CINQUIÈME SECTION DÉCISION

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Transcription:

CINQUIÈME SECTION DÉCISION Requête n o 8766/14 Patrick ALONZO contre la France La Cour européenne des droits de l homme (cinquième section), siégeant le 16 décembre 2014 en un comité composé de : Ganna Yudkivska, présidente, Vincent A. De Gaetano, André Potocki, juges, et de Stephen Phillips, greffier de section, Vu la requête susmentionnée introduite le 21 janvier 2014, Vu les déclarations formelles d acceptation d un règlement amiable de l affaire, Après en avoir délibéré, rend la décision suivante : EN FAIT Le requérant, M. Patrick Alonzo, est un ressortissant français né en 1985 et détenu au centre pénitentiaire de Béziers. Il est représenté devant la Cour par M e J.-R. Nguyen Phung, avocat à Montpellier. Les faits de la cause, tels qu ils ont été exposés par le requérant, peuvent se résumer comme suit. Mis en examen le 28 septembre 2010 des chefs de viols et agressions sexuelles sur mineure de 15 ans entre 2002 et le 15 avril 2004 et des chefs de viols et agressions sexuelles entre le 16 avril 2004 et février 2010 sur la personne de M.G., le requérant fut placé en détention provisoire le même jour. Il fit, par la suite, l objet de deux mises en examen supplétives pour des faits identiques mais commis sur deux autres personnes, la première le 14 mars 2011 et la seconde le 21 mars 2011. Par une ordonnance du 15 mai 2012, confirmée en appel par la chambre de l instruction de la cour d appel de Nîmes le 13 septembre 2012, le juge d instruction du tribunal de grande instance de Nîmes dit n y avoir lieu à

2 DÉCISION ALONZO c. FRANCE suivre des chefs d agressions sexuelles mais renvoya le requérant devant la cour d assises du Gard pour tous les autres chefs de mise en examen. Le 30 mars 2013, la cour d assises du département du Gard, relevant que le requérant était notamment renvoyé devant elle pour des faits commis entre 2002 et le 15 avril 2004 et qu il avait atteint la majorité le 18 décembre 2003, constata son incompétence pour les faits commis antérieurement à cette date. Pour la partie des faits commis alors que le requérant était devenu majeur, la cour d assises qui, juridiquement, pouvait ordonner la disjonction des faits afin de connaître des actes d accusation reprochés au requérant du temps de sa majorité, choisit de se déclarer incompétente pour le tout, dit n y avoir lieu à disjonction et renvoya le ministère public à mieux se pourvoir. Face à ce conflit négatif de juges, généré par la contrariété entre elles de deux décisions de la chambre de l instruction et de la cour d assises, le procureur général près la cour d appel de Nîmes, le 6 juin 2013, saisit la chambre criminelle de la Cour de cassation aux fins de voir désigner la cour d assises des mineurs pour juger le requérant de l ensemble des faits qui lui étaient reprochés. Par ailleurs, dans l attente de la décision de la Cour de cassation et parce que le titre de détention du requérant devait expirer le 13 septembre 2013, soit à l expiration d une année de détention provisoire après l arrêt de la chambre de l instruction en application de l article 181 du code de procédure pénale, le procureur général requit la prolongation de la détention provisoire du requérant pour une nouvelle période de six mois. Par un arrêt du 2 juillet 2013, la chambre de l instruction de la cour d appel de Nîmes fit droit à cette requête en invoquant, pour justifier le maintien en détention provisoire du requérant, le risque de pression sur les victimes et le trouble exceptionnel et persistant à l ordre public causé par les faits criminels reprochés à ce dernier. Le pourvoi du requérant contre cet arrêt fut rejeté par la Cour de cassation le 8 octobre 2013. Le 26 juin 2013, la chambre criminelle de la Cour de cassation fit droit à la requête du procureur général en renvoyant la cause et le requérant devant la cour d assises des mineurs du Gard. En parallèle de cette procédure, le requérant forma, du 4 juin 2013 au 16 septembre 2013, six demandes de mise en liberté. Par un arrêt du 21 juin 2013, la chambre de l instruction de la cour d appel de Nîmes rejeta la première demande de mise en liberté aux motifs suivants : «Attendu qu à la date de l arrêt de mise en accusation, soit le 13 septembre 2012, Patrick Alonzo était détenu depuis moins de deux ans ; Que, compte tenu de la multiplicité des faits reprochés, de leur durée et des dénégations de Patrick Alonzo nécessitant de très nombreuses mesures d instruction, auditions, expertises médicales et psychologiques et de longues et difficiles investigations (notamment les auditions de nombreux témoins), l instruction a été conduite avec une particulière diligence ;

