DISPONIBILITE, ACCESSIBILITE, ET QUALITE DE L'ACCUEIL DU JEUNE ENFANT A BRUXELLES



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Rapport de l'observatoire de l'enfant 1 DISPONIBILITE, ACCESSIBILITE, ET QUALITE DE L'ACCUEIL DU JEUNE ENFANT A BRUXELLES Alain DUBOIS Vincent LORANT Pascal MEEUS Avril 1997 10/97

2 TABLE DES MATIERES INTRODUCTION 3 PREMIERE PARTIE 6 Y A-T-IL PENVRIE DE PLACE A BRUXELLES DANS LES MILIEUX D'ACCUEIL FRANCOPHONES DE LA PETITE ENFANCE? 6 0. INTRODUCTION ET OBJECTIF GENE RAL 7 1. LES FAUSSES PISTES ANTERIEURES 7 2. COMWNT FVALUER LES BESOINS DACCUEIL? 8 2. 1. Utilisation effective approchée par les déclarations fiscales 9 2.2. Déclaration des besoins de prise en charge 9 2.3. Besoins totaux de garde 9 2.4. Analyse systématique des déterminants des besoins francophones à Bxl 10 2.5. Comparaison des différentes méthodes 12 3. COMMENT EVALUER LE NOMBRE DE PLACES DISPONIBLES? 12 4. L'OFFRE PEuT-ELLE SATISFAIRE LA DEMANDE? 14 5. LA SITUATION EST-ELLE HOMOGENE DANS LES 19 COIDAUNES? 15 6. CONCLUSIONS 18 7. RECOMMANDATIONS 19 8. BIBLIOGRAPHIE 20 DEUXIÈME PARTIE 21 L'ORGANISATION DES MILIEUX D'ACCUEIL 21 0. INTRODUCTION 22 1. LA FILE DATTENTE, A LA CROISEE DE LA PENURIE ET DE LA GESTION DE LETABLISSEWNT 23 1.1. Introduction 23 1.2. Les files d'attente. 23 1.3. Les sources de la file d'attente. 25 2. L'ORGANISATION DU MILIEU D'ACCUEIL 26 2.1. L'efficacité des milieux d'accueil 26 2.2. Le mode de relation au sein du personnel 27 2.3 ~ Le style et le rôle de la direction 29 2.3.1. Les styles de direction 29 2.3.2. Les fonctions de la direction 30 2.4. Le rôle de la culture et du projet d'établissement 31 2.5. La relation avec l'environnement 32 2.6. Conclusions 34 3. LA GESTION DES TAux D'OCCUPATION PAR LES ETABLISSEMENTS 34 3.1. Concept 34 3.2. L'origine de l'effet établissement 38 3.3. Utilisation de l'effet établissement pour une meilleure allocation des ressources 39 3.4. Conclusions 40 TROISIEME PARTIE 42

3 LA QUALITE DE L'ACCUEIL DANS LES CRECHES 42 0. INTRODUCTION 43 1. LA CRECHE, UN ETABLISSEMENT D'EDUCATION? 43 2. LEXPERIENCE DES PUERICULIRICES 45 3. QUATRE CRECHES A BRUXELLES 46 4. LE TRAVAIL SOCIAL DANS LES CRECIIES ET LA NOEDIATION 48 5. CONFRONTATIONS 49 RECOMMANDATIONS 51 1. LA PROGRAMMATION DES PLACES D'ACCUEIL 52 2. LA REDUCTION DES INEQUITES D'ACCES 52 3. LA GESTION DES FILES D'ATTENTE 53 4. VOIRGANISATION DES MILIEUX D'ACCUEIL 53 5. LA MAITRISE DES EFFETS DETABLISSEMENT 54 6. LA QUALITE DE L'ACCUEIL 54

INTRODUCTION Perrine HUMBLET Observatoire de l'enfant

2 Les questions que nous nous posons à l'observatoire concernent une région, Bruxelles - Capitale, caractérisée par les contrastes sociaux, économiques, culturels de ses habitants, mais également de son habitat et de ses équipements. Les inégalités sociales qui s'y trouvent incrustées sont-elles associées à des inéquités d'accès à des services de qualité? Une telle question participe de la nécessité de dynamiser, de faire en sorte que l'exigence de résultats contribue à lutter contre une évolution que nous redoutons à terme, celle de la dualisation d'une société. Les ressources mises dans l'accueil de la petite enfance, c'est-à-dire dans les crèches, les prégardiennats et les services de gardiennes doivent procurer aux enfants et à leurs parents un service disponible et de qualité. Or, les ressources offertes par les services d'accueil sont variées, mises ensemble au niveau des quartiers, elles définissent des environnements différents. Ceux-ci répondent-ils aux besoins des enfants et de leurs familles? Nous apercevant non seulement qu'il n'y avait pas de réponse à ce genre de question, mais encore que de nombreuses familles passaient par des expériences inutilement douloureuses, nous avons choisi d'en savoir plus: sur la pénurie, sur les incertitudes des choix contraints et sur les facteurs qui participent à la qualité des milieux d'accueil, qu'elle soit décrite par les parents, définie par celles qui prestent les services, ou vécue par les enfants. Vous trouverez dans ce volume les résumés de trois recherches menées sur ces questions à l'instigation de l'observatoire de l'enfant entre 1994 et 1996. La première présente les résultats d'une évaluation de la pénurie de places au niveau de l'agglomération et des 19 communes. Elle a été réalisée par Pascal Meeus (AEDES) en 1994 et réactualisée en 1996. Elle montre que la pénurie est réelle dans la zone située au-dessus d'une ligne de fracture Sud-Ouest/ Nord-Est. La seconde, réalisée par Vincent Lorant (AEDES) en 1995 et 1996, vise plutôt le niveau de l'établissement que celui de la zone géographique. Cette recherche analyse quelques modes d'organisation internes observés dans certaines crèches en vue de repérer les facteurs qui contribuent à la gestion d'un milieu de travail produisant de l'accueil de qualité. Elle examine également la file d'attente à l'inscription, phénomène bien connu des parents, et tente d'en comprendre les mécanismes et la validité en tant qu'indicateur concret de pénurie de places. Elle examine enfin la variabilité des taux d'occupation: une meilleure connaissance de leur sensibilité aux nouvelles demandes des parents (comme la fréquentation à temps partiel) ou aux ressources variables des crèches en fonction de la contribution financière des parents, entre bien dans le cadre de nos préoccupations sur la dualisation. La troisième recherche, réalisée par Alain Dubois (expert à l'observatoire) assisté de Marianne Sand (FRAJE), se situe également au niveau de l'établissement et utilise une approche sociologique de la qualité de l'accueil comme produit de la mobilisation des acteurs, à savoir le personnel des crèches, les parents et les enfants.

