Télématique, télémesure, bureautique pour le génie civil et le bâtiment Surveillance et dispositif d'alarme à distance de glissements de terrain Pierre CHAPOT Ingénieur Yves MATICHARD Ingénieur Daniel RAYMOND Technicien supérieur Laboratoire régional de Nancy Le Laboratoire régional de Nancy est souvent confronté, lors de ses études, aux problèmes des mouvements de terrain à évolution lente ou à caractère accidentel. La confortation de ces mouvements peut s'avérer difficile de par la masse importante des sols concernés, le manque d'accessibilité, une géométrie particulière et dans tous les cas onéreuse. Le laboratoire a ainsi développé sur plusieurs sites des systèmes de surveillance et d'alarme mettant en œuvre une micro-informatique. CÔTE CHAPIRON - D 904 RÉSUMÉ Le Laboratoire régional de Nancy a équipé plusieurs sites instables, dont la confortation s'avérait difficile, de systèmes de suivi et d'alarme à distance permettant de garantir la sécurité des usagers (routes, voies SNCF). Partant de ces expériences, un site expérimental (versant instable de Ville-au-Val) a été instrumenté pour un suivi en continu des déplacements, niveaux d'eau, pluviométrie, à partir du Laboratoire régional par l'intermédiaire de microcalculateurs. L'équipement informatique a ainsi permis la surveillance de sites instables à distance. MOTS CLES : 5-42 - Glissement (terrain) - Surveillance - Continu Alarme - Distance - In situ - Expérience - Talus Stabilité des talus Micro-ordinateur - Capteur - Déplacement (mouvement) Pluie - Hauteur Eau - Télécommunication - Informatique Signal lumineux - Signal sonore -/Ville-au-Val. La D 904, sur la commune de Bicqueley, emprunte la vallée de la Moselle au pied d'un versant naturel de forte pente (supérieure à /) d'une hauteur voisine de 40 m, sur environ 300 m de longueur. Juste en amont de la chaussée, le pied du versant est constitué d'une paroi calcaire subverticale de quelques mètres. Toute la partie supérieure comporte une couverture de sols argilo-calcaires humides, altérés et instables. En période pluvieuse ou de dégel, des blocs isolés ou des coulées boueuses dévalent le versant pour s'accumuler sur la chaussée. Un accident est d'ailleurs survenu en décembre 982, plusieurs centaines de mètres cubes de matériaux ayant obstrué la départementale. Compte tenu des difficultés techniques d'un confortement du versant, de son coût, la DDE de Meurthe-et-Moselle a opté pour une surveillance de la D 904 et une mise hors circulation lors de la chute de matériaux. 25 Bull, liaison Labo P. et Ch. - 43 - mai-juin 986 Réf. 3089
J. Le système de protection et de détection est constitué par un grillage métallique de,70 m de hauteur, maintenu par des poteaux en béton scellés dans le sol et espacés de 4 m sur toute la longueur de la zone intéressée en bord amont de la chaussée (fig. ). Deux câbles métalliques de 5 mm de diamètre sont disposés à 0,80 m et,30 m du sol sur toute la longueur à travers les mailles, et coulissent librement dans l'épaisseur du grillage. Les câbles de 50 m de longueur, sont fixés à une extrémité sur le dernier poteau. A l'autre extrémité, les câbles pénètrent dans une baraque où un système de poulies et de contrepoids assure une tension constante. L'abri est implanté au milieu de la zone concernée. Lors de chutes de blocs ou de coulées boueuses, l'amoncellement de matériaux derrière le grillage entraîne une déformation de celui-ci et une tension supplémentaire^des câbles métalliques. Un contacteur de fin de course (± 0,0 m) sur la tige portant les contrepoids (fig. 2) met en action le dispositif de commande des panneaux de signalisation routière avec triflasches et feu rouge placés à chaque extrémité de la zone. La circulation est alors interdite sur les 300 mètres. Dans le même temps, une alarme téléphonique est adressée à la subdivision de l'équipement de Toul. Dans le cas d'une non-réponse, une prospection téléphonique pré-programmée est déclenchée sur cinq numéros de téléphone correspondant au personnel d'astreinte. Le correspondant obtenu doit alors rappeler le poste installé sur le site pour interrompre la prospection. Le rétablissement de la circulation ne peut être fait qu'à partir du site, donc après intervention des services compétents, pour dégager éventuellement la chaussée et vider l'espace entre le grillage et le talus. Fig.. Ensemble de protection pour les chutes de matériaux. Fig. 2. Dispositif de tension : poulies, contrepoids et de détection : contacteur. Le système de protection et d'alarme a donné toute satisfaction à ce jour. Deux alarmes ont été observées, correspondant