Le troisième paquet communautaire en matière de sécurité maritime Responsabilité et indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les navires Albert Bergonzo Administrateur du projet SAFEMED (Administration maritime) SAFEMED/REMPEC
Le troisième paquet communautaire en matière de sécurité maritime Responsabilité et indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les navires Le but de cette présentation est de présenter l état des projets européens en matière de responsabilité pour les dommages dus à la pollution par les navires. SLIDE 2 La Communauté européenne se préoccupe de sécurité maritime depuis 1993, et depuis cette époque met en place un ensemble de mesures destinées à améliorer la qualité de la navigation et lutter contre la pollution, en particulier les rejets d hydrocarbures. Les deux premiers paquets législatifs, dénommés Erika I et Erika II, portaient principalement sur la sécurité, avec par exemple une directive sur le contrôle des navires par l état du port ou la création d une agence européenne de sécurité maritime. Le troisième paquet, qui comprend sept projets de directives, étend quelque peu le champ d action, puisqu il prend en compte des sujets comme les droits des passagers ou la responsabilité civile des propriétaires de navires. SLIDE 3 La première question que l on est en droit de se poser porte sur l utilité de légiférer au niveau européen alors qu il existe une agence des Nations Unies, l Organisation maritime Internationale, qui a parfaite compétence sur ces sujets et qui s en saisit largement. On peut apporter à cette question une réponse en deux points : D abord, le choix de pousser les Etats membres de l Union à ratifier les Conventions internationales permet d accélérer l entrée en vigueur de ces Conventions. C est un facteur qui n est pas négligeable, puisque l Union, depuis l intégration des dix derniers Etats en juillet 2004 constitue une puissance maritime importante. L unification des règles à l intérieur de l Union a aussi un avantage pour les navires battant pavillon d un Etat tiers, qui savent qu ils seront soumis à des règles de responsabilité identiques qu ils se trouvent, par exemple, dans les eaux grecques comme dans les eaux espagnoles. Ensuite, la communauté européenne considère que les conventions internationales ne permettent pas de répondre entièrement aux besoins et souhaite élargir le champ d application ou améliorer certaines garanties. Page 1/6
Il y a donc un double mouvement d adhésion aux textes internationaux et de renforcement de ceux-ci dans l ordre communautaire. SLIDE 4 Commençons par l intégration des Conventions pour notre sujet : Deux décisions du Conseil autorisent les Etats membres à ratifier les conventions SNPD et Soutes ; le 18 novembre 2002 pour la Convention SNPD, le 19 septembre 2002 pour la Convention soute. Il faut distinguer l autorisation contenue dans ces décisions de l obligation qui découle d une directive. La motivation de cette autorisation est identique dans les deux cas : Considérant n 5 «La convention hydrocarbures de soute présente une importance particulière au regard des intérêts de la Communauté et de ses États membres car elle permet d'améliorer la protection des victimes dans la réglementation internationale en matière de responsabilité liée à la pollution marine, dans le droit fil de la convention des Nations unies de 1982 sur le droit de la mer.» Ce qui importe dans ce considérant, c est la mise en exergue de la protection des victimes. C est cette idée directrice que l on retrouve dans l ensemble du dispositif communautaire. SLIDE 5 L article 3 de la décision sur la ratification de la convention soutes invitait les Etats à signer celle-ci avant le 30 septembre 2002, et à déposer les instruments de ratification avant le 30 juin 2006. La même date était prévue pour la ratification de la convention SNPD. A ce jour, la Convention soutes a été ratifiée par 7 Etats sur les 25 membres de l Union plus les 2 pays accédants, la Convention SNPD par deux Etats seulement. Par comparaison, le Protocole de 1996 à la Convention de 1976 sur la responsabilité en matière de dommages maritimes a été ratifié par neuf Etats membres. SLIDE 6 A ce stade, il aurait été possible de se contenter de transformer l incitation en obligation sans légiférer plus avant. Cependant, la Commission, dans son analyse, a considéré qu il fallait aller plus loin. Pourquoi? Les conventions existantes consacrent un principe : la limitation quasi absolue de responsabilité des opérateurs. En vertu de ce principe, le propriétaire de navire ne perd le droit de limiter sa responsabilité que si le dommage est commis intentionnellement. Or, ce que la Commission cherche à prévenir, c est la négligence, qui résulte du laisser-aller et de mauvaises pratiques professionnelles, mais que l on ne peut confondre avec la Page 2/6
volonté de nuire. La Commission a donc cherché le moyen de circonscrire la portée de cette limitation de responsabilité. Cette volonté de faire peser une plus lourde responsabilité sur les propriétaires peut entraîner comme conséquence, chez les opérateurs peu scrupuleux, une organisation systématique de leur insolvabilité afin d échapper aux poursuites. Pour rendre efficace les mesures relatives à la responsabilité, il importe donc de mettre en œuvre un régime de garantie financière obligatoire. Un régime similaire est d ailleurs instauré par la Convention soutes, mais la Commission souhaite en étendre le mécanisme au-delà du domaine couvert par cette convention. SLIDE 7 Partant du constat précédent le projet de directive veut remplir deux objectifs : Prévenir les dommages et garantir la réparation. Il s agit d assurer la mise en œuvre dans tous les Etats membres de la Convention de 1996 sur la limitation de responsabilité en matière de créances maritimes et d incorporer ses dispositions dans le droit communautaire. La Cour de justice des communautés européennes deviendra alors compétente pour assurer l uniformité de l interprétation de la convention. Par ailleurs, la création d un système de garantie financière permet de préserver les intérêts des victimes, surtout