MOBBING SUBIR OU RE-AGIR



Documents pareils
Plan et résumé de l intervention de Jean-Philippe Dunand

Agir pour se libérer du mobbing

Comprendre les différentes formes de communication

Attirez-vous les Manipulateurs? 5 Indices

L utilisation de l approche systémique dans la prévention et le traitement du jeu compulsif

Droit du travail - Jurisprudence. Inaptitude médicale résultant de faits de harcèlement moral

outil les niveaux logiques 32 n GO juin 2014

Vous êtes. visé. Comment diminuer les risques et les impacts d une agression en milieu bancaire

Le conseil d enfants La démocratie représentative à l école

AVIS DE LA FÉDÉRATION QUÉBÉCOISE DE L AUTISME DANS LE CADRE DE LA CONSULTATION PUBLIQUE SUR LA LUTTE CONTRE L INTIMIDATION

Aujourd hui, pas un seul manager ne peut se dire à l abri des conflits que ce soit avec ses supérieurs, ses collègues ou ses collaborateurs.

HARCÈLEMENT CRIMINEL. Poursuivre quelqu un, ce n est pas l aimer!

Guide d intervention sur. l intimidation. destiné aux intervenants - 1 -

Cohésion d Equipe - Team Building

M2S. Formation Développement personnel. formation. La confiance en soi Gestion du stress

Bien-être et Performance Collective Des risques psychosociaux au modèle de management et au bien vivre ensemble

LA RECONNAISSANCE AU TRAVAIL: DES PRATIQUES À VISAGE HUMAIN

Coaching et Team Building

Les aspects psychologiques de la paralysie cérébrale : répercussions et enjeux dans le parcours de vie.

JE NE SUIS PAS PSYCHOTIQUE!

Compétences de gestion et leadership transformationnel : les incontournables liés au nouveau contexte environnemental

Guide Confiance en soi

RECO. Définition des bonnes pratiques de prévention dans les centres d appels téléphoniques R.470

Fonction éducative, fonctions psychologiques, deux réalités d une intervention. Jérôme THONON 1

1 Chapitre Chapitre. Le coaching QU EST-CE QUE C EST?

Évaluation et recommandations

QUELQUES CONSEILS AU PROFESSEUR STAGIAIRE POUR ASSEOIR SON AUTORITE

Dignité de la personne au travail BEI - 12/03 - FR

COACH ENTREPRISE - FORMATRICE - MÉDIATRICE

Parent avant tout Parent malgré tout. Comment aider votre enfant si vous avez un problème d alcool dans votre famille.

Parcours de formation. Coach. Et si vous pouviez accompagner vos clients ou vos collaborateurs par le coaching?

CONSEIL & FORMATION EN MANGEMENT ET RESSOURCES HUMAINES. Du sens pour progresser et réussir ensemble. Coaching d'équipe

Améliorer la communication Transmettre l information Mener une politique d évaluation

Or, la prévention des risques psychosociaux relève de l obligation générale de l employeur de protéger la santé physique et mentale des salariés.

Révélatrice de talents. Développement personnel

Contribution à la Consultation nationale des acteurs du soutien à la parentalité

Annie Claude Sortant-Delanoë. L angoisse, nécessité logique entre jouissance et désir

9h à 16h Séminaire d une journée avec Luc Jetté. Nouvelle formule cette année!

NTRODUCTION. Guide de gestion des ressources humaines

Résolution de conflits, coaching et formation

LE HARCÈLEMENT PSYCHOLOGIQUE AU TRAVAIL AU QUÉBEC

Dossier complémentaire pour l analyse de cas

«Docteur je ne peux pas aller travailler» Règles et recommandations pour la rédaction d un certificat médical d arrêt de travail Dr S.

CARACTERISTIQUES DE L APPROCHE GESTALT EN ORGANISATION

Le harcèlement au travail

PROGRAMME VI-SA-VI VIvre SAns VIolence. Justice alternative Lac-Saint-Jean

Code de franc-jeu. du joueur LE FRANC-JEU, C EST L AFFAIRE DE TOUS

A vertissement de l auteur

Un autre signe est de blâmer «une colère ouverte qui débute par le mot TU».

