Quelles ressources pour vivre seul, en 2014, dans une commune du Doubs? Essai d évaluation
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- Christelle Lambert
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1 1 Septembre 2014 Quelles ressources pour vivre seul, en 2014, dans une commune du Doubs? Essai d évaluation Grand-Charmont est une commune de 5200 habitants qui compte 57 % de logements sociaux. Les revenus médians des habitants se situent dans le 1 er décile de l Aire urbaine de Belfort Montbéliard. Ils sont constitués à 95 % de salaires et de retraites. Plus d un ménage sur deux n est pas imposable. Ancien ingénieur chez Peugeot, militant syndical inspiré par le mouvement Economie et Humanisme, créé en 1941 par le père Lebret sur la base d une philosophie de la priorité à accorder aux besoins fondamentaux, Henri Desloges vient de calculer les ressources des personnes de son entourage en situation difficile dans cette banlieue populaire de Montbéliard, pour les comparer aux différents seuils habituellement usités. Voilà ce que cela donne. Méthodes Il n est pas possible de traiter toutes les situations tant elles diffèrent. Nous proposons une référence, qui permet ensuite de faire des comparaisons, des extensions, des corrections tant du point de vue des dépenses que des recettes. La référence : Personne seule, vivant comme locataire à Grand-Charmont, début Pour appréhender les dépenses, deux méthodes sont possibles : - Méthode Globale : Les dépenses sont déterminées à partir d observations générales. En particulier, le recours à l Unité de Consommation (UC) permet de passer des dépenses d une famille à celles d une personne seule ou inversement. Selon les critères européens : 1 er adulte compte 1 UC, 2ème adulte et ado de 14 ans et plus 0,5 UC, jeunes de 6 à 14 ans 0,3 UC. - Méthode Analytique : chaque poste est chiffré à partir d observations locales et concrètes. Trois sources : - L INSEE - L Union Nationale des Associations Familiales : UNAF - L Observatoire des Inégalités.
2 2 Situations et définitions On peut distinguer 6 situations : - La survie - La pauvreté. - La décence. - L aisance. - L abondance. - L opulence. Les définitions qui suivent sont inspirées de la théorie de la satisfaction des besoins. La survie. Une personne est considérée en survie si elle ne dépense que pour 5 postes : manger, s habiller, se soigner, se déplacer avec les moyens collectifs et communiquer. Elle est supposée loger dans un centre d accueil ou sous les ponts. Ne consommer ni alcool, ni tabac, ne pas sortir, ne pas se cultiver. Les besoins primaires ne sont pas satisfaits. La pauvreté. Une personne vit pauvrement, si elle mange, boit 75cl de vin de table par semaine, fume 1 paquet de cigarettes par semaine, s habille, loge dans un T2 social, se soigne, utilise une voiture de 5 CV pour parcourir 5000km par an, regarde la télé avec un contrat téléphone, limite ses sorties. Les besoins primaires matériels sont en partie ou en totalité satisfaits mais les besoins «humanistes» ne le sont pas. La décence. Définie par l UNAF la décence correspond, dans l esprit, aux besoins primaires exprimés par le Père Lebret, fondateur d Economie et Humanisme. Peut-on considérer que la richesse commence au-dessus du niveau de la décence? Dans la société, on s attache davantage à définir la pauvreté que la richesse. Il y a là matière à réflexion. On étale dans le détail les salaires des ouvriers ou des fonctionnaires, mais l opacité s installe pour ceux des cadres ou les revenus des professions libérales. Louis Maurin écrit : Qui est riche? Qui est pauvre? La réponse est évidemment relative dans le temps et dans l espace. Commençons par les riches. A partir de quel revenu peut-on se considérer comme «riche»? Tout dépend à qui l on se compare. Bien des cadres se pensent des «classes moyennes», alors même que leurs salaires les classent parmi les 2 à 3 % des salariés les mieux rémunérés! Alternatives Economiques, n 257 janvier Quand il s agit des pauvres on s efforce de trouver des repères, quand il s agit des riches tout devient relatif!