3 Comment rendre compte correctement à la fois des multiples aspects qualitatifs des diverses structures, et de la qualité globale de ce secteur dans l'environnement bruxellois? Ces recherches fournissent des éléments de compréhension de l'activité d'accueil de très jeunes enfants dans les milieux subventionnés par l'one. Elles ont abouti à la formulation de recommandations communes à leurs auteurs, et reprises par l'observatoire de l'enfant comme éléments pertinents pour réfléchir à ses actions ultérieures en faveur de l'enfance à Bruxelles. Des pistes très intéressantes sont amorcées ici mais ne clôturent pas nos efforts. Une nouvelle étape devrait pouvoir associer divers acteurs et un éventail élargi de disciplines, en vue de réfléchir aux critères les plus complets que l'observatoire pourrait retenir. Pour conclure, je voudrais remercier le Comité sub-régional de PONE, les parents, les nombreuses puéricultrices et responsables de milieux d'accueil qui ont accepté de participer aux recherches, apportant les uns et les autres leurs témoignages, expériences et connaissances sans lesquels les analyses des chercheurs n'auraient pas pris les développements qu'ils ont ici.

4 PREMIERE PARTIE Y a-t-il pénurie de places à Bruxelles dans les milieux d'accueil francophones de la petite enfance? Dr. Pascal MEEUS

5 0. INTRODUCTION ET OBJECTIF GENERAL Y a-t-il suffisamment de places pour les enfants de 0-3 ans dans les crèches à Bruxelles? Et c'est vrai qu'il y a lieu de se poser cette question lorsque l'on se base sur les expériences vécues par les parents recherchant une place pendant de longs mois ou sur les témoignages du personnel en milieu d'accueil. Cette idée semble confirmée par des informations apparemment plus objectives, comme les enquêtes sur la taille des listes d'attente ou la durée d'attente dans les milieux subventionnés. Pourtant, les taux de couverture bruxellois semblent supérieurs à ceux de la Communauté française. (P. Humblet, 1993)... Voilà en gros la problématique qui m'avait été posée par 1 Observatoire de l'enfant de la Commission communautaire française. La réponse a fait l'objet d'un rapport intitulé «Recherche sur la pénurie de places dans les milieux d'accueil du jeune enfant à Bruxelles». Ce texte en est la synthèse, réactualisé toutefois avec les données de 1994. Dans cette synthèse, nous allons essayer de démystifier ces idées acquises en décortiquant les travaux publiés dans le domaine. Cette étape nous permettra d'identifier les déterminants de l'offre et des besoins d'accueil, ce qui nous permettra ensuite de construire un modèle pour vérifier si l'offre de places en milieux francophones bruxellois correspond au besoin d'accueil des enfants âgés de 0 à 3 ans. 1. LES FAUSSES PISTES ANTERIEURES A ce jour, aucune enquête n'a pu déterminer si effectivement il y a ou non pénurie de places dans les milieux d'accueil en région bruxelloise. Le problème a été abordé de trois manières: 1 - La première consiste à compter les demandes non satisfaites à partir de l'enregistrement des services (Ligue des familles). On constate ainsi en octobre 1989 qu'il y a 120 demandes par place libre en crèche. Cette méthode n'est pas fiable, principalement parce qu'elle ne tient pas compte des demandes multiples (les parents s'inscrivent systématiquement en plusieurs endroits en même temps). Pour connaître réellement la demande insatisfaite, il conviendrait d'interroger directement les mères. Mais ce type d'enquête est relativement lourd (trop lourd pour être répété à intervalle rapproché), à moins de disposer d'un réseau bien organisé de dépistage de toutes les femmes qui viennent d'accoucher. 2. La seconde consiste à chiffrer le délai d'attente avant de pouvoir inscrire une nouvelle demande (source Ligue et ULB). On l'obtient en demandant aux milieux d'accueil de répondre à la question : "Jusque quand votre service est-il complet?". Ainsi, à Bruxelles, en octobre 1989, on estime que les mères doivent s'inscrire avant d'être enceintes! En fait, cette méthode n'est pas plus fiable que la première. Le résultat dépend fortement de l'aptitude des institutions à gérer le renouvellement de places. D'ailleurs, les résultats sont en contradiction complète avec le fait qu'il est possible dans plus de la moitié des cas d'inscrire un enfant en urgence. Pour connaître

6 réellement les délais, il faudrait centraliser les demandes non satisfaites, et connaître exactement et longtemps à l'avance les dates auxquelles les places se libèrent dans les milieux d'accueil. A l'heure actuelle, on est loin de posséder l'une et l'autre information. 3. La troisième méthode consiste à faire un exercice de planification en comparant l'offre aux besoins estimés. Autrement dit, il convient de vérifier si l'offre (de places en milieux d'accueil francophones bruxellois) est oui ou non inférieure au besoin (de garde d'enfants âgés de 0-3 ans). Seule cette troisième méthode, comme nous allons le voir, paraît à même d'apporter des résultats concrets et des pistes de solution. Elle se base sur l'hypothèse implicite que les décideurs ont avant tout comme objectif de couvrir les besoins d'accueil institutionnel et pas de répondre à la demande d'accueil. Cette différence implique deux nuances importantes: 1. Le besoin d'accueil fait référence à une population cible (dans notre cas les enfants francophones de 0-3 ans) tandis que la demande fait référence aux personnes demanderesses (telle que toutes les familles d'enfants bruxellois de 0-3 ans, voire les familles de navetteurs qui souhaitent faire garder leurs enfants à Bruxelles dans la journée). 2. Dans la première optique on cherche à subvenir aux besoins d'accueil, par exemple en mettant des places d'accueil à la disposition des parents. Dans l'autre optique, on cherche à satisfaire une "demande" de places. Ce qui implique que les milieux d'accueil sont mis en concurrence avec d'autres possibilités de garde et chercheraient à conquérir des "parts de marché". Ce qui n'est certainement pas l'optique des décideurs dans le cadre d'un service public. L'évaluation de la pénurie éventuelle par la méthode de planification se déroule en trois temps: il faut évaluer séparément les besoins et l'offre, puis comparer les résultats. 2. COMMENT EVALUER LES BESOINS D'ACCUEIL? Trois méthodes complémentaires sont proposées: la première propose d'enregistrer l'utilisation effective (P.Hurnblet 1993) la seconde propose d'interroger directement les familles concernées (Kind en Gezin en communauté flamande) la troisième invite à reconstruire les besoins totaux à partir de l'effectif total d'enfants en apportant certaines rectifications (P.Humblet A. Dubois, Observatoire 1992)

