103 e session Jugement n o Le Tribunal administratif,

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Transcription:

103 e session Jugement n o 2627 Le Tribunal administratif, Vu les requêtes dirigées contre l Organisation européenne pour la sécurité de la navigation aérienne (Agence Eurocontrol), formées le 9 juin 2006 par les quarante cinq requérants dont les noms suivent : M. C. A., M. T. B., M. F. B. sa deuxième, M. J. B. sa quatrième, M. N. C. sa deuxième, M me P. C., M. P. C. sa deuxième, M. F. C. sa deuxième, M. L. D. B., M me A. D. B. sa deuxième, M. R. D. B. sa deuxième, M. P. D. R., M me M. D. sa deuxième, M. G. F. sa deuxième, M. L. G. sa deuxième, M. J. G. sa deuxième, M. R. H. sa deuxième, M. D. H., M. J. H., M. J. I. A. sa troisième, M me D. K. sa deuxième, M. P. L. sa troisième, M. S. L. sa deuxième, M. A. L. sa troisième, M. Michel M. sa deuxième, M. T. M. sa deuxième, M. M. M. sa deuxième, M. V. M., M me C. M. sa deuxième, M. G. M. sa deuxième, M. A. O. sa deuxième, M. N. P. sa deuxième, M me C. P., M. T. P. sa deuxième, M. D. P. C. sa troisième, M. A. P. sa deuxième, M. V. P., M. C. R., M. R. R. sa deuxième, M. C. S. sa deuxième, M. M. S. sa deuxième, M. P. T. sa troisième, M. Y. V., M. J. M. W. et M. M. Y., la réponse de l Agence du 29 septembre, la réplique des requérants du 12 décembre 2006 et la duplique d Eurocontrol du 16 mars 2007; Vu également les requêtes dirigées contre l Agence Eurocontrol, formées le 16 juin 2006 par MM. M. D. K. sa deuxième, A. L., G. L. sa deuxième, E. M., P. Q. sa deuxième et R. T., la réponse de l Agence du 29 septembre, la réplique des requérants du 12 décembre 2006 et la duplique d Eurocontrol du 16 mars 2007; Vu les articles II, paragraphe 5, et VII du Statut du Tribunal; Après avoir examiné les dossiers, la procédure orale n ayant été ni sollicitée par les parties ni ordonnée par le Tribunal; Vu les pièces des dossiers, d où ressortent les faits et les allégations suivants : A. Selon un protocole fiscal signé par les Etats membres d Eurocontrol en 1978, la rémunération du personnel de l Agence est soustraite aux impôts nationaux et soumise à un impôt interne directement prélevé à la source. Ce protocole est entré en vigueur le 1 er janvier 1981. Bien que le système fiscal adopté soit différent de celui applicable au sein des Communautés européennes, la Commission permanente d Eurocontrol a décidé, lors de sa 52 e session en novembre 1978, que l introduction de l impôt interne devait être neutre de toute incidence sur la rémunération nette du personnel de l Agence. Les dispositions statutaires et réglementaires introduisant l impôt interne furent publiées dans la note de service n 110/80 du 2 décembre 1980. Un article 62bis a été introduit dans le Statut administratif du personnel permanent de l Agence Eurocontrol ainsi que dans les Conditions générales d emploi des agents du Centre Eurocontrol à Maastricht. Les articles 62 et 62bis du Statut se lisent comme suit : «Article 62 Dans les conditions fixées par un règlement du Directeur général, et sauf dispositions expresses contraires, le fonctionnaire a droit à la rémunération afférente à son grade et à son échelon du seul fait de sa nomination. Il ne peut renoncer à ce droit. Cette rémunération comprend : 1) un traitement de base ;

2) des allocations familiales ; 3) une allocation de dépaysement ; 4) des indemnités, notamment de transport et de logement. Article 62bis La rémunération du fonctionnaire est soumise à un impôt interne au profit de l Organisation, conformément aux dispositions de l Annexe V.»* Quant à l article 64, il indique : «La rémunération du fonctionnaire exprimée dans la monnaie du pays du Siège de l Agence, après déduction des retenues obligatoires visées au présent Statut ou aux règlements pris pour son application, est ajustée pour tenir compte du régime fiscal applicable et sur la base des conditions de vie aux différents lieux d affectation. Les coefficients indiquant les conditions de vie aux différents lieux d affectation sont fixés par le Conseil provisoire sur proposition du Directeur général. Les modalités d application nécessaires à l ajustement sont fixées par un règlement du Directeur général.»