à des chutes de matériaux. SITE SNCF DE CHAMP-LA-CROIX La ligne SNCF Paris-Bâle est en remblai de 5 à 6 m de hauteur sur versant à Champ-la-Croix près de Langres. Ce remblai, objet de nombreux travaux de confortement par éperons drainants à la fin du siècle dernier, a présenté lors de l'hiver 98-82 d'importants désordres qui ont conduit la SNCF à préciser l'étude de ce site. Les reconnaissances géologiques ont mis en évidence une couverture d'éboulis marno-calcaires d'épaisseur variable sur les formations géologiques du Keuper. L'analyse morphologique du versant a par ailleurs montré le caractère de stabilité précaire de cette couverture. L'instrumentation mise en place (inclinomètres, piézomètres) a permis de formuler l'hypothèse d'une ré-activation locale, au niveau du remblai SNCF, du mouvement de versant à vitesse d'évolution faible, suite à une modification des conditions hydrauliques du site (fig. 3). Face au délai d'intervention (étude, travaux), au coût du confortemerît et à l'existence d'un mouvement d'ensemble du versant, se posait le problème de la sécurité du trafic avant la mise en œuvre de la confortation. La SNCF a choisi de mettre en place un système de surveillance et d'alarme dont la conception a été confiée au Laboratoire régional de Nancy en été 982. Les paramètres retenus pour la surveillance du site de glissement étaient : le déplacement horizontal du remblai, le gauchissement d'une voie. 26
Zone active en 98-983 suivi par le système de surveillance H Fig. 3. Profil en travers équipé du site de Champ-la-Croix. La mesure de déplacement horizontal du remblai est réalisée par l'intermédiaire d'un pendule inverse ancré sous la surface de rupture et placé juste à l'aval du remblai. Un schéma de principe du pendule est présenté sur la figure 4. L'amplitude du déplacement est égale à la demi-somme des déplacements mesurés par les poulies équipées de potentiomètre. La demi-différence permet de juger la dérive du matériel. Le gauchissement des voies est apprécié par le gauche d'un plan constitué de trois traverses équipées d'inclinomètres (mesure de variation angulaire). La nécessité de leur dépose à chaque intervention nous a conduits à les retirer après juin 983. Le système a été complété en été 983 par la mesure du niveau piézométrique de deux piézomètres. L'acquisition des mesures, leur traitement et le système d'alarme sont réalisés à l'aide d'un microordinateur Apple ÎI placé dans l'abri du pendule. La configuration utilisée est présentée sur la figure 5 : Capteurs angulaires Tube PVC Flotteur la carte de commande d'alarme gère le système d'alarme (alarme sonore et visuelle à la section de Chalindrey, située à 2 km); la carte horloge donne la date et l'heure et permet de déclencher la procédure d'acquisition et d'identifier les mesures ; la carte de démarrage automatique permet la réinitialisation du programme en cas de coupure de courant. Plan de glissement Scellement du câble Fig. 4. Schéma de principe du pendule inverse. Capteurs glissement hauteur d'eau température Calculateur Ecran Disque souple Conditionneur Convertisseur analogique/ numérique Carte de commande d'alarme Carte démarrage automatique Conditionneur Liaison électrique (2km) Alarme Imprimante amovible Carte d'imprimante Horloge lumineuse sonore Fig. 5. Synoptique de l'équipement présent sur le site. 27
Effectuer les mesures Afficher les résultats L'intervention du personnel de la SNCF, lors des alarmes a permis de prendre les mesures propres à assurer la sécurité du trafic. A ce jour, le système est toujours opérationnel et donne toute satisfaction. Alarme Glissement >cm Oui SITE DE VILLE-AU-VAL Déclencher alarme - lumineuse - sonore Enregistrement horaire des données Tester le système d'alarme Enregistrement des données à 9 heures Le Laboratoire de Nancy a équipé un versant connu pour son instabilité, le site de Ville-au-Val à une trentaine de kilomètres de Nancy, afin de suivre en continu divers paramètres (déplacement, niveau des nappes, pluviométrie). L'objectif de ces recherches est de préciser le mécanisme des mouvements du versant, et en particulier d'établir les relations mouvements piézométrie-pluviométrie. Ce site a été retenu car il avait déjà fait l'objet d'études géologiques, hydrauliques, topographiques et inclinométriques dans le cadre de fiches de recherches. Le versant est constitué d'une couche d'éboulis (3 à 3 m) de nature essentiellement argileuse avec des passages d'éboulis calcaires ou gréseux surmontant les grès médioliasiques, dans sa partie inférieure. Le glissement est caractéristique des