3 3 Budgets de référence 1. Budget 1 «seuil de pauvreté» INSEE. Ce budget a été calculé selon la part des différents postes dans le budget global pour une personne seule : locataire, appartenant au 1 er quintile des revenus, (les plus bas). 2. Budget 2 : personne seule vivant pauvrement à Grand-Charmont. Ce budget est établi sur la base de la définition ci-dessus, de manière analytique, avec les remarques suivantes : Alimentation : 6 par jour, somme considérée comme minimale par le Conseil Général du Doubs pour «reste à vivre». Logement : 350 par mois, loyer et charges minimales pour un logement social T2 à Grand- Charmont Transports : coût mensuel retenu par les services des impôts pour un véhicule de 5 cv. Ce poste semble élevé mais comprend le déplacement «vacances». Santé : La somme inscrite suppose que la personne est couverte par une mutuelle correcte. Information et communication : suppose un contrat groupé, Internet, téléphone, télévision. 3. Budget 3 survie. Ne sont retenues que les dépenses «survie» avec utilisation des transports collectifs. 4. Budget 4 UNAF «décent». A été calculé globalement, sur la base des Unités de Consommation (UC), selon les critères européens : 1 er adulte : 1 UC, 2 ème adulte et ado de 14 ans et plus: 0,5 UC, jeunes de 6 à 14 ans : 0,3 UC. Les budgets moyens UNAF s établissent, par UC (personne seule) entre 1296 et 1475 par mois, selon la composition du ménage, avec une moyenne de 1350 par mois. 5. Mon budget 5 personnel. A remplir par chacun pour avis sur les autres budgets et réflexion personnelle. Budgets de référence pour une personne seule en Alimentation Tabac Alcools Logement Eau, gaz, Electricité Transports Soins personnels Entretien courant ménage Habillement Information et communication Loisirs, culture, divers Santé Budget
4 4 Quelques points de comparaison Les comparaisons peuvent être faites par rapport: - Au SMIC net, 35 heures par semaine, - Au revenu décent. - Au seuil de pauvreté. La pauvreté fait l objet d une attention mondiale et a entrainé la définition d un seuil au niveau européen mais aussi international : Est considérée comme pauvre toute personne dont les revenus sont égaux ou inférieurs à un seuil fixé à 60 % du revenu médian. Ce seuil est en France de 977 par mois en Avant que ce seuil international soit créé, la France avait fixé le seuil à 50 %, soit 814 /mois en Montant du SMIC mensuel net au : Base 100. Seuil de pauvreté Pauvreté Grand- Charmont Survie Décence SMIC (=base 100) 86* Seuil de pauvreté ** Revenu décent Lecture : * le seuil de pauvreté est situé à 86 % du Smic au 1er avril ** la pauvreté à Grand-Charmont est estimée à 5% au-dessus du seuil de pauvreté national. Quelques remarques. - La pauvreté est 5% supérieure, à Grand-Charmont, à la moyenne nationale, essentiellement à cause du loyer et des charges. - Le seuil de pauvreté national se situe à 14 % en dessous du SMIC net 35 heures. Ce qui souligne la fragilité qu impliquent toutes rémunérations inférieures au SMIC. - Les dépenses mensuelles contraintes (survie + loyer et charges) représentent à Grand-Charmont : La décence se situe à 38 % au-dessus du seuil de pauvreté et 20 % au-dessus du SMIC. - Pour survivre, une personne seule doit disposer d au moins 375 de ressources. (Aides, manche, avantages en nature, resto du cœur). Les ressources. Face à ces dépenses, les personnes qui ont un emploi sont supposées gagner, en principe et au moins le SMIC : 1130 net en avril Dans le cas d un habitant de Grand-Charmont, locataire d un T2, les dépenses de survie et contraintes représentent : 725. Il lui reste pour couvrir l ensemble des autres dépenses : 405 par mois. Si cette personne est sans emploi, avec le RSA socle et l Aide Personnalisée au Logement à son montant maximal, elle perçoit : 738 Il lui reste pour couvrir les autres dépenses : 13 par mois. L UNAF considère qu une personne vit dans la décence si elle dispose de 373 au-dessus du seuil de pauvreté.
