Evangile : selon saint Matthieu (11,25-27) Merci de m accueillir parmi vous pour partager un peu de la grâce de Lourdes Lourdes : mon premier pèlerinage remonte au mois de septembre 1975, avec un groupe d enfants malades. Ensuite, ce fut la très belle aventure du pélé jeunes, en juillet 1977 comme participante, puis les années suivantes comme animatrice. C est là que, dans ma vie, la foi vécue en famille est devenue un vrai chemin de foi, une foi choisie, personnelle, qui a grandi et m a conduit, dans la prière et la confiance, à découvrir l appel de Dieu pour moi. Bernadette et sa famille, le cachot 1 / 7
Ce qui est pauvre, ce qui est petit, ce qui est méprisé dans le monde, ce qui n est rien, voilà ce que Dieu a choisi... Ce soir, je voudrais évoquer avec vous l enfance de Bernadette, ce temps où a mûri en elle la pauvreté de cœur, mais aussi une grande liberté. Bernadette est née dans une famille ni riche, ni pauvre, presqu un an jour pour jour après le mariage de ses parents. Ceux-ci, François et Louise, forment un foyer aimant. Bernadette, sa sœur Toinette et les petits frères sont entourés aussi de tout l amour de leur grand-mère maternelle et de ses enfants. Tout ce petit monde vit au moulin de Boly, moulin que Bernadette appellera le «moulin du bonheur», parce qu elle y fait une découverte très importante dans la vie de tout homme, de toute femme : l amour familial, l amour humain. Malheureusement, dix ans après la naissance de Bernadette, les malheurs se succèdent : la révolution industrielle voit, dans la région lourdaise, l installation de moulins à vapeur que les petits moulins à eau seront incapables de concurrencer. François, très bon meunier, est illettré et est un bien piètre comptable, qui ne réclame pas l argent à ses clients Il mène plusieurs moulins à la faillite et est vite traité de paresseux. Il est obligé de s engager ailleurs, et sera accusé par le boulanger d avoir volé deux sacs de farine : il est emprisonné 8 jours avant que le boulanger ne reconnaisse son erreur en disant «Je l ai accusé parce que c était le plus pauvre». Mais le mal est fait, on l appellera «le voleur». A la même époque, une grande sécheresse prive les plus pauvres de tout le nécessaire : le pain, le bois pour se chauffer, les légumes tout manque. Puis le choléra s abat sur Lourdes, faisant 38 morts. Bernadette est atteinte et portera toute sa vie des séquelles de cette terrible maladie. 2 / 7
La famille Soubirous est réduite à la plus grande misère. Ils n ont plus ni logement, ni travail fixe, ni nourriture, ni argent C est alors qu un cousin met à leur disposition une pièce de 4 m sur 5, «le cachot», l ancienne prison de Lourdes qui ne sert plus parce qu elle avait été jugée insalubre! Mais les Soubirous restent plus que jamais unis, fidèles aussi à la prière en famille comme témoignera le cousin Sajous. Bernadette se sent exclue à plusieurs titres : exclue par sa piètre santé, par sa pauvreté, par les jugements sur son père, exclue aussi du catéchisme, elle qui souhaite tellement faire sa première communion Pour aller au catéchisme, il fallait apprendre le français, et pour cela, aller à l école Or, Bernadette est de santé trop fragile, et, de plus, doit souvent garder ses petits frères quand Louise trouve du travail Oui, c est au cœur de sa pauvreté, de toutes les exclusions, que Dieu rejoint Bernadette par l intermédiaire de Notre-Dame : Marie, pour Bernadette, a un visage familier, c est une petite demoiselle de son âge, pas plus grande qu elle, qui parle le patois bigourdan. Bernadette est bouleversée de cette rencontre, où elle va se sentir aimée, respectée : «Elle me regarde comme une personne regarde une autre personne» dira-t-elle! Ce qui me touche dans la vie de Bernadette, c est de voir combien elle a été elle-même au milieu de ses difficultés, elle ne s est pas laissée abattre. Bernadette est vive et entière, spontanée, elle aime s amuser, rire avec les autres, mais est aussi soucieuse du respect, de l autorité. Elle ne supporte pas 3 / 7
