La démocratie, principe de. gouvernement des mutuelles du GEMA



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Transcription:

La démocratie, principe de gouvernement des mutuelles du GEMA Rapport du GEMA établi sous la direction de M. Gérard ANDRECK, directeur général de la MACIF - octobre 2004

dernier trimestre 2004.

La démocratie, principe de gouvernement des mutuelles du GEMA Rapport du GEMA établi sous la direction de M. Gérard ANDRECK, directeur général de la MACIF - Octobre 2004

Sommaire Introduction p.5 Les mutuelles, une autre façon de gouverner les sociétés d assurance p.9 La gouvernance des mutuelles, mélange de prudence et d équilibre p.19 Des conseils d administration mieux organisés p.31 Des assemblées générales plus impliquées p.49 La recherche de l équilibre dans le management p.57 Pour une approche globale de la notation p.61 Liste des personnalités auditionnées p.64 3

Introduction Pourquoi réfléchir aujourd hui à la gouvernance des mutuelles d assurance? Ce sujet n est pas nouveau pour les mutuelles du GEMA puisqu en 1997, la Commission Exécutive adoptait un rapport sur «la modernisation des statuts des sociétés d assurance mutuelles» (généralement connu comme le rapport Andreck) qui portait sur le gouvernement d entreprise des mutuelles, entendu comme «l organisation et la répartition des pouvoirs entre les différentes instances». Ce rapport n a probablement pas eu l écho qu il méritait parce que : - les questions de gouvernance étaient moins à la mode en 1997 qu en 2004, - le rapport Andreck traitait du droit positif des mutuelles plus encore que de leur gouvernement interne. De ce fait il était destiné aux pouvoirs publics et pas au grand public. 5

Introduction Le rapport Andreck, même s il n a pas fait grand bruit sur le moment, a eu des retombées fort importantes pour la mutualité d assurance car il a préparé toutes les réformes législatives et réglementaires qui sont intervenues depuis quelques années, avec le soutien des gouvernements successifs, pour moderniser le droit applicable à ces sociétés : défiscalisation du droit d entrée (ou d adhésion) en 1998 ; création des sociétés de groupe d assurance mutuelles en 2001 ; statut du mandataire mutualiste en 2002 ; possibilité ouverte aux mutuelles d assurance d être constituées avec directoire et conseil de surveillance en 2003. Depuis 1997, les mutuelles du GEMA n ont guère fait parler d elles en des termes qui sembleraient mettre en cause leur gouvernance : elles ont supporté les tempêtes de 1999 et la chute boursière de 2001-2002 sans trop de difficultés ; elles ont réussi à augmenter leurs sociétariats et leurs effectifs, à moderniser leurs outils de production et de gestion. Pour autant, les mutuelles qui sont des entreprises privées opérant sur un marché concurrentiel ne peuvent pas, et ne veulent pas rester à l écart d un vaste mouvement de pensée qui se développe partout dans le monde et dans tous les secteurs d activité (y compris le secteur public). Par delà les difficultés retentissantes qui ont ébranlé certaines valeurs-phares de la bourse française, par delà la masse de littérature qui sort depuis quelques années sur la gouvernance des entreprises (rapports, conférences, propositions de loi, livres blancs ou verts ), les mutuelles du GEMA éprouvent à 6

Introduction nouveau le besoin de réfléchir sur leur gouvernance pour anticiper l évolution de leur cadre réglementaire et prudentiel. Déjà la réglementation oblige les conseils d administration de sociétés d assurance (qu elles soient sociétés par actions ou mutuelles) à produire des documents de plus en plus complexes : rapport de solvabilité, rapport sur la politique des placements, rapport sur la réassurance, et bientôt rapport sur le contrôle interne La charge de travail, et la responsabilité des administrateurs augmentent d année en année. Deux évolutions majeures attendent le secteur des assurances, qui vont accroître encore la complexité des tâches des conseils d administration des sociétés d assurance : les futures normes comptables internationales et les futures règles de solvabilité dites Solvency 2. Ces bouleversements comptables et réglementaires vont mettre entre les mains des conseils d administration des décisions qui aujourd hui leur échappent et qui, demain, seront déterminantes : la gestion prudentielle, les comptes et bilans se feront en effet à partir de projections, de modèles internes sur lesquels les conseils d administration devront engager leur bonne foi et leur crédit. Pour mener leur réflexion, les mutuelles du GEMA ont revisité leur histoire, leur évolution, leurs principes et leurs règles de fonctionnement. Elles tiennent à dire d emblée que les travaux menés jusqu à présent tant en France qu à l étranger ne leur sont pas immédiatement transposables car ils ont été conçus dans le but de protéger les 7

