VERS DES PROCEDURES EUROPEENNES DE RECOUVREMENT DES CREANCES Réactions de la CCIP au Livre vert de la Commission européenne



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Transcription:

VERS DES PROCEDURES EUROPEENNES DE RECOUVREMENT DES CREANCES Réactions de la CCIP au Livre vert de la Commission européenne Rapport présenté par M. Philippe SOLIGNAC au nom de la commission juridique et adopté à l Assemblée générale du 22 mai 2003

2 PRISES DE POSITION Les procédures civiles d exécution, mises à disposition en droit interne, présentent certaines insuffisances lorsqu il s agit de poursuivre le recouvrement de créances auprès de débiteurs domiciliés à l étranger. Partant de ce constat et dans la perspective de l élaboration d un véritable «espace judiciaire européen», la Commission de Bruxelles souhaite mettre en place deux procédures facilitant le recouvrement des créances au sein de l Union : d une part, une injonction de payer européenne et, d autre part, des mesures pour les litiges portant sur des montants de faible importance. Dans cette optique, un Livre vert a été rédigé sous la forme d un questionnaire, auquel la Chambre de commerce et d industrie entend répondre. I - SUR LE CHAMP D APPLICATION ET LA FORME DES FUTURS INSTRUMENTS COMMUNAUTAIRES La CCIP souhaite que les deux futurs instruments communautaires aient un champ d application limité aux seules affaires transfrontalières, notamment au regard du principe de subsidiarité. Pour assurer la création de procédures supranationales, notre Compagnie propose d utiliser la voie de l unification et, donc, de recourir au règlement communautaire. II - SUR LA PROCEDURE EUROPEENNE D INJONCTION DE PAYER La CCIP est favorable à la création d une procédure d injonction de payer européenne façonnée à partir du modèle dit «par preuve», notamment en vigueur en France. En effet, au regard du montant des créances qui peuvent être en jeu, il faut éviter de donner droit à des demandes fantaisistes. La créance devrait nécessairement être incontestée, de nature pécuniaire et d origine contractuelle. En revanche, aucun plafond ne devrait être imposé

3 quant à son montant pour ne pas réduire l intérêt pratique de la procédure d injonction de payer européenne. Dans l attente d un système informatisé et uniforme de communication entre les juridictions dans les Etats membres, la compétence juridictionnelle pourrait, pendant la première phase de la procédure, être attribuée au tribunal du domicile du créancier. Puis, si le débiteur forme opposition, la procédure se poursuivrait devant le tribunal de son domicile. Sur la forme de la demande, il convient d approuver le recours à un formulaire uniforme, qui devrait, selon notre Compagnie, être accessible et pouvoir être directement rempli «en ligne». Le juge devrait avoir la possibilité de délivrer une injonction de payer partielle, c est-à-dire pour une partie seulement de la créance en cause. Le recouvrement du «solde» devrait pouvoir être poursuivi selon une procédure ordinaire. Toute possibilité de faire appel contre le refus de délivrance d une injonction de payer européenne serait exclue car ce type de recours n est pas admis en matière gracieuse. La décision d injonction de payer devrait être signifiée à personne par un agent d exécution (huissier ou homologue). Pour garantir le respect des droits de la défense, il faudrait que le futur instrument communautaire comporte une obligation d information du débiteur, notamment quant aux modalités de mise en œuvre de l opposition. La faculté d opposition devrait être ouverte au débiteur pendant un délai de quinze jours à compter de la signification, en excluant tout délai flexible. Par souci de souplesse, l opposition pourrait être faite par un simple écrit, dès lors qu il exprime clairement la volonté du défendeur de contester l injonction de payer.

4 III - SUR LES MESURES DESTINEES A SIMPLIFIER ET A ACCELERER LE REGLEMENT DES LITIGES PORTANT SUR DES MONTANTS DE FAIBLE IMPORTANCE La CCIP tient à souligner que le Livre vert fait une présentation très lacunaire de cette nouvelle procédure. Dans ces conditions, il est difficile de se prononcer de manière complète sur le bien fondé du dispositif préconisé. En tout état de cause, il serait nécessaire de définir l articulation éventuelle entre la future injonction de payer et les mesures relatives aux litiges de faible importance. A cet égard, si le plaignant décide de recourir à l injonction de payer européenne, il devrait toujours, selon notre Compagnie, conserver la possibilité, en cas d échec de cette dernière, d utiliser la seconde procédure ainsi envisagée par le Livre vert. Enfin, le recours à des modes alternatifs de résolution des conflits peut être encouragé, à condition que les coûts de procédure restent modérés.