2.1. Utilisation effective approchée par les déclarations fiscales 7 Peut-on évaluer les besoins réels de garde, en connaissant le nombre d'enfants pour lesquels on déduit les frais réels de garde? Les chefs de ménage peuvent en effet déduire les frais de garde réels ( mais plafonnés) ou forfaitaires pour les enfants de 3 ans et moins. A partir des données recueillies par l'observatoire en 1992, on peut estimer que 9.489 enfants sont gardés officiellement à Bruxelles, (MEEUS 1994). La principale limite de cette méthode est de ne pas tenir compte des enfants qui sont gardés officieusement, et qui utiliseraient des places institutionnelles, si elles étaient disponibles. En conclusion, il y a un besoin institutionnel de garde d'au moins 9.500 enfants à Bruxelles en 1992, tous régimes linguistiques confondus. Pour les francophones uniquement, le besoin de garde est évalué à 9.500 * 0.80 = 7.600 enfants. 2.2. Déclaration des besoins de prise en charge La seconde méthode évalue les besoins à partir des données récoltées par un échantillon de la population cible (ex: Kind en Gezin, Panel Démographie ). Selon KG, 53 % des parents d'enfants de 3 mois à 3 ans ont besoin régulièrement de confier leur enfant. Ce chiffre s'élèverait à 67.6 % pour les familles flamandes de Bruxelles-Halle-Vilvoorde. A partir des données du Panel Démographie, on obtient en 1992 des chiffres de l'ordre de 50% en Wallonie, 58% en Flandre et 54% à Bruxelles (LORANT, communication personnelle). La fourchette de besoin de garde totale à Bruxelles se situe donc entre 50 et 67 %. Extrapolés à Bruxelles, et en prenant une estimation de besoin de garde de maximum 57 %, on chiffre le besoin total de garde à +/- 23-24.000 enfants. Ce besoin total de garde ne tient pas compte des possibilités de garde informelle. KG estime que 52 % des enfants sont gardés par les grands-parents ou par des tiers en Flandre. C'est l'ordre de grandeur calculé également à partir des données du Panel sur un échantillon bruxellois. En estimant le % de garde informelle entre 52 et 57 %, on peut calculer que le besoin de garde institutionnel à Bruxelles se situe entre 11.500 et 13.000 enfants tous régimes linguistiques confondus. Appliqué à ceux qui ont choisi une des institutions régies par la Communauté française (ci-après dénommées francophones), on estime entre 9.200 et 10.400 le nombre d'enfants qui ont besoin d'une place en milieu d'accueil. 2.3. Besoins totaux de garde La dernière méthode est décrite par P. HUMBLET et col]. (1992). Le calcul se base sur le fait que le besoin de garde des enfants de 0-3 ans dépend du degré d'activité des mères dont le chiffre est connu par les enquêtes sur les forces de travail. Par cette méthode appliquée à la région bruxelloise en 1992, on estime le nombre d'enfants de 0-3 ans à 22.247, ce qui correspond en ordre de grandeur aux résultats de la méthode précédente (sans tenir compte de l'ampleur de la garde informelle). Ce chiffre doit bien sûr être corrigé par le % de garde informelle et par le régime linguistique. Soit si on applique les chiffres de KG, 22.247 * 0. 52 * 0. 8 = environ 9.250 enfants francophones ont besoin d'une place en milieu d'accueil.

2.4. Analyse systématique des déterminants des besoins francophones à Bruxelles En combinant les méthodes 2.2 et 2.3. et en explorant les caractéristiques des enfants en milieu d'accueil (âge, nationalité, revenus... ) nous avons déterminé une méthode systématique pour estimer les besoins de garde francophones à Bruxelles (MEEUS 1994): Approche du besoin en places d'accueil francophones à Bruxelles = 1994 Nombre d'enfants d e 0-3 ans dans la population bruxelloise 36.924 (1994) % d'enfants âgés de 3 mois à 3 ans 75 % % d'enfants francophones * 80% % de parents indisponibles * 57% % de non placement informel 52-73 % Nombre total d'enfants à garder dans les milieux d'accueil 6.772-9480 8 Comment avons-nous procédé? 1. 36.924 enfants âgés de 0-3 ans sont recensés dans les statistiques de l IRES/ BRES en 1994 (37.078 en 1992). 2. Correction pour l'âge: en comparant le pourcentage des enfants par année dans les milieux d'accueil par rapport à la population recensée, nous constatons que tout se passe comme si les enfants de moins de 3 mois et les enfants de plus de 2 ans et 6 mois n'y allaient pas. Est-ce réaliste? Ce l'est probablement pour les enfants de moins de 3 mois dont les mères profitent de leur congé de maternité. Toutefois, si celui-ci est réellement de 14 semaines, dont une au moins avant la naissance, il faut admettre que les enfants ne devront être gardés qu'à partir de 3 mois. Ce chiffre devrait être modulé en fonction du nombre de mères qui profitent réellement de leur congé, et de celles également qui le prolongent. Mais l'une dans l'autre, ces deux tendances se compensent. Ce l'est probablement aussi au delà de 2.5 ans car les enfants peuvent rentrer à l'école. Comme ce moyen de garde est moins coûteux, les parents qui désirent faire garder les enfants en profitent. En conséquence, le nombre d'enfants est corrigé par un facteur de 9/12 pour les enfants de moins de 1 an et de 6/12 pour les enfants de plus de 2 ans. Ce qui revient à diminuer l'effectif de 25%. 3. Correction pour l'attirance linguistique: l'offre de place en milieu d'accueil est francophone ou néerlandophone. En appliquant le pourcentage de répartition observé dans les classes maternelles à Bruxelles (statistiques IRES/BRES) nous obtenons une image assez fidèle de la répartition linguistique dans les millieux d'accueil. Il n'y a pas de raison de penser en effet que la majorité des parents vont modifier le régime linguistique de l'enfant avec l'âge (à moins de ne pas trouver de place dans l'un ou l'autre régime). Nous avons par la même occasion constaté que les parents étrangers optaient préférentiellement pour le régime francophone. Les chiffres varient entre 78% (en 1994) et 82 % (en 1992). Ce qui signifie que 80 % des enfants bruxellois résidents sont francophones, toutes nationalités confondues.