TABLE DES MATIÈRES. PARTIE 1 Des agissements destructeurs de la dignité humaine Le droit et la psychologie à la rescousse de la victime...

2) Les déterminants de la motivation des arbitres et entraîneurs:

MASTER PROFESSIONNEL MÉDIATION ET MODÈLES DE DÉVELOPPEMENT. Description des UE, semestres 3 et

Vingt-cinq questions posées lors d une entrevue

APRES TOUT ACTE DE MALTRAITANCE. 3. Elaboration des recommandations de pratique. 4. Diffusion au personnel des recommandations.

Le harcèlement psychologique au travail

L enfant sensible. Un enfant trop sensible vit des sentiments d impuissance et. d échec. La pire attitude que son parent peut adopter avec lui est

Garth LARCEN, Directeur du Positive Vibe Cafe à Richmond (Etats Unis Virginie)

Santé et relations humaines au travail Sommes-nous prêts à être plus performants?

La politique de l entreprise (esprit et incitation au challenge) implique :

Politique d utilisation des médias sociaux et des technologies de l information

BILAN DE CARRIERE. La convergence de 2 mondes : Les Ressources Humaines Le développement personnel & l engagement relationnel

«Tout le monde devrait faire une psychothérapie.»

COMMENT RECONNAITRE SON STYLE DE MANAGEMENT PREFERENTIEL?

Information, confiance et cohésion sociale dans un conflit environnemental lié à un projet de parc éolien au Québec

3. Un crédit à la consommation responsable

FD/YMC N Contacts IFOP : Frédéric Dabi / Yves-Marie Cann POUR

Y A-T-IL COUPLE? Introduction. Pour qu il y ait couple, il faut du temps

Modulo Bank - Groupe E.S.C Chambéry - prérequis à la formation - doc. interne - Ecoute active.doc Page 1

Le dépistage du cancer de la prostate. une décision qui VOUS appartient!

Les représentations sociales des juges et des experts concernant le meilleur intérêt de l enfant dont la garde est contestée

RAPPORT SYNTHÈSE. En santé après 50 ans. Évaluation des effets du programme Les médicaments :

Les obstacles : Solutions envisageables :

LES CONGES DU PRATICIEN HOSPITALIER FICHES PRATIQUES

RAPPORT FONCTION MANAGERIALE Pierre DURAND 11/09/14 Toute l information contenue dans ce rapport est confidentielle.

Du temps s.v.p. ARTICLE PARU DANS L ÉDITION DU MERCREDI LE 26 MAI 2004.

«PRATICIEN DU CHANGEMENT & PROFESSIONNEL DE LA RELATION»

Objectif. Développer son efficacité personnelle par une meilleure communication avec soi et les autres

Burn out des professionnels de santé. Quels facteurs? Comment le mesurer? Quelles conséquences?

Guide à l intention des familles AU COEUR. du trouble de personnalité limite

JOURNÉE DE PERFECTIONNEMENT Mardi, 13 septembre 2011, Rouyn-Noranda

Introduction Quels défis pour l Administration Publique face àla crise? Crise et leadership : quelles relations? Quels défis pour les dirigeants?

GUIDE DE CONDUITE ÉTHIQUE DES AFFAIRES Conflit d Intérêts

GROUPE DE SPECIALISTES SUR UNE JUSTICE ADAPTEE AUX ENFANTS (CJ-S-CH) QUESTIONNAIRE POUR LES ENFANTS ET LES JEUNES SUR UNE JUSTICE ADAPTEE AUX ENFANTS

coaching et formation en entreprise passons au niveau supérieur

Cours de Leadership G.Zara «LEADERSHIP»

Qu est-ce que je dois faire lorsque je reçois une assignation à comparaître?