5 INTRODUCTION Le recouvrement des créances est une question cruciale pour les entreprises, notamment pour les PME. En effet, un quart des situations d insolvabilité constatés dans l Union européenne sont liés à des retards de paiement ou à des impayés. Or, les procédures civiles d exécution, qui permettent de lutter efficacement contre ce type de risque au niveau national, présentent de nombreuses insuffisances à l échelle européenne. Cette insécurité juridique suscite alors des craintes et des réticences de la part des entreprises lorsqu elles envisagent de déployer leurs activités en Europe. Plus généralement, ce contexte ne contribue pas au développement serein du commerce au sein du Marché intérieur. Les institutions européennes, conscientes de ces difficultés, ont entamé une large réflexion 1 sur la création d un «espace judiciaire européen». Dans cette perspective, la Commission propose, par l intermédiaire d un Livre vert 2, d instaurer une procédure européenne d injonction de payer et des mesures visant à accélérer le règlement des litiges portant sur des montants de faible importance. A cet égard, elle a lancé une large consultation à laquelle notre Compagnie se propose de réagir. Dans le prolongement de ses précédents rapports sur le sujet, en date du 8 juillet 1999 et du 4 mai 2000 3, la Chambre de commerce et d industrie de Paris tient à formuler certaines observations, tant sur le champ d application et la forme des futurs 1 Tout d abord, le Conseil européen de Tempere des 15 et 16 octobre 1999 a posé le principe de reconnaissance mutuelle en soulignant qu il s agit d un élément essentiel de la coopération judiciaire civile et pénale à l intérieur de la Communauté. Ensuite, le programme commun de la Commission et du Conseil de novembre 2000 a envisagé, comme l une des priorités de la Communauté, la possibilité de supprimer l exequatur pour les créances incontestées. Dans ce contexte est intervenu le règlement CE n 44/2001, puis une proposition de règlement du Conseil portant création d un titre exécutoire européen. 2 «Livre vert sur une procédure européenne d injonction de payer et sur des mesures visant à simplifier et à accélérer le règlement des litiges portant sur des montants de faible importance», 20 décembre 2002, COM (2002) 746 final. 3 «Vers une amélioration du recouvrement des créances au sein de l Union européenne», rapport présenté par Mme Véronique de CHAVAGNAC, 8 juillet 1999 et «Pour un espace judiciaire européen performant», rapport présenté par M. Lucien JIBERT, 4 mai 2000. A ces occasions, notre Compagnie avait proposé la création d une procédure de recouvrement des créances civiles et commerciales (non contestables) selon des modalités identiques à tous les Etats membres et avait suggéré de s inspirer de l injonction de payer telle qu elle existe en France ou en Allemagne.

6 instruments communautaires que sur les caractéristiques techniques des procédures, successivement envisagées.

7 SOMMAIRE PAGE PREMIERE PARTIE : LE CHAMP D APPLICATION ET LA FORME DES FUTURS INSTRUMENTS COMMUNAUTAIRES... 8 DEUXIEME PARTIE : SUR LA PROCEDURE EUROPEENNE D INJONCTION DE PAYER... 11 TROISIEME PARTIE : SUR LES MESURES DESTINEES A SIMPLIFIER ET A ACCELERER LE REGLEMENT DES LITIGES PORTANT SUR DES MONTANTS DE FAIBLE IMPORTANCE... 42 ANNEXE I RAPPEL ET SCHÉMA DE LA PROCEDURE FRANÇAISE D INJONCTION DE PAYER... 56 ANNEXE II TABLEAU COMPARATIF DES PRINCIPALES PROCEDURES NATIONALES D'INJONCTION DE PAYER AU SEIN DE L'UNION EUROPEENNE... 71

8 PREMIERE PARTIE : LE CHAMP D APPLICATION ET LA FORME DES FUTURS INSTRUMENTS COMMUNAUTAIRES Question 1 Des instruments européens relatifs à la procédure d injonction de payer ou au règlement des litiges de faible importance doivent-ils être applicables uniquement aux affaires transfrontalières ou également aux affaires purement internes? L objectif du Livre vert est d assurer une efficacité identique des moyens procéduraux de recouvrement à tous les créanciers, quel que soit leur Etat d origine. Dans cette perspective, les éventuels instruments européens relatifs à la procédure d injonction de payer ou au règlement des litiges de faible importance pourraient avoir un champ d application élargi et être utilisables dans les affaires purement internes. La CCIP estime que le recours à ces deux futurs instruments européens ne devrait être possible que lorsqu un élément d extranéité peut être relevé. Plus précisément, seraient visées les relations qui sont dès l origine transfrontalières (par exemple, le cas d un contrat conclu entre deux parties situées dans deux Etats membres différents) ou qui le deviennent par la suite (ce qui est parfois le cas au stade de l exécution des engagements, notamment en cas de déménagement du débiteur dans un autre Etat membre). En effet, il faut préciser que les procédures envisagées, si elles s appliquaient aux affaires internes, auraient des répercussions sur l organisation juridictionnelle et le

9 droit procédural des Etats membres, ce qui serait contestable au regard du principe de subsidiarité. De plus, en matière d injonction de payer, les législations nationales des Etats membres se scindent en deux écoles, «par preuve» et «sans preuve» 4. Si un choix doit être fait pour une procédure européenne applicable aux litiges transfrontaliers, il serait en revanche difficile d imposer un de ces deux modèles pour le règlement d affaires purement internes, cela à l encontre même de certaines traditions juridiques nationales. Bien évidemment, les Etats membres qui ne disposeraient pas d une procédure nationale d injonction de payer efficace pourraient la réviser en s inspirant de la future procédure européenne. Question 2 Quel est l instrument législatif approprié pour une procédure d injonction de payer et de règlement des créances de faible importance : un règlement ou une directive? Le Livre vert rappelle que chaque instrument directive ou règlement - présente un certain nombre d avantages et d inconvénients. Il ajoute que «la ligne qui sépare les procédures uniformes (règlements) et les procédures harmonisées (directives) n est pas aussi nette qu il pourrait sembler». Selon la Commission, avec une directive, il serait envisageable de n énoncer que des principes fondamentaux, tout en préservant une large marge de manœuvre aux Etats membres. Cependant, un tel choix impliquerait de mettre en conformité les législations nationales avec cette directive et, donc, de remplacer tous les systèmes 4 Cf. infra.

10 internes existants. Avec un règlement, l uniformité de la procédure européenne pourrait être assurée sans pour autant supplanter les droits nationaux. La volonté déjà exprimée par la CCIP dans un précédent rapport est d aboutir à l instauration d outils supranationaux de recouvrement des créances. Or, le seul outil adapté à cette réalisation est un règlement communautaire, et non une directive qui ne conduirait qu à un simple rapprochement des procédures nationales existantes. Par ailleurs, l applicabilité immédiate propre au règlement 5 présente deux avantages : - elle garantit une entrée en vigueur simultanée des procédures européennes : au même moment, tous les justiciables de chaque Etat membre disposeront de ces nouveaux outils communautaires ; - elle évite les incertitudes et les lenteurs des transpositions inhérentes aux directives. 5 A la différence d une directive qui nécessite une loi nationale de transposition.