9 4. Correction pour la nationalité: en comparant le pourcentage des enfants par groupe de nationalité ( belge, non belge CE, et non belge non CE) par rapport à la population fréquentant les écoles maternelles par nationalité, nous avons constaté que les étrangers CE fréquentent relativement 3.8 fois plus les milieux d'accueil que les étrangers hors CE. Et que les Belges fréquentent plus de 3.3 fois plus les milieux d'accueil que les étrangers hors CE (MEEUS 1994). Proportion des effectifs 0-3ans Belges Etrangers CE Etrangers Hors CE Population générale (1) 60.2% 39.8 %* 13.0%= 5.2%, 39.8 %* 830/4= 33.0% Population ULB 93 (2) 78.9% 7.9% 13.2% _Ampleur différence(2)/(i) 1.31 1.52 0,40 Base étranger HCE = 100 3.27 3.80 1.0 Ce phénomène s'explique en grande partie si l'on considère que les besoins de garde sont différents selon le groupe de nationalité. Ce besoin de garde comme nous l'avons vu, est une combinaison des taux d'activité des parents et de la possibilité de garde informelle. Les taux d'activité par groupe de nationalité sont connus par l'enquête "force de travail". Région bruxelloise Belges CE Non CE Toutes nationalités (femmes de 20-44 ans) taux d activité 78.9% 74.1% 39.4% 69.4% Le % de non garde informelle ( enfants non gardés par grands-parents ou autres) est estimé à partir des résultats des enquêtes KG (52% en Flandre, niais 68 % à Bruxelles -Halle-Vilvoorde) et Panel démographie (54 % à Bruxelles). En fait, seul le % de non garde informelle global est connu. Il se situe entre 50 et 70 %. Le % par nationalité est estimé en fonction de la répartition des groupes de nationalités dans les milieux d'accueil bruxellois. Il n'y a pas de raison de croire qu'il y a une sélection à l'entrée des milieux d'accueil publics, et que les Bruxelloises francophones ont un taux d'activité différent de l'ensemble des Bruxelloises. Région bruxelloise : modulation des besoins de garde par nationalité Belges CE non CE Total % de parents (mères) indisponibles (1994) (1) 79% 74% 39% 57% % de non garde informelle (2) 50-70% 62-87% 31-43% 52-73% % des besoins de garde (1) * (2) 40-55% 46-64% 12-17% 30-41% Total des enfants francophones non gardés: 6.772 9480

2.5. Comparaison des différentes méthodes 10 Deux résultats doivent être confrontés: la fourchette 6.772-9.480 obtenue par le modèle et les 7.600 places réelles obtenues par la méthode des attestations fiscales, méthode foncièrement différente des autres. Les 7.600 enfants gardés sont une réalité. E correspondent aux besoins honorés. On peut donc en déduire que 9.480-7.600 = 1.880 constitue le nombre maximum d'enfants bruxellois francophones qui ne trouvent pas de place dans les milieux d'accueil institutionnels. 3. COMMENT EVALUER LE NOMBRE DE PLACES DISPONIBLES? L'évaluation de l'offre (= capacité d'accueil) est plus précise car les places officielles sont enregistrées régulièrement et recensées par des organismes structurés tels que l'o.n.e. et Kind en Gezin. Toutefois, comme nous allons le voir, certaines corrections devraient être apportées. Ces chiffres doivent être ajustés: d'une part on sous-estime l'offre privée non déclarée à l ONE, d'autre part on surestime la capacité de prise en charge. Le nombre de places est en partie surestimé car une occupation de 100 % est impossible à atteindre: un enfant inscrit n'occupe pas obligatoirement une place, même en cas de gestion optimale (temps partiel); et par ailleurs, une place n'est pas toujours occupée par un seul enfant inscrit (on peut inscrire plusieurs enfants à temps partiel par place). On peut estimer le nombre de places - enfants de 3 manières: 1) En corrigeant le nombre de places par le taux d'occupation. 2) En corrigeant le nombre de places par le nombre d'inscrits par place et par le nombre de jours de présence 3) En corrigeant le nombre de places par le nombre d'inscrits par place et par l'élasticité de ces inscrits sur le taux d'occupation. En fonction de ces corrections, on peut estimer le nombre de places - enfants disponibles comme suit : évaluation du nombre de places enfants disponibles calcul (1) calcul (2) calcul (3) nombre de places francophones (1994) 7.302 7.302 7.302 nombre d'inscrits par place (échantillon) 1.26 1.26 taux d'occupation moyen 77% % de jours de présence 51% élasticité des inscrits sur les T.O. 0.75 nombre total de places «réelles» 5.625 4.688 6.900 nombre d'inscrits par place (total accueil) 1.15-1.25 1.15-1.25 1.15-1.26 nombre d' «inscrits» réels 6.500-7.000 5.400-5.850 7.935-8.625 Ces chiffres sont établis à partir de la banque de données ONE. de 1992-1995, en supprimant le 3 trimestre (variation saisonnière importante).

11 Le calcul (1) permet d'évaluer le nombre réel de places temps - plein disponibles que peuvent se partager les enfants. Le taux d'occupation peut varier selon le mode de garde. Le minimum légal pour les prégardiennats est de 65 %. Il est de 75% pour les crèches. Les gardiennes étant plus flexibles, il est plus facile d'atteindre des taux d'occupation plus élevés. Certaines crèches aussi parviennent à avoir des taux d'occupation de plus de 85 %. En pratique les taux d'occupation se situent entre 70 et 80 %. Le calcul (2) permet également d'évaluer le nombre total de places disponibles en temps - plein. La base du calcul est cependant complètement différente: il tient compte du nombre d'enfants réellement inscrits et du nombre de jours de présence. Ce qui permet par conséquent de savoir, par place reconnue, combien on peut inscrire d'enfants. Lorsqu'on observe un taux de 1,26, cela signifie que 60 % des enfants sont inscrits à temps plein et 40 % à temps partiel. On retrouve un chiffre analogue en province. Ce chiffre est un peu élevé par rapport à d'autres études où l'on retrouvait plutôt un chiffre de l'ordre de 1. 15 à Bruxelles (IRES 1990). Nous en tiendrons compte. Le calcul (3) est plus compliqué. On constate que les enfants inscrits ne contribuent pas tous à améliorer le taux d'occupation, car le temps de présence est très variable. En ne prenant en compte que les "inscrits" utiles (nbre d'enfants / place * élasticité des inscrits sur le T.O.) on calcule l'offre "effective" de place-enfant, et le nombre réel d'enfants inscrits. En conclusion, selon les différents calculs, on peut affirmer que: 1. Lorsque l'on recense 7.302 places en 1994, en réalité, il n'y en a que 6.900 réellement disponibles en cas de gestion optimale. Soit un taux d'utilisation maximum de 95 %. 2. Que le nombre de places réellement utilisées est inférieur, soit parce que le milieu d'accueil n'utilise pas sa pleine capacité, soit parce qu'il est difficile de gérer la présence des enfants inscrits. L'indice de gestion non optimale est au pire de l'ordre de 5.000/6.900 soit: 72 %. 3. Qu'il existe un degré de compensation des places non utilisées par des enfants inscrits à temps partiel de l'ordre de 1. 15 à 1.25. Ce qui permet d'établir la fourchette suivante à partir des 7.302 places recensées en 1994 en milieux d'accueil francophones en région bruxelloise (le nombre de places a augmenté de 236 places en 2 ans). (1) situation réelle pessimiste (2 ) situation réelle probable (3) situation fictive optimale ribre de places 7.302 7.302 7.302 contraintes de gestion optirnale 0.95 0.95 0.95 indice de gestion 0.72 (observé) 0.91 (recalculé) 1.00 (hypothèse) nbre de places disponibles 5.000 6.333 6.900 nbre d'inscrits par place 1.2 1.2 1.2 nbre d'enfants inscrits 6.000 [7.600 8.2801