Introduction intérêts patrimoniaux des actionnaires, et notamment des fonds de pension, alors qu elles n ont pas d actionnaires. Au terme de ce travail étayé par quelques auditions (voir liste en annexe), les mutuelles du GEMA ont souhaité consigner dans le rapport ci-après leurs analyses et leurs ambitions sur la gouvernance des mutuelles. Elles ont tenu à rappeler, avant de proposer des mesures pour demain, comment elles sont aujourd hui organisées et en quoi leur gouvernance se démarque de celle des sociétés par actions : ce préalable leur a paru indispensable tant elles ont parfois le sentiment d être méconnues du public, comme des responsables publics ou privés, ou d être trop vite assimilées aux sociétés par actions. Les recommandations à venir s inspirent de la ligne directrice suivante : - oui à une gouvernance encore plus transparente et explicite ; - oui à une gouvernance encore plus efficace et structurée ; - non à un alignement aveugle des modes de gouvernance des mutuelles sur ceux des sociétés cotées. Ce rapport est celui des mutuelles du GEMA. Il n engage pas les autres mutuelles, d assurance ou de santé, qui pourront faire connaître leurs visions du sujet de leur côté et à leur manière. 8

LES MUTUELLES, UNE AUTRE FAÇON DE GOUVERNER LES SOCIÉTÉS D ASSURANCE 1) Des entreprises sous la forme de sociétés de personnes Les manuels de droit des assurances rappellent que les sociétés d assurance mutuelles sont des sociétés de personnes (physiques ou morales) qui fonctionnent de surcroît sans actions, sans capital social proprement dit (et donc sans actionnaires-propriétaires). Les sociétés de personnes, dites parfois encore «sociétés par intérêts», sont toutes celles dont les associés s unissent en considération de leur personnalité, parce qu ils se font mutuellement confiance. L intuitu personae y est donc prédominant. Le terme de société de personnes est d autant mieux employé s agissant des mutuelles, que leur constitution ne résulte pas de l apport d un capital social mais du rassemblement de personnes (physiques ou morales) qui tirent leur force de leur nombre. Plus une mutuelle a d adhérents et plus elle étend son assise économique, financière, sociologique et plus elle garantit son avenir. 9

Les mutuelles une autre façon de gouverner les sociétés d assurance La loi précise que les mutuelles d assurance sont «constituées pour assurer les risques apportés par leurs sociétaires», ce qui montre bien la finalité de l entreprise : il s agit pour les sociétaires de s assurer les uns les autres, chaque personne étant à la fois assureur et assuré. Dans ces sociétés, on attend des sociétaires qu ils participent euxmêmes, directement, à la mutualisation des risques dans une relation gagnant-gagnant : chacun y obtient la couverture d assurance dont il a besoin, mais en contrepartie il participe à la couverture d assurance de tous les autres membres de la mutuelle. Une mutuelle d assurance s analyse donc comme une forme d entreprise privée, radicalement différente des autres : - elle n a pas de capital social et de ce fait elle n appartient pas au secteur capitaliste, - elle n a pas de propriétaires qui pourraient revendiquer des droits sur l entreprise. Non seulement aucune personne extérieure n a de droit ni de pouvoir sur elle, mais aucun de ses sociétaires ne peut revendiquer de droit de propriété sur elle car juridiquement elle n appartient à personne ; - les sociétaires en sont à la fois individuellement les clients et collectivement les patrons ; à eux de faire en sorte que la mutuelle réponde à leurs besoins d assurance aux meilleures conditions. Les mutuelles ont pour finalité première de développer une relation de confiance durable avec leurs sociétaires et non de rémunérer des apporteurs de capitaux 10

