Le système Metternich était-il infaillible?

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Transcription:

Gaëtan Cochard Exposé 18.11.2003 Conférence de méthode de David Colon Le système Metternich était-il infaillible? Le Congrès de Vienne tenu de novembre 1814 à juin 1815, puis la signature du traité de la «Sainte-Alliance», dirigés tous deux par le Chancelier autrichien Klemens Von Metternich, ont redessiné la carte de l Europe et réorganisé les relations européennes en faisant en sorte qu aucun Etat n ait la possibilité de dominer le continent par son expansion territoriale, tout en restaurant l ordre de l Ancien Régime par le retour des la légitimité des dynasties et des régimes absolus ou constitutionnel. Les aspirations libérales des nationalités auxquelles on avait fait appel au nom de la défense de la patrie contre les conquérants français en 1813-1815 n ont jamais été prises en compte. L idée nationale, insufflée par les Français, est totalement absente des préoccupations des nouveaux maîtres de l Europe que sont les Empires de Russie, de Prusse, et d Autriche. Ces derniers signent en 1815 le traité de la Sainte-Alliance, qui met en place un système d assistance mutuelle entre les souverains restaurés pour lutter contre le retour de troubles révolutionnaires. Or, la période révolutionnaire a modifié les mentalités européennes, donnant lieu à un développement rapide du libéralisme. C est dans ce contexte d une Europe à la donne géopolitique transformée que le système diplomatique et politique du chancelier autrichien Metternich se met en place, et durera jusqu en 1848. Metternich recherche la stabilité de l Empire d Autriche, qui passe nécessairement selon lui par la stabilité de l Europe, et qui doit faire fi de la souveraineté du peuple, renforcer le principe de la légitimité du pouvoir absolu des princes par l étouffement de tout mouvement qui paraîtrait remettre en cause l ordre européen de 1815. Ainsi, l Europe mise en place par Metternich connaît, en dehors de quelques crises, un demi-siècle de paix. Cependant, le système Metternich s écroula en 1848 avec la fuite du Chancelier autrichien, renversé par des réformateurs modérés. On peut donc se demander si les principes du système Metternich étaient en phase avec les aspirations des peuples européens, et si le système n était pas dès sa création voué à l échec. Dans un premier temps, nous verrons quelles ont été les bases de ce système et les réussites qu il a rencontrées. Puis, dans un second temps, nous étudierons les raisons de sa chute, tant en Europe que dans l Empire d Autriche. I. Le système Metternich, l œuvre du concert européen A. A l origine du système : la Sainte-Alliance Le prince de Metternich (1773-1859) est un admirateur du passé ou, plus exactement, un aristocrate du siècle des Lumières qui n admet pas les idées de la

Révolution française. C est pourquoi il veut maintenir ou restaurer l ordre européen d avant 1789, qui lui paraît le moins mauvais possible. Il considère que la stabilité de l Empire d Autriche passe par la stabilité de l Europe, et signe le 23 septembre 1815 le traité de la «Sainte-Alliance» avec la Russie et la Prusse, ainsi que la Quadruple Alliance (20 novembre 1815) qui unit la Russie, la Prusse, l Autriche et le Royaume-Uni contre la France. Les congrès réunissant ces quatre puissances dominantes européennes donnent la possibilité au chancelier autrichien de développer son fameux système : il convainc les puissances de s attaquer à tout mouvement pouvant remettre en cause l ordre de 1815, la légitimité des princes. Le pouvoir de l Empire d Autriche est très étendu en 1815, et Metternich, chancelier depuis octobre 1809, dirige un Etat multinational qui s étend de l Illyrie au royaume de Lombardie-Vénétie, en passant par le sud l Allemagne actuelle. C est dans son Empire que son système va s appliquer très vite. Après l assassinat du conseiller d Etat russe par un étudiant allemand en mars 1819, il réunit au Congrès de Carlsbad en septembre les principaux souverains allemands pour assurer la répression par l armée autrichienne des manifestations libérales provoquées par l association étudiante la Burschenchaft, qui réclame la liberté collective révélée par un Etat fort. Il obtient l approbation par la Diète de Francfort d un ensemble de mesures limitant les pouvoirs des assemblées constitutionnelles, surveillant les étudiants et censurant la presse. Cette politique extérieure, accaparée par l équilibre européen et la préservation des intérêts de l Etat multinational des Habsbourg, se traduit par une opposition forte à l idée d une union de l Italie (qui n est considérée que comme une «expression géographique») et de l Allemagne. Il nie toute souveraineté nationale à l Italie et aux congrès de Troppau (1820) puis de Laybach (1821), il est chargé de rétablir l ordre c est-à-dire l absolutisme à Naples et au Piémont, royaumes dans lesquels les rois ont été obligés d accorder une Constitution. Il va évidemment de soi que ces dernières furent abolies en même temps que le retour de l absolutisme. Hostile à l Etat-Nation, il crée en Allemagne par l Acte du 10 juin 1815 la Confédération germanique, regroupant 39 états, et présidée par l empereur d Autriche. B. Les principes d un système efficace Le système Metternich emploie la «force dans le droit», pour lutter contre le nationalisme, «hydre de la révolution» : il est conscient que l écrasement d une révolution nationale en un lieu donné conduit à sa réapparition ailleurs. Aussi, la lutte systématique contre les tentations libérales et nationales des peuples est-elle la clé de voûte de son système. Il utilise de nombreux moyens pour faire accepter son système : état policier, arrestations, exécutions, dans le but ultime d empêcher une révolution sociale. Il est l arme des souverains, et utilise la Sainte-Alliance pour légitimer ses interventions. Metternich craint la liberté de la presse qui «perd le corps social : aucune loi répressive n est efficace pour la contenir ; la censure préventive est son régime naturel.».