12

13 La situation 1 est calculée à partir des résultats les plus mauvais. Elle n'est pas réaliste, dans la mesure où l'on sait par la méthode des déclarations fiscales, qu'un nombre minimum de 7.600 enfants sont accueillis. La situation 2 tient compte de ce chiffre minimum de déclarations fiscales: il y au moins 7.600 places-enfants disponibles. La situation 3 permet d'évaluer le nombre de places maximum disponible. Chiffre que l'on estimer à partir du coefficient d'élasticité et qui correspond à l'offre effective, compte tenu d'une gestion optimale. 4. L'OFFRE PEUT-ELLE SATISFAIRE LA DEMANDE? Le taux de couverture (rapport entre les places disponibles et les besoins estimés) permet d'évaluer si l'offre couvre les besoins d'accueil institutionnel. Il convient bien entendu de comparer le nombre d'enfants ayant besoin d'une place tels que nous les avons calculés, avec le nombre de places-enfants disponibles. Pour un nombre de places recensé de 7.302, le nombre de places-enfants réel est estimé entre 7.600 et 8.280. Le besoin d'accueil est estimé entre 7.600 au minimum et 9.480 au maximum (voir chapitre 2). La pire des situations correspond au rapport du nombre minimal de places disponibles et du nombre maximal de besoins ( colonne 2). Si l'on estime qu'il est possible d'améliorer la gestion des places, on rapporte le nombre maximal de besoins avec le nombre maximal de places-enfants (colonne3). Taux de couverture des besoins d'accueil francophones à Bru:xelles à besoins soi- disant satisfaits à besoins maximum non satisfaits à besoins maximum non satisfaits avec optimalisation (1) nombre de places déclarées (1994) 7.302 7.302 7.302 (2) nombre de places - enfants disponibles (= (1)*1.2) 7.600 7.600 8.280 (3) besoins d'accueil ( voir chapitre 2) 7.600 9.480 9.480 (4) taux de couverture (= (2)/(3)) 100% 80% 87% (5) différence en nombre de places - enfants (= (4)/1.2) 0-1.880-1.200 ( 6) différence en nombre de places réel (=(5)/1.2) 0-1.566-1.000 Autrement dit, 80 à 87 % des besoins Sont actuellement couverts en théorie par l'offre proposée. Ce qui correspond à un déficit places-enfants de l ordre de 1.200-1.880, donc à un nombre de places à créer de l'ordre de 1.000 à 1.566.

Il faut toutefois bien comprendre que ce sont des chiffres maximum. Le taux de couverture minimum est de 80 %. 14 On peut imaginer que le besoin réel réaliste est au maximum de 8.000, 8.500 ou 9.000. Dans ce cas, on obtient respectivement pour chaque hypothèse, avec le nombre actuel de places-enfants disponibles (7.600) : Taux de couverture des besoins d'accueil francophones à Bruxelles hyp 1 : besoin minimum hyp 2: besoin médian hyp 3 : besoin maximum (3) besoin d'accueil 8.000 8.500 9.000 (4) taux de couvenure 95% 89% 84% (6) différence en nombre réel de places -333-750 -1.166 L'attitude sera bien sûr complètement différente entre les 3 hypothèses: Si le cas 1 est le plus proche de la réalité, une simple optimisation de la gestion peut conduire à une couverture complète des besoins. Dans l'hypothèse 3, il faut absolument créer de nouvelles places. Mais ces solutions reposent sur le postulat que la situation est homogène sur l'entité régionale. Par contre, si l'hétérogénéité prédomine, ces solutions supposent que les disparités sont compensées par un système de vases communicants, autrement dit, que les besoins non couverts d'une commune sont compensés par une offre pléthorique d'une commune voisine. C'est ce que nous tentons d'observer dans le chapitre suivant. 5. LA SITUA11ON EST-ELLE HOMOGENE DANS LES 19 COMMUNES? Dans ce chapitre, nous appliquons la méthode de calcul à chaque commune. Dans notre modèle, les besoins peuvent principalement varier selon les communes en fonction du nombre d'enfants résidents et de leur classe de nationalité. En effet, nous ne connaissons pas les taux d'activité et de garde informelle ventilés par commune. L'offre, par contre, varie dans chaque commune en fonction des places disponibles et des chiffres d'activité. Ces chiffres sont connus grâce à la banque de données de l ONE. Nous avons extrapolé les résultats de gestion des milieux d'accueil subventionnés par l'one, à l'ensemble des places disponibles dans la commune, Ganshoren est exclue de l'analyse par manque de données.

15 En fonction de ces résultats, on calcule le taux de couverture et le nombre de place manquantes : 0-3 ans 0.5-2.5 ans francophone s taux d'activité pas de garde informell e Nb d enfants avec besoin nb places disponible s élasticit é nbre inscrits/ place Nb de places - enfant taux de couverture manquent Anderlecht 3366 75% 72% 87% 58% 914 448 0,60 1,33 393 43% -521 Auderghem 969 76% 73% 68% 59% 217 257 0,78 1,19 262 121% Berchem 662 75% 55% 74% 59% 120 59 0,64 1,35 56 47% -64 Bruxelles 5622 76% 79% 82% 56% 1559 1224 0,76 1,29 1320 85% -239 Etterbeek 1428 75% 84% 67% 57% 345 376 0,83 1,25 429 124% Evere 1010 75% 74% 81% 58% 263 167 0,76 1,2 168 64% -95 Forest 1874 75% 87% 71% 58% 498 537 0,61 1,13 407 82% -91 Ganshoren 624 75% 69% 73% 59% 139 168 Ixelles 2434 75% 88% 54% 57% 498 821 0,77 1,31 911 183% Jette 1402 75% 74% 80% 58% 363 250 0,76 1,4 293 81% -71 Koekelberg 654 76% 66% 60% 56% 111 54 0,75 1,19 53 48% -58 Molenbeek 3362 76% 73% 65% 56% 675 205 0,84 1,27 241 36% -435 St Gilles 1789 76% 79% 72% 55% 425 205 0,81 1,18 216 51% -209 St Josse 1273 75% 80% 45% 51% 175 104 0,72 1,32 109 62% -66 Schaerbeek 4730 75% 83% 60% 56% 986 549 0,74 1,19 532 54% -454 Uccle 2287 75% 91% 68% 59% 626 680 0,85 1,32 839 134% Watermael 780 76% 83% 71% 59% 204 154 0,43 1,22 89 43% -115 Woluwe St 1472 76% 86% 66% 59% 370 635 0,78 1,24 676 183% Lambert Woluwe St Pierre 1186 74% 82% 58% 59% 246 409 0,80 1,21 436 177% TOTAL 3692 4 75% 80% 69% 57% 8769 7302 0,75 1,26 7603 87% -2418 Les taux de couverture sont très différents d'une commune à l'autre. Ils varient de 43?/0 à 183 '/o. On peut estimer que les besoins sont certainement couverts dans les communes où le taux de couverture est > 100 '/o. Ce n'est pas le cas, lorsque le taux de couverture est bien inférieur à 100 %. Ainsi, on peut affirmer selon le modèle, que les communes d'anderlecht, Molenbeek, Berchem, St Gilles, St-Josse, Schaerbeek et Watermael sont très mal couvertes, La représentation cartographique permet de mieux apprécier ces variations géographiques Bruxelles : Milieux d'accueil de la petite enfance Jette Ganshoren Berchem Koekelberg Molenbeek Bruxelles Evere Schaerbeek St Josse Bruxelles Région bruxelloise taux de couverture Wol.St.L. 1,34 à 1,83 (4),82 à 1,34 (5),51 à,82 (5),36 à,51 (5) Anderlecht St Gilles Wol.St.P. Ixelles Forest Uccle Bruxelles Watermael Auderghem Taux de couverture des besoins d'accueil institutionnels