Les mutuelles une autre façon de gouverner les sociétés d assurance 2) Des entreprises aux mains de leurs sociétaires Dans des entreprises sans actionnaires, qui ont - comme toutes les autres entreprises - besoin d un pouvoir fort et clairvoyant, le pouvoir, mais aussi la responsabilité de la mutuelle reposent sur les sociétaires. Le droit des assurances fixe le cadre général de l organisation des mutuelles : à la base, une assemblée générale des sociétaires (ou de leurs délégués) «à jour de leurs cotisations» ; cette assemblée générale élit parmi ses membres les membres du conseil d administration qui euxmêmes désignent le président et le directeur général (lorsqu il y a séparation des deux fonctions). La loi ne dit pas jusqu où peut, ou doit aller l implication personnelle des sociétaires : doivent-ils se contenter de participer aux assemblées générales? Doivent-ils aussi participer au management? Aujourd hui les mutuelles du GEMA ressentent le double besoin d accroître l implication des sociétaires dans la vie de l entreprise et de bien marquer les responsabilités : aux sociétaires le pouvoir de contrôle et de sanction, au management (à la technostructure) la compétence et la responsabilité de diriger. A la création des mutuelles, et encore aujourd hui dans certaines mutuelles, on peut voir des sociétaires s occuper directement de la gestion, ou y exercer des fonctions opérationnelles : la gestion des sinistres, le placement des ressources financières, la prospection et l accueil des nouveaux sociétaires. De plus en plus, cependant la gestion opérationnelle est confiée à des personnels salariés recrutés pour 11

Les mutuelles une autre façon de gouverner les sociétés d assurance leur compétence financière, juridique, commerciale, actuarielle, informatique Le fait que les mutuelles œuvrent dans un secteur aussi complexe et réglementé que l assurance pousse à déléguer la gestion opérationnelle à une véritable technostructure avec la cohabitation de deux pôles de responsabilités, le politique (incarné par les sociétaires) et le technique (confié aux salariés). Pour les mutuelles du GEMA, qui travaillent sans intermédiaires, la source de tout pouvoir, et de toute légitimité, appartient à la collectivité des sociétaires ; dans le respect de la loi, c est à eux que revient la charge d organiser la gouvernance de la mutuelle, en disant qui fait quoi et avec quels moyens et quelles responsabilités. A ce titre, les mutuelles sont des entreprises «populaires», non seulement parce qu elles ont vocation à rassembler le plus grand nombre possible de personnes, mais parce qu elles confient à ces personnes la charge de gouverner l entreprise. 3) Des entreprises démocratiques Les sociétaires d une mutuelle ont le devoir d organiser l exercice des responsabilités : pour peu que la mutuelle rassemble des milliers ou des millions de sociétaires, il importe de donner à cette masse des règles d organisation et de délibération. La règle d or de la mutualité est l élection par les sociétaires : dans la plupart des mutuelles, les sociétaires élisent des délégués à l assemblée générale qui eux-mêmes élisent le conseil d administration ; tout se joue et se décide par l élection. 12

Les mutuelles une autre façon de gouverner les sociétés d assurance Le principe «un homme, une voix» est l autre règle d or des mutuelles ; à cet égard, un sociétaire ne se compare pas avec le petit actionnaire d une société par actions parce que, dans une mutuelle, non seulement personne n a la majorité des droits de vote, mais surtout personne n a plus de pouvoir que le voisin : c est à chacun de déterminer ce qui lui paraît bon pour l entreprise et à la majorité de décider. L élection a également l immense avantage de responsabiliser les sociétaires : d une part, parce que de leur vote dépend la vie de l entreprise, d autre part, parce que certains sociétaires vont se voir attribuer les fonctions les plus élevées (administrateurs, président du conseil d administration). Tout sociétaire qui adhère à une mutuelle peut un jour être appelé à y exercer les responsabilités les plus élevées. Les mutuelles s honorent de savoir porter à leur tête des hommes et des femmes choisis parmi et par les sociétaires. Au conseil de la mutuelle des taxis on retrouvera des artisans taxis ; à la mutuelle des militaires des officiers et des sous-officiers ; à la mutuelle des médecins des praticiens de santé de divers statuts (généralistes, spécialistes, para-médicaux ). Ce sont des hommes et des femmes sans prédestination particulière qui peuvent ainsi être propulsés au sommet d entreprises qui ont des milliers de salariés, des millions de clients et des milliards d euros à gérer. Ce système de désignation des élites présente, comme tout système de dévolution du pouvoir, ses avantages et ses inconvénients. Il a l immense mérite de démocratiser le pouvoir économique dans notre pays, en portant au conseil d administration de groupes 13