BURN OUT DES PROFESSIONNELS DE SANTE. Et Hygiène? Dr JC Perréand-Centre Hospitalier Valence

La supervision en soins infirmiers

Code déontologique à l attention des professionnels de l information - Projet

INTRODUCTION. Master Management des Ressources Humaines de l IAE de Toulouse Page 1

QUATRE CAS DE BLOCAGES ET CONFLITS LORS D ENTRETIENS PROFESSIONNELS JEU DE ROLE

EVALUATION 360 MODE D EMPLOI

Situation n o 20 Des allégations vous concernant sur les réseaux sociaux

Les «risques psychosociaux» au travail : De quoi parle-t-on? Comment aborder ce sujet? Quelques repères

La psychothérapie. Se poser les bonnes questions

Cahier des charges pour le tutorat d un professeur du second degré

RETOUR AU TRAVAIL Stratégies de soutien du superviseur lorsque la santé mentale joue un rôle dans le retour de l employé au travail

Accompagner les organisations dans la mise en place de modes collaboratifs pérennes, basés sur l engagement et la confiance. 2 POLES D EXPERTISE

Campus et hygiène de vie

Le référentiel RIFVEH La sécurité des personnes ayant des incapacités : un enjeu de concertation. Septembre 2008

Transcription:

MOBBING SUBIR OU RE-AGIR (Texte paru dans le numéro de Novembre 1997 de Psychoscope (FSP) - Auteurs : Marie-Claude Audétat, Psychologue du travail, Neuchâtel, en collaboration pour la recherche documentaire avec Carole Chevallay, étudiante en psychologie du travail) INTRODUCTION Le terme «mobbing», de l anglais «to mob» (molester, malmener) est un mot que l on entend souvent ces derniers temps ; repris par la presse, utilisé par les clients se déclarant «mobbés», il reste cependant difficile de savoir ce qu il recouvre exactement. Cet article a donc pour objectifs de clarifier le concept de mobbing, et au travers d exemples concrets tirés de la pratique de l auteure, d ouvrir le débat sur les causes du mobbing ainsi que de proposer des options de prévention et ou de solution. DEFINITION DU MOBBING Selon Heinz Leymann, docteur en psychologie du travail, professeur à l Université de Stockholm, et auteur très souvent cité à ce sujet, le mobbing définit «l enchaînement, sur une période dépassant six mois, de propos et/ou d agissements hostiles, exprimés ou manifestés en général plusieurs fois par semaine, par un ou plusieurs protagonistes envers une tierce personne.» Plus communément, on parlera de harcèlement psychologique, de persécutions sur le lieu de travail. Pour affiner cette définition, l on distingue généralement cinq catégories de comportements répétitifs à l égard d une personne «mobbée», à savoir : Compromettre la communication, par exemple, empêcher toute possibilité pour la personne de s exprimer, de s expliquer, Isoler la personne socialement, par exemple en ne lui adressant plus la parole, l isoler, déplacer sa place de travail Discréditer la personne, par exemple ridiculiser ses initiatives, critiquer, accentuer une faiblesse, Changer l attribution des tâches, diminuer les responsabilités, attribuer des tâches inutiles, rechercher les erreurs en permanence, donner une surcharge constante de travail, Compromettre la santé de la personne, par exemple, la contraindre à des travaux nuisibles à sa santé, l agresser physiquement Des recherches effectuées en Suède mettent en évidence l existence ainsi que la proportion de situations de mobbing horizontal (entre collègues) 44% des cas, de mobbing vertical descendant (supérieur face à un(e) subordonné(e)) 37% des cas, de mobbing combiné (les deux précédents ensemble) 10% des cas, ainsi que de mobbing vertical ascendant (un subordonné face à un supérieur) 9% des cas. 1