l injustice et sera vraiment blessée lorsqu on accusera son père de vol. Elle assume à fond sa responsabilité d aînée, à Lourdes d abord où, petite fille, elle sacrifie son envie d aller à l école pour aider sa maman à élever les petits, à Nevers aussi, où elle écrira souvent à Toinette et à ses frères pour les aider à vivre de l essentiel, à ne pas se laisser prendre par l argent. Elle ne se laisse pas troubler dans les interrogatoires si pénibles du commissaire, du juge, des médecins, de Monsieur le Curé, de l Evêque : elle reste dans la vérité, simplement. On sent chez elle une grande liberté intérieure, sans doute nourrie par l amour de ses parents et par sa foi. Elle a une foi solide et intuitive. Elle a une pleine confiance en Dieu, elle vit à fond les béatitudes. «Heureux les pauvres de cœur heureux les cœurs purs heureux ceux qui ont faim et soif de la justice». De la pauvreté subie dans son enfance, Bernadette passe à une pauvreté choisie, la pauvreté de l évangile. Elle ne cherche pas à attirer les regards... Elle est vraiment messagère, celle qui transmet fidèlement «le contenu», tout, en respectant la liberté de celui qui l'écoute :.. «Je suis chargée de vous le dire, je ne suis pas chargée de vous le faire croire». Bernadette et les jeunes d aujourd hui 4 / 7
Mais Bernadette a vécu il y a plus d'un siècle et demi!.. Le message de Lourdes est-il encore actuel? Bernadette parle-t-elle encore aux jeunes de notre temps? Les jeunes d aujourd hui vivent aussi dans un monde où l exclusion est présente de plus en plus, un monde marqué par le chômage, le travail précaire, la crise économique mondiale, l'inj ustice...et pourtant un monde bien différent de celui du 19ème siècle. Monde où jamais les outils de communication n ont été si nombreux et où pourtant on communique si peu : tant de solitudes, de peurs, de suicides, de jugements... Je travaille dans une école secondaire de 670 élèves : les jeunes que j y rencontre chaque jour sont aussi, souvent, beaucoup plus pauvres que Bernadette en ce qui concerne l amour familial. Beaucoup de familles sont éclatées et certains jeunes sont complètement perdus. Ils ont du mal à puiser des forces pour grandir sereinement. Je crois qu ils ne sont pas fermés au message évangélique, ils ont besoin de témoins, je le constate à l école. Quand je suis devenue sous-directrice il y a cinq ans, j ai proposé aux professeurs de la section professionnelle auxiliaire familiale et sanitaire d accompagner avec les jeunes les malades en pèlerinage à Lourdes. Si les professeurs ont été enthousiastes, avec les élèves, ce fut plus dur «Moi, je ne suis pas croyante» «Madame, on ne sera pas obligé d aller à la messe?» Au départ, ils n en voulaient pas, puis plusieurs sont venus me dire : Ma grand-mère trouve 5 / 7
que je dois y aller Heureusement qu il y a les grands-parents! Ils sont souvent de vrais témoins sans le savoir! Et puis à Lourdes la grâce opère : Vous avez vu, Madame, les brancardiers, ils paient leur voyage et prennent sur leurs vacances pour venir servir les malades, et ils sont heureux! Quelle joie : ici, les malades me font confiance Si c est ça la foi, on veut bien... Et à leur tour, ils deviennent témoins, plus besoin maintenant de convaincre les classes suivantes, le bouche-à-oreille fonctionne! Est-ce que Bernadette a encore quelque chose à dire aux jeunes d aujourd hui? Si on leur pose la question, sans doute diront-ils non parce qu ils ne connaissent pas! Mais si on leur permet de faire l expérience d une rencontre, alors oui, ils s ouvriront! Ils aiment donner le meilleur d eux-mêmes «pour eux-mêmes, pour les autres, pour le monde» : ils se lancent très facilement et très généreusement dans des projets. Ils savent que, pour cela, ils ont besoin les uns des autres. Beaucoup vivent des épreuves, ils ont besoin d être écoutés, d être reconnus, ils ont besoin de pouvoir se libérer des peurs qui les habitent. Ils grandissent quand ils sentent qu on leur fait confiance, qu on pose sur eux un regard vrai et aimant. Ils ont peur du silence et pourtant y découvrent une force intérieure puissante. Sans doute Bernadette les inviterait-elle à s ouvrir à l amour du Père, à la tendresse de Notre-Dame. Elle les inviterait à la 6 / 7
confiance joyeuse : Il suffit de se laisser regarder, de se laisser aimer... Alors soyons tous témoins de cette tendresse, portons ce regard d évangile sur ceux qui nous entourent, avec la force tranquille de Bernadette.. «Père, je te bénis : ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l as révélé aux tout-petits!» Françoise HAMOIR auxiliaire de l'apostolat 7 / 7