11 DEUXIEME PARTIE : SUR LA PROCEDURE EUROPEENNE D INJONCTION DE PAYER Question 3 Quels problèmes se posent, le cas échéant, dans l application de la procédure d injonction de payer ou de toute autre procédure de recouvrement des créances non contestées existant dans votre Etat membre? Ces procédures sont-elles applicables aussi aux affaires transfrontalières, lorsque le plaignant ou le défendeur est domicilié dans un autre Etat membre? Dans l affirmative, quels problèmes, le cas échéant, surviennent dans leur application? Dans la négative, comment les créances non contestées dans une affaire transfrontalière doivent-elles être réglées? Observations de la CCIP La procédure française d injonction de payer présente de multiples avantages. Tout d abord, elle permet de recouvrer des créances sans exposer de frais importants. De plus, elle évite les lourdeurs et les délais d une procédure juridictionnelle ordinaire. Enfin et surtout, les ordonnances d injonction de payer sont très rarement contestées par les débiteurs (moins de 5% en moyenne). Tous ces éléments permettent de considérer que le dispositif français est largement accepté et efficace 6. S agissant de l applicabilité aux affaires transfrontalières (lorsque le plaignant ou le défendeur est domicilié dans un autre Etat membre), il convient de se référer aux textes et à la jurisprudence. 6 Cette procédure française a, d ailleurs, constitué une source d inspiration pour plusieurs Etats membres, tels que l Espagne et la Belgique.

12 Aux termes de l article 1406 du Nouveau Code de procédure civile : «le juge territorialement compétent est celui du lieu où demeure le ou les débiteurs poursuivis». De là, la jurisprudence a dégagé le principe selon lequel on peut admettre la mise en œuvre de la procédure d injonction de payer à l encontre d un débiteur dont le domicile est situé à l étranger, dès lors qu il possède une résidence en France au moment des diligences à accomplir 7. Ce principe restrictif rend la délivrance d une injonction de payer impossible lorsque la condition tenant à la résidence n est pas remplie. Il n en demeure pas moins que l utilisation lorsqu elle est possible - de cette procédure pour les affaires transfrontalières pose des difficultés au stade de l exequatur et, tout particulièrement, lors de l exécution de l ordonnance. C est la raison pour laquelle, notre Compagnie s était déjà prononcée en faveur de la création d un titre exécutoire européen 8, en considérant qu il devrait être rapidement complété par la création d une procédure européenne de saisie bancaire conservatoire 9. Question 4 Une procédure européenne d injonction de payer doit-elle être limitée aux demandes pécuniaires? Dans la négative, quels types de demandes non pécuniaires doit-elle inclure? La plupart des Etats membres limitent le champ d application de la procédure d injonction de payer aux obligations pécuniaires. En revanche, quelques Etats, 7 C. Cass. 2 e Civ., 27 mai 1988, Bull. Civ II n 123. 8 Objet de la proposition de règlement du Conseil du 18 avril 2002, COM (2002) 159 final. 9 «Vers une amélioration du recouvrement des créances au sein de l Union européenne», rapport présenté par Mme Véronique de CHAVAGNAC, 8 juillet 1999 et «Pour un espace judiciaire européen performant», rapport présenté par M. Lucien JIBERT, 4 mai 2000.

13 comme la France ou l Italie, l étendent à d autres obligations, autorisant ainsi la délivrance d une «injonction de faire» 10. Toutefois, en raison de la nette prédominance des demandes de paiement dans les affaires civiles, la Commission considère qu il ne serait pas pertinent de retenir un champ d application élargi et estime que seules les obligations pécuniaires devraient être concernées. En accord avec le Livre vert, la CCIP propose de limiter la procédure européenne d injonction de payer aux seules demandes pécuniaires. Celles-ci sont en effet largement majoritaires. De plus, traditionnellement, l injonction de faire constitue d ores et déjà une «entorse» au principe selon lequel on ne peut exiger l exécution forcée d une obligation de faire et, par conséquent, son utilisation reste exceptionnelle. Au demeurant, la plupart des Etats membres ne connaissent pas ce dispositif. Son intégration dans une procédure européenne uniforme pourrait donc susciter des réticences au regard des traditions juridiques nationales. Question 5 Une procédure d injonction de payer doit-elle être applicable aux demandes portant sur certains domaines du droit civil et commercial uniquement ou doitelle exclure de son champ d application certains types de demandes? Dans les deux cas, veuillez préciser les catégories de demandes qui doivent être incluses ou exclues. 10 Art. 1425-1 du NCPC : une injonction de faire peut être délivrée pour toutes les obligations non monétaires fondées sur un contrat si l une des parties au contrat au moins n est pas un commerçant professionnel.

14 La procédure d injonction de payer ne couvre pas le même champ d application dans tous les Etats membres. Ainsi, en France et au Portugal, une distinction est faite entre les demandes liées à l exécution d obligations contractuelles et celles irrecevables- afférentes à des délits. D autres Etats (Allemagne, Finlande) énumèrent simplement les situations pour lesquelles la procédure est interdite. Le Livre vert tend à favoriser l admission de toutes les demandes pécuniaires sans distinction, considérant qu il s agit de la solution la plus souple et la plus simple : cela éviterait les difficultés d interprétation liées à la distinction entre demandes éligibles et non éligibles. Notre Compagnie propose du moins dans un premier temps - de n inclure que les créances d origine contractuelle et d exclure celles fondées sur un délit, un quasidélit 11 ou un quasi-contrat 12, comme c est actuellement le cas en droit français. En effet, le recouvrement des créances extra-contractuelles donne fréquemment lieu à des difficultés. Or, en pratique, «il est bien rare que ces difficultés ne soient pas le signe précurseur d un contentieux complexe pour la solution duquel la procédure expéditive de l injonction de payer serait inadaptée 13». Ce raisonnement, admis en droit interne, peut également être transposé en droit communautaire pour justifier la limitation du champ d application du futur instrument communautaire. 11 Les créances délictuelles ou quasi-délictuelles sont incompatibles avec l exigence d une créance d un «montant déterminé», puisque le montant des dommages et intérêts est subordonné à l appréciation du juge. 12 Par exemple, au titre de réparations locatives qui relèvent davantage du dédommagement d un préjudice subi que de l application du contrat de bail. 13 Solus et R. Perrot, Droit judiciaire privé, T.III Procédure de première instance, Paris, 1991, n 1403, p.1194