DÉCISION ALONZO c. FRANCE 3 Que Patrick Alonzo a comparu devant la cour d assises du Gard moins de neuf mois à compter de l arrêt de mise en accusation ; Qu enfin, le Procureur Général près la Cour d appel de Nîmes a, dès le 6 juin 2013, saisi la chambre criminelle de la Cour de cassation aux fins de trancher le conflit négatif de juridictions ; Attendu qu il est ainsi démontré que les décisions successives sont intervenues avec diligence et que compte tenu de l exercice des voies de recours, les diverses juridictions ont statué dans des délais raisonnables, la détention provisoire n ayant pas elle-même excédé un délai raisonnable, au regard des critères de l article 144-1 du code de procédure pénale ; Attendu que les faits qui pèsent sur Patrick Alonzo se rapportent à des faits criminels multiples qui ont causé un trouble exceptionnel et persistant à l ordre public en raison des circonstances de leur commission tant au regard de leur nature, de leur durée que du contexte de menaces, de chantage et de manipulation mentale dans lequel ils ont été commis ; Que ces faits ont entraîné chez les trois parties civiles des répercussions graves et durables sur leur état de santé physique et psychique, vivant, comme leurs proches, dans une angoisse permanente d être confrontées à l accusé ; Que contrairement à ce que soutient le conseil de Patrick Alonzo, il ne s agit donc pas là d une conception abstraite de l ordre public «décroissant nécessairement au fil du temps» ; Que la remise en liberté de Patrick Alonzo serait de nature à nuire au bon déroulement du procès, les débats étant oraux, un risque de pression sur les victimes, particulièrement vulnérables et éprouvées, ainsi que sur les témoins, n étant pas à exclure à ce stade certes ultime mais décisif de la procédure, et ce d autant que l intéressé se propose de résider à Montpellier, ville très proche du lieu des faits et du domicile des parties civiles ; Qu il est essentiel de préserver la sérénité des débats en Cour d assises.» Les demandes de mise en liberté suivantes du requérant furent également rejetées, la chambre de l instruction motivant ses décisions principalement par le risque de pression sur les parties civiles et les témoins et sur le trouble exceptionnel et persistant à l ordre public généré par les faits reprochés au requérant. Le requérant forma, en août 2013, une requête pour cause de suspicion légitime, tendant au renvoi de la connaissance du contentieux de la liberté devant une autre juridiction du même ordre. Il soutint en effet que la chambre de l instruction de la cour d appel de Nîmes, étant à l origine de son renvoi devant une juridiction incompétente et, in fine, de l allongement de la durée de la procédure, ne pouvait statuer de manière impartiale sur ses demandes de mise en liberté. Le 11 septembre 2013, la Cour de cassation rejeta la requête. Le 20 novembre 2013, la cour d assises des mineurs du Gard déclara le requérant coupable d une partie des faits reprochés et le condamna à la peine de quinze ans de réclusion criminelle. L appel interjeté par le requérant contre cette décision est pendant.

4 DÉCISION ALONZO c. FRANCE GRIEFS Le requérant allègue que sa détention provisoire, qui s est achevée à la suite de l arrêt de la cour d assises des mineurs le 20 novembre 2013, a dépassé le délai raisonnable tel que prévu par les articles 5 3 et 6 1 de la Convention. Il soutient que cette durée excessive s explique par la carence des autorités judiciaires, celles-ci l ayant notamment renvoyé devant une juridiction incompétente. EN DROIT Le requérant se plaint de la durée de sa détention provisoire qu il juge excessive. Il allègue à cet égard une violation de l article 5 3 de la Convention ainsi libellé : «Toute personne arrêtée ou détenue, dans les conditions prévues au paragraphe 1 c) du présent article (...) a le droit d être jugée dans un délai raisonnable, ou libérée pendant la procédure. La mise en liberté peut être subordonnée à une garantie assurant la comparution de l intéressé à l audience.» Après l échec des tentatives de règlement amiable, le Gouvernement a, par des courriers du 30 septembre 2014, fait parvenir à la Cour une déclaration unilatérale afin de résoudre la question soulevée par la requête. Il a, en outre, invité la Cour à rayer celle-ci du rôle en application de l article 37 de la Convention. Par cette déclaration, le Gouvernement a reconnu que la durée de la détention provisoire subie par le requérant avait été excessive au regard des exigences du délai raisonnable posées par l article 5 3 de la Convention. Le Gouvernement a proposé de payer au requérant la somme de 4 500 euros (quatre mille cinq cents euros). Pour le reste, la déclaration était ainsi libellée : «Cette somme ne sera soumise à aucun impôt et sera versée sur le compte bancaire indiqué par le requérant dans les trois mois à compter de la date de l arrêt de radiation rendu par la Cour sur le fondement de l article 37 1 c) de la Convention. Le paiement vaudra règlement définitif de la cause.» Par une lettre du 27 octobre 2014, le requérant a indiqué qu il n était pas satisfait des termes de la déclaration unilatérale et qu il n acceptait pas le montant de la compensation proposée. Il insistait pour que sa requête soit examinée par la Cour, notamment parce qu il affirmait être toujours en détention provisoire. La Cour rappelle qu en vertu de l article 37 de la Convention, à tout moment de la procédure, elle peut décider de rayer une requête du rôle lorsque les circonstances l amènent à l une des conclusions énoncées aux