** L article 4, paragraphe 1, de l annexe V précitée***, qui est intitulée «Fixation du montant et de la méthode d imposition des rémunérations des employés d Eurocontrol», énonce le principe d un prélèvement mensuel à la source selon un barème progressif. Le paragraphe 2 se lit ainsi : «Par dérogation au mode de calcul ci dessus : a. la rémunération des heures supplémentaires (forfaitaires ou non), b. la rémunération applicable aux horaires spéciaux, [ **** ] sont calculées, aux fins de la présente imposition, au taux moyen applicable aux autres éléments de rémunération imposables qui sont versés aux intéressés au cours du mois précédent.» Le Règlement d application n 27 du Statut administratif, applicable par analogie au personnel relevant des Conditions générales d emploi et «relatif au mode de calcul des rémunérations en application de l article 64 du Statut administratif et de l impôt interne», se lit comme suit : «Article premier Les présentes dispositions ont pour but de fixer le mode de calcul des rémunérations en application de l article 64 du Statut administratif et des Conditions générales d emploi, de l impôt interne et de la décision adoptée par la Commission permanente à sa 52 e session concernant le caractère neutre de l introduction d un système d imposition interne, à l égard de la rémunération nette du personnel de l Agence. Article 2 1. L ajustement des rémunérations prévu aux articles 64 précités est opéré en fonction du régime fiscal interne et sur la base des coefficients correcteurs fixés par le Conseil provisoire pour chacun des pays d affectation des fonctionnaires et agents. 2. A cet effet, la rémunération est calculée dans l ordre sur les bases suivantes : a) le traitement de base, les allocations et indemnités prévues aux articles 62 du Statut et des Conditions générales, déduction faite des retenues opérées en vertu des articles 72, 73 et 83 du Statut et des Conditions générales ; b) application du coefficient correcteur du coût de la vie ;

c) déduction de l impôt interne applicable aux Communautés européennes selon la réglementation en vigueur ; d) ajustement du résultat obtenu sous a), de manière à obtenir, après prélèvement de l impôt interne EUROCONTROL, le montant net résultant des opérations a), b) et c) ci dessus. [ ]» Les requérants sont affectés soit au Centre de contrôle de l espace aérien supérieur de l Agence à Maastricht (Pays Bas), soit à l Organisme central de gestion des courants de trafic aérien (CFMU, selon son sigle anglais) à Bruxelles ou à Brétigny sur Orge (France). En raison de leurs fonctions, ils sont régulièrement amenés à percevoir des rémunérations accessoires. En mai et juin 2005, tous les requérants sauf un ont introduit des réclamations types à l encontre de leurs bulletins de rémunération des mois de février, mars et avril 2005 au motif que leurs rémunérations accessoires auraient été trop imposées, en violation des dispositions des annexes V ou VI précitées ainsi que du Règlement d application n 27. En août et septembre 2005, le requérant qui n avait pas encore formé de réclamation ainsi que quarante quatre des autres requérants ont introduit des réclamations dirigées contre le bulletin de rappel de rémunération couvrant la période du 1 er juillet 2004 au 30 juin 2005 ainsi que contre «l ensemble des feuilles de paie depuis le 1 er juillet 2005». La Commission paritaire des litiges a examiné les réclamations lors de sa séance du 19 décembre 2005. Dans l avis signé par le président de la Commission le 26 janvier 2006, il est indiqué que celle ci n était pas en mesure d émettre un avis majoritaire sur les deux séries de réclamations, les deux membres désignés par le Comité du personnel et les deux