15 Question 6 Une procédure européenne d injonction de payer doit-elle être applicable uniquement aux créances jusqu à une certaine valeur? Dans l affirmative, quelle doit être cette valeur maximale? Le Livre vert indique que le montant de la créance est un critère retenu par certains Etats membres pour apprécier la recevabilité de la demande : au-delà d un certain plafond, le recours à la procédure d injonction de payer est impossible. Néanmoins, il précise que la future procédure européenne devrait viser toutes les demandes «incontestées», abstraction faite de leur montant. Comme le rappelle le Livre vert, la procédure d injonction de payer n est ouverte qu au requérant justifiant d une créance «incontestée». Or, ce caractère n est aucunement lié à l importance du montant en cause. Eu égard au succès rencontré par la procédure française d injonction de payer - alors devenue la «procédure de droit commun» pour le recouvrement des créances contractuelles - le plafond a été supprimé en 1972. Cette évolution de la législation française conduit à émettre de sérieuses réserves quant à l admission d un plafond dans le cadre de la procédure européenne d injonction de payer. En effet, rien ne permet de penser que l efficacité rencontrée au niveau national puisse être démentie au niveau communautaire ; autrement dit, il ne semble pas opportun de réduire l accessibilité à ce dispositif.

16 Question 7 L utilisation d une procédure européenne d injonction de payer doit-elle être obligatoire ou facultative seulement si le créancier pense que la demande demeurera incontestée? Dans la plupart des législations nationales qui la connaissent, la procédure d injonction de payer est une procédure facultative de recouvrement des créances ; les parties sont donc libres de l utiliser ou non. Seule l Autriche en fait une étape obligatoire et préalable à toute autre procédure traitant d une demande pécuniaire en dessous d un certain plafond. Le Livre vert propose de suivre la position adoptée par la très grande majorité des Etats membres et de retenir le caractère facultatif de la procédure européenne d injonction de payer. Selon la CCIP, l obligation de recourir à la procédure européenne d injonction de payer en ferait - comme en Autriche un préalable nécessaire à toute procédure ordinaire et occasionnerait incontestablement un alourdissement et un ralentissement des voies d exécution dans leur ensemble ; ce qui serait radicalement contraire à l effet recherché.

17 Question 8 Les juridictions de l Etat membre où le défendeur est domicilié doivent-elles avoir la compétence exclusive pour une procédure européenne d injonction de payer dans les affaires transfrontalières? Le Livre vert envisage la possibilité d attribuer une compétence exclusive au profit des tribunaux de l Etat membre où le défendeur est domicilié. D une manière générale, il considère que cette solution serait un gage de rapidité et d efficacité. Plus précisément, les avantages qu il y voit sont les suivants : - il s agirait d une règle de compétence simple et précise induisant une certaine sécurité juridique ; - ce serait un moyen de s assurer du respect des droits de la défense ; - d un point de vue purement pratique, aucune frontière n aurait à être franchie pour la signification de l injonction de payer au défendeur. Certes, la compétence du tribunal du domicile du défendeur constituerait une solution simple et probablement souhaitable à terme. Néanmoins, dans l attente d un véritable système informatisé et uniforme de communication entre les juridictions des Etats membres 14, ne devrait-on pas envisager dans une phase transitoire, que la compétence soit attribuée au tribunal du domicile du créancierplaignant pendant la première étape 15 de la procédure d injonction 14 Permettant, notamment, la saisie «en ligne» et la circulation par voie électronique des formulaires de demande d injonction de payer. 15 Entre le dépôt de la demande et le terme du délai d opposition.

18 de payer ; ensuite, si le défendeur forme opposition, la procédure se poursuivrait devant le tribunal de son domicile 16. Il faut souligner qu une telle solution soulève la question de la langue de la procédure, particulièrement au regard des formulaires à utiliser 17 Question 9 Un instrument européen instituant une procédure d injonction de payer doit-il contenir des règles désignant les juridictions compétentes dans les Etats membres? Dans l affirmative, quelles doivent être ces règles? La plupart des Etats membres qui connaissent le mécanisme de l injonction de payer appliquent à cette procédure les règles générales de compétence juridictionnelle utilisées pour les procédures dites ordinaires. Seuls certains retiennent des règles spécifiques. Le Livre vert propose de limiter l objet des règles de compétence contenues dans le futur instrument à la désignation de l ordre juridique compétent et de ne pas intervenir au niveau des règles internes propres à chaque Etat membre. Notre Compagnie s associe à cette proposition. En effet, le futur instrument ne devrait pas définir les règles de compétence juridictionnelle nationales. Seul le droit interne pourrait légitimement intervenir en la matière 18. 16 Par comparaison on rappellera que, s agissant du titre exécutoire européen, un auteur a indiqué que «la faiblesse de ce titre est d obliger le créancier à engager son action dans le pays du débiteur : il souffrirait d un vice congénital et serait donc de la poudre aux yeux, car aucune économie de temps ou d efforts ne pourrait être faite par rapport à la procédure ordinaire donnant ensuite lieu à une exequatur», Roger PERROT, Séminaire sur la reconnaissance mutuelle des décisions civiles, Paris, 3 et 4 juillet 2000. 17 Cf. infra. 18 Par exemple, en France, pour les injonctions de payer relatives à des créances civiles, c est le tribunal d instance qui est compétent et non le tribunal de grande instance.

