout sur la mondialisation, c est-dire sur l ouverture des marchés et l ouverture vers l extérieur. Davantage d hommes et de femmes se sont affranchis de la pauvreté en Asie ces vingt dernières années que dans n importe quelle autre région du monde et à toute autre période de l Histoire. Il est significatif qu aucun pays asiatique n ait tourné le dos à la mondialisation après la crise financière qui a frappé de plein fouet notre région en 1997. Au contraire,

2 après avoir stabilisé leur économie, les pays asiatiques ont continué de jouer le jeu de la concurrence, d attirer les investissements étrangers et de promouvoir les exportations. 4. Les gouvernements asiatiques restent convaincus que l ouverture au monde, en dépit des risques qui l accompagnent, est le meilleur garant du progrès économique et de l amélioration du sort des populations. Ils ont cherché à donner à leurs économies les moyens nécessaires pour relever les défis et saisir les chances qui s offrent à elles sur les marchés mondiaux. Ils ont mis en œuvre des politiques macroéconomiques avisées, renforcé leur système financier et poussé leurs entreprises à améliorer leur gouvernance. Certaines de ces initiatives ne sont pas encore achevées, c est vrai. Mais les efforts engagés n ont pas échappé à l attention des investisseurs, la confiance est revenue et les réformes donnent d ores et déjà des résultats. 5. Par ailleurs, la montée en puissance de la Chine et de l Inde a dynamisé la région tout entière. De nouveaux courants d échanges et d investissement se sont créés, tissant des liens non seulement entre, d une part, la Chine et l Inde et, d autre part, les autres pays asiatiques, mais aussi entre tous les pays de la région. Simultanément, l Asie intensifie ses relations avec le reste du monde. Son avenir dépend de son appartenance à l économie mondiale et non pas à un bloc régional fermé. Quant au reste du monde, il se doit de chercher des débouchés en Asie de la même façon que l Asie en cherche dans le monde. 6. L Asie resserre ses liens avec ses partenaires traditionnels, tels que les États-Unis et l Europe. Les pays développés doivent eux-aussi s impliquer davantage dans la croissance et la prospérité de notre région et encourager l Asie à jouer un rôle constructif et responsable dans les affaires du monde. L Asie a aussi les moyens d encourager beaucoup plus les investissements et les échanges commerciaux avec de nouveaux partenaires situés dans des régions émergentes telles que l Afrique, l Amérique latine, la Russie ou l Europe de l Est. La solidité des liens qui s établiront ainsi entre l Asie et l extérieur diminuera les risques de rivalité et de conflits régionaux que pourrait entraîner la renaissance asiatique. Comment tirer parti de la mondialisation 7. De même qu elle a profité à l Asie, la mondialisation peut bénéficier aux autres régions en développement. Ce ne sera pas toujours facile. La situation de départ joue un rôle important. L histoire et la géographie s allient parfois pour compliquer la donne dans certaines régions. C est le cas par exemple pour l Afrique subsaharienne, où se trouve près du tiers du milliard d êtres humains vivant en situation d extrême pauvreté. La malaria et la pandémie du VIH/SIDA, conjuguées au manque d eau potable et de terres arables ainsi qu aux lacunes des institutions et des services de base, ont rendu le décollage économique difficile. 8. Et pourtant, l Afrique change. On y dénombre de plus en plus de gouvernements élus et de moins en moins de guerres civiles. Les autorités s engagent davantage à fournir des services de santé et

3 d éducation de base aux pauvres. Des entreprises se créent et se développent progressivement, en particulier dans le secteur bancaire, le commerce de détail et les télécommunications mobiles. La situation est même devenue très prometteuse dans certains pays de la région, comme la Tanzanie et le Ghana. Ces derniers, il est vrai, ont libéralisé leurs échanges commerciaux, stimulé l investissement et développé le secteur privé. Leur croissance et leurs progrès durables montrent ce que peut accomplir un pays qui déréglemente ses marchés et encourage la libre entreprise. 9. La mondialisation n est certes pas sans risques. Les chocs et les perturbations se propagent à travers les frontières à une vitesse et avec une virulence accrues, au point de déstabiliser parfois les économies. Les écarts de salaires entre travailleurs qualifiés et non qualifiés se sont creusés aussi bien dans les pays en développement que dans les pays industrialisés. Les conséquences négatives de la mondialisation fermetures d entreprises, pertes d emplois, sentiment d insécurité se font généralement sentir avec acuité et de façon immédiate. À l inverse, les conséquences positives de la mondialisation gains de productivité, choix élargi et prix plus bas pour le consommateur, hausse des niveaux de vie se font généralement sentir de façon indirecte et diffuse. Il n est pas surprenant, dans ces conditions, que les thèses protectionnistes gagnent du terrain dans de nombreux pays. 10. Comment pouvons-nous mettre la mondialisation au service de tous? Comment pouvons-nous en atténuer les risques et saisir les chances qu elle nous offre? Il faut d abord instaurer un environnement mondial stable et ouvert, qui ouvre à tous les pays des perspectives de croissance et de développement. Il faut ensuite une bonne gouvernance, afin que ces pays puissent tirer parti de la mondialisation et en répartir les fruits entre les différents segments de la population. Ce n est que lorsque ces conditions sont remplies que les pays adoptent des politiques qui encouragent la mondialisation et qu ils entrent dans un cercle vertueux où chacun d eux est partie intégrante d un système ouvert qui assure la prospérité de tous. Un environnement mondial stable et ouvert 11. La stabilité financière internationale est une dimension essentielle de tout environnement mondial stable et ouvert. Le creusement de déséquilibres macroéconomiques entre les grandes économies peut être une source d instabilité, et la correction qui doit inévitablement s opérer sera d autant plus forte et pénible qu elle aura été différée. 12. Il n existe pas de solution toute faite. Les déséquilibres traduisent essentiellement des différences des comportements d épargne et de consommation dans les principales économies. Le réalignement des taux de change est certes nécessaire, mais les taux de change n auront pas, par euxmêmes, un impact suffisant sur ces déséquilibres. Des mesures plus fondamentales s imposent : il faut modifier les politiques macroéconomiques et engager des réformes structurelles pour infléchir la demande intérieure. Ces changements doivent être coordonnés et s étaler dans le temps, de manière à réduire au minimum le risque d un ralentissement brutal de la croissance mondiale. Il faut discuter de ce