membres désignés par l administration étant en désaccord sur la suite qu il convenait de réserver auxdites réclamations. Par des mémorandums du 9 février 2006, qui constituent les décisions attaquées, le directeur des ressources humaines, agissant au nom du Directeur général, rejeta les réclamations. B. Les requérants affirment que le législateur a souhaité soumettre à une imposition moins lourde les éléments de rémunération énumérés au paragraphe 2 de l article 4 de l annexe V au Statut administratif. Ils accusent l Agence d avoir violé cette disposition en appliquant le taux marginal et non le taux moyen lors de la détermination des rémunérations accessoires nettes communautaires. Ils affirment que la défenderesse garantit à ses fonctionnaires et agents une rémunération nette, appelée le «net communautaire», correspondant à la rémunération nette des fonctionnaires des institutions européennes et qu il s agit non pas d une rémunération «plafond» mais d une rémunération «plancher». Ils expliquent que, dans la pratique, la défenderesse effectue, pour le calcul des rémunérations, une double opération : «Dans un premier temps, elle calcule, sur [la] base du taux d imposition communautaire, le net communautaire, constituant la valeur de référence. Dans un second temps, elle reconstitue artificiellement, à partir du net communautaire, le brut imposable d Eurocontrol en majorant le traitement de base d un ajustement fiscal, auquel est ensuite appliqué le taux d imposition d Eurocontrol.» C est à l occasion de cette seconde étape (reconstitution du brut imposable d Eurocontrol) que, dans les bulletins de rémunération litigieux, la défenderesse a appliqué le taux moyen prévu au paragraphe 2 de l article 4 de l annexe V au Statut. Or, selon eux, c est lors de la première étape c est à dire au moment de la détermination du net communautaire que ce taux moyen aurait dû être appliqué en lieu et place du taux marginal. Pour eux, c est seulement de cette manière que le paragraphe 2 de l article 4 de ladite annexe peut avoir un plein effet sur la rémunération (nette) des fonctionnaires. Ainsi, poursuivent ils, dans le calcul de leur rémunération (nette) qui fait l objet des bulletins de rémunération litigieux, la défenderesse a, contrairement à ce que prévoit le texte visé ci dessus, appliqué un taux marginal; et ce n est qu une fois cette rémunération nette déterminée qu elle a appliqué un taux moyen dans la fixation de la rémunération brute, cette dernière opération n ayant aucune incidence sur leur rémunération nette. Ils en déduisent que c est bien le taux utilisé lors de la première étape fixation du net communautaire qui est déterminant. Or, soutiennent ils, aucune disposition en vigueur à Eurocontrol ne prévoit l application de ce taux marginal. La défenderesse a donc bien violé le paragraphe 2 de l article 4 de l annexe V au Statut en appliquant le taux marginal dans la détermination des rémunérations accessoires nettes communautaires.

Ils ajoutent que, si Eurocontrol devait soutenir que l application du taux marginal découle de l alinéa c) du paragraphe 2 de l article 2 du Règlement d application n 27, il y aurait lieu de conclure à la violation du principe de la hiérarchie des normes puisque les règlements sont des normes de rang inférieur par rapport aux dispositions du Statut administratif. Ils lui reprochent également d avoir mis en place un système opaque et incompréhensible pour les intéressés. Enfin, ils soutiennent que l Agence a «manqué à son devoir de sollicitude et au principe de bonne administration». Les requérants demandent au Tribunal d annuler les décisions attaquées ainsi que les bulletins de rémunération contestés (y compris les bulletins subséquents contenant la même irrégularité) et de condamner l Agence à leur rembourser, avec intérêts, «les montants excessifs prélevés à titre d imposition sur [leur] rémunération complémentaire depuis [leur] entrée en service». Ils réclament également