16 Les communes excédentaires se situent toutes au Sud Est de la région (Woluwé à Uccle). Les communes le plus largement déficitaires se situent dans la zone Ouest (Anderlecht, Molenbeek, Berchem, Koekelberg.) La carte montrant les endroits les plus déficitaires est très explicite : Bruxelles : Milieux d'accueil de la petite enfance Jette Ganshoren Berchem Koekelberg Molenbeek Bruxelles Evere Schaerbeek St Josse Bruxelles Région bruxelloise zones déficitaires Wol.St.L. -54 à 413 (7) -522 à -54 (12) Anderlecht St Gilles Wol.St.P. Ixelles Forest Uccle Bruxelles Watermael Auderghem Zones déficitaires en place d'accueil (en BLANC) Il était important de représenter le déficit de places en chiffres absolus, car la carte permet de vérifier si les communes ont la possibilité de profiter d'un trop plein éventuel des communes avoisinantes. Bruxelles occupe une position particulière dans la mesure où cette commune de par son étendue et son découpage n'est pas homogène. En faisant abstraction de Bruxelles et de Ganshoren, la ligne de fracture Sud-Ouest / Nord-Est est évidente. Dans la zone Sud-Est, Watermael pourra largement compenser son déficit en utilisant les communes excédentaires avoisinantes. Si les hypothèses que nous avons utilisées pour établir le modèle sont exactes, il convient de constater que certaines communes sont déficitaires en terme de quantité d'offre d'accueil, notamment dans la zone Nord-Ouest. Il convient d'explorer très en détail certaines communes où le déficit absolu est important ( Anderlecht, Molenbeek et Schaerbeek représentent la moitié du déficit... ).

17 6. CONCLUSIONS Cette synthèse est basée sur une recherche destinée à répondre à la question: "Y a-t-il pénurie de places dans les milieux d'accueil du jeune enfant à Bruxelles?". Cette question est légitime. Il est communément admis qu'il faut s'inscrire très tôt dans les crèches bruxelloises, parfois même avant la conception. Et si possible dans plusieurs endroits. La première partie permet de comprendre ce qui se cache derrière le besoin d'accueil de la petite enfance. Partant de l'hypothèse que si pénurie il y a, elle est principalement liée à une offre insuffisante par rapport aux besoins, nous avons identifié sur base des travaux précédents, les déterminants du besoin d'accueil pour les enfants de 0-3 ans. Ce besoin dépend en grande partie d'une combinaison entre l'indisponibilité des parents et leur impossibilité de trouver un moyen d'accueil informel (famille, amis... ) pour leurs enfants âgés de 3 mois à 2.5 ans. Nous avons analysé l'importance de chaque déterminant par des approximations basées sur les enquêtes de Forces de travail, les enquêtes Kind en Gezin... Cette étude régionale montre que le déficit global de couverture en 1994 n'est pas très important. Sur l'ensemble de la région, 80-90 % des besoins d'accueil institutionnels sont couverts. Mais ce modèle ne tient pas compte de l'hétérogénéité des communes bruxelloises. On peut citer pêle-mêle plusieurs facteurs d'hétérogénéité d'une commune à l'autre: le régime linguistique, l'origine belge ou non des familles, la richesse, la concentration familiale, les familles où les 2 conjoints ont une activité professionnelle, la durée hebdomadaire de l'occupation professionnelle, les familles monoparentales... Une analyse fine est difficile dans la mesure où peu de ces critères sont étudiés au niveau communal. Nous avons tenté cette analyse par commune; la représentation cartographique montre très clairement un déséquilibre géographique entre une zone Nord-Ouest, déficitaire et une zone Sud-Est excédentaire. Hormis à Watermael, on ne peut donc pas compter sur les compensations d'offre d'une commune à l'autre pour résoudre le problème de déficit. 7. RECOMMANDATIONS Les communes prioritaires sont Anderlecht, Molenbeek et Schaerbeek qui représentent la moitié du déficit. Dans les communes déficitaires (zone Nord-Ouest et Watermael), les pouvoirs publics compétents peuvent choisir entre deux logiques et plusieurs stratégies: A Watermael, ils peuvent éventuellement compter sur la solidarité des communes avoisinantes, et la mobilité des parents. Dans la zone Nord-Ouest, les solutions sont plus complexes : S ils acceptent la logique fondée sur le droit à l autodétermination des parents, les familles résidant dans ces zones déficitaires devront elles mêmes trouver des solutions ( chercher une place dans d autres communes, s adresser aux milieux d accueil néerlandophones, s adresser à des gardiennes non encadrées, faire moins d enfant, déménager...). S ils choisissent de répondre activement aux besoins de la population, la solution la plus simple sur papier est évidemment d investir pour compenser les déficits (après confrontation avec la réalité du terrain). Mais si les moyens d action sont limités par les moyens financiers, on peut réfléchir à budget constant. Dans ce cas, il convient de redistribuer les cartes en modifiant les règlements des milieux d accueil ( accentuer la disponibilité, ouvrir les crèches d entreprise aux résidents, refuser les non résidents dans les crèches publiques) ou en encourageant l investissement privé. Cette

18 politique sera d autant plus efficace qu elle résultera d une concertation intercommunale et qu elle débouchera sur la création d une coordination intercommunale.

