omment calculer l ge de certains champignons Pour mener à bien cette autre activité sur les champignons, oublions tous ceux que l'on peut trouver au sol, comme les bolets présentés dans un fascicule précédent (voir le feuillet n 116), car ils ont tous une vie éphémère. D'autres, peu nombreux, peuvent au contraire vivre quelques années, parfois même quelques décennies; poussant sur les arbres, ils appartiennent au grand groupe des polypores. Il suffit de trouver les bonnes espèces et on peut alors aisément déterminer leur âge. Trouver les bons polypores Figure 1 : Les minuscules pores d un polypore En tout temps, même en hiver lors de balades en forêt ou encore au printemps lorsque vous irez à la cabane à sucre, soyez attentifs aux champignons poussant sur les arbres. Ceux recherchés présentent sous leur chapeau comme les bolets, mais en plus grand nombre, de minuscules pores, soit des milliers de petits trous qu'on distingue à peine à l'œil nu (voir la figure 1). Secrétariat des CJN Feuillet du Naturaliste, n o 117 Jardin Botanique 4101, Sherbrooke Est, bureau 262 Montréal, Qc H1X 2B2
Figure 2 : Un ganoderme plat (Ganoderma applanatum) Quelques espèces de polypores peuvent vivre plusieurs années, on dit alors qu'ils sont pérennes. Arrêtons-nous sur cinq d'entre eux. En plus du ganoderme plat, appelé également ganoderme des artistes (figure 2), il y a l'amadouvier (figure 3), le polypore pinicole (figure 4), le polypore géminé (figure 5) et celui appartenant au genre Phellinus, soit le polypore à feu (figure 6 à la page suivante). Comme vous le verrez, l'âge de certains est plus facile à déterminer que d'autres. Précisons qu'il existe plusieurs espèces dans le genre Phellinus et qu ils sont tous pérennes. Figure 3 : L'amadouvier (Fomes fomentarius) Figure 4 : Le polypore pinicole (Fomitopsis pinicola) Figure 5 : Le polypore géminé (Oxyporus populinus)
Séparer les polypores de l'arbre On peut séparer ces polypores de l'arbre, soit en l'arrachant avec ses mains, soit en le coupant avec une scie ou une hache. Peu importe le moyen, l'aide d'un adulte est fortement recommandée. L'amadouvier pousse généralement sur le bouleau (on en a présenté le dessous à la figure 1); un adulte pourra le détacher à mains nues. C'est aussi un des plus célèbres polypores de l'histoire humaine puisque les hommes du néolithique s'en servaient pour produire du feu. Le plus facile à faire sien est le polypore géminé, mais il faut l'arracher avec délicatesse à cause de sa fragilité. Un adulte parviendra également à détacher manuellement le polypore pinicole, à condition qu'il soit de petite dimension. Cela dit, ses couleurs contrastées permettent de le repérer aisément. Du côté du ganoderme plat, celui-ci croît notamment sur des souches d'érables à sucre. Il est donc possible de monter sur la souche puis, prudemment, de se servir de son poids pour l'obtenir. Quant au polypore à feu, il faut obligatoirement une scie ou une hache et surtout de gros efforts physiques; malheureusement, cela ne peut se faire sans abîmer l'arbre. Mieux vaut donc s'abstenir à moins que, pour des raisons scientifiques lors d'une exposition à votre école par exemple, vous obteniez l'autorisation du propriétaire de la forêt qui l'abrite. Des années de croissance bien visibles Une fois séparé de l'arbre, le polypore pérenne révèle son âge seulement si on voit l'intérieur du champignon. En réalité, cela se produit rarement. C'est pourquoi il faudra sans doute essayer de le casser en deux avec les mains; cela n'abîme pas les détails intérieurs que l'on cherche à observer. On peut le faire facilement dans le cas du polypore géminé. En ce qui concerne les autres polypores (sauf dans le cas des espèces du genre Phellinus) mieux vaut d'abord demander à l'adulte qui vous accompagne d'essayer de le rompre après avoir fait une bonne entaille à l aide d une scie sur le dessus du polypore, ce qui permet parfois de compléter la séparation à mains nues. Par ailleurs, il est certain que dans le cas de tous les spécimens du genre Phellinus, vous devrez vous résigner à employer une scie. Figure 6 : Le polypore à feu (Phellinus igniarius)