des dépens qu ils évaluent à 1 000 euros par requérant. C. Dans ses réponses, Eurocontrol conteste la recevabilité de la conclusion tendant au remboursement «des prétendues surtaxations» des rémunérations accessoires des requérants depuis leur entrée en fonction à l Agence. Elle rappelle que, selon la jurisprudence du Tribunal de céans, une récupération éventuelle de trop perçu ne peut concerner que les trois mois précédant la date de dépôt de la réclamation. La conclusion des requérants méconnaît donc les règles en matière de forclusion. Sur le fond, la défenderesse explique que la rémunération nette principale et la rémunération nette accessoire sont calculées séparément. La première est versée au début du mois pour le mois en cours alors que la seconde afférente aux heures supplémentaires et/ou aux horaires spéciaux ne peut, par définition, être établiequ à la fin du mois. L annexe V au Statut administratif du personnel énonce uniquement les modalités de l imposition interne à Eurocontrol et c est le Règlement d application n o 27 qui pose les principes suivant lesquels l égalité entre les rémunérations nettes à Eurocontrol et celles versées par les Communautés européennes est assurée. Ce règlement est pris en application de l article 64 du Statut et concerne «l ajustement» prévu à cet article. Le paragraphe 2 de l article 4 de l annexe V au Statut et l alinéa c) du paragraphe 2 de l article 2 du Règlement n o 27 ont des objets différents. Ils ne peuvent donc se contredire et l exception d illégalité soulevée par les requérants à l encontre d une partie du Règlement n 27 est donc sans fondement. Pour l Agence, la rémunération versée doit être égale à celle versée par les institutions de l Union européenne après application du système d imposition propre à ces institutions. C est bien, soutient elle, ce qui est prescrit à l alinéa c) du paragraphe 2 de l article 2 du Règlement n o 27, qui se lit comme suit : «déduction de l impôt interne applicable aux Communautés européennes selon la réglementation en vigueur». Elle précise que la «réglementation en vigueur» est celle appliquée aux Communautés européennes. Pour la taxation des rémunérations accessoires, les Communautés européennes utilisent le taux marginal (la tranche la plus élevée) appliqué à la rémunération principale car telle est leur réglementation fiscale. C est donc à tort, selon elle, que les requérants soutiennent qu il conviendrait de faire un emprunt à la réglementation fiscale d Eurocontrol pour calculer une «rémunération nette Communautés européennes», qui serait d ailleurs fictive puisqu elle ne correspondrait pas à celle réellement versée par les Communautés européennes à leurs fonctionnaires. Pour la défenderesse, ce qui importe, car c est ce qui a été voulu par le législateur, c est l égalité des rémunérations nettes entre les deux institutions, malgré la mise en place d une imposition plus forte à l Agence. Elle ajoute par ailleurs que l utilisation du taux marginal ou du taux moyen de l impôt Eurocontrol n a pas d incidence sur la rémunération accessoire nette du fonctionnaire mais sur les recettes fiscales d Eurocontrol et sur le coût de la rémunération facturé aux usagers de l espace aérien couvert par l Organisation. La défenderesse demande la jonction des requêtes déposées dans les deux présentes affaires. D. Dans leurs répliques, les requérants affirment que c est la complexité du système de taxation en vigueur à Eurocontrol qui les a empêchés de comprendre et de vérifier la régularité de l imposition dont faisait l objet leurs rémunérations accessoires. Ils n ont donc pas été en mesure de contester leurs bulletins de rémunération auparavant. Ils reconnaissent qu un tel bulletin ne peut être attaqué plus de trois mois après son émission mais font observer que, pour la période antérieure à février 2005, ils n attaquent pas ces bulletins mais réclament une indemnité visant à compenser la perte de rémunération subie.