si l action directe est autorisée. SLIDE 8 Examinons maintenant plus en détail le dispositif mis en œuvre par le projet de directive. Son champ d application est large, puisque tous les navires de 300 tonneaux et plus sont concernés, à l exception des navires de guerre. Cette limite de 300 tonneaux ne doit rien au hasard, elle correspond au seuil du dispositif mis en place en matière de suivi du trafic des navires, selon la directive 2002/59/CE. Concernant le premier grand volet du projet de directive, il importe de noter que celle-ci s inscrit dans le cadre fixé par les conventions internationales : - elle impose aux Etats membres de devenir partie à la Convention de 1996 sur la limitation de responsabilité en matière de créances maritimes ; - elle s applique sans préjudice de la mise en œuvre par les Etats membres des conventions de 1992 sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures, de 1996 sur la responsabilité et l indemnisation pour les dommages liés au transport par mer de substances nocives et potentiellement dangereuses, de 2001 sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures de soute. Page 3/6
SLIDE 9 Le projet de directive cherche aussi à exploiter au mieux les conventions internationales en instaurant un mécanisme qui traite plus favorablement les Etats parties à la convention de 1996. Cette possibilité est offerte par la convention elle-même qui, dans son article 15, donne aux Etats la possibilité de ne pas faire bénéficier du régime de la convention les navires battant pavillon d un Etat qui n est pas lui-même partie à la Convention. Autrement dit, si l Etat du pavillon du navire auteur du dommage est partie à LLMC, c est ce régime, d ordre international, qui s applique. S il n est pas partie, c est le régime communautaire qui sera imposé, et celui-ci est plus répressif puisqu il permet de faire sauter la limitation de responsabilité en cas de négligence grave. Le but recherché est bien sûr d inciter les Etats tiers à adhérer à la Convention LLMC. SLIDE 10 Deuxième volet du projet, le régime d assurance obligatoire, inspiré de celui mis en place par les conventions SNPD et Soutes, mais étendu à l ensemble des dommages maritimes. L Europe peut mettre en place un tel régime en vertu du principe selon lequel les conventions internationales laissent aux Etats toute latitude d édicter les règles applicables aux navires entrant dans leurs ports. Plus précisément, la Commission souhaite le concours des assureurs car elle considère que ceux-ci contribuent à renforcer la qualité de la marine marchande, aux côtés de tous les autres intervenants de la chaîne du transport maritime. Le métier de l assurance ne consiste pas à se contenter de délivrer des garanties, mais de se préoccuper de prévenir le risque et d améliorer la sécurité. Il est même considéré que l obligation d assurance aura un effet économique positif. On estime à 5% le nombre de navires dépourvu de couverture d assurance. En obligeant ces navires à se soumettre aux mêmes règles que les autres, on élimine un facteur de distorsion de concurrence. Ceci ne fera par ailleurs pas peser d obligations supplémentaires sur la grande majorité des opérateurs, puisqu ils sont déjà couverts. On voit ici comment, selon le projet de directive, l obligation d assurance permet d améliorer la qualité de la navigation. SLIDE 11 L article 5 du projet de directive fixe un plafond de responsabilité élevé, et ce alors que les études préliminaires considéraient que les plafonds fixés par la Convention de 1996 permettaient de réparer la plupart des dommages. Quoi qu il en soit, le projet fixe une limite qui représente le double des plafonds de la convention de 1996, pour les navires communautaires, mais aussi pour les navires des pays tiers dès qu ils entrent dans les eaux communautaires. Cette garantie financière doit être d une durée d au moins trois mois. Page 4/6
SLIDE 12 Afin de s assurer de la réalité de la garantie, la directive instaure dans son article 7 un certificat, selon un principe que l on trouve par exemple dans la convention soutes ou SNPD. Ce certificat est émis par les pouvoirs publics, qui s assurent que le propriétaire du navire répond aux conditions fixées par la directive. Pour les navires battant pavillon communautaire, le certificat est bien sûr délivré par l Etat d immatriculation du navire, mais pour les pays tiers, il doit être délivré ou visé par un des Etats membres de l Union. Chaque Etat membre reconnaît les certificats émis ou visés par un autre Etat membre, ce qui permet de naviguer dans l ensemble des eaux communautaires avec un seul certificat. Là où le projet de directive innove par rapport au régime des conventions internationales, c est dans l obligation de notifier ce certificat à l entrée dans les eaux communautaires, selon l article 8 de la directive. Il n y a pas à ce stade de détails précis sur la forme que doit prendre cette notification, mais la porte est ouverte pour un échange de données informatisé, puisque la directive prévoit que les informations relatives au certificat de garantie doivent pouvoir être échangées à travers le système communautaire d échange d informations maritimes SafeSeaNet. SLIDE 13 Enfin, deux autres mesures permettent de parfaire le dispositif. L action directe du plaignant contre le fournisseur de la garantie financière permet d évacuer le risque d organisation de l insolvabilité du propriétaire et de ne plus se préoccuper de son identification. Cette action directe permet également de d assurer l efficacité d une mesure sociale de la directive, la garantie du rapatriement des gens de mer en cas d abandon, conformément aux recommandations de la résolution A 930(22) de l OMI. SLIDE 14 En conclusion, je voudrais rappeler que tout ce qui vient d être dit doit encore subir l épreuve du processus législatif communautaire, passage au parle ment européen, négociation en conseil des ministres. En particulier, aucune date n est encore fixée pour l entrée en vigueur de ces mesures. Il s agit cependant de projets faisant l objet d une certaine publicité, et qui ont passé le stade de la simple étude. Page 5/6