Adam LOTFI De l Atlas au chemin de Compostelle 2
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Avant propos Dans ce récit, j essaie de décrire les faits tels qu ils se sont déroulés, les sensations telles que je les ai ressenties, les personnages ainsi que je les ai observés, et les pensées comme elles me sont venues pendant ces voyages. Je n ai rien imaginé, rien inventé. 2 3
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L Atlas 2 5
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Jour 1 : 25 août 2012 Il est 5 h 30 du matin. Je suis levé depuis 5 h 00. La température s élève à 30 degrés Celsius déjà. Une journée chaude s annonce sur Marrakech. J ai préparé mon sac à dos la veille. Prêt à commencer cette aventure dans les montagnes de l Atlas. Je décide de m y rendre en utilisant les transports en commun. L étape numéro un dans ce cadre est de trouver un petit taxi. Vêtu de chaussures de randonnée, et équipé de mon sac à dos, mon allure est bien éloignée de celle de la clientèle habituelle à cette heure si précoce, pour les chauffeurs de taxi, qui défilent sans toutefois me prendre. C est qu ils ont pour habitude de charger d autres clients différents, très «généreux» avec eux, parce qu ils viennent de passer la nuit dans un pub ou une discothèque. Marrakech est aujourd hui une ville de fête. Armé de patience, je réussis enfin, au bout de cinq tentatives, à arrêter un taxi. Première destination : le village d Imlil, à 60 km de Marrakech. Me voici donc à ma deuxième étape. Les grands taxis n ont guère changé, c est toujours le modèle «Mercedes 240», durée de vie indéterminée, traces de vieillissement invisibles : j ai un grand respect pour le constructeur allemand. Je me demande s il a planifié que ces voitures circuleraient pendant quarante ans. En tout cas, cela rend un grand service au transport en commun marocain. Nous sommes six passagers à bord. On s éloigne petit à petit de Marrakech et, en simultané, le jour se lève. Le long de la route, les terrains qui étaient libres il y a 2 7
dix ans de cela, se transforment en projets touristiques : maisons d hôtes, résidences, auberges Une heure plus tard, me voici à Imlil. Il fait plus frais. Mon chemin commence. Je ne perds pas de temps. J endosse mon sac à dos et, bâtons de trekking en main, j entame la première étape. Le chemin goudronné s achève et l ascension commence. Je me sens très à l aise en marche. Bien équipé pour monter. J ai essayé de ne rien mettre d inutile dans mon sac à dos dans le but d optimiser ma charge. Mais il pèse tout de même environ quinze kilos. Sur mon chemin, je dépasse une jeune fille moderne accompagnée de sa maman. La maman est habillée traditionnellement : une djellaba blanche. Toutes deux marchent assez vite, mais elles sont obligées de temps en temps de reprendre leur souffle, le passage est ascendant et abrupt. J ai compris que la mère ne fait pas ce chemin pour découvrir la région, ni pour faire de la marche. Elles sont là pour rendre visite au saint «chamharouch». Cinq ans auparavant, dans un cadre professionnel, j avais déjeuné avec un guide de montagne de la région. Je l avais questionné sur cet endroit mystérieux, situé au cœur de l Atlas. Je me rappelle sa réponse simple et efficace : «Parmi les gens qui viennent ici, certains souffrent de troubles psychologiques, de maladies chroniques, et beaucoup d entre eux guérissent». Mais peu importe l explication de ce phénomène, le résultat est positif. Je continue mon chemin. L effet de l ascension commence. Mais, pour ma part, il suffit que je m arrête deux minutes pour récupérer toute mon énergie. Je remercie Dieu pour tout ce qu il m a donné, entre autres, en m aidant à devenir sportif depuis quelques 28
années. Je n ai pas toujours été sportif, j ai acquis le virus assez tard et j en ai récolté beaucoup de fruits. Beaucoup de mes amis et collègues, par ignorance des bienfaits du sport, développent d autres dépendances, parfois dangereuses. Après une demi-heure de marche, je m arrête à côté d un ruisseau, non par fatigue, mais pour méditer sur cet endroit calme et reposant. Je fais couler de l eau sur mon visage, mes cheveux, mes bras. Je mange quelques dattes et bois de l eau. Au moment où je m apprête à continuer mon chemin, la mère et sa fille arrivent et s arrêtent pour se reposer. Le sentier devient de plus en plus étroit et la montée plus dure. Au bout d une heure, j aperçois le petit village de Chamharouch. C est là que je m arrête pour prendre mon petit-déjeuner. Le village offre des petits commerces, des chambres à louer et deux petits cafés. Je me libère de mon sac à dos, de mes chaussures, et commande du thé avec une omelette. Ça ressemble à un lieu de pèlerinage. La plupart des gens viennent soigner leurs souffrances. Certains croient qu en sacrifiant un coq ou un mouton, et en mettant des bougies à l intérieur du mausolée, ils vont guérir. J ai entendu dire que certains patients restent longtemps ici, des jours, des mois, voire plus d une année parfois. Par curiosité, je rentre à l intérieur du mausolée, interdit aux non musulmans. Comme s il s agissait d une prescription islamique! Contrairement à plusieurs endroits semblables au Maroc, ici il n y a pas de tombe de saint enterré, mais seulement un grand rocher ayant été érigé. On dit que c est là que réside l âme du roi des Djinns. Les patients rentrent à l intérieur, où s accomplit un rituel de musique. Ce rituel et le sacrifice des animaux sont 2 9