Les requérants soutiennent que le «taux moyen» dont il est fait mention au paragraphe 2 de l article 4 de l annexe V au Statut est le taux moyen communautaire et non le taux moyen de l impôt à Eurocontrol, qui est plus élevé. L intention du législateur était bien de faire bénéficier le personnel de l Agence d un régime d imposition privilégié en ce qui concerne les rémunérations accessoires. Ils affirment que le Règlement n 27 ne fait aucune allusion à une rémunération ou à une imposition identique entre les fonctionnaires d Eurocontrol et ceux des Communautés européennes. Ils reprochent à la défenderesse de faire une interprétation erronée des termes «selon la réglementation en vigueur» contenus à l alinéa c) du paragraphe 2 de l article 2 du Règlement n 27. Selon eux, il s agit là de la réglementation en vigueur à Eurocontrol et non de celle applicable au sein des Communautés. Toute autre interprétation serait en contradiction avec le paragraphe 2 de l article 4 de l annexe V et violerait par conséquent le principe de la hiérarchie des normes. Ils ajoutent que l Agence a tort de chercher à dissocier le Règlement n 27 de l annexe V au Statut. E. Dans ses dupliques, Eurocontrol reconnaît que son système de taxation peut paraître compliqué, mais elle fait observer qu il l est moins que les systèmes nationaux et qu une note de service datant de 1993 permet de procéder aux calculs nécessaires. Elle considère cependant que les requérants ont modifié leur conclusion visant au remboursement, avec intérêts, des montants prélevés à titre d imposition sur leurs rémunérations accessoires depuis leur entrée en service pour la transformer en une action en indemnité. Il s agit, selon elle, d une nouvelle conclusion qui est par conséquent irrecevable. L Agence soutient que l annexe V au Statut administratif ne traite que de l impôt Eurocontrol et qu il n y ait fait aucun renvoi ni aucune référence au système d imposition en vigueur au sein de l Union européenne. Le taux moyen dont il est question au paragraphe 2 de l article 4 ne peut donc être que celui de l impôt au sein de l Agence. Le Règlement n 27 a permis de répondre au vœu de la Commission permanente tendant à ce que l introduction de l impôt interne demeure neutre de toute incidence sur les rémunérations nettes du personnel. Quant à «la réglementation en vigueur» mentionnée à l alinéa c) du paragraphe 2 de l article 2 du Règlement n 27, il s agit exclusivement de celle des Communautés européennes. Il n y a pas lieu, selon elle, de «faire du panachage» entre les régimes d imposition de l Union européenne et d Eurocontrol en prenant un élément de l un pour l introduire dans l autre. L Agence précise qu il existe aussi, au sein de l Union européenne, des rémunérations accessoires, telles que les heures supplémentaires. Elle maintient que les décisions mises en cause «sont juridiquement cohérentes et ne lèsent pas le personnel». L Agence note, enfin, que les requérants ne s opposent pas à la demande de jonction des requêtes dans les affaires A. et consorts et D. K. (n o 2) et consorts. Elle demande que ces requêtes soient également jointes à celles déposées dans les affaires B. et consorts et v. L. (n o 2) et consorts. CONSIDÈRE : 1. Un premier groupe de requérants attaque, par des requêtes déposées le 9 juin 2006, les décisions du 9 février 2006 par lesquelles le directeur des ressources humaines, agissant au nom du Directeur général, a rejeté leurs réclamations introduites à l encontre de leurs bulletins de rémunération pour les mois de février, mars et avril 2005. Un second groupe de requérants attaque les mêmes décisions du 9 février 2006 par des requêtes déposées le 16 juin 2006. La défenderesse, tenant compte du fait que toutes ces requêtes ont le même objet et que les mémoires à l appui de celles ci sont rédigés dans des termes identiques, demande que les affaires soient jointes pour faire l objet d un seul jugement. Les requérants «se réfèrent à justice» sur la demande de jonction, tout en indiquant qu une jonction éventuelle ne devrait pas entraîner de diminution des dépens réclamés au titre de chaque requérant. Le Tribunal estime opportun de joindre les requêtes pour statuer par une seule et même décision. 2. Les faits relatifs à ces affaires, les arguments avancés par les parties ainsi que les dispositions applicables, auxquels il convient de se reporter, sont exposés sous A à E ci dessus.