19 Question 10 Un instrument instituant une procédure européenne d injonction de payer doitil contenir des dispositions désignant la personne précise d une juridiction (juge ou greffier) qui doit mener à bien la procédure et qui possède le pouvoir de délivrer une injonction de payer? Dans l affirmative, quelles doivent être ces règles? Au sein des Etats membres coexistent deux écoles - l école «par preuve» et l école «sans preuve». Selon la première, le plaignant a l obligation de produire, devant le juge, une preuve écrite qui justifie la créance en cause. La juridiction assure ainsi une protection minimale au défendeur. Dans la seconde école, il y a une absence totale d examen au fond de la créance. La procédure revêt un caractère quasi administratif et l injonction est délivrée par le greffier du tribunal, le juge n intervenant pas. Selon le Livre vert, le futur instrument pourrait contenir des dispositions désignant la personne précise d une juridiction - greffier ou juge - compétente pour mener à bien la procédure.

20 Notre Compagnie considère qu il ne doit pas appartenir au futur instrument communautaire de déterminer quelle est la personne compétente, au sein de chaque juridiction nationale, pour délivrer une injonction de payer. Cette question relève, par nature, de la législation des Etats membres 19. Question 11 Quelles doivent être les exigences relatives au contenu de la demande de délivrance d une injonction de payer européenne? En particulier, quelles conditions doivent s appliquer à la description des circonstances invoquées comme fondement de la créance? Le Livre vert rappelle que la qualité et la précision requises pour la justification de la créance dépendent largement de l importance de l examen de la demande par la juridiction. Cette demande doit-elle être détaillée ou bien les informations sur l origine de la créance peuvent-elles être très limitées? 19 Si l on devait admettre, au niveau national, le principe d une délégation de pouvoir du juge au greffier, la CCIP considère qu elle ne devrait être possible que si deux conditions cumulatives sont réunies : d une part, il faudrait s assurer que le greffier possède un degré suffisant de qualification et qu il a, par conséquent, reçu une formation adaptée à ce type de fonctions (condition fondamentale dans les Etats où l injonction est, d ores et déjà, délivrée par le greffier). Resterait alors à déterminer l étendue de cette formation au regard du choix du modèle avec ou sans preuve ; d autre part, il semblerait essentiel, en présence d affaires complexes, de prévoir l obligation pour les greffiers de se dessaisir, au profit du juge compétent (comme c est déjà le cas dans certains Etats membres).

21 Notre Compagnie estime que le futur instrument communautaire devrait énumérer les éléments essentiels devant apparaître dans la demande d injonction de payer, cela en conformité avec le modèle «par preuve» (cf. question suivante). Question 12 La production d un document justificatif à l appui de la créance en cause doitelle être obligatoire dans la demande de délivrance d une injonction de payer européenne? Dans l affirmative, quels types de documents doivent être considérés comme suffisants en tant que justification de la créance? Le Livre vert souligne qu élaborer une définition des documents recevables comme justification de la créance est une opération complexe à réaliser. De plus, il précise que des conditions très strictes ôteraient à la procédure européenne d injonction de payer une grande partie de son intérêt pratique et, qu à l inverse, des règles trop laxistes pourraient remettre en question le principe d une obligation de présentation d un document justificatif. Corrélativement et plus fondamentalement, la Commission invite à choisir, pour le futur instrument communautaire, entre l un des deux modèles «par preuve» ou «sans preuve» présents en Europe. En droit français, c est le modèle dit «par preuve» qui a été retenu. Par exemple, un bon de commande daté et signé constitue la preuve tangible de l existence d un

22 contrat et peut justifier la délivrance, par le juge, d une ordonnance d injonction de payer. Ce système, qui permet d éviter toute demande fantaisiste en obligeant le demandeur à établir «sa bonne foi», a prouvé son efficacité et pourrait alors légitimement être transposé dans le futur instrument communautaire. Dans ce sens et conformément à une précédente proposition 20, la CCIP préconise que la preuve de la créance puisse être établie par tout moyen écrit ou assimilé, pour tenir compte des avancées informatiques 21. Elle ajoute que le futur instrument communautaire ne devrait pas entreprendre d énumérer limitativement les documents admis pour justifier la créance, le juge (ou le greffier, selon les Etats membres) devant conserver son pouvoir d appréciation en la matière. Question 13 Doit-il être obligatoire d utiliser un formulaire uniforme pour soumettre une requête d injonction de payer européenne? Dans l affirmative, quel doit être le contenu de ce formulaire uniforme? Dispositions du livre vert Le Livre vert est globalement favorable à l utilisation d un formulaire uniforme. Tout d abord, il aiderait le plaignant au stade de la demande en indiquant la liste complète des thèmes qui doivent être abordés dans sa requête. Ensuite, il faciliterait le traitement électronique des données. Ainsi, dans les affaires transfrontalières, un 20 Cf. rapport De CHAVAGNAC, précité. 21 Par exemple, bons de commande, factures, bons de livraison

23 formulaire multilingue pourrait contribuer à simplifier et à accélérer la procédure en limitant les besoins de traduction et les coûts et délais connexes. Cependant, indépendamment de ces avantages, la Commission est consciente des difficultés techniques liées à la création d un formulaire uniforme. C est pourquoi, elle suggère de limiter son uniformité aux questions centrales et de laisser la possibilité aux Etats membres de le compléter en fonction de leurs besoins spécifiques. Notre Compagnie approuve l élaboration d un formulaire uniforme, qui permettrait une plus grande rapidité de recouvrement des créances grâce au traitement électronique des données. Néanmoins, pour préserver une certaine souplesse au niveau national et comme le propose le Livre vert, il conviendrait de limiter l uniformité du formulaire aux questions essentielles. Pour faciliter le recours à cette procédure européenne d injonction de payer, elle préconise que ces formulaires soient accessibles sur Internet 22, dans chacune des langues des Etats membres, et mis à disposition aux greffes des tribunaux, ainsi qu auprès des Centres de Formalités de Entreprises des CCI en France et de leurs homologues dans les autres Etats membres. Question 14 Quel doit être le rôle des technologies informatiques et du traitement électronique des données : a) dans la communication entre les juridictions et les parties et b) dans la gestion par les juridictions de la procédure européenne d injonction de payer? 22 Cf. ci-dessous question 14.