Certains auteurs se sont posés la question de savoir si l on pouvait relever des différences entre hommes et femmes quant au mobbing ; il semble à ce sujet que la différence la plus significative se trouve dans le choix des comportements : les femmes auraient en effet tendance à choisir des stratégies plus actives, telles que propager des rumeurs, critiquer ouvertement, critiquer systématiquement, etc., alors que les hommes exprimeraient leur hostilité de manière plus passive, par exemple en n adressant plus la parole, en surchargeant de travail, en ne prenant plus compte des suggestions, etc. Le mobbing a de toute évidence des implications coûteuses, tant du côté de l entreprise que pour la personne impliquée : Du point de vue de l entreprise, on constate souvent une diminution de la qualité du travail, de la motivation du personnel ainsi que de la collaboration entre les individus, mais également une augmentation de l absentéisme, ainsi que des taux élevés de rotation du personnel. Du point de vue personnel, les personnes souffrant de mobbing sont sujettes de manière importante aux maladies psychosomatiques, à la dépression, à l augmentation de conduites addictives, ainsi qu à la tendance à s isoler socialement. Il est frappant de constater le parallèle que l on peut faire du point de vue des symptômes notés chez les personnes souffrants de mobbing avec ceux que l on va trouver chez les individus souffrant d épuisement professionnel, ou burn-out. LE POINT DE VUE D UNE PRATICIENNE Me référant à mon expérience de praticienne, intervenant dans les entreprises, mais recevant également des personnes en entretiens individuels, je souhaite apporter ci-dessous mon éclairage sur le concept du mobbing, ainsi que sur ses diverses causes. Le mobbing se définit donc comme un processus, constitué de nombreux actes, par ailleurs pas forcément gravissimes en eux-mêmes, mais prenant de part leur répétition une importance dévastatrice pour la personne impliquée. Par ailleurs, l on assiste la plupart du temps à un renforcement progressif des comportements de mobbing. En ce qui concerne la personne «mobbée», au fur et à mesure que s aggravent les actes de mobbing, on constate que ses facultés de résistance s amenuisent, que des attitudes défensives sont mises en place, (résistance au changement, irritabilité, etc. ) ces dernières renforçant d ailleurs bien souvent ou venant «légitimer» le comportement de mobbing. Tout ceci contribue à une dégradation de l image de Soi : la personne se sent en perte de repères, et ne comprend pas ce qui lui arrive. En ce qui concerne le groupe de collègues témoins de ce processus, il paraît clair que la neutralité ne peut être de mise. Les membres du groupe, traversés notamment par des conflits de loyauté, d intérêts, voir inquiets pour leur propre place, («j avais peur que ça m arrive à moi!») développent petit à petit des prises de position agissant la plupart du temps à l encontre de la personne «mobbée» ; l on assiste ainsi à la naissance de nouvelles perceptions de plus en plus négatives à l encontre de la personne. Le groupe, va ainsi développer «une pensée de groupe» (groupthink) au sens de la définition de Janis I.L.(1972), cherchant avant tout une cohésion et perdant de fait leur indépendance d esprit ainsi que leurs capacités critiques. Rappelons pour mémoire les principaux symptômes de la pensée de groupe : 2

La limitation de la recherche d information, l analyse non approfondie de l information disponible, le refus des informations venant contredire les opinions déjà existantes. L évitement du débat, l autocensure, la tendance à protéger les membres du groupe et les responsables d informations discordantes La perception stéréotypée de «l autre», devenant «l adversaire,» le «responsable», jointe à un optimisme excessif quant aux qualités morales et intellectuelles du groupe, provoquant une illusion rassurante d invulnérabilité. On observe alors à ce stade l apparition de sentiments de confusion, de perte de contrôle de la situation et d impuissance chez la plupart les protagonistes impliqués dans le processus du mobbing. MOBING, QUELLES CAUSES? QUELLES RESPONSABILITES? La question des causes du mobbing soulève de nombreuses questions et autant de prises de position quant aux responsabilités de chacun dans ce processus : Est-ce la faute du climat économique ambiant, de la concurrence acharnée, de la diminution des marges de bénéfices, des impératifs de la gestion à court terme auxquelles sont soumises la plupart des entreprises aujourd hui? Est-ce le type de personnalité ou le caractère des «mobbés» qui pourraient inciter leurs collègues à des actes de mobbing sur eux? Est-ce une problématique relationnelle de la part des «mobbeurs»? Les réponses sont à mon avis multiples et se doivent d être nuancées. En effet, je plaide en ce qui me concerne pour une vision systémique du problème, et m oppose à une définition réductrice du mobbing présentant un «mobbeur» personne persécutrice et malveillante d une part et un «mobbé», personne victime et innocente d autre part ; il me semble en effet que le processus est bien plus complexe et qu il se joue à plusieurs niveaux dans le contexte professionnel : Au travers des situations concrètes dont j ai été témoin, il m apparaît que les actes de mobbing trouvent leur source dans des conflits non reconnus ou non gérés, dans un manque de clarté relationnelle et/ou gestionnelle, dans des difficultés personnelles et de groupe à la résolution des problèmes ainsi qu à une gestion inefficace des conflits. Voyons pour illustrer mon propos les trois exemples ci-dessous : Situation N 1 Monsieur X est responsable d une petite équipe de professionnels qui travaillent ensemble depuis plusieurs années. Monsieur X a toujours eu beaucoup de difficultés à assumer ses tâches de responsable, notamment dans la prise de décisions, les relations et les négociations avec d autres services, etc. La direction le sait mais n est jamais intervenue malgré les demandes des collaborateurs, qui se sentent peu soutenus et mal défendus dans leurs intérêts. On n a par conséquent jamais rien dit à Monsieur X, aucun objectif n a été posé, et aucun moyen pour se former ne lui a été proposé.. Le temps passe jusqu à ce que certaines restructurations soient décidées. Un nouveau collaborateur dans l équipe de direction instaure une dynamique et des positions différentes Petit à petit des comportements relevants du mobbing envers le responsable sont mis en pratique Mise en cause systématique de ses agissements et décisions, contrôle intrusif et réappropriation de tâches relevant de sa responsabilité, mise en doute public de ses 3