4 problème afin de s entendre sur la façon de procéder, et le dialogue ne doit pas se limiter aux pays du G7 mais inclure aussi les acteurs clés d Asie et d Europe et les pays exportateurs de pétrole. 13. Le commerce international est un autre secteur dans lequel nous devrons agir en priorité. Le commerce stimule la concurrence, la spécialisation et l innovation. C est un instrument crucial pour concrétiser et partager les bienfaits de la mondialisation. Il a profité à tous les pays, mais à des degrés divers. L impasse du cycle de négociations de Doha a donc un coût élevé qui ne se limite pas à l économie. Nos pays seront d autant moins prospères et plus vulnérables que nous restreindrons les échanges et l investissement. Si les pays développés optent pour le protectionnisme, les économies émergentes, que l on exhorte à l heure actuelle à se plier aux disciplines multilatérales, en tireront très vite la leçon. Une montée du protectionnisme ne ferait que des perdants. C est arrivé dans le passé, cela peut se produire à nouveau. 14. Le Cycle de négociations de Doha est une occasion historique de poursuivre la libéralisation des échanges et, ce faisant, de favoriser le développement et de relever les niveaux de vie dans le monde entier. Il ne sera cependant pas facile de parvenir à un accord, car les problèmes commerciaux sont complexes et des échéances politiques se profilent dans plusieurs grands pays. Il me paraît encourageant que, après la réunion de dimanche du Conseil des gouverneurs du FMI avec le Directeur général de l OMC, M. Pascal Lamy, les ministres des finances aient demandé une reprise rapide des discussions afin que le cycle de négociations de Doha débouche sur un accord ambitieux avant la fin de l année. Il est essentiel que tous les pays soient aussi enthousiastes à l idée de concrétiser cet objectif. 15. Pour préserver la stabilité financière mondiale et développer le commerce international, nous avons besoin d institutions multilatérales efficaces telles que l OMC, le FMI et la Banque mondiale. Les mécanismes d assistance et de surveillance à l échelle régionale sont utiles, mais ne peuvent remplacer le FMI et la Banque mondiale. Ces deux institutions sont des arbitres et médiateurs qui veillent à l application impartiale et équitable des règles du jeu. Seules les institutions de Bretton Woods sont en mesure d aborder les problèmes sous un angle universel et d appuyer la coordination des mesures correctives dans les grandes économies. 16. Pour jouer plus efficacement leur rôle et consolider leur légitimité et leur crédibilité, le FMI et la Banque mondiale doivent assurer aux pays une représentation plus équilibrée, qui rendra mieux compte de la réalité actuelle, où l Asie compte quatre des dix plus grandes économies au monde, que la situation géopolitique au lendemain de la seconde guerre mondiale. Le FMI et la Banque mondiale pourront alors faire appel à des points de vue et des expériences plus riches et variés sur les problèmes macroéconomiques et de développement ce qui a fonctionné et ce qui n a pas fonctionné, les risques et les inconvénients auxquels se heurtent couramment les réformes, et la façon dont les politiques standard ont été adaptées avec efficacité aux contextes locaux.