Les mutuelles une autre façon de gouverner les sociétés d assurance mutualistes plus ou moins importants des hommes et des femmes qui n auraient, autrement, aucune chance d être sélectionnés par les détenteurs ou les gérants de capitaux ni par les habituels réseaux de pouvoir publics ou privés. L expérience a montré que les élus mutualistes exercent la plupart du temps leurs mandats et fonctions dans un but désintéressé : ils acceptent de donner de leur temps pour faire vivre leur mutuelle, sans espoir d en retirer un gain pécuniaire ni une reconnaissance sociale particuliers. La logique de ces entreprises est de faire confiance aux élus et de leur confier des responsabilités lourdes. On verra ci-après que dans la plupart des mutuelles, les personnes appelées à siéger au conseil d administration font l objet d une sélection qui vise à présenter au suffrage de l assemblée générale des candidats reconnus capables, et désireux d exercer les responsabilités au mieux des intérêts de leur mutuelle. Il faut enfin noter que dans les mutuelles les plus importantes, le processus d élection des administrateurs a tendance à se complexifier. Dans les mutuelles de petite taille, l ensemble des sociétaires est appelé à désigner les membres du conseil d administration au cours des votes d assemblées générales. Dans les mutuelles qui rassemblent plusieurs millions de sociétaires, cette démocratie directe n est plus praticable ; les sociétaires ont donc été répartis, souvent sur une base géographique (départements, régions ), pour élire des délégués qui euxmêmes ensuite participent aux assemblées générales, ou qui élisent ceux d entre eux qui participent auxdites assemblées : on se trouve 14

Les mutuelles une autre façon de gouverner les sociétés d assurance alors face à de véritables pyramides électorales, où, du bas en haut de l échelle, tous les représentants des sociétaires sont soumis à l élection. Il appartient à chaque mutuelle, dans ses statuts, d organiser ses modes de désignation des représentants des sociétaires. Il n existe pas de modèle-type, mais la construction pyramidale et décentralisée de désignation des administrateurs est une spécificité des entreprises mutualistes (et coopératives) ; dans les mutuelles, le pouvoir part de la base du sociétariat et les responsabilités exercées s accroissent au fur et à mesure qu on se rapproche du sommet. 4) Une culture d entreprise qui privilégie la promotion interne Dans les mutuelles prévaut un état d esprit, disons une culture d entreprise qui conduit à privilégier la sélection des dirigeants par la promotion interne. De la même façon que les administrateurs sont des sociétaires ordinaires «sortis du rang» par le suffrage électoral, les conseils d administration, qui désignent le haut encadrement, privilégient la promotion interne comme processus de détection et de sélection des compétences et des mérites. La promotion interne permet de confier les responsabilités à des hommes ou à des femmes qui connaissent bien l entreprise et qui ont fait la preuve de leur attachement. La promotion interne est également une garantie donnée aux administrateurs que le haut encadrement a eu le temps pour comprendre comment fonctionne la mutuelle, ses valeurs et ses modes 15