schistes-cartons à la base des marnes du Toarcien. Fig. 6 Organigramme du programme d'acquisition et de stockage des mesures. La programmation (fig. 6) permet d'effectuer une mesure des différents paramètres toutes les cinq secondes avec vérification du test d'alarme sur l'amplitude du déplacement. Les mesures sont stockées sur fichier (accessible sur le site par l'écran ou au laboratoire par transfert du disque souple). En cas d'un déclenchement d'alarme, les données sont stockées à raison d'une série par jour sur les mois précédents et une toutes les trois heures sur les trois derniers jours. Le bon fonctionnement de l'ensemble est vérifié par le déclenchement d'une alarme fictive d'une seconde toutes les heures à la section de Chalindrey. L'ensemble constitue un système d'alerte qui s'est montré particulièrement efficace lors du printemps pluvieux de 983 où deux alarmes ont été observées. La partie basse du versant a été équipée de trois stations suivant un profil en travers : stations amont, intermédiaire et aval (fig. 7). Chaque station comporte une instrumentation classique : inclinomètre LPC, piézomètres, et une instrumentation pour un suivi continu : sondes de pression interstitielle. La station intermédiaire comporte en outre un pendule inverse analogue à celui du site précédent et un pluviographe. L'acquisition des mesures et leur gestion sont assurées par un micro-ordinateur Goupil 3 dans sa configuration IV avec extension. La configuration de l'ensemble présent sur le site correspond à la figure 8. Le programme d'acquisition et de stockage des données est du même type que celui établi sur l'apple II de Champ-la-Croix. La carte convertisseur possède en outre un gain programmable de 0, 00 ou 000. La carte démarrage automatique permet de relancer le programme à un niveau choisi en cas de coupure de 28
l Calculateur Alarme labo labo Fig 8. Configuration de l'équipement micro-informatique du site. Ligne téléphonique normale ou spécialisée Interface ordinateur - ligne - Modem téléphonique Mesure glissement pendule capteurs angulaires Mesure niveau piézo capteurs pression Hauteur des précipitations Pluviographe ai g- I E D C "S. D e <U V) ai < en 3 w cr ver (ogi c o c! o a Calculateur écran - clavier Horloge Carte démarrage automatique Imprimante amovible Carte de commande 8 sorties Unité disque souple stockage données Alarme sonore Alarme 2 exécution tache Alarme 3 courant. La carte de commande huit sorties permet l'interfaçage entre le micro et une commande extérieure (alarme). Chaque voie est commutable par programme. L'intérêt du système élaboré est la présence d'un Modem Telsat à réponse automatique. Le Goupil du site est relié par l'intermédiaire du Modem et d'une ligne PTT à un micro-calculateur analogue au Laboratoire de Nancy. Il est ainsi possible, à partir du laboratoire régional : d'avoir accès aux données stockées, de modifier la procédure d'acquisition. L'ensemble est effectivement opérationnel depuis fin 85. L'analyse de la stabilité du versant en fonction de différents paramètres sera possible depuis le laboratoire sans déplacement sur le site. CONCLUSION Le Laboratoire de Nancy a développé à partir d'équipements micro-informatiques des systèmes de surveillance et d'alerte à distance de sites instables. Ces systèmes donnent toute satisfaction et sont appelés à de nombreuses autres applications. REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES BLONDEAU F., PERROT A., Le versant expérimental de Ville-au-Val, Bull, liaison Labo. P. et Ch. n spéc. II stabilité des talus - - versants naturels, mars 976, p. 07-7. BLONDEAU F., PERROT A., PILOT G., Étude en vraie grandeur de versants naturels instables, IXe CIMSTF, Tokyo, juil. 977, fasc. 3/5, p. 2-24, Bull, liaison Labo. P. et Ch., n spéc. VI F, p. 65-69. BROCARD, GARNIER, PERROT A., RAMEAU, Talus expérimentaux de Ville-au-Val et Corny, Rapp. Labo. Nancy, 980. CARTIER G., POUOET P., Paramètres d'alarme pour les ouvrages construits sur versants instables, Xe CIMSTF, 4, Stockholm, 98, p. 892. DELMAS P., RODRIGUEZ J.-P., Surveillance d'un site de glissement. Système d'alarme à distance, Symposium Int. sur les glissements de terrain, Toronto, 984. PILOT G., PINCENT B., CARTIER G., BLONDEAU F., Mesure des déplacements et confortement des glissements de remblais sur versants, Vile CIMSTF, Paramètres de conception dans la géotechnique, 3, p. 253-260, Brighton, 979. PINCENT B., CARTIER G., PILOT G., Mesure en place des mouvements de versants naturels. Symposium Int., Reconnaissance des sols et des roches par essais en place,, p. 07-, Paris, 983. 29