8. BIBUOGRAPHIE 19 1. Ligue des familles Service étude de la ligue des familles Garderie...Pénurie...Pas de quoi rire. Janvier 1990, 50 p 2. Kind en Gezin Enquete inzake het gebruik van kinderopvang voor kinderen jonger dan 3 jaar. Najaar 1991, Kind en Gezin, Brussel, 24 pp, B.Buysse, K.Verhegge 3. IRES Elaboration d'une banque de données pour connaître la population fréquentant les milieux d'accueil, IRES, 15/12/1990, B.DELVAUX. 62 pp + annexes 4. OBSERVATOIRE DE LA PETITE ENFANCE 1992, P.Humblet, A. Dubois L'accueil et l'accompagnement du jeune enfant dans la région de Bruxelles Capitale (octobre 1992), Recherche et analyse des indicateurs, 29 pp+ annexes, dont : 4.1. Recensement des milieux d'accueil par P.O. et par type 4.2. Recensement de la population 4.3. Forces de travail (INS) (annuel) ->taux d'activité des femmes sur base d'un échantillon national. 4.4. Recensement (INS) (tous les 10ans)-> chiffres d'activité exhaustifs. 4.5. ONPension pour les salariés (registre annuels). Exhaustif, ventilé par arrondissement. 4.6. INASTI: travailleuses indépendantes par commune 4.7. ONAFTS: femmes étudiantes et isolées 5. ULB, 1993, P.Humblet: Analyse de l'accessibilité structurelle et organisationnelle des milieux d'accueil subventionnés de la C.F 1993, 123 pp. 6. IRES/BRES, statistiques régionales bruxelloises 1992-1994-1995 6.1. Milieux d accueil francophones et néerlandophones pour enfants en bas âge par commune bruxelloise ( réf VI.7 dans indicateurs statistiques bruxellois 1993) 6.2. Milieux d accueil francophones et néerlandophones pour enfants en bas âge dans la région de Bruxelles Capitale ( réf VI.6 dans annuaire 1993) 6.3.Population francophone et néerlandophone, belge et étrangère dans l enseignement maternel par commune bruxelloise ( réf 93 : tableau VII.3) 6.4. Population totale selon la commune de résidence au 1 janvier ( réf 93 : I.1.) 6.5. Mouvement de la population belge selon la commune de résidence (réf 93 I.9) 6.6. Mouvement de la population étrangère selon la commune de résidence (réf 93 I.10) Population étrangère par nationalité et selon la commune de résidence (réf 93 I.14) Revenus moyens par habitant selon la commune de résidence ( réf 93 : V.6) 7. O.N.E.,Banque de données Statistiques concernant l utilisation des milieux d accueil subventionnés 1992-1995 et notamment le nombre d inscrit par commune, le nombre d enfants par place, le nombre de jours de présence, les taux d occupation, et l élasticité des inscrits sur les taux d occupation, préparées par V.LORANT 8. PANEL DEMOGRAPHIE 1992, ULG Enquêtes sur les habitudes familiales 9. ENQUETE «FORCES DE TRAVAIL» 1992-1994, Min.de l emploi et du travail Taux d activité des femmes âgées de 20-44 ans par région et par classe de nationalité 10. RECHERCHE SUR LA PENURIE DE PLACES DANS LES MILIEUX D ACCUEIL DU JEUNE ENFANT à BRUXELLES (AEDES, Dr. MEEUS ), 1994 Travail de base qui a permis de réaliser cette synthèse DEUXIÈME PARTIE

20 L'organisation des milieux d'accueil Vincent LORANT

0. INTRODUC11ON 21 Les milieux d'accueil (crèches, prégardiennats, maisons communales d'accueil de l'enfance, maisons d'enfants) sont le plus souvent l'objet de deux lectures: politique et professionnelle. La première touche à l'accueil de la petite enfance en tant que service public: le financement, l'encadrement, la couverture, la réglementation, la logique du service. Elle embrasse les débats 2 1 4 sur la priorité accordée à la petite enfance', sur la pénurie ~ sur la distribution géographique des capacités, sur le sens de l'accueil dans notre société. La deuxième s'adresse à l'accueil en tant que pratique professionnelle quotidienne: elle concerne les besoins psycho-médicosociaux 1 6 de la petite enfance, les pratiques concrètes de l'accueil, les risques de l'accueil 7~ les compétences nécessaires au travail de puéricultrice, la consommation du service d'accueil. Notre objet est d'encourager à une troisième entrée en matière de milieu d'accueil: l'organisation de l'établissement. C'est une sorte de niveau intermédiaire, peu abordé, qui produit de la différence en terme d'efficacité, d'efficience et de qualité de l'accueil. Cet angle d'approche rappelle que l'accueil n'est pas seulement une question de politique d'accueil ni une question de pratiques professionnelles, mais que c'est aussi une question d'organisation de l'accueil. Les nombreux travaux antérieurs portant sur les milieux d'accueil ont pern-ùs d'éclaircir la problématique de la pénurie en mesurant l'offre et la demande (Meeus, 1994,- Ligue des Familles 1990; Humblet 1993 ); d'autres travaux se sont penchés sur la question de l'accessibilité aux crèches (Humble, 1993) et certaines banques de données (Delvaux, 1990) ont permis de mieux mesurer le phénomène de segmentation socio-économique du marché de l'accueil. En particulier, 3 points seront abordés:,/la file d'attente. La file d'attente est souvent considérée comme le résultat de la pénurie. Ce travail vise à mettre en évidence sa fonctionnalité pour l'établissement. La file d'attente est autant un mécanisme de gestion qu'un produit du rapport de l'offre et de la demande. ~/ L'organisation de l'établissement. Plusieurs aspects organisationnels des crèches présentent des différences importantes En particulier, l'identité organisationnelle de la crèche est affectée par le jeu de quatre dimensions: le mode de relation au sein du personnel, le style de direction, le rôle de la culture et du projet d'établissement, les relations avec l'environnement. Certains choix sur chacun de ces aspects présentent des avantages ou des risques qui peuvent affecter la performance de l'organisation.,/la performance des établissements. Les établissements ont une certaine tendance à produire leur taux d'occupation indépendamment des conditions de travail dans lesquelles ils sont plongés.