Les mutuelles une autre façon de gouverner les sociétés d assurance d organisation. Ce principe n interdit pas de recruter à l extérieur les cadres dont la mutuelle a besoin ; mais en règle générale, une mutuelle préfère recruter des jeunes qu elle forme et qu elle hisse au fil des ans vers le haut de la hiérarchie. Un autre aspect de la culture mutualiste est une approche volontairement maîtrisée de la politique de rémunération des dirigeants. La réglementation interdit aux dirigeants (membres du conseil d administration ou membres de la direction générale) de voir leurs rémunérations liées au chiffre d affaires. Par construction, l absence de capital social empêche de les rémunérer sous forme de stockoptions ou de titres de capital. La réglementation pose enfin le principe que les fonctions d élu mutualiste sont bénévoles et donc ne peuvent donner lieu à rémunération que dans des conditions limitées. Cet ensemble de principes et de contraintes fait qu il règne, en général, dans les états-majors des mutuelles une réelle discipline salariale. Les administrateurs, et les autres élus mutualistes, sont défrayés des frais qu ils exposent du fait de leur participation aux organes sociaux (frais de séjour et de déplacement) ; ils peuvent également, si l assemblée générale l autorise, recevoir une indemnité calculée à partir du temps passé au service de la mutuelle. Pour être très concret, on peut dire que les indemnités de fonction d un administrateur de mutuelle varient, à ce jour, entre zéro et quelques milliers d euros par an. 16

Les mutuelles une autre façon de gouverner les sociétés d assurance Dans la culture mutualiste, l enrichissement financier personnel ne constitue pas la motivation première des dirigeants. Les mutuelles du GEMA, qui depuis leur création ont essayé d accorder à leurs salariés des avantages matériels substantiels, sont unanimes à considérer que la modération salariale de leurs dirigeants est fondamentale, et elles sont conscientes que personne dans notre pays ne comprendrait que les administrateurs et le haut encadrement tirent des sommes disproportionnées du management d une mutuelle d assurance. 17

LA GOUVERNANCE DES MUTUELLES, MELANGE DE PRUDENCE ET D ÉQUILIBRE Les mutuelles d assurance sont-elles bien «gouvernées»? Sont-elles mieux gouvernées que les compagnies d assurance traditionnelles? 1) Une gouvernance différente Le sentiment des membres du GEMA est que leur gouvernance est très différente de la gouvernance des sociétés par actions, et qu en conséquence, avant de juger l une par rapport à l autre, il convient de bien appréhender leurs spécificités. De ce qui précède émergent trois différences lourdes : - dans une société par actions, le pouvoir «descend» du capital vers le management ; dans une mutuelle, le pouvoir remonte de la base vers le management. Dans un cas, l autorité arrive avec et est conférée par la détention du capital ; dans l autre, l autorité émane du vote et de l adhésion des sociétaires. 19

La gouvernance des mutuelles, mélange de prudence et d équilibre - une société par actions est faite pour dégager des bénéfices qui permettent de rémunérer le capital ; c est largement en fonction de la capacité de la société à faire fructifier le capital que le management est jugé. Une mutuelle n est pas faite pour dégager des bénéfices puisqu elle est définie par la loi comme «non commerciale», «à but non lucratif», «à gestion désintéressée». Il ne lui est pas interdit d en faire, mais l objectif premier d une mutuelle est la satisfaction des besoins d assurance de ses sociétaires, dans le cadre normal de la gestion d une entreprise. Cette différence de finalité change le rapport du management à l argent et, par voie de conséquence, les préoccupations d enrichissement personnel que pourraient avoir les administrateurs ou les dirigeants. Lorsqu une mutuelle cherche à gagner de l argent, ce n est pas pour enrichir le management mais pour mieux servir les sociétaires, pour solidifier l entreprise. - une mutuelle obéit à des processus de décision différents de ceux d une société par actions. Un actionnaire de référence peut dicter sa loi à une société par actions et prendre très rapidement des décisions. Dans la culture mutualiste, les décisions sont précédées de débats, d explications ; elles se prennent au sommet, c est-à-dire au conseil d administration ou à l assemblée générale, et sont généralement marquées par une grande prudence. Dans une mutuelle, la décision est collective, ce qui ne veut pas dire qu elle soit toujours consensuelle : comme dans toute organisation, il peut y avoir des divergences, voire des oppositions. 20