5 5 Le cas d un couple sans enfant L approche analytique n est pas faite. Pour mesurer l écart possible entre approche analytique et globale basée sur les Unités de Consommation, la comparaison des budgets mensuels UNAF donne les écarts suivants, pour un couple sans enfant : Budget UNAF analytique : 2182 Budget UNAF global, sur la base de 1350 : 2025 écart : 8 % Dans le cas de la survie pour un couple sans enfant, on considère que le logement est indispensable. Couple ss enft Survie Pauvreté Pté Gd-Chrmt Décence Dépenses en Un couple qui n a comme ressource que le SMIC ou des revenus équivalents (retraites), «tombe» en dessous du seuil de pauvreté : il lui manque : 135 (INSEE) ou 208 (pauvreté Gd-Charmont). Il ne peut espérer «vivre décemment». - Une fois assurées les dépenses «contraintes» (survie), il dispose de 135 à 200 pour assurer l ensemble des autres dépenses. Ainsi s explique le nombre grandissant de couples qui font appel aux services sociaux. - L observatoire des Inégalités chiffre à , le nombre de personnes qui, en France, vivent sous le seuil de pauvreté à 60 %. - Le poste «loyer et charges» représente environ 35 % du budget d une personne vivant à Grand- Charmont contre 24 % en France, pour un locataire à faible revenu. En conclusion, cet essai montre : - Qu il est indispensable d être très réservé sur les idées qui circulent au sujet de la situation des personnes en difficultés, plus encore sur les jugements ou accusations qui sont portées contre elles. - Qu il est obligatoire de juger objectivement, en dehors de toute considération politique la pertinence, au regard du vivre ensemble, de certaines mesures envisagées, (salaire inférieur au SMIC) qui risquent d engendrer ce que les américains appellent «des travailleurs pauvres, pauvres.» - Alors qu en , le partage est avec la croissance l une des solutions envisagées pour amoindrir les effets de la crise, celui-ci est totalement exclu des discours officiels actuels. L Eglise de France est très discrète sur ce sujet. Le partage est pourtant au cœur de la pensée sociale de l Eglise comme l a rappelé le Pape François. Ne serait-il pas nécessaire de le remettre au goût du jour? - Dans le contexte actuel où, en France, personnes vivent sous le seuil de pauvreté à 50 %, la légitimité de la satisfaction des besoins secondaires est remise en cause. Faute de croissance, la restitution de biens aux plus pauvres pour leur permettre de répondre à leurs besoins primaires devrait être l objectif premier des chrétiens quitte à abandonner temporairement leur désir de répondre à leurs besoins légitimes secondaires.
6 6 Comment transposer dans une autre commune? Exemple : commune rurale. Personne seule. Loge dans la maison héritée des parents, fait les affouages, cultive un jardin. Référence dépenses, «vivre pauvrement» à Grand-Charmont: 1025 Recettes : 1137 soit Minimum vieillesse : Avantages en nature : 330 o Maison de la famille : 150 o Jardin, verger et élevage : 100 o Affouage : 80 Référence : seuil de pauvreté national : Recettes : 1137 soit au dessus du seuil. La personne est au dessus du budget pauvreté de Grand-Charmont. Exemple : grande ville. Personne seule. Loyer et charges :700, coût de la vie+ 20 %, Eau : + 50 %. Recettes : - RSA socle + APL : Avantages en nature : Transports publics : Désavantage en nature : o Loyer : -350 o Nourriture : -40 o Eau : Recettes : 428 soit 597 par rapport à Grand-Charmont. La personne est proche de la survie dans la grande ville Henri DESLOGES
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