Vous verrez à l'intérieur, entrecoupées de formes verticales, des couches stratifiées; chacune indique une année de croissance (voir les figures 7, 8, 9 et 10). Entre ces couches, il y a des bâtonnets verticaux serrés les uns sur les autres : ce sont ses tubes qui poussent du printemps à l'automne. À l'hiver, le champignon, qui vit au rythme de son arbre-hôte, arrête sa croissance, provoquant alors l'apparition d'une démarcation distinctive. Chacune d'elles correspond à une année de vie. En examinant les trois premières figures (7, 8 et 9), on peut ainsi déterminer l'âge des spécimens. À la figure 7, on peut remarquer une section d'un ganoderme de deux ans; la deuxième année, révélée par les tubes du bas, a produit une croissance plus longue. À la figure suivante, on voit cette fois une section d'un polypore pinicole de quatre ans; notez en haut à droite, la première année de croissance de faible étendue. Quant à la figure 9, qui montre un polypore géminé de six ans, les années de croissance sont nettement moins rectilignes. Figure 7 Figure 8 Concernant la figure 10 (à la page suivante), elle représente un amadouvier cueilli au printemps alors qu'il commençait sa troisième année d'existence. Les tubes de l'amadouvier, selon les conditions de fructification, connaissent, au cours d'une même saison, des temps d'arrêt dans leur croissance qui, à l'inverse des autres polypores pérennes, laissent parfois des traces qu'il n'est pas toujours facile de distinguer de celles provoquées par l'arrivée de la saison morte. Figure 9
En portant attention à cette figure 10, on peut ainsi voir, au centre, la fine démarcation légèrement plus foncée qui sépare la première de la deuxième saison de croissance. Figure 10 : L amadouvier De plus, le spécimen du genre Phellinus probablement le Phellinus cinereus représenté à la figure 11 (de la page suivante) affiche une vingtaine d années. Comme c'est le cas généralement dans cette famille des polypores, les plus anciennes couches stratifiées, situées dans la partie supérieure, deviennent indistinctes avec le temps. En revanche, avec un peu de patience, de pratique et une bonne loupe, vous y parviendrez, quitte à obtenir un âge approximatif. D'autres observations à faire L'examen attentif des spécimens vous permettra de mieux comprendre l'évolution du champignon en remarquant, lors de vos cueillettes automnales, le caractère particulier de la dernière saison de croissance du champignon, comme on le voit clairement aux figures 3, 4 et 8. L'enveloppe extérieure et les tubes frais de certains d'entre eux prennent une couleur distinctive que la saison froide et le temps vont modifier par la suite. Le plus bel exemple demeure sans doute le polypore pinicole qui devient plus sombre avec le temps. Dans un autre ordre d'idée, on remarquera aussi que l'extérieur de certains polypores montre des signes de leur longue durée de vie; c'est ainsi que le polypore géminé et celui à feu présentent presque toujours de la végétation ou du lichen qui finit par prendre racine à leur sommet. Étant donné que ces champignons se conservent très bien, faites-en une collection d'âges différents. Si vous cueillez des ganodermes alors qu'ils sont en pleine croissance, vous constaterez que leur dessous marque facilement de telle sorte que vous pourrez y signer votre nom ou même y faire un dessin et devenir artiste à votre tour! Laissez-le ensuite sécher pour le conserver plus longtemps.
Figure 11 : Une espèce du genre Phellinus Pour en savoir plus Le Cercle des mycologues de Montréal vous recommande ces deux ouvrages : u Quoique d'utilisation difficile, l'ouvrage de Bruno Boulet (Les champignons des arbres de l'est de l'amérique du Nord, Québec, Publication du Québec, 2003) demeure un des rares ouvrages de langue française consacrés à ce sujet au Canada. u Quant à l'amadouvier et à son utilisation dans la fabrication du feu, voir Guy Gaudreau, Annette Ribordy, François-Xavier Ribordy et Micheline Tremblay, Des champignons et des hommes. Consommation, croyances et science, Bière (Suisse) et Divonne-les-Bains (France), Cabédita, 2010. es J et le ercle des mycologues de ontr al vous souhaitent de belles d couvertes mycologiques
Photographies Micheline Tremblay : figure 1 à 10 Raymond McNeil : figure 11 Auteur : Guy Gaudreau Mise en page : Jean Sébastien Labrecque 2011 Secrétariat des CJN Jardin Botanique 4101, Sherbrooke Est, bureau 262 Montréal, Qc H1X 2B2 2011 Feuillet du Naturaliste, n o 117