Sur la recevabilité 3. Dans leur réplique, les requérants admettent qu un bulletin de rémunération ne peut être attaqué plus de trois mois après son émission mais indiquent qu ils n attaquent pas leurs bulletins de rémunération antérieurs au mois de février 2005 et qu en réalité, pour ladite période, ils réclament une indemnité visant à compenser la perte de rémunération liée à la surtaxation depuis leur entrée en service et que cette indemnisation est fondée sur les règles de la responsabilité. Ils citent à l appui de cet argument une jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes. Sans se prononcer sur l opportunité de transposer cette jurisprudence en l espèce, le Tribunal retient qu en tout état de cause aucune demande d indemnisation fondée sur les règles de la responsabilité n avait été formulée devant les instances de recours interne. Il y a lieu dès lors de déclarer une telle demande irrecevable devant le Tribunal de céans, faute d épuisement des moyens de recours interne, en application de l article VII, paragraphe 2, du Statut du Tribunal. Sur le fond 4. Les requérants reprochent à Eurocontrol l application illégale, en vue du calcul des rémunérations accessoires nettes communautaires, du taux marginal en lieu et place du taux moyen prévu par la réglementation fiscale d Eurocontrol. La défenderesse soutient, quant à elle, qu il faut appliquer le taux marginal qu utilisent les institutions européennes. Cette divergence de vues entre les parties provient de leur interprétation différente de l alinéa c) du paragraphe 2 de l article 2 du Règlement d application n o 27. Pour la défenderesse, «la réglementation en vigueur» à laquelle renvoie ce texte est celle appliquée aux Communautés européennes, tandis que pour les requérants «la réglementation en vigueur» dont il s agit est celle du paragraphe 2 de l article 4 de l annexe V au Statut administratif du personnel. 5. Le Tribunal est d avis que, même s il existait une ambiguïté sur la portée de l alinéa c) du paragraphe 2 de l article 2 du Règlement d application n o 27 qui renvoie à «la réglementation en vigueur» sans autres précisions, l interprétation donnée par la défenderesse se heurterait aux dispositions expresses du paragraphe 2 de l article 4 de l annexe V au Statut, norme supérieure, et aurait ainsi pour effet de vider de tout sens cette disposition qui prévoit un mode de calcul dérogatoire en faveur de certaines catégories de personnel pour l imposition due au titre des rémunérations accessoires. 6. Il résulte de ce qui précède qu en appliquant le taux marginal pour le calcul de l impôt interne sur la rémunération accessoire, en lieu et place du taux moyen prévu au paragraphe 2 de l article 4 de l annexe V au Statut, la défenderesse a violé ledit texte. Il y a lieu, en conséquence, d annuler les décisions attaquées, datées du 9 février 2006, portant rejet des réclamations introduites par les requérants à l encontre de leurs bulletins de rémunération pour les mois de février, mars et avril 2005, et d annuler lesdits bulletins. Il appartiendra à l Agence de faire en sorte que le même sort soit réservé aux bulletins de rémunération subséquents qui contiendraient la même irrégularité sur le calcul de l impôt interne. La défenderesse devra donc, s il y a lieu, rembourser aux requérants les montants excessifs prélevés à titre d imposition sur leurs rémunérations accessoires à compter du mois de février 2005, majorés des intérêts au taux de 8 pour cent l an. 7. Les requérants ont droit à la somme globale de 5 000 euros à titre de dépens. Par ces motifs, DÉCIDE : 1. Les décisions du 9 février 2006 sont annulées.

2. Les bulletins de rémunération pour les mois de février, mars et avril 2005 sont annulés. 3. L Agence Eurocontrol remboursera, s il y a lieu, les montants excessifs prélevés, majorés des intérêts au taux de 8 pour cent l an, comme il est dit au considérant 6 ci dessus. 4. Elle versera aux requérants la somme globale de 5 000 euros à titre de dépens. 5. Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté. Ainsi jugé, le 27 avril 2007, par M. Michel Gentot, Président du Tribunal, M. Seydou Ba, Vice-Président, et M. Claude Rouiller, Juge, lesquels ont apposé leur signature au bas des présentes, ainsi que nous, Catherine Comtet, Greffière. Prononcé à Genève, en audience publique, le 11 juillet 2007. Michel Gentot Seydou Ba Claude Rouiller Catherine Comtet *La rédaction des mêmes articles dans les Conditions générales d emploi est similaire, mais le terme «agent» remplace celui de «fonctionnaire» et il y est fait référence à une annexe VI et non V. **L article 64 des Conditions générales d emploi est identique, mutatis mutandis. ***Ou de l annexe VI pour ce qui est des Conditions générales d emploi. ****Ici l annexe VI aux Conditions générales d emploi ajoute «et l indemnité prévue à l article 69bis des présentes Conditions générales d emploi, et l indemnité prévue à l article 69quinquies des présentes Conditions générales d emploi». Pour le reste, la citation est identique. Mise à jour par PFR. Approuvée par CC. Dernière modification: 19 juillet 2007.