La gouvernance des mutuelles, mélange de prudence et d équilibre A vrai dire, les mutuelles du GEMA ont l impression que leur gouvernance est, par essence, moins dangereuse que celle des sociétés par actions. Non qu elle soit parfaite, et des exemples passés ont montré qu elle peut déraper elle aussi, mais la structure juridique de la mutuelle et sa culture spécifique influent fortement sur les modes de gouvernance dans le sens de la prudence, de la recherche du consensus, d un minimum de maturation et d explication des choix et décisions. 2) Une gouvernance mesurée Les mutuelles du GEMA ont la conviction que leur gouvernance a produit jusqu à présent moins de catastrophes que n en ont connues les sociétés par actions ; probablement parce que l état d esprit n y répond pas à la même logique. Dans une société par actions, l actionnaire majoritaire est prépondérant et peut, s il le souhaite, décider de tout ; telle n est pas la situation dans les mutuelles dont les administrateurs procèdent de l élection : la diversité géographique, professionnelle, politique, sociologique des administrateurs fait que les débats y sont toujours ouverts et que le management y est probablement mieux contrôlé que dans les sociétés par actions. A l inverse, et comme contre-épreuve, on peut constater que les quelques mutuelles qui ont connu des difficultés dans un passé récent sont celles dont le pouvoir de décision a été accaparé par un homme ou par un clan, qui ont cherché à museler le conseil d administration. 21

La gouvernance des mutuelles, mélange de prudence et d équilibre Cette comparaison tend à montrer que la bonne gouvernance des mutuelles passe par une bonne représentation de la diversité des sociétaires dans toutes les instances statutaires (assemblée générale, conseil d administration), de sorte que les principales préoccupations, les principaux centres d intérêt des sociétaires puissent s exprimer et se confronter : ainsi la majorité décide après que tous les points de vue ont pu être entendus. Dans les mutuelles plus que dans les sociétés par actions, le cœur du pouvoir et des responsabilités se situe au conseil d administration, car c est à ce niveau que s exprime la diversité des sensibilités et que se définissent, malgré cela, une stratégie commune et une vision partagée pour l entreprise. Une rapide enquête effectuée dans les mutuelles membres du GEMA montre le rôle central des conseils d administration. En 2003, les mutuelles du GEMA ont, en moyenne, réuni sept fois dans l année leur conseil d administration, soit à un rythme d une fois tous les deux mois. Au sein des conseils d administration les administrateurs sont nombreux, ce qui s explique par la nécessité de faire sa place à la diversité des sociétaires : 19 administrateurs en moyenne. Ils sont souvent plus nombreux dans les mutuelles décentralisées, où chaque région demande à être représentée, que dans les mutuelles centralisées. 22

La gouvernance des mutuelles, mélange de prudence et d équilibre L âge moyen des administrateurs est de 58 ans, ce qui tendrait à prouver que la démocratie mutualiste est d un naturel prudent : elle confie le pouvoir à des hommes (trop rarement des femmes) d expérience. Ces quelques éléments chiffrés montrent que le conseil d administration est très présent dans la vie de la mutuelle et que, pour le management, le passage en conseil d administration n est pas une simple formalité : c est réellement le lieu où se prennent les décisions les plus importantes, et celui qui n accepterait pas cette discipline serait certainement écarté des responsabilités. Comme dans toute organisation démocratique, le respect des formes, des procédures, des règles de droit fait partie de la culture des entreprises mutualistes : on ne «badine» pas avec un conseil d administration de mutuelle. C est pour préparer ces temps forts que constituent les séances de conseil d administration que nombre de mutuelles du GEMA ont institué des bureaux qui occupent une place variable, mais souvent importante dans la prise des décisions. 3) Les critiques et la valeur des critiques Les dirigeants du GEMA ont procédé à un certain nombre d auditions pour comprendre comment sont perçus, de l extérieur, leurs modes de fonctionnement et de commandement. On pourrait rassembler l essentiel des critiques dans deux rubriques : opacité des règles du jeu ; abus de position dominante des dirigeants. 23