Enfin, son système repose sur un certain nombre de forces sociales traditionnelles qui demeurent prépondérantes en Europe centrale : l aristocratie terrienne, les corporations urbaines, l Eglise. Toujours à propos de la lutte contre la révolution sociale, il écrit en 1832 au comte Apponyi : «il n existe en Europe qu une seule affaire sérieuse et cette affaire, c est la Révolution». Cependant, on assiste en Europe à l émergence des opinions publiques issues de la Révolution ce qui traduit la vigueur de l idéologie nationale, dont Metternich pressent l existence et qu il se croit capable de juguler. De plus, la Sainte-Alliance s essouffle vers 1825 : l idéologie repose sur le conservatisme et le système se base sur des congrès réunissant les grandes puissances européennes (la France arrive en 1818 dans la Sainte-Alliance), mais la révolution grecque marque un tournant dans le fonctionnement jusqu alors efficace, du système du Chancelier autrichien, en fracturant le «concert européen». II. Metternich, l immobilisme et la répression face aux vagues nationalistes et libérales A. La fissuration de la Sainte-Alliance et l isolation de Metternich Dès 1815 Metternich refuse tout engagement dans les Balkans. En 1827, la révolution grecque marque un tournant dans la politique du système Metternich, basée sur la concertation des grandes puissances. Logique avec lui-même, il refuse d intervenir en faveur des insurgés hellènes, car il ne voit pas la nécessité d un État grec indépendant et comprenait très bien les difficultés qu à longue échéance la Russie ne manquerait pas de susciter. En effet, Metternich préfère voir l'empire Ottoman conserver son intégrité plutôt qu'avoir le chaos nationaliste aux portes de l'empire qui risquerait de profiter à la Russie (le but essentiel du Chancelier était de garantir la stabilité de l Empire d Autriche). L intervention de la France, de la Russie et de la Grande-Bretagne met à mal son système de concertation, car les deux puissances de la Sainte-Alliance n agissent pas dans une action décidée par les Empires européens, et obligent la Turquie à accorder à la Grèce son indépendance en 1829. Les révolutions de 1830 affaiblissent d autant plus le système qu elles sont l expression européenne du mouvement des nationalités. Ce mouvement des nationalités est à la fois un héritage de la Révolution française, il fonde la légitimité d un régime sur «la volonté des peuples concernés de vivre ensemble au sein de la même entité». Mais le sentiment national trouve aussi son origine dans le mouvement réactionnaire et romantique qui manifeste le refus de l universalisme et du rationalisme de l Europe des Lumières. Le sentiment national provient de la tradition, nullement de la volonté du peuple, et c est à l Etat, non à la communauté nationale d unifier la nation. C est en Allemagne que cette conception se manifeste le plus fortement. Ainsi donc, l influence de la révolution de 1830 en France (les Trois Glorieuses les 27, 28, 29 juillet), qui oblige le nouveau roi Louis-Philippe à donner une nouvelle Charte aux Français, et de l indépendance de la Grèce contaminent-elle l Europe. La Belgique proclame son indépendance en août 1830 au détriment du royaume des Pays-Bas, grâce à l appui de la France et de l Angleterre,