5 17. Le FMI a engagé la réforme de sa gouvernance sur une note favorable. Nous avons mené à bien la première étape, la réforme des quotes-parts, en augmentant le nombre de voix de la Chine, de la Corée du Sud, du Mexique et de la Turquie. Il nous faut maintenant entamer rapidement la seconde phase et réviser les formules de calcul des quotes-parts, accroître le nombre de voix des pays dont la place dans l économie mondiale n est pas suffisamment reconnue, et procéder ensuite à d autres réformes de la gouvernance du FMI. La bonne gouvernance est indispensable 18. En définitive, le caractère bénéfique ou pas de la mondialisation pour un pays dépend de la façon dont celui-ci s y est préparé. Le paradoxe de la mondialisation est qu elle limite le rôle des gouvernements tout en donnant à la bonne gouvernance un rôle plus crucial que jamais. La bonne gouvernance ne consiste pas seulement à ouvrir l économie et à se libérer de l emprise de l administration. Elle consiste aussi à créer les conditions nécessaires à un développement durable et à appliquer énergiquement des politiques destinées à améliorer la vie de tous les segments de la population. 19. Premièrement, les gouvernements doivent veiller au respect de normes élevées d intégrité, autrement dit, pour l essentiel, la primauté du droit, des institutions efficaces, une administration non corrompue et des règlements bien conçus, qui peuvent garantir un environnement économique équitable et concurrentiel, alors que la corruption prive les pauvres des bienfaits de la croissance, fausse les incitations et perpétue la pauvreté. 20. Deuxièmement, les gouvernements doivent développer les compétences de demain. Il leur faut pour cela investir dans une éducation de qualité et dans la formation professionnelle, en prêtant une attention particulière aux segments les plus vulnérables de la population. Nous devons éduquer et former les femmes des zones rurales de manière à ce qu elles puissent élever des enfants désireux d apprendre et de progresser; nous devons éduquer les jeunes, surtout ceux issus des familles démunies, pour qu ils puissent réussir dans un monde en pleine mutation, et nous devons assurer aux travailleurs déplacés une nouvelle formation et la revalorisation de leurs qualifications professionnelles pour qu ils puissent trouver un emploi et mener à nouveau une vie productive. 21. Troisièmement, les gouvernements doivent gérer avec doigté le processus d évolution. Celui-ci progresse rapidement, et il n y a pas de temps à perdre. Les gouvernements doivent néanmoins programmer et exécuter les réformes économiques comme il convient. Il leur faut bâtir un consensus parmi les principaux intervenants, peser et gérer les risques associés aux réformes, et corriger le cap en fonction des événements. Par exemple, la crise financière asiatique a montré que les pays doivent renforcer leur surveillance financière et leurs normes prudentielles avant de libéraliser complètement leurs comptes de capital de manière à récolter les fruits d une meilleure allocation des ressources et à réduire l instabilité due aux comportements moutonniers des marchés financiers.

6 22. Quatrièmement, les gouvernements doivent rallier les populations à la mondialisation. Ce n est pas chose facile compte tenu de la résistance naturelle au changement, à l instabilité et à l incertitude. C est peut-être plus facile pour de petits pays comme Singapour, parce qu il est évident que nous n avons pas le choix. Les grands pays ont davantage de ressources, mais la force d inertie y est aussi plus grande, qui freine le changement. Chaque pays est dans une situation différente, et chacun devra trouver son propre point d équilibre. Les gouvernements doivent adapter leurs stratégies au rythme de la mondialisation et donner à tous les segments de la société davantage de possibilités d en tirer profit. Alors seulement pourront-ils avoir une opinion éclairée, à long terme, de leurs intérêts nationaux et résister aux sentiments populistes et aux pressions protectionnistes. 23. Cinquièmement, les gouvernements doivent venir en aide à ceux que la mondialisation fragilise. Les bienfaits de la mondialisation seront rarement répartis de manière équitable à l intérieur d un pays, et certains groupes resteront à la traîne. Les gouvernements doivent trouver les moyens d apporter une assistance à ces groupes et de les aider à progresser au même rythme que le reste de la société. 24. Dans l ensemble, la mondialisation offre le plus grand espoir d améliorer le sort des habitants de la planète. Elle a généré de la croissance et des richesses, et favorisé le commerce et l interdépendance. Elle n est pas dépourvue d inconvénients, mais, convenablement gérée, elle est une force puissante à l appui du bien social. Elle doit faire partie de la solution, pas forcément du problème. Avec une bonne gouvernance et des institutions multilatérales efficaces, tous les pays peuvent maîtriser les risques et tirer parti de l ouverture des marchés et de la concurrence. Conclusion 25. John Maynard Keynes a déclaré à la première Assemblée annuelle du FMI et de la Banque mondiale, en 1946, qu il espérait que les sœurs jumelles de Bretton Woods recevraient trois cadeaux de leur marraine, la fée : a) premièrement, un manteau multicolore pour «toujours se rappeler qu elles appartiennent au monde entier» ;

7 b) deuxièmement, une boîte de vitamines pour stimuler «l énergie et un esprit courageux qui ne classe ni n esquive les questions difficiles, mais s en réjouit et est déterminé à les résoudre» ; c) troisièmement, «un esprit de sagesse pour que leur façon d aborder chaque problème soit absolument objective». 26. Au cours des prochains jours, j espère que nous allons montrer au monde la splendeur du manteau multicolore et franchir une étape décisive en établissant une représentation plus équitable au sein des deux institutions. J espère que nous mobiliserons toute l énergie nécessaire pour améliorer la vie des populations sur l ensemble de la planète. Et j espère que nos délibérations nous permettront d acquérir assez de sagesse et de discernement pour aborder nos problèmes communs et nous efforcer d y trouver ensemble une solution en formant une communauté mondiale unie. 27. Je vous remercie.