24 Le Livre vert estime que l utilisation des technologies de l information et le traitement informatique des données constituent des progrès considérables dans la gestion des affaires et dans la communication entre les juridictions et les parties. En effet, cela permet de rationaliser la procédure et de réaliser des économies substantielles en termes d argent et de temps. Il précise que si certaines difficultés existent, elles ne sont pas d ordre juridique mais plutôt technique. La France prévoit déjà ces possibilités dans sa procédure d injonction de payer. En effet, la dématérialisation des procédures présente de très nombreux avantages : le recours accru aux technologies de l information et de la télécommunication est synonyme de gain de temps pour les juridictions et les entreprises, de réduction des intermédiaires dans les démarches à accomplir et de souplesse. C est pourquoi, la CCIP a toujours encouragé l utilisation des technologies de l information et le traitement informatique des données et demande, de manière récurrente, la généralisation des téléprocédures avec, en parallèle, le développement des téléservices 23. A ce titre, on l a vu, le formulaire uniforme préconisé par le Livre vert pour le dépôt des requêtes en injonction de payer devrait être accessible et pouvoir être saisi «en ligne», dans chacune des langues des Etats membres. 23 «Simplifications et téléprocédures : de nouveaux outils au service de l activité des entreprises», rapport présenté par Mme Geneviève ROY, 1 er avril 1999.

25 Question 15 Un examen de la justification de la demande doit-il être réalisé avant la délivrance d une injonction de payer européenne? Dans l affirmative, quels doivent être les critères de cet examen? Le Livre vert rappelle que les législations nationales qui ne prévoient pas un examen sur le fond ont mis en place un «garde-fou» : la pratique ou des dispositions spécifiques permettent de rejeter les requêtes manifestement infondées. Par ailleurs, il précise que, même lorsqu il existe un examen préalable (modèle «par preuve»), celui-ci correspond davantage à un contrôle de plausibilité ou de crédibilité qu à une étude véritablement approfondie de la justification de la demande. Dès lors, la Commission considère qu il est nécessaire d élaborer des lignes directrices générales sur la portée de l examen du fond de l affaire. Dans la logique du modèle «par preuve» qu elle soutient, notre Compagnie estime qu il est souhaitable de privilégier un examen préalable de la justification de la demande avant la délivrance de l injonction de payer. Néanmoins, cet examen ne devrait pas être trop approfondi, faute de quoi, le mécanisme de l injonction de payer perdrait de sa rapidité et donc de son efficacité. De ce point de vue, élaborer des lignes directrices générales dans l instrument communautaire sur la portée de l examen semble être une solution satisfaisante : notamment, il pourrait être envisagé de se référer à une «vérification formelle» des documents justificatifs fournis par le demandeur.

26 Question 16 Doit-il être possible de délivrer une injonction de payer européenne uniquement pour une partie de la créance en cause? Dans certains Etats membres, il est possible de délivrer une injonction de payer partielle. Le Livre vert précise que si cette faculté était admise par le futur instrument communautaire, il serait fondamental d éviter l éclatement d une affaire unique en deux procédures distinctes. En droit français, la délivrance d une injonction de payer partielle - c est-à-dire portant uniquement sur une partie de la créance réclamée - est admise. Néanmoins, l article 1409 alinéa 3 du NCPC prévoit que : «si le juge ne retient la requête que pour partie, sa décision est sans recours pour le créancier, sauf à celui-ci à ne pas signifier l ordonnance et à procéder selon les voies de droit commun». En d autres termes, la signification d une injonction de payer partielle emporte renoncement du demandeur à rechercher le recouvrement intégral de sa créance. Notre Compagnie estime que l admission de la délivrance d une injonction de payer partielle mériterait d être transposée dans une procédure européenne. En effet, la satisfaction rapide des droits des créanciers, même si elle n est pas intégrale, doit être encouragée, surtout lorsqu il s agit de PME. En revanche, il conviendrait de préciser clairement dans le futur instrument communautaire quels seraient les effets d une injonction partielle. A cet égard, et contrairement au droit français - dommageable sur ce point -, elle ne devrait pas faire obstacle au recouvrement de la partie «restante» de la créance selon la procédure ordinaire.

27 Question 17 L injonction de payer européenne doit-elle être délivrée dans un format uniformisé? Dans l affirmative, quel doit être le contenu d une décision uniformisée? Le Livre vert est favorable à la délivrance d une injonction de payer dans un format uniformisé afin, notamment, d en faciliter l exécution dans chacun des Etats membres. Dans la logique de l utilisation d un formulaire uniforme et préétabli pour la requête d injonction de payer 24, il semblerait opportun et cohérent de prévoir que la décision d injonction de payer soit également délivrée dans un format uniformisé, dans la langue de chacune des parties. Question 18 Un appel contre le refus (partiel) de délivrance d une injonction de payer doit-il être recevable? Doit-il être possible d introduire une nouvelle demande de délivrance d une injonction de payer européenne pour la même créance après un tel refus? 24 Cf. question n 13.