DÉCISION ALONZO c. FRANCE 5 alinéas a), b) ou c) du paragraphe 1 de cet article. L article 37 1 c) lui permet en particulier de rayer une affaire du rôle si : «pour tout autre motif dont la Cour constate l existence, il ne se justifie plus de poursuivre l examen de la requête». La Cour rappelle aussi que, dans certaines circonstances, il peut être indiqué de rayer une requête du rôle en vertu de l article 37 1 c) sur la base d une déclaration unilatérale du gouvernement défendeur même si le requérant souhaite que l examen de l affaire se poursuive. À cette fin, la Cour doit examiner attentivement la déclaration à la lumière des principes que consacre sa jurisprudence, en particulier l arrêt Tahsin Acar (Tahsin Acar c. Turquie (question préliminaire) [GC], n o 26307/95, 75-77, CEDH 2003-VI, WAZA Spółka z o.o. c. Pologne (déc.), n o 11602/02, 26 juin 2007, et Sulwińska c. Pologne (déc.), n o 28953/03, 18 septembre 2007). En l espèce, la Cour prend acte de la déclaration formelle du Gouvernement. Elle note qu elle s est déjà prononcée sur la question d une durée de la détention provisoire inhabituellement longue (Garriguenc c. France, n o 21148/02, 49, 10 juillet 2008 ; Paradysz c. France, n o 17020/05, 66, 29 octobre 2009 ; Letellier c. France, 26 juin 1991, 35, série A n o 207 ; I.A. c. France, 23 septembre 1998, 102, Recueil des arrêts et décisions 1998 VII ; Debboub alias Husseini Ali c. France, n o 37786/97, 9 novembre 1999 ; P.B. c. France, n o 38781/97, 1 er août 2000). Eu égard à la nature des concessions que renferme la déclaration du Gouvernement, ainsi qu au montant de l indemnisation proposée qui est conforme aux montants alloués dans des affaires similaires, la Cour estime qu il ne se justifie plus de poursuivre l examen de ce grief (article 37 1 c)). À cet égard, il convient de souligner que la Cour attache une importance particulière au fait que la détention provisoire du requérant, au sens de l article 5 3 de la Convention, a pris fin le 20 novembre 2013 avec sa condamnation par la cour d assises des mineurs (Zdziarski c. Pologne, n o 14239/09, 22-24, 25 janvier 2011, et Bieniek c. Pologne, n o 46117/07, 22, 1 er juin 2010). En outre, à la lumière des considérations qui précèdent, et eu égard en particulier à sa jurisprudence claire et abondante à ce sujet, la Cour estime que le respect des droits de l homme garantis par la Convention et ses Protocoles n exige pas qu elle poursuive l examen de ce grief (article 37 1 in fine). Enfin, la Cour souligne que, dans le cas où le Gouvernement ne respecterait pas les termes de sa déclaration unilatérale, la requête pourrait être réinscrite au rôle en vertu de l article 37 2 de la Convention (Josipović c. Serbie (déc.), nº 18369/07, 4 mars 2008). Partant, il convient de rayer le restant de la requête du rôle en application de l article 37 1 c) de la Convention.

6 DÉCISION ALONZO c. FRANCE Par ces motifs, la Cour, à l unanimité, Prend acte des termes de la déclaration du gouvernement défendeur concernant l article 5 3 de la Convention et des modalités prévues pour assurer le respect des engagements ainsi pris ; Décide de rayer le restant de la requête du rôle en application de l article 37 1 c) de la Convention. Stephen Phillips Greffier Ganna Yudkivska Présidente