compétences Le responsable «perd pied», s isole de plus en plus, déprime et au bout de quelques mois démissionne de son poste «au grand soulagement» de l équipe de direction qui trouvait que vraiment, il n était pas très efficace Situation N 2 Lors d un séminaire de gestion du personnel, un participant, responsable de service dans une administration déclare: «De toute façon, chez nous, il faut avoir «tué père et mère» pour être licencié! Alors, quand ça va pas il ne me reste plus qu à faire du mobbing en espérant que la personne parte d elle-même!» Situation N 3 Madame Z a une quarantaine d année, et a vécu ces dernières années des difficultés répétées sur le plan professionnel. Elle vient me consulter en se déclarant «mobbée» et en se positionnant très clairement comme une victime de tous les dysfonctionnements de l entreprise où elle travaille On ne l informe plus de manière systématique, on l accuse à tort de comportements inadéquats, on l évite, etc. Madame Z souhaite avant tout une confirmation de ma part quant à la «méchanceté» de son employeur. Je souhaite illustrer au travers de ces trois situations très brièvement décrites la complexité des situations dans lesquelles émergent des actes de mobbing. Plus précisément, je formule l hypothèse que le mobbing est la résultante de lacunes non seulement du point de vue administratif que gestionnel mais également de manques de ressources personnelles quant à la gestion de conflits, la négociation et la résolution de problèmes. S'il paraît assez évident que le contexte économique actuel auquel sont confrontées les entreprises renforce le phénomène du mobbing, les difficultés se retrouvent à plusieurs niveaux : Du point de vue du management, le manque de clarté dans la définition des tâches, le manque d information, les difficultés ou l incapacité des supérieurs à poser des limites précises, à définir un cadre de fonctionnement, à aborder de front et rapidement les conflits constitue sans nul doute un terrain favorable à l émergence d actes de mobbing ; tout se passe comme si l on ne pouvait pas faire autrement, ou comme si l on croyait à la résolution de tous les problèmes par l éviction d une seule et unique personne portant toute la responsabilité des dysfonctionnements. Les groupes de collaborateurs au sein desquels se passent ces phénomènes de mobbing sont souvent confrontés à un climat d insécurité face à l emploi, à la nécessité de se confronter au changement ainsi qu à des contraintes de tout ordre ; mais au-delà de ces faits bien réels, il est frappant de constater le manque de conscience que présentent ces groupes tant du point de vue de leur processus que des processus de groupe en général ; je pense ici aux mécanismes d influence, aux phénomènes liés au «bouc émissaire» etc. Les entretiens que j ai pu mener avec des collaborateurs(trices) touché(e)s par le mobbing ont souvent révélé des problématiques personnelles en termes d affirmation 4