La gouvernance des mutuelles, mélange de prudence et d équilibre L opacité des règles du jeu recouvre deux reproches : d abord personne ne serait au courant de ce qui se passe dans les mutuelles ; ensuite et surtout, le sentiment prédomine que, par delà les règles statutaires, le pouvoir se confère et s exerce entre un petit cercle d initiés qui n auraient de compte à rendre qu à eux-mêmes. Les observateurs extérieurs disent que les mutuelles sont effectivement et généralement correctement gouvernées, mais ils ne voient pas selon quels processus décisionnels les choix sont faits : d où l image de «boîte noire», de «main invisible» qui prévaut. Il est indéniable que dès lors qu elles ne sont pas cotées en bourse et qu elles ne font pas appel public à l épargne (alors même qu elles y sont autorisées par la loi), les mutuelles n ont aucune obligation de communication, de transparence vis-à-vis de l extérieur. Elles ont un devoir d information en interne, à destination de leurs sociétaires et de leurs salariés, mais elles n ont aucun compte à rendre au grand public, aux marchés. D où le fait que «l homme de la rue» est beaucoup mieux informé sur les résultats annuels et la situation financière des grands groupes cotés, que sur les résultats du secteur mutualiste. La relative discrétion dont font preuve généralement les mutuelles d assurance fait partie de leur culture originelle de sociétés de personnes. Quand on voit, par comparaison, le «tintamarre» que font certaines entreprises, ou certains dirigeants d entreprises cotées en bourse, on doit se demander laquelle des deux politiques de communication est la meilleure pour l entreprise. 24

La gouvernance des mutuelles, mélange de prudence et d équilibre Face à ce reproche tenant au déficit de communication des mutuelles à destination de l extérieur, deux attitudes sont possibles : - soit dire que les mutuelles n ont pas à s adresser à d autres publics que leurs sociétaires ; dans cette perspective, la règle de bonne gouvernance à poser, mais à respecter, est de s engager à fournir aux sociétaires les informations nécessaires et suffisantes pour leur permettre de juger la marche de leur mutuelle et de pouvoir réagir lorsque leurs intérêts sont en jeu ; - soit considérer que les mutuelles, et notamment les plus grandes, ont atteint une telle part du marché de l assurance que leur situation intéresse tout le monde ; si l on admet que les mutuelles ont à cet égard un rôle «citoyen» à remplir, alors il faut admettre qu elles devraient plus largement communiquer. L autre reproche souvent fait à la gouvernance des mutuelles est l impression de «boîte noire» que donnent les processus de sélection des dirigeants et de prise des décisions. Le processus électoral, qui fonde l organisation et la chaîne de commandement des mutuelles, donne souvent l impression d être tellement bien organisé qu il en devient encadré : le système des listes uniques, dans lequel les sociétaires ont le choix entre voter pour la liste ou s abstenir, est très éloigné des élections politiques dans lesquelles il y a généralement pléthore de listes et de candidatures. Les sociétaires peuvent avoir le sentiment que leur vote est orienté par le recours à des candidats officiels (comme on disait sous 25

La gouvernance des mutuelles, mélange de prudence et d équilibre le Second Empire) dont ils ne voient pas pour quelles raisons ils ont été choisis ni même par qui : par la direction générale? Par le conseil d administration? Par des «primaires» auxquels certains sociétaires auraient accès et pas d autres? Cette impression d opacité est renforcée par le fait que chaque mutuelle a forgé, avec le temps, pour des raisons historiques ou sociologiques, son système démocratique propre et que les processus électoraux sont très différents d une mutuelle à l autre ; d où le sentiment que des règles taillées sur mesure président à l organisation de la vie démocratique, et que de ce fait la démocratie y est plus une apparence qu une réalité. Il en va des entreprises comme des Etats : elles ont besoin de majorité pour définir et soutenir une action. Rien ne serait pire, s agissant d une entreprise privée soumise à tous les aléas de la concurrence, que d être bloquée dans son fonctionnement et dans son développement, soit par des batailles électorales permanentes et paralysantes, soit par l absence d une majorité de gouvernement capable d arrêter et d endosser les choix stratégiques : à la différence de l Etat, qui a (en théorie) l éternité devant lui, une entreprise a besoin de rapidité de décision, de réactivité, de capacité de mouvement. On peut donc justifier que l exercice du suffrage démocratique soit organisé. Mais en ce cas, il faut que les mutuelles expliquent à leurs sociétaires comment est organisé l ensemble du processus électoral qui les régit. 26