28 Le Livre vert ne semble pas enclin à admettre un appel contre le refus de délivrance d une injonction de payer. De la même manière, il se montre plutôt défavorable à la possibilité d introduire des demandes successives d injonction de payer (purgées de leurs vices) pour une même créance. La CCIP estime que refuser la faculté de faire appel 25 peut être justifié par deux raisons majeures, tenant aux règles de procédure civile. D une part, l appel est exclu en matière gracieuse et n est possible que si un réel premier examen au fond de l affaire a eu lieu, ce qui n est pas le cas pour une injonction de payer. D autre part, le créancier qui voit sa demande refusée peut toujours engager une procédure civile ordinaire pour la même créance 26. Pour cette raison, il conviendrait également de rejeter toute nouvelle demande d injonction de payer pour la même créance. Question 19 Quels éléments l information du défendeur sur ses droits et obligations procéduraux accompagnant l injonction de payer européenne doit-elle inclure? Quelles doivent être les conséquences du non-respect de cette obligation? 25 Comme en droit français, l article 1409 alinéa 2 du NCPC prévoyant que : «si le juge rejette la requête, sa décision est sans recours pour le créancier, sauf à celui-ci à procéder selon les voies de droit commun». 26 Cf. infra sur la procédure réservée aux montants de faible importance.

29 Le Livre vert insiste sur la nécessité d assurer un procès équitable. Dans ce but, il suggère de faire figurer dans le futur instrument communautaire un certain nombre d éléments d information obligatoires, tels que : - la possibilité d opposition et le délai ; - les exigences de forme pour l introduction de l opposition ; - la force exécutoire de l injonction de payer si la créance n est pas contestée dans le délai fixé. Concernant les sanctions du non-respect de cette obligation d information, la Commission estime qu il faut définir une norme uniforme afin de garantir une protection égale des droits de la défense dans toute la Communauté. Dans de nombreux Etats membres, le mécanisme de l injonction de payer est principalement fondé sur un «renversement du contentieux» et, dans une première phase, sur l absence de débat contradictoire. Ces deux éléments justifient, à eux seuls, que soit accordée une extrême vigilance à l information relative aux droits et obligations du débiteur. Comme le Livre vert, la CCIP estime indispensable d inscrire une obligation d information du débiteur au sein même du futur instrument communautaire, de manière à garantir le respect des droits de la défense. En ce sens, comme le suggère la Commission, il serait opportun de préciser l étendue de cette obligation en visant expressément les modalités de l opposition et la force exécutoire de l injonction.

30 Les conséquences juridiques du non-respect de cette obligation devraient être clairement établies au niveau européen. Sur ce point, notre Compagnie estime que la plus grande rigueur est nécessaire : comme en droit français, la nullité de l injonction de payer semble être la solution la plus appropriée. Question 20 Un instrument législatif sur une procédure européenne d injonction de payer doit-il inclure des dispositions sur la signification et la notification des documents pour cette procédure spécifique, ou doit-il s accompagner d une harmonisation des règles générales de signification et de notification? Dans ce cas, quel doit être le contenu de ces règles? Le Livre vert relève d emblée l importance de la notification 27 de l injonction de payer et propose donc d inclure des règles précises sur cette question au sein du futur instrument communautaire. Il rappelle qu il existe des procédés différents de notification, avec des exigences plus ou moins importantes, selon les Etats membres. La notification de l injonction de payer est l étape essentielle pour assurer le respect des droits de la défense : elle permet d informer le débiteur de la procédure en cours et fait courir le délai qui lui est accordé pour faire opposition. C est donc le seul acte qui permet d inciter le défendeur à s exécuter ou à contester la demande. Par conséquent, notre Compagnie estime qu il serait souhaitable qu il y ait une certaine harmonisation relative à la notification (signification) des décisions 27 La notification est une formalité par laquelle un acte extrajudiciaire, un acte judiciaire ou un jugement est porté à la connaissance des intéressés. Lorsqu elle est effectuée par un huissier de justice, on parle alors de «signification».

31 judiciaires. Celle-ci pourrait trouver sa place lors de la révision du règlement dit «Bruxelles I». Toutefois, d ores et déjà, un premier pas serait opportunément fait en réglant le problème de la notification de l injonction de payer dans le cadre de la future procédure européenne. Notamment, il conviendrait d exiger que l injonction soit signifiée à personne par un agent d exécution (huissier ou homologue). Question 21 Quel doit être le délai de contestation de la demande? La durée du délai d opposition doit-elle être influencée par certaines caractéristiques de l affaire en cause, et dans l affirmative, lesquelles? Les Etats membres retiennent des délais différents pour faire opposition, allant d une semaine (Allemagne, Suède) à soixante jours (Italie). Quelques Etats vont jusqu à admettre la possibilité pour l autorité compétente de faire varier le délai en fonction des circonstances de l affaire. Il conviendrait d exclure la possibilité d un délai flexible, qui renferme un risque de subjectivité et, donc, d insécurité juridique. Le délai de contestation de la demande devrait être directement fixé par le futur instrument communautaire, à quinze jours à compter de la signification, comme l a déjà proposé la CCIP 28. 28 Rapport de CHAVAGNAC précité.

32 Question 22 Certaines exigences de forme ou de fond doivent-elles être imposées à la déclaration d opposition? Dans l affirmative, quelles doivent être ces exigences? La plupart des Etats membres sont peu exigeants quant à la forme et au fond de la contestation d une injonction de payer. Par exemple, en France, une simple déclaration écrite du défendeur suffit dès lors qu il est mentionné qu il s oppose à la demande. En revanche, dans d autres législations nationales (Italie, Portugal, Espagne), la déclaration d opposition doit comporter au moins un résumé des motifs de contestation. Le Livre vert fait preuve de souplesse et propose de s orienter vers la première solution. S agissant de la forme de la déclaration d opposition, l utilisation d un formulaire, remis au défendeur au moment de la signification, devrait être encouragée. Comme pour la demande d injonction de payer, il conviendrait que ce formulaire soit pré-établi dans chacune des langues des Etats membres. Sur le fond, une simple manifestation de la volonté de la contestation devrait suffire.