1. LA FILE D'ATTENTE, A LA CROISEE DE LA PENURIE ET DE LA GES11ON DE ETABLISSEMENT. 1. 1. Introduction 22 C'est un problème bien connu de ceux qui travaillent dans le secteur de l'accueil de la petite enfance. Expression concrète de la pénurie de places, la file d'attente offre le visage de la pénible barrière que la plupart des parents ont dû surmonter afin d'obtenir une place pour leur enfant. Les résultats de l'étude de l'ulb (Humble, 1993) mettent en évidence, d'une part l'importance de la durée d'attente (entre 7 et 9 mois pour l'ensemble de la Communauté française de Belgique et près de 10 mois pour Bruxelles); d'autre part elle relève également de fortes variations de ces durées selon le type de milieu d'accueil (crèche, prégardiennat), le type de pouvoir organisateur (PO libre ou public). Toutefois la nature de la file d'attente et son mécanisme ne sont pas encore bien connus. D'une part, certains éléments donnent à penser que la file d'attente (FA) traduit d'autres enjeux que le seul rapport offre/demande. La longueur des FA ne serait pas un épiphénomène assujetti au déséquilibre entre l'offre et la demande mais manifesterait également d'autres processus: des mécanismes de gestion, la capacité de l'établissement et la valeur octroyée à l'attente en tant que telle. Ensuite, les FA ne se valent pas d'un établissement à l'autre. L'objet de cette partie est de fournir certains éléments permettant de mieux préciser les fonctions de la FA. Elle est construite sur une étude empirique de l'observatoire de l'enfant de la Commission communautaire française 8 ainsi que sur divers travaux théoriques et empiriques portant sur les FA 9 10 11 dans le secteur hospitalier au Royaume-Uni essentiellement En particulier, nous visons à répondre à deux questions spécifiques: Qu'en est-il des files d'attente dans les milieux d'accueil? Quelles sont les explications de la FA? 1.2. Les files d'attente Les files et les attentes ne se valent pas toutes. Confirmant les résultats de l'étude de Humblet (1993), nous observons que sur les 6 crèches étudiées, 3 crèches disposent de files d' attente réelles sur le mode premier entré, premier sorti ("first in, first out"). Pour les 3 autres crèches, la file d'attente n'existe pas vraiment ; en effet, pour deux d'entre elles, les critères de priorité sont à ce point contraignants qu'elles ne satisfont qu'un public cible qui se trouve relativement assuré de son entrée. La troisième crèche n'est pas confrontée à une liste d'attente du fait de la rotation et des caractéristiques socio-économiques de sa clientèle. Le délai d'attente annoncé a une durée moyenne de 256 jours (soit 8,4 mois) pour les demandes quelle que soit la solution finale (positive, négative). La Figure ci-contre souligne la variation interne substantielle du délai d'attente (l'écart-type est de 132 jours): 34 % des demandes disposent d'un délai de 9 mois et quelque 14% manifestent un délai supérieur à 12 mois, ce qui laisse interrogateur. Nous n'avons pas d'éléments pour déterminer l'origine de cette forte variation. Plusieurs hypothèses peuvent être avancées:

23 60 Attente entre la demande et l'entrée (en mois) 50 40 % 30 20 10 0 Figure 1 0 à 2.9 mois 3 à 5.9 6 à 8.9 9 à 11.9 12 à 14.9 15 à 179 18 et + Mois L'âge de l'enfant. Les entrées des enfants plus grands (12 mois ou plus) sont plus rares mais, pour celles qui se font, les délais d'entrée doivent être forcément plus faibles. Les placements liés à une décision judiciaire ne peuvent être soumis aux mêmes conditions d'attente que les demandes classiques. L'effet saisonnier des entrées peut également expliquer qu'une partie des demandes soit soumise à un délai moindre : en cas de demande anti-cyclique. Par ailleurs, la variation d'une crèche à l'autre est faible: il y a peu de différence d'une crèche à l'autre. Les résultats permettent d'alimenter l'hypothèse selon laquelle la raison d'une réponse défavorable serait liée à la durée du délai demandé par les parents: on observe en effet que les demandes qui reçoivent une réponse défavorable correspondent à un délai plus court que les réponses favorables. Les réponses favorables ont, en effet, un délai moyen annoncé de 9,5 mois pour une moyenne générale de 8,4. Il est, en corollaire, possible d'avancer l'idée que pour les crèches qui n'effectuent pas une segmentation initiale de leur clientèle sur base de divers critères de priorité, la segmentation se fait sur base de la date de la demande: une demande planifiée longtemps à l'avance aura plus de chance d'être avalisée qu'une demande présentée sur le tard. Notons que le délai entre la formulation de la demande et la naissance probable vaut en moyenne 6 mois.

24 1.3. Les sources de la file d'attente Le débat engagé autour des files d'attente (FA) trouve son origine dans une question toute simple: pourquoi y a-t-il des FA de longueurs similaires dans des zones géographiques qui ne sont pas affectées de la même manière par la pénurie de places pour enfants? Plusieurs études sur les FA dans le secteur hospitalier ont confirmé l'hypothèse selon laquelle la relation entre admission et longueur de la file d'attente était positive, et non pas négative comme le suggère le sens commun. Cela signifie que lorsque l'admission augmente, le nombre d'inscriptions dans la FA s'accroît également. A travers ce constat, l'attente apparaît bien comme un input de l'admission. Plus précisément encore, maintenir un flux régulier et non erratique d'entrées permet de garder un rythme d'activité stable et efficient par rapport à la capacité d'accueil (personnel et locaux). En effet, pour répondre instantanément à la demande, les établissements devraient disposer d'une capacité très importante qui serait le plus souvent sousutilisée. Les listes d'attente constituent un instrument de planification qui permet de connaître et suivre longtemps à l'avance les demandes potentielles. Sa relation avec le planning des entrées et sorties est utile pour la gestion. Toutefois cette fonction de la file d'attente n'a de sens que si le délai entre la formulation de la demande et sa satisfaction (l'entrée) n'est pas excessif. Plus ce délai augmente, plus la liaison entre oes deux événements devient improbable fausse couche, déménagement, perte de travail, autre solution de garde, désintéret, etc. Une crèche affichant un délai de 10 mois aura plus de "déchet" dans ses demandes que celle qui annonce une attente de 6 mois. La segmentation est l'identification d'un segment (d'une partie) spécifique de la demande potentielle sur base de critères plus ou moins définis par l'établissement. Certains établissement segmentent la demande sur base de critères considérés comme importants par l'établissement : priorité selon les horaires de travail, selon les exigences établies par le PO, selon le lieu de résidence, etc. Les files d'attente manifestent, en dépit de 1'objectivité qu'elles affichent, une égale volonté de trier la clientèle, de "discipliner" les comportements d'inscription, de les soumettre aux règles de l'établissement et de protéger ce dernier contre des demandes trop empressées. Elles requièrent en effet un comportement d'hyper-planification des besoins qui surpassent toutes les recommandations médicales de contrôle prénatal. La limitation de I' entrée aux bébés de quelques mois (susceptibles de faire toute la trajectoire au sein de l'établissement) est une autre forme de segmentation. Nous ne disposons pas, dans cette étude, de données permettant de mettre en relation la pénurie et la durée moyenne d'attente. La recherche de Humblet (1993) met en évidence des variations significatives de l'attente d'une province à l'autre : elle serait moindre dans les provinces connaissant un taux de chômage plus élevé. Sous réserve de ce qui a été dit dans les points antérieurs, il semblerait cohérent que l'attente diminue là où la pénurie est moindre. Cette hypothèse est toutefois à vérifier. Enfin, la théorie des files d'attente tend à mettre en avant un effet de taille les grands établissements auront proportionnellement une file d'attente plus importante que les autres. Cette hypothèse devrait être approfondie dans une étude ultérieure.