de Soi, telles que par exemple des difficultés à se positionner, à dire «non», à formuler des demandes clairement, à assumer un rôle de responsable dans une équipe, etc. QUELLE PRÉVENTION QUELLES SOLUTIONS? Si les causes du mobbing sont multiples, je suis convaincue qu il en est de même en ce qui concerne les solutions et que diverses démarches peuvent être entreprises simultanément : Au niveau des entreprises, il me semble primordial de sensibiliser les directions, les cadres, les responsables d équipes mais aussi les collaborateurs à l importance de développer des compétences relationnelles ainsi que des compétences de management, ceci en termes de gestion de groupe, de prises de décision, de prévention et résolution de conflits. Un moyen me semble particulièrement adéquat pour y parvenir : le coaching. Terme se référant à la notion d entraînements sportifs, le coaching a été repris en psychologie du travail pour désigner l accompagnement des collaborateurs ayant pour objectif le développement de leurs compétences et l atteinte de niveaux d autonomie et d engagement «supérieurs». Selon A. Rondeau, le processus de coaching consiste à aider une personne à : Identifier et analyser les problèmes qu elle rencontre, ainsi que son implication dans ces problèmes Devenir sensible aux différents points de vue et sentiments que peuvent avoir les autres personnes concernées Définir des objectifs, explorer d autres pistes de solutions Mobiliser ses ressources et celles d autres personnes Développer sa confiance dans son potentiel Cette méthode me semble plus efficace que des séminaires de formation ponctuels, dans la mesure où elle se prolonge dans le temps, permettant ainsi, par des entretiens réguliers, de développer une perception de plus en plus claire des situations concrètes rencontrées. D une manière très différente, mais également intéressante, H. Leymann évoque dans son ouvrage une méthode interactive d informations et de discussions ayant pour objectif la prise de conscience du phénomène du mobbing ; dans divers pays scandinaves et plus particulièrement en Norvège, des acteurs se regroupent pour mettre en scène et jouer des cas de mobbing ; à chaque rebondissement de l histoire, les acteurs questionnent le public sur ce que devrait faire chaque acteur pour dédramatiser la situation Ce procédé provoque inévitablement chez les spectateurs des réactions approfondies. Du point de vue du collaborateur ou de la collaboratrice se sentant harcelé, il me paraît déterminant de sensibiliser les personnes à la nécessité de la confrontation avec un regard extérieur, autant d un point de vue psychologique que juridique. A ce sujet, il existe dans certains cantons (c est le cas par exemple pour le canton de Neuchâtel) la possibilité de confier son dossier à des offices de conciliation ou à des personnes habilitées dans le cadre de syndicats afin de mettre sur pied des procédures de médiations entre employeurs et employés 5

D un point de vue psychologique, un travail personnel et/ou en groupe sur une définition «saine» de ses buts professionnels me paraît constituer une première approche pour reprendre confiance en Soi. Il s agira alors de travailler sur les croyances que l on projette dans son travail, par exemple avoir pour but «d être aimé plutôt que respecté», «vouloir gagner à tout prix l approbation de son entourage», «chercher la sympathie par son abnégation au travail», etc. Développer des compétences en Affirmation de Soi constitue une suite logique à ces prises de conscience. En conclusion, diminuer les actes de mobbing au sein des entreprises relève non seulement d une prise de conscience à de multiples niveaux, mais aussi d une responsabilité collective quant au souci de développer pour chaque collaborateur(trice) de nouvelles habiletés relationnelles. BIBLIOGRAPHIE Mobbing : la persécution au travail, H. Leymann, Ed. Le Seuil, Paris, 1996. Causes and Consequences of Various Mobbing Factors at Work, D. Zapf et al., Universités de Konstanz, Giessen et Bielefeld, Allemagne, 7 th European Congress of Work and Organizationsal Psychology, Hungary, 1995. Coaching et responsabilisation des collaborateurs, A. Rondeau et al., Colloque des 10 ans de l ANPP (Association Neuchâteloise des Psychologues et Psychothérapeutes) et APTLF (Association des Psychologues du Travail de Langue Française) sur le thème : «Le changement au travail : subir ou agir. Quel rôle pour la gestion des ressources humaines?» Neuchâtel, 1997. Relations humaines, groupes et influence sociale, G. Mugny, et al., Ed. PUG, Grenoble, 1995. Developing the manager as a helper, J. Hayes, Routledge, London, 1996 6