33 Question 23 Un instrument créant une injonction de payer européenne doit-il énoncer des règles qui déterminent si une déclaration d opposition annule l injonction de payer ou si l injonction de payer devient l objet de la procédure ordinaire qui s ensuit? Dans l affirmative, quelles doivent être ces règles? Le Livre vert considère que les effets de l opposition ne devraient pas nécessairement entrer dans le champ d application du futur instrument communautaire car les enjeux portent, non pas sur la procédure d injonction de payer elle-même, mais sur la procédure ordinaire qui fait suite à une déclaration d opposition. Si la solution inverse était retenue, il conviendrait de choisir entre l un des deux effets suivants : soit l injonction de payer devient l objet de la procédure ordinaire qui suit, soit l opposition l annule et la procédure ordinaire consécutive est menée comme si la première procédure n avait jamais eu lieu. Comme le suggère la Commission, il serait opportun de ne pas intégrer de dispositions relatives aux effets de l opposition dans le futur instrument communautaire. En effet, l opposition ouvre la voie aux procédures ordinaires, domaine qui relève des législations nationales. Question 24 Si la demande est contestée, l affaire doit-elle être transférée à une procédure ordinaire automatiquement ou uniquement à la demande de l une des parties?

34 Le Livre vert considère qu un transfert automatique de l affaire à une procédure ordinaire est une solution hâtive qui ne correspond pas nécessairement à la volonté du plaignant. Il suggère donc d insérer une requête qui pourrait être soumise dès le stade de la demande initiale, en cochant simplement une case du formulaire uniformisé. Notre Compagnie soutient le principe de l absence d automaticité du transfert de l affaire à une procédure ordinaire. En effet, cela implique de nouveaux délais et des coûts supplémentaires, donc une manifestation expresse de la volonté du plaignant 29. Surtout, il n est pas évident que le tribunal compétent rationae materiae pour la procédure ordinaire soit nécessairement connu dès l origine 30. Pour les mêmes raisons, et d un point de vue pratique, l idée d une case à cocher, de manière anticipée, sur le formulaire uniforme de la demande initiale ne peut être approuvée. Question 25 Une procédure européenne d injonction de payer doit-elle comprendre une ou deux étapes? En d autres termes, la décision initiale doit-elle devenir exécutoire ou une deuxième décision («titre exécutoire») est-elle indispensable après l expiration du délai de contestation de la créance? 29 Même si les délais et les coûts sont éventuellement réduits dans le cadre de la procédure ordinaire pour les demandes portant sur des montants de faible importance. 30 Par exemple en France, le tribunal compétent pour des litiges supérieurs à un certain montant sera certes le tribunal d instance pour la procédure d injonction, mais sera le tribunal de grande instance en procédure de droit commun.

35 Toutes les procédures nationales d injonction de payer en vigueur dans les Etats membres n obéissent pas au même schéma ; certaines comportent une étape, tandis que d autres en comportent deux : - dans certains Etats membres, comme la France, si le délai d opposition s écoule sans que le défendeur ait contesté la demande, l injonction de payer délivrée au terme de la phase non contradictoire devient exécutoire 31 ; - dans d autres pays, comme l Allemagne, l injonction de payer doit être suivie d une deuxième décision exécutoire ou «titre exécutoire», ce qui implique une nouvelle démarche. Le Livre vert relève que le modèle à une seule étape présente la meilleure efficacité. La formule à deux étapes implique une seconde décision exécutoire, ce qui impose des démarches supplémentaires, à la charge du créancier et de la juridiction, et affecte la rapidité de la procédure. Dès lors, pour limiter les délais et les coûts, la CCIP suggère de retenir une procédure européenne, inspirée du modèle français d injonction de payer, comprenant une seule étape. 31 En droit français, l expiration du délai d opposition et la force exécutoire qui en résulte sont simplement certifiés par le greffier de la juridiction, qui appose une formule exécutoire à l injonction de payer.

36 Question 26 Un appel ordinaire doit-il être possible contre une injonction de payer européenne (ou, dans une procédure à deux étapes, contre un titre exécutoire) après l expiration du délai d opposition? Certains Etats membres admettent la possibilité de faire appel de la décision d injonction de payer après le délai imparti pour former opposition. D autres, la France notamment, l excluent de manière catégorique. Le Livre vert préconise de «s interroger sur les raisons qui justifieraient que le débiteur puisse contester la demande par un appel ordinaire», surtout si l injonction de payer lui a été dûment signifiée et s il a été informé de l interdiction de faire appel après l expiration du délai d opposition. L opposition constitue, d ores et déjà, une voie de recours en elle-même. Aussi, l injonction de payer européenne, telle qu envisagée par notre Compagnie, ne devrait pas pouvoir faire l objet d un appel après expiration du délai d opposition. De plus, l objectif premier de cette future procédure, simplifiée et exorbitante du droit commun, est d assurer le recouvrement rapide des créances incontestées, ce qui est incompatible avec l introduction d une faculté d'appel. Par ailleurs, le dispositif préconisé pour faire opposition est particulièrement simple à actionner (forme écrite sans exigences particulières 32, obligation d information sur les 32 Cf. question 22.

37 modalités pour faire opposition 33 ). Dès lors, les droits du débiteur semblent suffisamment protégés dans ce cadre. Il ne serait donc pas opportun de créer une procédure encore plus complexe que celle organisée par le droit commun. Question 27 Une injonction de payer européenne doit-elle acquérir force de chose jugée après l expiration des délais d opposition et/ou d appel? Par souci de sécurité juridique et pour assurer l obtention rapide d une décision définitive, le Livre vert désapprouve la possibilité de remettre en cause l injonction de payer, après expiration du délai d opposition (et/ou d appel). Il faut souligner que dans la grande majorité des Etats membres - dont la France - la décision exécutoire de la juridiction a force de chose jugée si le défendeur ne fait pas opposition dans les délais qui lui sont impartis. De plus, dès lors qu elle privilégie une procédure en une seule étape 34, la CCIP considère que l injonction de payer doit acquérir force de chose jugée, et donc être exécutoire, dès l expiration du délai ouvert au défendeur pour faire opposition. 33 Cf. question 19. 34 Cf. question 25.