qui appuient cette indépendance malgré les appels du roi Guillaume 1 er d Orange aux puissances de la Sainte-Alliance. Face à cet ébranlement du système Metternich en Europe, le Chancelier Autrichien réagit à la propagation du mouvement révolutionnaire en Allemagne et en Italie. En effet, en février 1831, les Etats pontificaux (la Romagne), les duchés de Parme et de Modène subissent une révolte, et les insurgés réclament l instauration de régimes constitutionnels, des «provinces unies italiennes» à la place des despotes. Quant à l Allemagne, en mai 1832, des libéraux demandent des «Etats-Unis d Allemagne» de forme républicaine. Metternich campe sur ses positions et reste inflexible : il rétablit sans difficulté ni effusion de sang l ordre dans les Etats allemands, et 20000 soldats autrichiens réoccupent Parme, Modène et les Etats pontificaux. Ainsi, au lendemain de 1830, Metternich voit son champ d action limité à l Italie, tandis que la Prusse prépare l avenir en créant, en Allemagne, une Union douanière ou Zollverein, à son profit. Les dirigeants anglais, qui se sont toujours montrés réservés, sont franchement hostiles à la politique d intervention et Metternich, s il est plus que jamais le maître de l Autriche, ne régente plus l Europe. C est la fièvre de 1848 qui anéantira définitivement le système Metternich. B. L immobilisme de Metternich conduit à sa perte La politique de Metternich respectait les constitutions traditionnelles, parce que ces dernières laissaient le pouvoir à la noblesse et que Metternich était convaincu de la nécessité des corps intermédiaires afin de mieux pouvoir contrer l émergence de revendications libérales et sociales. C est pourquoi les diètes sont régulièrement convoquées, quitte à ce que le pouvoir central y pratiquât l obstruction systématique lorsqu elles réclamaient, comme la diète hongroise après 1832, des réformes profondes. Metternich voit, en outre, dans le système confédéral la meilleure garantie contre les revendications de certaines nationalités, dans la mesure où l on pouvait jouer les Tchèques contre les Hongrois, les Allemands contre les Italiens, en vertu du vieux principe diviser pour mieux régner, qui inspirait depuis plus d un siècle la politique des nationalités de l Empire multinational d Autriche. C est cette attitude d immobilisme et d absolutisme sans faille, principes de sa politique, qu adopte dès 1821 Metternich face aux revendications des différents peuples qu il gouverne qui va favoriser l enlisement du système Metternich dans l Empire d Autriche. Il reste aveugle à des transformations économiques et sociales étrangères à son système de pensée. En 1831 il fait adopter par la diète de Francfort, siège de la Confédération Germanique, plusieurs mesures dépossédant les diètes locales d'initiatives fiscales et politiques leur permettant de s'émanciper de Vienne. En 1834, il obtient même le renforcement de la censure dans chaque état de la Confédération. En Italie, malgré les mouvements vite réprimés par Metternich en 1820 et 1831, l idée d une unification d une Italie républicaine trouve des partisans. Ainsi, fin 1847, le système Metternich est bien mal en point. Dans l'ensemble, les institutions tiennent le coup, mais en Allemagne, en Italie, en Hongrie des chefs libéraux réclament de plus en plus ouvertement, malgré la censure, une transformation des institutions politiques et la satisfaction de revendications nationalistes. A ces revendications nationales de plus en plus nombreuses s ajoute la montée de la contestation du libéralisme bourgeois apparu grâce à la révolution industrielle qui touche toute l Europe au 19 e.

En mars 1848, une émeute éclate à Vienne, et dégénère : le chancelier Metternich, au pouvoir depuis 1813, s enfuit. En Italie, les autrichiens doivent évacuer Milan, et à Naples, Rome, Turin, les souverains doivent proclamer des Constitutions libérales. En Allemagne, un Parlement se réunit pour mettre en œuvre l unification allemande. C est l échec du système Metternich. Cependant, le «printemps des peuples» ne dure pas car l empire d Autriche n est pas mort, et il se redresse. L armée autrichienne, avec l aide du Tsar de Russie, écrase la révolte hongroise. L ordre réactionnaire est rétabli dans l empire d Autriche, qui met fin aux révolutions italienne et allemande et à leur désir d unification. C est le retour à l ordre de 1815, qui ne sera définitivement aboli que par l action de Napoléon III dans les années 1850. Conclusion L Europe est redevable au système Metternich et à son créateur d un demi-siècle de paix, malgré quelques crises. La restauration de l ordre de 1790 fut, de l avis de nombreux historiens, la meilleure chose à faire dans une Europe en crise, en, pleine restructuration. L homme qui gouverna l Europe pendant plus de dix ans, est resté entêté dans ses principes qui en 1815 fonctionnaient : police politique, censure, emprisonnements, interventions armées, mais il ne sentit pas que quelque chose changeait dans l Europe continentale et qu il fallait faire des concessions à l esprit nouveau. Son système nécessitait la pérennisation du concert européen, de la concertation politique. Ce furent les bêtes noires de Metternich, le libéralisme et les nationalités qui eurent finalement raison du système. Si, en 1815, le système apparaissait comme infaillible, il négligea de se protéger d une de ses erreurs : la mise à l écart des nationalités et des principes issus de la Révolution française. Cependant, il serait faux de penser que la puissance autrichienne et l ordre de 1815 disparurent en même temps que Metternich : il faudra attendre la Première Guerre Mondiale pour voir l empire d Autriche s effondrer.